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24 MAI 2012
Prélèvement d'échantillons de cellules en vue de l'identification de personnes décédées inconnues
On dit parfois qu'une disparition est plus grave qu'un décès. Aussi faut-il mettre tous les moyens en uvre pour retrouver les personnes portées disparues, même si elles sont décédées. Il ne faut pas que des personnes soient inhumées ou incinérées sans que leur identité ait été établie. Et s'il est malgré tout impossible de faire autrement, il faut alors, au préalable, prélever sur le corps un échantillon de cellules. On peut ainsi établir un profil ADN qui permettra de déterminer — peut-être après de nombreuses années — l'identité de la personne décédée.
Aux Pays-Bas, une banque de données ADN « Personnes disparues » a été créée dès 2006. Selon le ministre néerlandais de l'époque Johan Remkes (VVD), les proches peuvent entamer leur travail de deuil plus facilement s'ils savent exactement ce qui est arrivé à la personne disparue, aussi difficile que la vérité soit à entendre. Cette banque de données néerlandaise contient à ce jour quelque neuf cents profils de personnes disparues et de membres de leur famille ainsi que de dépouilles mortelles non identifiées. Elle est gérée par l'Institut néerlandais de médecine légale.
En Belgique, on considère que la création d'une banque de données analogue doit être la prochaine étape en matière d'expertise médico-légale. Sur le terrain, il y a longtemps d'ailleurs que l'on est demandeur. Des projets ont été élaborés dès 1999, mais aucun n'a encore abouti à ce jour. L'utilité d'une telle banque de données demeure pourtant évidente, ainsi qu'il ressort du commentaire de la dernière adaptation apportée à la loi ADN (projet de loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, doc. Chambre, nº 53-1504/001, p. 5).
La présente proposition vise donc à répondre à la demande du terrain et à suivre la tendance qui se dessine au niveau européen.
L'idée est de créer cette banque de données au sein de l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) puisque celui-ci gère aujourd'hui déjà, en sa qualité d'instance centrale, les banques de données ADN « Criminalistique » et « Condamnés ». Vu l'expertise dont il dispose, l'INCC est en effet le mieux à même de gérer cette nouvelle banque de données relative aux personnes disparues.
Dans la même optique et en vue de garantir une certaine cohérence dans la législation, le volet « Personnes disparues » sera ajouté dans la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale (dénommée ci-après « loi ADN »). Cette loi fixe déjà le cadre législatif en ce qui concerne l'utilisation des analyses ADN dans le domaine de l'expertise médico-légale. Un autre élément à prendre en compte est le fait que lors de la découverte d'un corps non identifié, il y a souvent présomption que la mort est consécutive à une infraction. Or, la loi ADN actuelle n'est pas totalement adaptée et devrait être modifiée sur plusieurs points. En effet, dans la loi ADN actuelle, la procédure d'identification par analyse ADN est axée sur la recherche de l'auteur d'une infraction alors que s'il s'agit de personnes disparues, l'identification porte précisément sur des victimes potentielles et non sur l'auteur.
Pour le reste, la présente proposition de loi s'inscrit dans la logique de la loi ADN actuelle, tout en s'en différenciant sur un point essentiel, à savoir l'élément de contrainte. Alors qu'en matière pénale, le prélèvement d'un échantillon de cellules humaines sur une personne peut être effectué si nécessaire sous la contrainte, l'objectif en l'espèce est de faire en sorte que les prélèvements d'échantillons pour la banque de données ADN « Personnes disparues » soient obtenus avec le consentement des intéressés. C'est aux membres de la famille de la personne disparue qu'il revient de décider si du matériel ADN se rapportant à cette personne peut ou non être recueilli ou si eux-mêmes se soumettent au prélèvement d'échantillons de référence.
Ainsi qu'il a déjà été précisé, il faut adapter certains articles de la loi ADN afin de pouvoir y intégrer sans problème le volet « Personnes disparues ».
Une première modification à la loi ADN consiste donc à compléter l'intitulé de cette loi par les mots « et en vue de la recherche de personnes disparues » (article 2 de la présente proposition de loi).
Ensuite, il y a lieu d'adapter l'article 2, 5º, de manière à faire figurer la banque de données « Personnes disparues » dans la définition des banques nationales de données ADN (article 3 de la présente proposition de loi).
Cet article 3, qui détermine la finalité de l'analyse ADN et de la comparaison des profils ADN, doit aussi être adapté dans le but de permettre l'analyse et la comparaison de profils dans le cadre de la recherche de personnes disparues (article 4 de la présente proposition de loi).
Les autres modifications à apporter concernent l'article 3bis et l'article 6. L'article 3bis détermine le fonctionnement de la cellule nationale qui sera chargée de gérer la banque de données ADN « Personnes disparues » et l'article 6 fixe les dispositions pénales en cas d'utilisation abusive des données, des traces ou des profils ADN.
La présente proposition de loi insère aussi deux nouveaux articles dans la loi ADN, à savoir un article 5quinquies et un article 8quater. L'arti-cle 5quinquies fixe les modalités suivant lesquelles le gestionnaire des banques nationales de données ADN doit gérer les profils ADN. Cet article a été rédigé par analogie avec l'article 5quater existant qui fixe des modalités identiques mais pour les banques de données ADN existantes. L'article 8quater prévoit la création de la banque de données ADN « Personnes disparues » et fixe les conditions de base de son utilisation. Ce nouvel article prévoit aussi que les prélèvements d'échantillons destinés à cette banque de données nécessitent le consentement des intéressés ainsi qu'il a déjà été précisé ci-dessus.
En ce qui concerne la mise en uvre pratique de la présente proposition de loi, on peut se référer à l'article 7 actuel de la loi ADN. L'article 7 dispose que le Roi détermine les modalités de mise en uvre, tout comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les banques de données ADN « Criminalistique » et « Condamnés ».
Enfin, il convient de souligner que la présente proposition de loi est en tous points conforme aux dispositions garantissant le respect de la protection de la vie privée telles qu'elles figurent déjà dans la loi du 22 mars 1999, modifiée en dernier lieu par la loi du 7 novembre 2011. En outre, le nouvel article 8quater, § 2, prévoit que les profils ADN sont effacés lorsqu'ils ne sont pas ou ne sont plus utiles pour la recherche d'une personne disparue et qu'ils le sont en tout cas automatiquement après trente ans.
Inge FAES. | |
Elke SLEURS. | |
Lieve MAES. | |
Helga STEVENS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'intitulé de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale est complété par les mots « et en vue de la recherche de personnes disparues ».
Art. 3
Dans l'article 2 de la même loi, modifié par la loi du 7 novembre 2011, les modifications suivantes sont apportées:
a) le 5º est remplacé par ce qui suit: « 5º banques nationales de données ADN: les banques nationales de données ADN « Criminalistique », « Condamnés » et « Personnes disparues » gérées par l'Institut national de criminalistique et de criminologie »;
b) il est inséré un 12º rédigé comme suit: « 12º personne disparue: une personne qui a disparu depuis plus de trois semaines, à compter de la date de la déclaration de disparition à la police. ».
Art. 4
L'article 3 de la même loi, remplacé par la loi du 7 novembre 2011, est remplacé par ce qui suit:
« Art. 3. § 1er. L'analyse ADN et la comparaison de profils ADN peuvent uniquement être effectuées dans le cadre de procédures pénales, afin de permettre d'identifier directement ou indirectement les personnes impliquées dans la commission d'une infraction, de lever les soupçons qui pèsent sur d'autres personnes ou de prouver leur innocence.
§ 2. L'analyse ADN et la comparaison de profils ADN sont également possibles afin de permettre d'identifier directement ou indirectement des personnes décédées inconnues ou de faciliter la recherche de personnes disparues. »
Art. 5
Dans l'article 3bis de la même loi, inséré par la loi du 7 novembre 2011, les modifications suivantes sont apportées:
1º dans le paragraphe 2, les mots « des articles 4, 5, 5bis et 5ter » sont remplacés par les mots « des articles 4, 5, 5bis, 5ter et 8quater »;
2º le paragraphe 2 est complété par un 7º rédigé comme suit:
« 7º la coordination et la gestion des échantillons de référence et des missions concernant l'analyse ADN relative aux personnes disparues »;
3º dans le paragraphe 3, les mots « et à l'article 5 de la présente loi » sont remplacés par les mots « et aux articles 5 et 8quater de la présente loi ».
Art. 6
Il est inséré dans la même loi, modifiée en dernier lieu par la loi du 7 novembre 2011, un article 5quinquies rédigé comme suit:
« Art. 5quinquies. § 1er. Dès réception, le gestionnaire des banques nationales de données ADN ou son délégué enregistre les profils ADN qui lui ont été transmis conformément à l'article 8quater, paragraphes 3 et 4, de la présente loi, et il les compare avec les profils ADN enregistrés dans les banques nationales de données ADN « Personnes disparues » et « Criminalistique ».
§ 2. Lorsque la comparaison visée au paragraphe 1er établit un lien positif, les données suivantes sont enregistrées avec le profil ADN pertinent:
1º le lien positif;
2º le cas échéant, le numéro de code ADN.
§ 3. Dans un délai maximal de quinze jours après la réception des profils visés au paragraphe 1er, le gestionnaire des banques nationales de données ADN ou son délégué notifie d'office le résultat de la comparaison des profils ADN au magistrat compétent:
1º par une notification circonstanciée lorsqu'un lien positif est obtenu;
2º par simple notification si la comparaison n'établit pas de concordance.
Cette notification est transmise par courrier écrit au magistrat concerné.
Cette notification doit se faire via la cellule nationale lorsqu'un lien positif avec un numéro de code ADN a été constaté lors de la comparaison.
Dans ce cas, la cellule nationale établit un pro justitia comme visé à l'article 3bis, § 2, 5º, afin de communiquer le nom de la personne concernée à laquelle est attribuée le numéro de code ADN révélé par la comparaison. Il joint ce pro justitia à la notification écrite du gestionnaire des banques nationales de données ADN ou de son délégué et transmet ces documents immédiatement au magistrat requérant.
Le cas échéant, seuls les magistrats compétents peuvent, via la cellule nationale, prendre connaissance de l'identité de la personne à laquelle se rapporte le profil ADN pertinent enregistré dans les banques nationales de données ADN et décider de l'utiliser dans une enquête pénale. »
Art. 7
Dans l'article 6, § 2, de la même loi, modifié par la loi du 7 novembre 2011, les 1º, 2º et 3º sont complétés chaque fois par les mots « ou de la recherche de personnes disparues ».
Art. 8
Il est inséré dans la même loi, modifiée en dernier lieu par la loi du 7 novembre 2011, un article 8quater rédigé comme suit:
« Art. 8quater. § 1er. Il est créé au sein de l'Institut national de criminalistique et de criminologie une banque de données ADN « Personnes disparues ». Cette banque de données ADN contient les profils ADN d'échantillons de référence de personnes disparues ou les profils ADN d'échantillons de référence d'un parent de la personne disparue en ligne ascendante, en ligne descendante ou en ligne collatérale.
§ 2. Les profils ADN et les données y relatives visées au présent article sont effacés de la banque de données ADN « Personnes disparues » sur ordre du ministère public, dès lors que leur conservation dans la banque de données n'est pas ou n'est plus utile aux fins de la recherche de la personne disparue concernée.
Les profils ADN qui n'ont pas été identifiés et les données y relatives sont de toute façon effacés de la banque de données de manière automatique, trente ans après leur enregistrement dans la banque de données.
§ 3. Le procureur du Roi ordonne le prélèvement d'un échantillon de référence sur une personne au sens du paragraphe 1er.
Avant qu'il soit procédé au prélèvement, le procureur du Roi ou un officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi, communique à l'intéressé les informations suivantes:
1º l'enregistrement de son profil ADN ou du profil ADN de la personne disparue dans la banque de données ADN « Personnes disparues »;
2º la comparaison systématique de son profil ADN ou du profil ADN de la personne disparue avec les profils ADN enregistrés dans les banques nationales « Personnes disparues » et « Criminalistique » afin de permettre d'identifier directement ou indirectement la personne disparue;
3º en cas de lien positif avec un des profils ADN visés au 2º, l'enregistrement de ce lien.
§ 4. Le procureur du Roi requiert un officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi, ou un médecin pour effectuer le prélèvement.
Pour le prélèvement de sang, il ne peut requérir qu'un médecin.
L'opération de prélèvement est consignée dans un procès-verbal établi par l'officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi.
Le procureur du Roi désigne un expert attaché à un laboratoire, pour établir le profil ADN de l'échantillon de référence.
Dans un délai maximal d'un mois après la réception de sa mission et de l'échantillon de référence, l'expert communique d'office au gestionnaire des banques nationales de données ADN, le profil ADN obtenu et les données y relatives afin qu'ils soient enregistrés dans la banque de données ADN « Personnes disparues ».
L'expert détruit immédiatement l'échantillon de référence et les échantillons qui en dérivent contenant de l'ADN.
§ 5. Le prélèvement d'échantillons de référence qui peuvent conduire directement ou indirectement à l'identification de la personne disparue n'est possible qu'avec le consentement du conjoint, du cohabitant légal, du cohabitant de fait, d'un parent en ligne ascendante, d'un parent en ligne descendante ou, à défaut, d'un parent en ligne collatérale.
Le prélèvement d'échantillons de référence d'un parent en ligne ascendante, d'un parent en ligne descendante ou d'un parent en ligne collatérale n'est possible qu'avec le consentement de cette personne. »
Art. 9
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi, et au plus tard le premier jour du vingt-quatrième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.
19 avril 2012.
Inge FAES. | |
Elke SLEURS. | |
Lieve MAES. | |
Helga STEVENS. |