5-1598/2

5-1598/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

30 MAI 2012


Projet de loi portant assentiment au Traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), signé à Bruxelles le 2 février 2012


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

M. DE GROOTE ET MME MATZ


La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport au cours de sa réunion du 30 mai 2012.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. VANACKERE, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES FINANCES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

Le Traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) est un élément majeur de la réponse que l'Europe entend apporter à la crise de l'euro, dont la gravité n'est plus à démontrer.

L'un des enseignements que nous avons tirés de cette crise est le fait que des pays peuvent être confrontés, quasiment du jour au lendemain, à de graves problèmes de financement. S'ils peuvent avoir des causes diverses — comme des difficultés dans le secteur financier ou encore l'éclatement des bulles immobilières —, ces problèmes ont ceci de commun qu'ils peuvent se propager à d'autres pays par un effet de contagion et risquent, à défaut de solution, d'ébranler la stabilité financière de toute la zone euro.

Lorsque la crise de l'euro a éclaté et qu'elle a atteint son point culminant, en Grèce d'abord, puis en Irlande et au Portugal, l'Europe a pris des mesures en vue de résoudre les problèmes de financement auxquels ces pays étaient confrontés. La Grèce fut donc le premier pays à bénéficier d'une aide sous la forme de prêts bilatéraux accordés par les autres États membres. La Belgique a contribué à cet effort par un prêt d'un montant de quelque deux milliards d'euros. Par la suite, l'Europe a instauré un dispositif temporaire de financement, à savoir la Facilité européenne de stabilité financière (FESF), qui a permis d'aider financièrement les trois pays en question. La Belgique contribue à la FESF à hauteur de 3,72 %, soit l'équivalent de 16,3 milliards (sous la forme de garanties).

La zone euro ne saurait toutefois recourir éternellement à de tels mécanismes temporaires. Il faut qu'elle se dote d'un mécanisme permanent pour pouvoir aider financièrement les pays en difficulté au sein de la zone euro. L'existence d'un mécanisme permanent de financement, disposant de ressources financières suffisantes, permettra déjà, à elle seule, d'instaurer un climat de confiance et devrait à l'avenir, du moins on l'espère, éloigner le spectre de crises financières analogues à celle que nous connaissons aujourd'hui.

Voilà pourquoi le MES est un élément capital dans l'éventail des mesures que l'Europe a prises ou prend actuellement dans le but de résoudre la crise de l'euro.

Quel est l'objectif concret que poursuit le MES ?

Le but du MES est de fournir, si cela est nécessaire pour protéger la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble, une aide aux États membres qui font face à, ou sont menacés par, de sérieux problèmes financiers.

L'aide financière par le biais du MES n'équivaut pas à un chèque en blanc: le soutien octroyé ira de pair avec des conditions rigoureuses pour la politique économique du pays en question. Le pays concerné devra également respecter les dispositions du pacte budgétaire européen. Les pays qui n'approuvent pas le pacte budgétaire, ne bénéficieront pas du soutien du MES.

L'objectif est que le MES démarre dès le 1er juillet 2012 et qu'il remplace à terme le EFSF.

Contrairement à l'EFSF qui travaille uniquement sur la base de garanties des pays participants comme gages pour les moyens qu'il récupère sur les marchés financiers, le MES disposera d'un capital social de 700 milliards d'euros. De ce montant, 80 milliards seront libérés en espèces. La Belgique assumera le versement en espèces de 3,4 % de ce montant, soit 2,8 milliards. Grâce à ce capital en espèces, le MES disposera d'une capacité de prêt à hauteur de 500 milliards d'euros.

Dans le Traité, il est stipulé que le capital en espèces est progressivement constitué via un versement en tranches, étalées sur cinq ans. Vu la recrudescence de la crise ces derniers mois, l'Eurogroupe a décidé de renforcer le pare-feu de l'eurozone par une accélération des versements en espèces, à étaler sur trois ans au lieu de cinq. II y aura donc le paiement de deux tranches dès 2012, deux suivantes en 2013 et une dernière en 2014. Par ailleurs, il a été décidé de faire vivre, conjointement, le MES et l'EFSF jusqu'à la mi-2013. Ceci permettra d'assurer dès le départ la capacité de prêt de 500 milliards du MES.

Le MES octroiera de l'aide sous différentes formes:

— des prêts pour soutenir un programme d'adaptation macroéconomique: il s'agit de la forme classique d'aide, telle que l'octroie le FMI aussi;

— des prêts pour la recapitalisation des institutions financières: dans le traité, il est prévu que cette aide doit être octroyée par le biais des autorités de l'État membre en question. Mais vous savez qu'il y a des pays, dont la Belgique, qui plaident pour que le MES puisse octroyer directement cette aide de recapitalisation aux institutions financières concernées. Toutefois, encore aucune décision n'a été prise en ce sens;

— des lignes de crédit préventives: il s'agit de lignes de crédit qui ne sont pas enregistrées, mais qui sont à la disposition du pays concerné en cas de besoin;

— l'aide par le biais de l'achat d'obligations sur le marché primaire ou interventions sur le marché secondaire.

Le MES dispose donc de toute une série de mécanismes d'intervention. Pour chacun d'eux, l'aide est néanmoins assortie de conditions politiques, qui pourront varier d'un cas à l'autre, mais viseront toujours à consolider la politique en vue de rendre à terme l'aide superflue.

Il est indéniable que le MES est un instrument indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble.

La Belgique a soutenu activement la création d'un mécanisme européen de stabilité, qui sera un instrument indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble.

C'est pourquoi le ministre demande l'approbation du projet de loi présenté.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Van dermeersch précise que le MES est un « fonds d'urgence permanent » qui succédera aux « fonds d'urgence temporaires » que sont le MESF (Mécanisme européen de stabilité financière, dédié à la Grèce) et le FESF (Fonds européen de stabilité financière, prévu pour l'UE dans son ensemble, avec lequel a été financée l'aide octroyée au Portugal et à l'Irlande). L'objectif est de « préserver la stabilité financière de la zone euro ». Le fait qu'il faille à présent de toute évidence envisager un « fonds d'urgence permanent » en dit naturellement long sur l'échec structurel de l'Union européenne et de l'euro.

Le Traité instituant le MES doit normalement être ratifié par les dix-sept pays de la zone euro d'ici le 1er mars 2013 et pourra entrer en vigueur dès que 90 % des pays participants auront donné leur assentiment. Mais, maintenant qu'il a été jugé nécessaire d'anticiper au 1er juillet 2012 l'entrée en vigueur du Traité instituant le MES, les parlements nationaux tentent de ratifier à la hâte ce traité insensé (sans nouveaux prêts d'urgence, la Grèce aura épuisé ses fonds d'ici le 20 juin).

Par ce traité, la Belgique donne à l'Europe les clés de son Trésor. C'est une situation que l'oratrice ne peut accepter. Tandis que le débat sur cette question brille par son absence en Belgique, les Néerlandais se montrent beaucoup plus clairs sur ce qui attend la population en termes financiers.

Le MES a pour vocation de prêter de l'argent à des pays de la zone euro faisant face à des difficultés financières, tels que la Grèce, le Portugal et l'Irlande, mais il peut également être sollicité par des banques en difficulté, ce qui suscite les plus vives réserves de la part de l'intervenante.

La Belgique contribue au MES à hauteur de plus de 24 milliards d'euros. Cette année, nous devons verser près de trois milliards d'euros et nous devions garantir le solde du montant total (24 milliards).

Le fonds d'urgence temporaire FESF continue cependant d'exister à côté du nouveau fonds d'urgence permanent MES. Si l'on cumule notre contribution au MESF, les prêts bilatéraux, la part de risque assumée en tant qu'actionnaire du FMI et notre participation dans la BCE, la Belgique a déjà consenti, l'année dernière, 70 milliards de prêts et de garanties dans le cadre de programmes d'aide divers en faveur de pays en difficulté de la zone euro. Celle-ci ne s'en porte pas mieux pour autant, au contraire.

À cela s'ajoutent en outre les risques encourus par la Belgique en raison des actions kamikazes entreprises par la BCE, qui a décidé d'accorder des crédits à des banques faibles à hauteur de 1 000 milliards et d'acheter, pour près de 300 milliards, des obligations poubelles dont personne ne veut. La semaine dernière, la BCE a encore viré en catimini 100 milliards à des banques grecques en situation de faillite. Si ces banques font la culbute, la facture sera salée pour le contribuable belge. La crise de l'euro sévit depuis déjà deux ans. Entre-temps, nous sommes garants, ensemble, de plusieurs milliers de milliards, sans que cela ait servi à quoi que ce soit jusqu'à présent.

Le projet de loi à l'examen transfère des compétences à l'Union européenne. Il nous prive de notre veto concernant l'octroi, dans des situations d'urgence, de sommes se comptant en milliards. En quelque sorte, nous émettons à des pays et banques en difficulté, un chèque en blanc de plus de 24 milliards à utiliser librement. Cela représente plus de 2 000 euros par Belge, et les experts ont déjà prévenu que ce montant ne serait pas suffisant, loin s'en faut.

Le Traité instituant le MES porte gravement atteinte à la souveraineté de notre pays et met nos parlements, et donc les citoyens de notre pays, sur la touche. En effet, en cas d'urgence, des milliards supplémentaires pourront être versés sans que la Belgique puisse s'y opposer (une majorité qualifiée de 85 % des suffrages est suffisante).

Contribuant au fonds d'urgence à hauteur de près de 3,5 %, notre pays a 3,5 % des voix. Nous sommes donc très loin d'avoir une pleine maîtrise de notre contribution financière au fonds.

Si les fonds propres passent sous la barre des 80 milliards, le capital non libéré peut être réclamé, sans que la Belgique puisse s'y opposer (décision du conseil d'administration à la majorité simple). En cas de problèmes de paiement, le directeur peut, de son propre chef, exiger un versement supplémentaire dans un délai de sept jours, sans que la Belgique puisse s'y opposer. Seules l'Allemagne, l'Italie et la France disposent d'un droit de veto et peuvent s'opposer à une injection de plusieurs milliards, mais tel n'est pas le cas de la Belgique.

Le projet de loi à l'examen est lourd de conséquences. En effet, il marque la fin d'une grande partie de la souveraineté financière, économique et politique de la Belgique et représente dès lors un danger pour l'avenir de la Flandre. Il implique le transfert de milliards d'euros des pays du nord de l'UE vers les pays du sud de l'UE et instaure une union de transfert antidémocratique de type belge au niveau européen, ce qui n'a jamais été demandé par les citoyens européens. Tout comme ils n'ont jamais eu l'occasion de se prononcer sur l'Union européenne, l'introduction de l'euro ou l'adhésion de nouveaux États membres, les citoyens européens se voient à présent imposer le Traité instituant le MES.

Par ailleurs, Mme Van dermeersch se réfère à l'article 32 du Traité instituant le MES, qui précise: « Le MES et ses biens, ses financements et ses avoirs, où qu'ils soient situés et quel qu'en soit le détenteur, jouissent de l'immunité de juridiction sous tous ses aspects, sauf dans la mesure où le MES y renonce expressément en vue d'une procédure déterminée ou en vertu d'un contrat, en ce compris la documentation relative aux instruments de financement. » Des termes similaires sont utilisés en ce qui concerne l'immunité des personnes faisant fonctionner le MES. C'est quand même aller très loin.

Bref, Mme Van dermeersch ne votera certainement pas le projet de loi à l'examen.

Pour finir, elle formule les questions concrètes suivantes:

1) ‏Quand et comment précisément la Belgique est-elle censée payer les 2,8 milliards en question ? Le paiement se fera-t-il en plusieurs tranches ? Aux Pays-Bas, le versement sera effectué entre 2013 et 2017.

2) Que pense la Cour des comptes du fait que la Belgique donne les clés de son Trésor à l'Europe ?

3) Vu la controverse provoquée par le traité, ne serait-il pas parfaitement normal que la population soit dûment informée des conséquences qui en découlent pour notre souveraineté ? N'est-il pas parfaitement logique d'organiser un référendum contraignant sur le Traité instituant le MES ?

M. Morael déclare qu'en tant que fédéralistes européens, les Verts sont évidemment favorables au MES qui, de manière embryonnaire, préfigure, pour les pays adhérents, l'émission d'euroobligations. Il s'agit en tout cas d'organiser une solidarité qui dépasse l'échelle nationale.

Il faut rappeler que, jusqu'en 2008, certains pays, et singulièrement la Belgique, avaient entrepris, depuis de nombreuses années, un processus long et difficile d'assainissement de leurs finances publiques. En Belgique, le niveau d'endettement était passé de 132 % à 84 %. En 2008 survient la crise bancaire et financière. Il ne s'agit pas d'une crise de déficit public, mais d'une crise de solvabilité des institutions bancaires, qui ont joué avec l'argent des épargnants.

Pour protéger la stabilité du marché financier et bancaire, ainsi que l'épargne des citoyens, tous les États sont amenés à renflouer en liquidités une série de banques. Il en résulte un creusement immédiat des déficits publics, alors que ceux-ci évoluaient de manière plutôt positive, voire très positive en ce qui concerne la Belgique. Les marchés, par l'intermédiaire de leurs agences de notation, adressent des remontrances aux États membres et les sanctionnent en modifiant leur notation, de sorte qu'ils paieront plus cher leurs emprunts.

Dès lors, une obsession s'est installée en Europe, essentiellement sous l'influence de la chancelière allemande Angela Merkel (sans doute elle-même obsédée par la crise de l'inflation dans son pays dans les années '30), visant à une rigueur budgétaire absolue pour l'ensemble des États membres, et singulièrement les plus fragiles (la Grèce, le Portugal, l'Italie, ...).

Ainsi s'est enclenché un cycle de mesures de plus en plus contraignantes: le Pacte de stabilité financière, le Six-pack, le Two-pack, ..., essentiellement au travers de procédures intergouvernementales, le Parlement européen forçant parfois le débat, heureusement avec succès. Il y a cependant un creusement du déficit démocratique européen, que l'urgence ne suffit pas toujours à justifier.

En ce qui concerne le MES, le groupe de l'intervenant a déposé divers textes. L'un vise l'organisation d'une consultation populaire, idéalement au niveau européen, si nécessaire au niveau national (doc. Sénat, nº 5-1613/1). Un autre consiste en une proposition de résolution visant à encadrer le mandat de notre représentant au Conseil des gouverneurs du MES (doc. Sénat, nº 5-1612/1). Ce conseil sera composé des ministres des finances des États participant au MES. Il sera appelé à prendre des décisions importantes, en ce compris des mesures de correction. L'intervenant demande qu'à l'instar des autres grands sujets de politique européenne, les réunions du Conseil fassent l'objet d'un briefing et d'un debriefing, afin que le Parlement fédéral, par exemple au travers de son Comité d'avis chargé des questions européennes, soit informé des décisions qui seront prises.

De même, le groupe de l'intervenant souhaiterait que le représentant de la Belgique au Conseil des gouverneurs n'oublie pas les critères figurant dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La stabilité budgétaire est une chose importante qui s'impose à tous, mais ce n'est pas la seule: il y a aussi la protection sociale adéquate, la lutte contre l'exclusion sociale, le niveau élevé de formation, d'éducation et de protection de la santé, les exigences en matière de protection de l'environnement et de développement durable ... Tout cela figure aussi l'objet dans les textes constitutifs de l'Union européenne. Il ne faudrait pas que la perspective de l'assainissement budgétaire, de la rigueur et de l'austérité, soit seule en ligne de mire de ceux qui gouverneront les finances au sein du Conseil des gouverneurs.

Le projet de MES prévoit des mécanismes de correction. Il suppose, pour pouvoir bénéficier du MES, une adhésion préalable des États qui en font la demande au Pacte de stabilité. Cela peut se comprendre: on ne peut pas aider sans condition. Concrètement, cela implique-t-il l'adhésion de ces pays à la « règle d'or » du 0,5 %, règle dont on sait qu'elle est mortifère ? On constate tous les jours en Grèce que cette règle assassine socialement le pays et étrangle son économie.

Le ministre confirme que le recours au MES suppose l'adhésion préalable à la « règle d'or ».

Le précédent orateur déclare que cela pose un problème considérable, car le remède contient ainsi son propre poison. Le parti de l'intervenant est d'avis qu'en période de conjoncture difficile, des déficits doivent être transitoirement autorisés pour laisser aux États membres des marges de manœuvre suffisantes pour mener des politiques sociales et économiques adéquates.

Depuis l'élection de François Hollande en France et l'annonce du referendum en Irlande, on ne cesse de dire que l'austérité n'est pas le seul horizon européen, mais qu'il faut aussi de la relance. Tout d'abord, il faudrait s'entendre sur ce que l'on entend par ce dernier mot. S'il s'agit de refaire ce qui a été fait dans les années '60 à '80, ce n'est pas souhaitable. Le parti de l'intervenant est en tout cas favorable à ce que l'austérité ne soit pas le seul objectif, et à ce que l'Europe et les États membres mettent en place des politiques de redéploiement économique dans des filières porteuses de bien-être, d'emploi et d'activité. Or, comment mener de telles politiques sans marge de manœuvre budgétaire ?

L'Europe n'a pas de budget propre. Elle ne dispose pas encore de ses eurobonds. On parle de project bonds, mais ceux-ci sont encore estimés à une valeur relativement marginale. A nouveau, sur le principe de ces project bonds, les Verts sont enthousiastes, mais il faut reconnaître que les montants annoncés sont sans commune mesure avec ce qui serait nécessaire pour redéployer une économie européenne dans le domaine de l'éducation, de la recherche, de l'innovation technologique, du développement des filières vertes, et d'autres politiques dont chacun convient qu'elles sont nécessaires.

Si le MES doit s'accompagner de nouvelles mesures d'austérité, il s'agit d'un jeu de dupes qui pose au parti de l'orateur d'énormes problèmes.

M. Anciaux rappelle que la Belgique a toujours été une fervente partisane du pacte de stabilité, même si la question ne suscite pas un grand débat dans notre pays. Il n'en reste pas moins que l'on peut se poser des questions sur ce qui se passe aujourd'hui.

L'intervenant s'interroge notamment sur le fait que, juste avant la réunion du Conseil européen lors de laquelle la décision de créer le « bazooka » a été prise, on a expliqué que cet outil éliminerait toute forme de spéculation et ferait revenir le calme. À l'époque, il était question de mettre à disposition une somme de 500 à 1 000 milliards d'euros, ce qui est tout de même un montant énorme. On constate toutefois que le calme est loin d'être revenu aujourd'hui. Le Traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, qui a été conclu le 2 février, n'a pas non plus apaisé les marchés financiers. M. Anciaux ne peut pas en expliquer la raison et il espère que le ministre pourra le faire.

Bien entendu, l'intervenant est partisan d'une forte solidarité entre les États membres de l'Union européenne et entre ceux qui font partie de la zone euro. C'est seulement en nous montrant solidaires que nous pouvons relever les défis actuels, ce qui va dans le sens d'un instrument puissant tel que le MES. La question est toutefois de savoir dans quel but et de quelle manière cet instrument sera utilisé. Le ministre a déclaré que le MES était un outil essentiel et crucial pour trouver des solutions à la crise, même si ce n'est pas le seul instrument disponible. Le MES doit donc être considéré en relation avec d'autres mesures. Lorsqu'on lit aujourd'hui que le MES sera utilisé pour apporter une aide financière, sous la forme de prêts, à la recapitalisation des institutions financières — c'est-à-dire les banques — comment faut-il reconcilier cela avec l'aide très importante que ces institutions ont aussi déjà reçue de la Banque centrale européenne qui a libéré des centaines de milliards d'euros à un taux extrêmement bas ? Ces institutions financières achètent alors des bons d'État qui leur rapportent des intérêts nettement plus élevés. Comment ces deux mesures se rapportent-elles l'une par rapport à l'autre ? Ont-elles été prises de manière totalement indépendante l'une de l'autre ? Le MES doit-il encore être disponible pour les institutions financières ?

M. Anciaux s'interroge aussi sur la responsabilité que porte le secteur bancaire dans la crise financière considérée globalement En effet, les institutions financières ont mené une politique irresponsable qui a conduit à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Le traité instituant le MES impute-t-il une responsabilité, et laquelle, au secteur financier ou n'aborde-t-il pas cette question ?

M. Anciaux se pose aussi des questions sur la prise de décisions politiques. Tout le monde reconnaît qu'une politique financière européenne sérieuse doit aller de pair avec un renforcement du processus décisionnel politique. Nous avons besoin non seulement d'un pouvoir financier renforcé mais aussi de davantage de pouvoir politique. Dans quelle mesure ces aspirations sont-elles compatibles avec le traité à l'examen ? En effet, le traité instituant le MES confère à ses exécutants le pouvoir énorme d'affecter 700 milliards d'euros, libérés ou non. Dans quelle mesure prévoit-on un quelconque contrôle démocratique sur l'utilisation de ces ressources ? A-t-on conclu des accords généraux visant à renforcer le contrôle démocratique sur le processus décisionnel européen ? Même si des progrès ont déjà été réalisés dans ce domaine, on parle encore et toujours d'un processus décisionnel européen « en cascade » dans lequel des décisions importantes peuvent être prises aussi par des instances et des personnes qui n'ont pas été élues directement.

Le sénateur souhaiterait ensuite poser quelques questions plutôt techniques. Par exemple, qu'en est-il de l'exigibilité ? Il est question de 700 milliards d'euros, dont 80 devront être versés effectivement dans un délai assez bref. Notre pays s'engage à verser 2,8 milliards d'euros et à garantir la somme de 4,3 milliards d'euros. Quand ces montants seront-ils exigibles ? Comment seront-ils versés ? La Belgique ne peut pas dégager de tels montants aussi facilement. Notre pays devra-t-il faire un emprunt à cet effet ? S'agit-il au contraire d'un prêt fictif accordé au MES, qui rapportera des intérêts à la Belgique ? Le ministre peut-il répondre à ces questions ?

Parmi les instruments prévus, il y a aussi la possibilité d'apporter un soutien par le biais d'achats de titres sur le marché primaire ou un soutien sur le marché secondaire. Que signifie cette dernière possibilité ?

M. Van Rompuy évoque la situation espagnole. Le MES peut-il et veut-il intervenir directement aujourd'hui pour sauver les banques espagnoles au moyen d'une recapitalisation ? Si oui, il faudra obtenir une majorité au conseil d'administration du MES. Quel est le point de vue du gouvernement dans l'hypothèse où on lui poserait cette question ? L'Espagne demande instamment cette intervention, et la Commission européenne s'est exprimée à ce sujet. La question est donc très concrète.

M. De Groote indique que le Sénat a adopté, le 10 mai 2012, le projet de loi concernant la modification de l'article 136 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (doc. Sénat, n 5-1536/1) afin de permettre la création d'un mécanisme permanent (le MES). Le projet de loi portant assentiment au traité qui institue ce MES, est maintenant soumis à approbation.

Le MES remplira les fonctions actuellement exercées par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF).

Les membres du MES qui connaissent de graves problèmes de financement susceptibles de mettre en péril la stabilité de la zone euro, peuvent bénéficier, à des conditions strictes, de ressources financières mobilisées et d'un soutien à la stabilité. L'octroi d'une assistance financière du MES sera de toute façon subordonné au respect de conditions économiques strictes. En outre, les pays qui feront appel au fonds à partir du mois de mars 2012 devront aussi ratifier le pacte budgétaire, ce qui est loin d'être anodin. L'intervenant se demande quels moyens de contrôle et quelles sanctions ont été prévus en la matière.

Il est question d'un capital d'un montant énorme qui sera éventuellement utilisé dans un environnement à risque. Nous sommes en train de contracter des engagements/obligations à différents niveaux: par le biais du MES, mais aussi par les autres prêts bilatéraux et les interventions dans le secteur financier. Or, les risques qui y sont liés augmentent de plus en plus. La question est de savoir si des rapports seront publiés plus régulièrement sur l'évolution de ces engagements. La transparence est importante dans ce domaine.

Quand la Belgique et les autres pays verseront-ils les tranches prévues ? Des accords ont-ils été conclus à ce sujet au sein de l'Union européenne ?

M. De Groote se réfère à l'avis du Conseil d'État qui émet des doutes sur le caractère mixte du traité. Le ministre peut-il donner de plus amples explications à ce sujet ?

Mme Zrihen s'étonne du nombre de conditionnalités imposées non pas sur l'attribution du MES en soi mais sur la stratégie de financement et sur l'activation de l'assistance financière.

L'oratrice se réfère à l'exposé des motifs qui prévoit que « Le MES mettra en œuvre une politique d'investissement prudente, permettant de lui garantir une qualité de crédit la plus élevée » (doc. Sénat, nº 5-1598/1, p. 6). Sur quels critères cette prudence se base-t-elle ? S'inspire-t-elle des résultats du marché ou d'une cotation du MES par rapport à ses opportunités d'investissement ?

En ce qui concerne l'activation de l'assistance financière et la surveillance du programme de suivi, l'exposé des motifs stipule que « Sur la base de la demande du membre du MES et de l'évaluation de la Commission, le conseil des gouverneurs peut décider d'octroyer, en principe, un soutien à la stabilité au membre du MES concerné. La Commission, si possible conjointement avec le FMI et en liaison avec la BCE, négociera alors un protocole d'accord définissant la conditionnalité dont est assortie cette assistance financière » (doc. Sénat, n 5-1598/1, p. 7). Selon l'intervenante, il ressort de cette disposition, que les critères relèvent d'une appréciation sur laquelle la Belgique n'a pas beaucoup de contrôle.

En ce qui concerne la participation des États membres ne faisant pas partie de la zone euro, l'exposé des motifs dispose, qu'ils « auront accès en temps utile à toutes les informations et seront dûment consultés » (doc. Sénat, nº 5-1598/1, p. 13). L'oratrice estime que ce texte ne permet pas de déterminer avec précision quand ces États membres seront informés ou consultés.

Mme Matz explique que, contrairement à ses collègues qui ont interrogé le ministre sur les aspects techniques du MES, son intervention mettra plus l'accent sur la question du principe du mécanisme même, mais aussi sur la dynamique politique qui anime les pays de la zone euro dans le prolongement de la crise mais aussi à la perspective d'une nouvelle zone de turbulences.

Il est indéniable que la crise financière de 2008 et l'effondrement des économies qu'elle a provoqué a naturellement poussé les gouvernements à prendre toute une série de mesures visant principalement à réduire leurs dépenses publiques. Bref, un seul mot d'ordre lequel se déclinait dans toutes les langues: l'austérité. Jusqu'à peu, les lignes étaient claires et solides sur ce point notamment sous la houlette de l'Allemagne. L'élection récente d'un nouveau président de la République en France est venue quelque peu bouleverser ces lignes, insufflant une nouvelle dynamique quant aux positions des États européens face à la crise; à savoir la mise en œuvre d'un plan de relance, relance que Mme Matz défend d'ailleurs depuis des mois. Dans la perspective du prochain Conseil européen du mois de juin, l'oratrice souhaité savoir si le principe d'un tel plan de relance sera discuté et si oui quelle sera la position de la Belgique à ce sujet.

Concernant le MES, et au vu des difficultés que rencontrent aujourd'hui d'autres États de la zone euro, en particulier, l'Espagne et l'Italie, il est fort à parier que les montants prévus dans le cadre du MES s'avéreront nettement insuffisants si d'aventure ces États font également appel au mécanisme dont question.

L'intervenante désire savoir quel est l'avis du ministre sur la question. Ne pense-t-il pas que nous sommes déjà un temps trop tard et qu'il est impératif d'enclencher rapidement la vitesse supérieure ? L'oratrice pense en particulier à l'harmonisation fiscale, le budget européen et enfin le rôle que la BCE serait peut-être amené à jouer demain en dernier ressort.

M. Vanlouwe revient sur l'observation du Conseil d'État à propos du caractère mixte ou non du Traité. Le Conseil d'État estime que la sécurité juridique aurait été mieux assurée si l'avis du groupe de travail « traités mixtes » avait été sollicité (doc. Sénat, nº 5-1598/1, p. 39). Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas demandé cet avis ?

L'intervenant souligne par ailleurs l'importance du contrôle parlementaire sur le MES. En effet, la contribution réclamée à notre pays est énorme. Selon la clé de contribution, la part de la Belgique sera de 3,5 %, ce qui signifie qu'elle contribuera au capital social autorisé du MES pour plus de 24 milliards d'euros. La contribution belge au capital libéré s'élève à près de 2,8 milliards d'euros, à verser sur cinq ans, soit plus de 500 millions d'euros par an à partir de 2012. Autrement dit, il s'agit de sommes très importantes qui seront peut-être utilisées dans un environnement à risque. Le Traité prévoit néanmoins la publication de rapports: le Conseil des gouverneurs établirait les comptes annuels du MES, ainsi qu'un rapport annuel. Il est par ailleurs question d'un contrôle interne et externe (articles 28 et 29 du Traité). L'intervenant aimerait obtenir des précisions à ce sujet.

RÉPONSES DU MINISTRE DES FINANCES

Le ministre prévient que les faits qui ont été précédemment jugés justes et exacts ne doivent pas à présent être soudainement considérés comme des contrevérités. Cela se manifeste à différents égards.

Il y a tout d'abord le fait que la solidarité en question est une solidarité payante. Par le passé, on définissait un partenaire « stratégique » comme un pays qui, volontairement ou non, influait par ses actes sur notre politique. Dans le système MES, chaque participant serait un partenaire stratégique. En effet, il ne faut pas oublier que la solidarité est surtout axée sur l'aide à accorder aux banques. Si les banques concernées en Grèce par exemple ne peuvent pas être aidées, cela aura d'importantes répercussions sur leurs activités dans d'autres pays, ce qui risquera inévitablement de porter atteinte également à la situation financière de ces pays. Il est dès lors de notre propre intérêt d'être solidaires.

Par ailleurs, cette solidarité n'est pas non plus gratuite. Qui dit « prêts », dit « intérêts » et qui dit « garanties », dit « rémunérations ». Dans le système MES, ces rémunérations seront réincorporées dans le système sous la forme de dividendes, mais la solidarité qui aura été manifestée rapportera normalement quelque chose à chaque partenaire participant.

Il y a aussi le constat que l'on considère aujourd'hui a priori qu'un prêt accordé à un pays est perdu. Par le passé, les prêts accordés aux pouvoirs publics constituaient un investissement sûr; le remboursement du montant concerné ne faisait aucun doute. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ? En 1945, le Royaume-Uni affichait une dette publique s'élevant à 180 % de son PIB, soit une dette largement supérieure à celle supportée actuellement par la Grèce. Le pays ne s'est pas effondré pour autant, mais a réussi à se sortir de cette situation difficile.

Nous avons besoin d'un discours politique plus volontariste et non moralisateur. Les marchés sont régulièrement dépeints pour ainsi dire comme une personne qui poserait délibérément des actes déterminés. Ils fonctionnent selon certains mécanismes et processus récursifs, mais ne peuvent en aucun cas être personnifiés. Il s'impose dès lors de prendre une série de mesures — le système MES en est une parmi d'autres — pour contrer les conséquences de ces mécanismes et processus récursifs. Il faut cesser de penser que la Grèce court inévitablement à sa perte. Il est possible de remédier à la situation.

Enfin, il y a la conviction que l'Europe vient de découvrir le concept de croissance ces dernières semaines, ce qui est faux. Même en Allemagne, qui affiche de bons chiffres de croissance, la rigueur budgétaire a toujours été de pair avec la recherche de croissance. L'un n'est pas contradictoire avec l'autre. En outre, la stratégie UE 2020 entre autres est clairement une stratégie de croissance. La présidence belge du Conseil de l'Union européenne en 2010 a également pris de nombreuses mesures visant à stimuler la croissance. Tous les partis dans notre pays y ont collaboré, par le biais du gouvernement fédéral et des gouvernements des Communautés et Régions. C'est en réalité un discours anti-européen que d'affirmer que l'on vient seulement maintenant de découvrir la croissance. En effet, la rigueur budgétaire et la croissance économique vont parfaitement de pair et sont les deux faces de la même médaille.

Le ministre ne voit aucun problème à ce que le MES devienne un fonds permanent doté de compétences étendues. Il ne faut pas oublier que lors de la création de la zone euro, on a omis de régler un certain nombre d'aspects fondamentaux. Pour mener une véritable politique monétaire et économique, une certaine européanisation des compétences s'impose, ce qui passe inévitablement par une perte de souveraineté nationale. L'unanimité sera toutefois requise pour la plupart des décisions. Dans les situations d'urgence, une décision pourra être prise à une majorité de 85 % des suffrages. Il est toujours difficile de trouver un équilibre entre, d'une part, l'efficacité de fonctionnement du MES et, d'autre part, le maintien du contrôle national sur son fonctionnement, mais la marge de choix est réduite.

La critique selon laquelle la création du MES aurait été trop rapide n'est pas fondée. On entend souvent dire que l'Europe ne va pas assez vite. La preuve est à présent fournie que ce n'est pas vrai.

Le système à l'examen souffre néanmoins d'un manque de clarté et de transparence à l'égard de la population. Il s'agit en l'occurrence d'une critique justifiée, qu'il est possible de désamorcer partiellement, notamment par le biais de débats tels que celui-ci.

Il est exact que le MES peut également soutenir des établissements financiers en cas de recapitalisation, mais, pour le moment, cela se fera par le biais des autorités nationales et éventuellement des banques nationales. La Belgique est favorable à l'adoption, à terme, d'un système permettant une intervention directe, mais cela n'est pas encore possible actuellement.

Il faut également être conscient que le MES est proportionnellement plus avantageux pour la Belgique. Notre pays est davantage exposé aux risques des établissements financiers qu'il n'investit dans le MES.

D'aucuns estiment qu'un apport de 2,8 milliards d'euros est une grosse somme d'argent. Il ne faut cependant pas oublier qu'il s'agit d'une opération neutre sur le plan budgétaire. En effet, l'argent en question ne s'est pas volatilisé; c'est de l'argent prêté qui n'a pas d'impact sur le déficit budgétaire. Toutefois, il est un fait que l'impact total des mesures anticrise sur la dette publique belge se chiffre à environ 7 % du PIB. Mais, ici aussi, il s'agit d'argent prêté, que nous récupérerons un jour en intégralité ou en grande partie.

Le ministre ne veut pas aller jusqu'à affirmer que le MES est un prélude à la création d'euro-obligations. Celui-ci n'est pas collectivisant à ce point. La plupart des personnes sont néanmoins convaincues de la création d'euro-obligations.

L'objectif est de poursuivre sur la voie du parachèvement de l'union économique et monétaire. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle MM. Van Rompuy, Barroso et Juncker ont été chargés d'élaborer un rapport à ce sujet d'ici juin.

Le ministre n'est pas convaincu de l'utilité d'un prébriefing avant chaque réunion du Conseil des gouverneurs du MES. Il appartient à chacun d'accomplir correctement les tâches qui lui incombent. Il doit néanmoins être possible d'organiser un débriefing pour expliquer les mesures convenues et les raisons pour lesquelles elles l'ont été.

Il est clair que le MES doit être envisagé dans le cadre plus vaste des mesures et initiatives transversales entreprises en vue de remédier à la situation actuelle. À cet égard, la fameuse « règle d'or » est importante, sans être déterminante pour autant. C'est l'approche globale qui compte.

Il n'est pas si simple d'expliquer pourquoi le calme ne revient pas sur les marchés financiers. La manière de procéder par consensus qui caractérise l'Union européenne et la zone euro amène les analystes de marché, qui ont parfois une vue à trop court terme, à juger les réactions de l'Europe légèrement insuffisantes ou légèrement trop tardives. Dans ce contexte, la révolution silencieuse qui est en marche en Europe passe souvent inaperçue.

Certains s'interrogent sur la contribution apportée jusqu'à présent par le secteur financier privé à la résolution de la crise. Celui-ci a accepté une décote des dettes grecques de presque 70 %. Pour leur part, les pouvoirs publics se sont jusqu'à présent contentés de fournir un effort beaucoup plus modeste. Actuellement, ils ont uniquement revu à la baisse le haut rendement qu'ils avaient sur les prêts. Dans le cadre du dernier train de mesures adoptées pour la Grèce, on s'est montré disposé à lui réclamer moins d'intérêts.

En ce qui concerne le contrôle démocratique sur le MES et sur les autres mesures destinées à lutter contre la crise, il est clair que le Parlement européen joue un rôle crucial en raison des compétences qui lui ont été conférées par le Traité de Lisbonne. Ce rôle correspond au point de vue qui a toujours été défendu par la Belgique en Europe, à savoir que la politique doit être mise en œuvre par une Commission européenne forte, soutenue par un Parlement européen fort.

En ce qui concerne la levée des garanties, il est logique qu'elle n'ait lieu que si le système présente une défaillance. Les rémunérations de ces garanties seront réinjectées dans le système sous la forme de dividendes. L'argent versé ne sera récupéré avec la plus-value éventuelle qu'en cas de suppression du MES ou en cas de circonstances ou de mesures similaires.

En soutenant le marché secondaire, on veut dire que le MES pourra acheter des obligations d'État. Les actions ne sont naturellement pas concernées en l'occurrence.

Le non-respect des règles sera sanctionné par une retenue sur la (les) tranche(s) suivante(s). C'est une menace qui a été brandie contre la Grèce par le passé. Un versement de capital anticipé, comme cela est prévu prochainement, se fait toujours de manière concertée par l'ensemble des États membres, au même moment.

L'immunité des administrateurs dont il est question dans le traité ne vaut naturellement que pour les conséquences des actes accomplis dans l'exercice du travail. Il est évident que les administrateurs ne peuvent pas être personnellement garants du fonctionnement du MES.

Il est important de souligner à cet égard que l'organisation d'un audit interne a été imposée par un comité d'audit suivant les règles en vigueur dans toute organisation classique. Il y a également un contrôle externe, comparable à celui effectué par les réviseurs d'entreprises. Le conseil des gouverneurs élaborera à ce sujet un règlement interne.

Enfin, il y avait également une série de questions sur le caractère mixte ou non du traité à l'examen. Le ministre est d'avis qu'il faut surtout éviter que tous les traités soient à l'avenir considérés comme mixtes.

Les arguments suivants peuvent être avancés pour conclure qu'il s'agit d'un traité non mixte:

— ‏vu que le MES sera établi à Luxembourg, les activités auxquelles se rapportent les immunités visées à l'article 36 ne concernent pas la Belgique. Dans l'hypothèse où un bureau de liaison s'ouvrirait à Bruxelles, la Belgique s'engage à conclure un accord de siège en concertation avec l'entité fédérée concernée. L'État fédéral estime que les dispositifs du Traité prévus aux articles 32, 35 et 36 n'engagent donc pas son caractère mixte;

— l'obligation prévue à l'article 12 du traité instituant le MES de prévoir, à partir du 1er janvier 2013, des clauses d'action collective pour tous les nouveaux titres d'État de la zone euro d'une maturité supérieure à un an vaut seulement pour les emprunts émis par les autorités nationales et non pour les titres de la dette des entités subnationales;

— les entités subnationales ne contribuent pas aux frais liés au MES. Si tel était le cas, cela serait un argument décisif pour que le traité soit considéré comme mixte, mais ce n'est pas le cas.

RÉPLIQUES

Mme Arena n'est pas d'accord avec le ministre lorsqu'il affirme que la croissance a toujours joué dans la politique de l'Union européenne. Il est exact que l'idée en soi n'a pas été contestée, mais, jusqu'il y a peu, toutes les mesures étaient prises à la lumière de la rigueur budgétaire. Aucun moyen n'était prévu pour la croissance. Ce n'est que lorsque l'on a pris conscience que les limites de la rigueur étaient atteintes que l'on a commencé à mettre l'accent sur les mesures destinées à stimuler la croissance économique.

Le MES constitue un outil parmi d'autres comme la stratégie « Euro 2020 » qui date de 2010. Lors de sa présidence de l'Union européenne, la Belgique était le premier demandeur pour pouvoir travailler sur cette stratégie. Depuis 2010, un certain nombre d'instruments ont été mis sur la table, dont le Pacte de Stabilité, la « règle d'or », les PNR (programmes nationaux de recherche), le Six Pack, et le Two Pack. L'Union européenne dans son ensemble a depuis 2010 favorisé les outils prioritaires de rigueur budgétaire alors que la stratégie Euro 2020 date de 2010.

Les accords de Bâle III de 2010 concernant la réglementation bancaire n'ont pas le même caractère strict des efforts exigés par exemple de la Grèce pour se mettre en conformité. L'oratrice considère que les banques ont même pu profiter de l'aide publique de la part de la Banque centrale européenne pour refaire leurs fonds propres. L'instauration d'une taxe sur les transactions financières (TTF), les euro-bonds et le project-bonds sont demeurés au stade d'étude.

L'intervenant en conclut qu'il y a une extrême rigueur pour les outils de contrôle budgétaire et une extrême prudence pour les outils de relance. Elle estime qu'il faut combiner les mesures d'austérité avec un plan de relance.

Le ministre répond que non seulement notre pays a plaidé en faveur de la création de certains instruments, mais qu'il y a aussi certainement contribué. L'instauration du brevet européen a renforcé la compétitivité de nos entreprises. Les économies sont toujours allées de pair avec un renforcement de la croissance économique.

M. Morael soutient la demande de Mme Arena d'adopter plus de mesures susceptibles de favoriser la croissance. Toutefois, il faut disposer d'une certaine marge budgétaire pour pouvoir prendre des mesures visant à stimuler la croissance. Or, cette marge n'est pas compatible avec les économies qui doivent être faites. C'est la raison pour laquelle toute une série d'États membres ne seront pas en mesure de stimuler la croissance.

En ce qui concerne le principe de la compétitivité européenne, l'intervenant déclare que si tout le monde suivait l'exemple allemand, on y perdrait tous. En effet, un gain de compétitivité dans un État membre suppose une perte relative de compétitivité dans un autre État membre.

Le ministre relève que l'Europe dans son ensemble a aussi enregistré une perte de 15 % de compétitivité par rapport aux pays non européens.

M. Morael se dit préoccupé par le fait que les décisions pourront être prises par le Conseil des gouverneurs, dès lors que ceux-ci manquent de légitimité démocratique. Comme solution, l'intervenant propose que le Sénat adopte la proposition de résolution concernant le mandat de la Belgique au sein du Mécanisme européen de stabilité (doc. Sénat, n 5-1612/1), qui permettrait aux futurs gouverneurs belges de disposer de directives auxquelles se conformer dans l'exercice de leur mandat.

Ensuite, l'intervenant renvoie à une déclaration du ministre qui précisait que le soutien du MES ne pourra être obtenu que moyennant le respect des conditions budgétaires, autrement dit la « règle d'or ». Il relève que cette disposition figure seulement dans les considérants et qu'elle n'a, par conséquent, aucune valeur juridique. Le ministre peut-il fournir des précisions à ce sujet ? Ne court-on pas le risque que cette règle relègue toutes les autres mesures et les volets politiques à l'arrière-plan ?

Le ministre déclare que le Pacte européen de stabilité fait mention d'objectifs à moyen terme (OMT). Ces objectifs en matière de déficit budgétaire sont fixés en fonction du taux d'endettement spécifique d'un pays. À terme, ils devront être inscrits dans la Constitution ou dans une autre législation importante des États membres respectifs, à défaut de quoi l'État membre ne pourra pas demander le soutien du MES.

M. Van Rompuy constate que tout le monde est, toujours et partout, favorable à la croissance. La question reste cependant de savoir comment cette croissance peut être réalisée. On a lu dans plusieurs résolutions déjà adoptées qu'une unification européenne plus poussée et l'harmonisation en matière fiscale et sociale pourraient apporter une solution à cet égard. Il serait donc préférable d'obliger tous les pays à mener les réformes nécessaires et à mettre en œuvre les recommandations, ce qui permettrait aussi de convaincre les pays plus puissants de fournir un effort supplémentaire.

Selon Mme Zrihen, l'élément central de la discussion consiste à savoir si l'Europe est capable, dans les deux ans, d'établir un budget européen visant à favoriser la croissance, par exemple par l'émission d'euro-obligations ou d'emprunts obligataires pour le financement de projets d'infrastructure. La Banque centrale européenne a certainement un rôle important à jouer dans ce domaine. Comment nos institutions financières peuvent-elles jouer le leur ?

Le ministre confirme que la Belgique soutiendra l'émission d'euro-obligations. Dans le même temps, il convient toutefois de suivre de près l'évolution des indicateurs économiques sous-jacents. Cependant, même si l'on introduit des euro-obligations, il ne sera pas possible d'aider structurellement les pays qui accusent un déficit de compétitivité. Cela nécessitera précisément des réformes structurelles, et l'émission d'euro-obligations sera donc plutôt le résultat d'un processus.

Mme Zrihen indique qu'il est important de concrétiser les deux éléments simultanément.

M. Vanlouwe déplore que l'on n'ait pas demandé au groupe de travail « traités mixtes » de rendre un avis sur la question de savoir si les dispositions à l'examen formaient un traité mixte ou non. À cet égard, l'intervenant se réfère à l'avis nº 51.151/VR que le Conseil d'État a rendu le 3 avril 2012, dans lequel il pose spécifiquement la question de savoir dans quelle mesure l'article 36 du traité MES pourrait ou non avoir un impact direct sur la compétence fiscale des Régions.

L'intervenant retient ensuite que l'on attache une grande importance au contrôle, à la transparence, au rapport annuel en corrélation avec les comptes annuels, ainsi qu'aux audits interne et externe. À ce propos, le Conseil des gouverneurs aura aussi pour mission de donner aux parlements nationaux la possibilité de consulter le rapport annuel. Il aurait été plus utile d'établir un rapport chaque semestre et de le transmettre aux parlements.

M. Anciaux relève que le Traité entrera en vigueur lorsque 90 % des souscriptions totales, indiquées à l'annexe II, seront représentées. Quel est le pourcentage déjà réuni actuellement ? En ce qui concerne l'immunité relativement étendue, l'article 5 du Traité dispose que le Conseil des gouverneurs peut limiter cette immunité. La disposition en question telle qu'elle est formulée dans le Traité, paraît manquer singulièrement de transparence. Il paraît pourtant opportun que le Conseil des gouverneurs applique certaines restrictions à l'immunité.

Le ministre explique que l'on voulait surtout éviter que le Traité entre en vigueur à un moment où les pays adhérant au MES seraient encore peu nombreux. À l'heure actuelle, seule la France a ratifié le Traité. La Grèce, le Portugal et la Slovénie l'ont, eux, déjà voté.

III. VOTES

Les articles 1er, 2 et 3, ainsi que l'ensemble du projet de loi, ont été adoptés par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs, Le président,
Patrick DE GROOTE. Vanessa MATZ. Karl VANLOUWE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi (voir le doc. Sénat, nº 5-1598/1 — 2011/2012).