5-63

5-63

Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 14 JUIN 2012 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Christie Morreale au secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale sur «l'utilisation du tachygraphe digital dans le secteur du transport routier» (no 5-598)

Mme la présidente. - Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi, répondra.

Mme Christie Morreale (PS). - Depuis le 5 août 2005, dans tous les États membres de l'Union Européenne mais aussi en Suisse, en Islande et en Norvège, tous les camions doivent être équipés d'un tachygraphe digital. Cet appareil, plus performant que l'ancien, enregistre dans sa mémoire plusieurs données, dont les temps de conduite et de repos du conducteur.

Le tachygraphe favorise la concurrence loyale, facilite la gestion des entreprises de transport, mais surtout améliore la sécurité routière en garantissant des conditions de travail décentes au chauffeur.

Pourtant, des moyens existent pour falsifier les données enregistrées et permettre aux chauffeurs de ne pas respecter les temps de conduite et de repos prescrits. Ainsi, un simple aimant placé au bon endroit sur le capteur - ce que les garagistes appellent la carotte - de la boîte de vitesse permet de troubler l'intégrité de l'enregistrement. Dans ce cas, même si le chauffeur continue à conduire, ce temps serait comptabilisé comme temps de repos.

Sur 132 poids lourds contrôlés par la police fédérale en Belgique en avril dernier, 26 fraudes au tachygraphe ont été constatées. Les chiffres sont éloquents. Les dangers de telles pratiques, tant pour le chauffeur que pour les autres automobilistes, sont à souligner.

Il semblerait que diverses options soient à l'étude à l'échelon européen pour limiter les fraudes dans ce secteur. Parmi celles-ci, le couplage d'un système de navigation au tachygraphe digital permettrait certainement de renforcer le contrôle des réglementations sur les temps de conduite et de repos. Ce 31 mai 2012, La commission du Transport du parlement européen a d'ailleurs voté un avis favorable.

Il me revient par ailleurs que dans certaines entreprises de transport, les employeurs forceraient leurs travailleurs à falsifier les données de l'appareil d'enregistrement. Si ces faits étaient avérés, il pourrait être opportun de revoir le système de sanctions actuellement appliqué de manière à impliquer autant le commanditaire que l'employé.

Madame la ministre, avez-vous connaissance des délais dans lesquels les décisions prises au niveau européen pourront être appliquées en Belgique et de la teneur des propositions ? Des mesures sont-elles prévues ou à l'étude chez nous pour intensifier la lutte contre ce type de fraude ?

Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi. - Madame la sénatrice, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre question qui touche à un élément fort actuel de la lutte contre la fraude dans le secteur du transport routier ; c'est volontiers que j'y réponds au nom du secrétaire d'État Crombez, lequel a dû se faire excuser pour cette séance étant donné qu'il devait assister à Rome à une conférence internationale sur la fraude.

Dans le cadre d'une concertation sur la lutte contre la fraude dans le secteur du transport routier, à laquelle sont notamment associés mon collègue M. Wathelet, mais aussi divers services d'inspection sociale ainsi que l'inspection du SPF Mobilité, nous oeuvrons actuellement à l'optimisation du contrôle sur le transport routier en fonction des défis qui se posent aujourd'hui.

Parmi ceux-ci, il y a à coup sûr la lutte contre les abus relatifs au tachygraphe numérique. Comme vous le dites fort justement, l'enregistrement correct sur le tachygraphe numérique peut être facilement contourné par les chauffeurs à l'aide d'un aimant installé au niveau de la boîte de vitesses. Les services d'inspection confirment être confrontés à ce type de pratique lors de leurs contrôles. Nous sommes convaincus que l'instauration d'un couplage du tachygraphe numérique avec un GPS permettra de réduire sensiblement les possibilités d'abus, puisque ce dispositif enregistre les trajets réels.

Au sein de la commission des Transports du parlement européen et à la suite de la communication de la Commission européenne à cet égard, l'instauration à l'échelle européenne du couplage avec un GPS est actuellement prévue en 2018 au plus tôt.

Je réalise que cela n'offre pas de solution immédiate aux problèmes urgents qui se posent au secteur du transport routier, mais je tiens cependant à souligner que l'accroissement des efforts des différents services d'inspection concernés, la mise à disposition des meilleurs instruments de contrôle et la promotion de collaborations dans le cadre des actions de contrôle nous permettront de renforcer considérablement la lutte contre la fraude au sein du secteur.

II entre dès lors dans mes intentions, dans l'attente de la réglementation européenne sur le couplage GPS, de miser sur le renforcement des efforts en matière de contrôle et sur l'amélioration des instruments dont disposent les inspecteurs sur le terrain. Entre-temps, nous ne manquerons évidemment pas d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour préparer l'instauration du couplage GPS en Belgique.

Mme Christie Morreale (PS). - Je remercie la ministre pour sa réponse. Ce métier difficile est soumis à une forte concurrence. L'actualité montre que l'Europe incite d'ailleurs à cette concurrence entre les travailleurs, ce qui est toujours malsain. On ne peut reprocher à ceux qui vivent dans des conditions plus précaires que les nôtres de vouloir venir travailler en Belgique ou d'accepter un emploi dans des prétendues succursales à Bratislava ou ailleurs.

Je pense que la situation sera harmonisée dans les prochaines années. Cela dit, c'est à nous, autorités publiques, qu'il appartient de fixer des règles visant à défendre le secteur des transports tout en assurant aux travailleurs des conditions de sécurité dignes et correctes.

Je n'ai pas reçu d'informations sur la date de mise en oeuvre du système ni sur d'éventuelles sanctions contre le travailleur qui serait forcé ou poussé à tricher. L'instauration du couplage dont vous avez parlé prendra du temps. Par ailleurs, selon les travaux du parlement européen, les tachygraphes digitaux de deuxième et troisième générations ne seraient peut-être pas touchés.

Par ailleurs, j'apprends qu'un GPS n'est pas systématiquement mis à la disposition des chauffeurs de camion et qu'ils doivent donc l'acheter eux-mêmes.

Je pense que les secrétaires d'État Crombez et Wathelet sont conscients du problème. Le sujet est certes complexe et technique, mais il faut être attentif au sort des travailleurs et faire en sorte que ce métier puisse encore s'exercer en Belgique.

Le secteur de la logistique et du transport est un pôle essentiel, notamment en Wallonie. Nous devons lui consacrer une part importante de notre énergie ; je ne doute pas que MM. Crombez et Wathelet y travailleront.