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6 JUIN 2012
La Belgique dispose d'un filet social bien développé qui permet de venir en aide à de très nombreuses personnes mais qui, malheureusement, est aussi utilisé par certains de façon abusive. Ces abus vont de la fraude au domicile à celle aux allocations ou à l'identité.
Les pouvoirs publics sont régulièrement confrontés à des personnes qui prennent certaines libertés avec la sécurité sociale, avec la fiscalité et/ou avec la loi. Ces comportements jettent le discrédit sur les personnes qui perçoivent à bon droit une allocation. Ils minent la solidarité, constituent un mauvais exemple et nuisent à la légitimité du système de sécurité sociale ainsi qu'à la solidarité mutuelle.
Ces types de fraudes font perdre beaucoup d'argent aux CPAS en allocations indûment versées, à tel point qu'on peut parler de vol au préjudice du contribuable. Il est vrai que le fraudeur est doublement gagnant: il reçoit à tort de l'argent de la collectivité, par l'intermédiaire du CPAS, et ne doit personnellement payer aucun impôt sur ces sommes parce qu'elles ne sont soi-disant pas assimilables à des revenus. Le contribuable est quant à lui doublement spolié: il paie ses propres impôts, même s'il ne bénéficie pas des aides offertes, mais paie en même temps les impôts de ceux qui abusent du système. La solidarité est nécessaire, mais elle n'est supportable et défendable que si ces abus sont combattus. Les moyens des CPAS étant limités, l'idéal est qu'ils profitent à ceux qui en ont vraiment besoin.
C'est la raison pour laquelle il est temps de mettre un frein à de telles pratiques. Les CPAS d'Anvers, de Bruxelles, de Namur et de Gand ont déjà créé une cellule de prévention et de lutte contre les fraudes. Les CPAS de petite taille n'ont cependant pas les moyens ni l'envergure suffisante pour affecter un agent exclusivement à la prévention et à la lutte contre les fraudes. Certaines communes de petite taille redoutent actuellement l'arrivée de fraudeurs délaissant les villes qui ont instauré des contrôles, pour d'autres moins organisées.
Des faits récents l'ont confirmé: des CPAS de petite taille ne sont pas non plus épargnés. C'est bien la preuve qu'il s'impose de créer à leur intention une cellule de prévention et de lutte contre les fraudes. Si l'on combat ces fraudes, les CPAS pourront récupérer chaque année plusieurs milliers d'euros et les redistribuer à ceux qui en ont réellement besoin. La présente proposition de loi a pour objectif d'encourager la création de cellules éventuellement supralocales chargées de prévenir et de combattre la fraude sociale. L'idéal serait que ces cellules emploient des fonctionnaires dont les compétences s'inspireraient du modèle mis en place aux Pays-Bas, où les « chercheurs sociaux » fournissent du très bon travail depuis des années.
Si un ou plusieurs CPAS unissent leurs forces au sein d'un accord de coopération supralocal pour constituer une cellule de prévention et de lutte contre la fraude, il est indiqué que cette cellule soit financée en partie par des moyens fédéraux. En effet, l'autorité fédérale accorde également des subsides pour le revenu d'intégration. Un revenu d'intégration perçu indûment représente également un coût pour l'État fédéral.
Les agents qui rempliront le cadre d'une telle cellule antifraude devront être dotés de compétences policières restreintes qui leur permettront de repérer les fraudes et d'en recueillir les preuves. Ils devront pouvoir constater les fraudes et délivrer un procès-verbal. De plus, ils devront pouvoir travailler en étroite collaboration avec la police, les parquets et leurs collègues d'autres cellules antifraude.
Pour les communes de petite taille, il est peu réaliste de constituer une cellule antifraude distincte car les montants qu'elles récupéreront ne compenseront pas les charges supplémentaires en personnel. Si la cellule antifraude est organisée à un niveau supralocal, le rapport coût-bénéfice sera tout autre. S'inspirant de l'exemple néerlandais, les auteurs souhaitent encourager la création de cellules supralocales.
De plus, ils veulent rétrocéder une partie des montants des fraudes mises au jour par les cellules antifraude supralocales aux communes collaborant avec elles. Ainsi, elles seront d'autant plus incitées à gérer efficacement les fraudes.
Les auteurs évoquent l'approche néerlandaise, qui est considérée comme une franche réussite. Il est vrai que les organisations chargées d'exécuter les différentes réglementations collaborent ensemble depuis le 1er janvier 2004. Les fraudes dans ces domaines font l'objet d'une approche intégrale par des équipes d'intervention chargées des contrôles.
Les communes collaborent ensemble par l'entremise de ces neuf plate-formes régionales de lutte contre la fraude (Regionale Platforms Fraudebestrijding — RPF's), qui constituent un réseau couvrant l'ensemble du territoire. Les communes sont représentées par des échevins et/ou des directeurs des affaires sociales des communes de contact siégeant par région au sein de la plate-forme.
Les organismes nationaux y sont également représentés. Les difficultés rencontrées dans le domaine de la sécurité sociale et les solutions proposées sont examinées au sein de la plate-forme.
Ces propositions sont ensuite soumises pour décision au Landelijke Stuurgroep Interventieteams — LSI (comité national de pilotage des équipes d'intervention). Les points de coordination régionaux soutiennent les RPF.
Cette approche néerlandaise a induit un important changement de mentalité. Actuellement, les communes sont demandeuses d'aller encore plus loin dans la lutte contre la fraude sociale. Ainsi, elles souhaitent obtenir davantage de compétences pour détecter les fraudes aux allocations d'assistance. Elles voudraient pouvoir interconnecter plusieurs fichiers pour repérer les adresses de fraudeurs potentiels.
Ainsi, la commune est avertie lorsqu'il ressort par exemple des données de l'Office néerlandais de la circulation routière (Rijksdienst voor het wegverkeer) qu'un bénéficiaire d'une allocation d'assistance achète et revend de nombreuses voitures. Il exploite peut-être un commerce de voitures, mais cela signifie alors qu'il perçoit des revenus.
D'autre part, les communes néerlandaises peuvent accéder plus facilement au cadastre pour vérifier si un allocataire possède une autre maison en dehors des limites de sa propre commune. L'administration fiscale échange également davantage de données avec le service de l'emploi.
D'autre part, une meilleure coopération devrait aider les communes à repérer les citoyens fantômes, qui cachent volontairement leur existence aux autorités.
Les auteurs souhaitent insuffler une même dynamique dans notre pays. L'objectif explicite de la présente proposition de loi est aussi de faire en sorte que les bons élèves en matière de lutte contre la fraude sociale puissent profiter des bénéfices qui seront récoltés par l'autorité fédérale, par analogie avec le fonds des amendes routières. Par conséquent, les efforts consentis par les CPAS qui concluront un accord de coopération antifraude seront compensés à partir d'un fonds à constituer.
D'autre part, les auteurs entendent mettre en place une période transitoire d'amnistie sociale limitée à six mois. En effet, dès que les CPAS auront adhéré au système de lutte contre la fraude aux allocations, le risque de se faire prendre augmentera considérablement. Les auteurs trouvent donc équitable de prévoir une amnistie pour les fraudeurs repentis.
Article 2
Cet article insère dans le titre II, chapitre VI, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale une section 4/1 comprenant les articles 43/1 à 43/4 et intitulée « Section 4/1. accords de coopération dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la fraude sociale ».
L'article 43/1 proposé prévoit l'attribution d'une enveloppe à charge de l'autorité fédérale, en vue de soutenir des accords de coopération entre CPAS par le biais d'une intervention dans les frais de personnel et de l'octroi de subventions complémentaires. Les auteurs considèrent que cette opération est budgétairement rentable car la lutte contre la fraude génère des rentrées d'argent substantielles. Il semble dès lors judicieux de prendre en charge une partie des frais de fonctionnement des cellules antifraude, dans la mesure où cela permettrait de déceler nettement plus de cas de fraude, qu'il s'agisse de fraude à l'aide sociale, de fraude aux allocations ou de fraude au domicile. Il faut savoir que la fraude sociale coûte quatre milliards d'euros par an à notre pays, menaçant ainsi la viabilité de notre sécurité sociale. Nous nous devons, en tant que collectivité, de tout mettre en uvre pour prévenir la fraude aux prestations destinées à garantir aux citoyens un revenu décent.
Il n'est pas à exclure qu'à un stade ultérieur, d'autres partenaires de la lutte contre la fraude se joignent à ces accords de coopération.
Une approche thématique est encouragée par le biais d'un financement de projets. Les cellules antifraude peuvent, par exemple, élaborer des plans d'action en matière de fraude au domicile. Comme elles sont dirigées au niveau local, elles sont les mieux placées pour savoir quel type de fraude est présent à quel endroit.
L'article 43/2 proposé prévoit la création, au sein de l'administration de l'Inspection sociale du Service public fédéral Sécurité sociale, d'un Fonds de lutte contre la fraude dans le cadre du droit de la sécurité sociale, en vue de soutenir les accords de coopération — dits « cellules » — dans la lutte contre la fraude. Le Roi fixe les modalités de ce Fonds par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
L'article 43/3 proposé prévoit que les personnes physiques qui ont commis des fraudes à la sécurité sociale peuvent demander une régularisation pendant une période de six mois. Elles devront toutefois rembourser les allocations perçues indûment, mais aucun intérêt de retard ni amende complémentaire ne leur seront réclamés. Comme le remboursement en une fois n'est pas évident pour tous, il est prévu que le Roi fixe des modalités de paiement échelonné.
Un Point de contact régularisations est mis en place à titre temporaire (six mois) au sein du Service d'Information et de Recherche sociale (SIRS). Il octroiera les attestations de régularisation si toutes les conditions sont remplies.
La possibilité de régularisation ne s'applique évidemment pas aux cas de fraude sociale organisée.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les conditions et les modalités relatives à la déclaration-régularisation des personnes physiques.
L'article 43/4 proposé prévoit un certain nombre de causes d'exclusion. Si une enquête est en cours, une régularisation ne peut plus être accordée.
| Bart TOMMELEIN. |
| Nele LIJNEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans le titre II, chapitre VI, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, il est inséré une section 4/1, contenant les articles 43/1 à 43/4 rédigés comme suit:
« Section 4/1. Accords de coopération dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la fraude sociale
Art. 43/1. Une subvention est accordée aux accords de coopération entre centres publics d'action sociale qui ont pour objet de lutter contre la fraude.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, à quelles conditions et de quelle manière les subventions ainsi qu'une partie des frais de personnel sont financées par le « Fonds de lutte contre la fraude dans le cadre du droit de la sécurité sociale », conformément à l'article 43/2. Un financement complémentaire est assuré par ce Fonds en vue de la prise en charge de phénomènes de fraude spécifiques, sous la forme de projets.
Art. 43/2. Il est créé au sein de l'administration de l'Inspection sociale du service public fédéral Sécurité sociale un fonds dénommé « Fonds de lutte contre la fraude dans le cadre du droit de la sécurité sociale ».
Ce Fonds est créé en vue de contribuer au financement des accords de coopération entre centres publics d'action sociale, conformément à l'article 43/1, et de fournir une assistance.
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les conditions et les modalités de financement du Fonds.
Le Roi prend les arrêtés, délibérés en Conseil des ministres, qui sont nécessaires à l'exécution du présent article.
Art. 43/3. § 1er. Pour l'application du présent article, on entend par « déclaration-régularisation »: la déclaration faite en vue d'obtenir une attestation-régularisation moyennant le remboursement des prestations indûment perçues.
§ 2. Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, à quelles conditions et de quelle manière les personnes physiques peuvent faire une déclaration-régularisation auprès du Point de contact régularisations créé au sein du Service d'Information et de Recherche sociale (SIRS). Si tous les montants indûment perçus sont remboursés — moyennant la mise en place d'un plan de remboursement, le cas échéant — aucune amende administrative supplémentaire ne sera réclamée pendant la période de régularisation, sauf en cas de fraude organisée. Si les montants indûment perçus sont remboursés intégralement, aucun intérêt de retard n'est dû.
La régularisation n'est possible que durant six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Le Roi détermine:
1) les modalités auxquelles la déclaration-régularisation doit satisfaire;
2) la procédure ainsi que l'encadrement du Point de contact régularisations, en concertation avec le Service d'Information et de Recherche sociale (SIRS) et après avis de celui-ci;
3) les conditions d'octroi d'une attestation-régularisation;
4) ce qu'il y a lieu d'entendre par « fraude organisée »; et
5) les modalités d'un plan de remboursement et les sanctions supplémentaires en cas de non-respect de ce plan.
Art. 43/4. § 1er. Pour l'application du présent article, il y a lieu d'entendre par « déclarant »: la personne physique qui procède au dépôt d'une déclaration-régularisation soit en personne, soit par l'intermédiaire d'un mandataire.
§ 2. Ni la déclaration visée à l'article 43/3, ni l'attestation visée à l'article 43/3 ne produisent d'effets:
1º si la fraude régularisée provient de la réalisation d'opérations de blanchiment ou d'un délit sous-jacent visé à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme;
2º si, avant l'introduction de la déclaration-régularisation, le déclarant a été informé par écrit d'actes d'investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d'inspection sociale belge. »
9 mai 2012.
| Bart TOMMELEIN. |
| Nele LIJNEN. |