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24 MAI 2012
L'animal occupe de plus en plus une place prépondérante dans notre société. L'apport bénéfique qu'il procure à l'homme est multiple: outre son impact affectif incontestable, l'animal de compagnie joue un rôle éducatif et d'épanouissement auprès des enfants, un rôle de soutien moral et social pour les personnes isolées ou malades ainsi qu'une aide utilitaire indispensable pour certaines personnes handicapées.
La place accordée aux animaux au sein de nos foyers ne cesse donc de s'accroître. Pour preuve, selon les données de 2004 du Service public fédéral (SPF) Économie, PME, Classes moyennes et Énergie, en Belgique, notre pays comptabilisait 836 000 ménages possédant au moins un chien et 1 067 000 ménages possédant au moins un chat. Un ménage sur cinq est propriétaire d'au moins un chien et un sur quatre d'au moins un chat. La même année, les Belges ont dépensé pas moins de 757 millions d'euros pour leurs animaux de compagnie.
La question du bien-être de l'animal est à l'heure actuelle au centre de toutes les préoccupations. L'animal tient une place de plus en plus prépondérante dans notre société. Son statut a considérablement changé: d'objet de consommation, l'animal est devenu un être sensible à part entière.
Malgré les diverses avancées législatives réalisées en Belgique en matière de protection et de bien-être animal, l'auteure de la présente proposition de loi estime que des améliorations en la matière sont encore à faire.
Il y a plus de vingt ans déjà, la Belgique se dotait de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Cette loi, excellente base reflétant la préoccupation de notre pays pour le bien-être animal, fait régulièrement l'objet de modifications législatives afin de répondre à l'évolution de cette protection que l'on veut toujours plus pointue et efficace. Ces idées sont, par ailleurs, confortées par les nouvelles connaissances scientifiques (étude du comportement animal, sensibilité à la douleur, ...).
L'auteure de la présente proposition de loi a réalisé différentes évolutions législatives sous les législatures précédentes visant à reconnaître à l'animal un certain statut.
Ainsi rappelons:
— La proposition de loi modifiant l'article 42 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, déposée le 4 novembre 2003 et devenue loi le 4 juillet 2004.
Auparavant, lorsqu'un animal ayant subi des sévices était saisi, quatre mesures pouvaient être prises par le Service vétérinaire, à savoir la restitution au propriétaire sous caution, la mise à mort sans délai, la vente ou, enfin, il pouvait être « confié » à une personne, société protectrice des animaux ou autres organismes qui en assurerait les soins.
La plupart des animaux ainsi « confiés » ne pouvaient être adoptés car leur tortionnaire, s'il n'en faisait pas abandon, en restait propriétaire. Il fallait alors attendre la fin du procès, qui pouvait être particulièrement long, pour qu'une adoption puisse être envisagée.
La loi a ajouté une cinquième mesure à la panoplie déjà existante qui permet, aux services vétérinaires, de donner un animal en pleine propriété à, par exemple, une société protectrice des animaux qui aura pour mission de l'entretenir et de le faire adopter.
— La proposition de loi modifiant les articles 1er, 35 et 39 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux en vue d'augmenter la peine en cas de sévices occasionnés à un animal et d'interdire les relations sexuelles avec les animaux, déposée le 25 avril 2005 et devenue loi le 19 mars 2007.
Cette loi vise à augmenter les peines à infliger aux tortionnaires d'animaux.
Une augmentation de trois à six mois comme maximum de la peine d'emprisonnement applicable aux actes ayant « pour but de faire périr inutilement un animal ou de lui causer inutilement une mutilation, une lésion ou des souffrances » a été prévue. L'objectif est de permettre au juge de sanctionner plus proportionnellement les actes de cruauté en fonction de leur gravité.
Par ailleurs, il est prévu que la peine pourra être doublée en cas de récidive et donc portée à un an. Le juge d'instruction aura donc la possibilité de décerner un mandat d'arrêt à l'encontre de l'auteur récidiviste. La sanction sera immédiate et donc dissuasive.
— La proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, déposée le 25 avril 2005 et devenue loi le 11 mai 2007.
Cette loi vise à interdire l'achat à crédit d'animaux de compagnie. Par cette interdiction, on responsabilise la personne qui achète un animal en évitant qu'elle puisse réaliser un achat impulsif. Acquérir un animal doit être mûrement réfléchi car, d'une part, il est inconcevable qu'on s'en défasse comme d'une machine à lessiver lorsqu'on en est lassé, et, d'autre part, il faut pouvoir faire face aux frais liés à la prise en charge d'un animal: nourriture, soins, vétérinaire, hébergement, etc.
— La proposition de loi modifiant l'article 9 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en vue de réduire le délai d'attente après lequel un chien abandonné peut être adopté, déposée le 25 avril 2005 et devenue loi le 1 mars 2007.
Cette loi prévoit que le délai pendant lequel un chien ne peut être adopté définitivement par un nouveau maître se limite à deux semaines.
— La proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne l'agrément d'établissements commerciaux pour animaux, déposée le 4 novembre 2003 et devenue loi le 23 juin 2004.
Cette loi instaure l'obligation, pour les services vétérinaires, de faire immédiatement un rapport au ministre lorsque qu'ils doivent faire application de l'article 42, § 2, à l'exception de la remise au propriétaire sous caution, à savoir mettre à mort, vendre, confier à un autre établissement les animaux saisis. Elle permet de viser la personne même du responsable de l'établissement sanctionné par un retrait d'agrément et non à l'établissement lui-même.
Le régime juridique actuel de l'animal, prévu aux articles 524 et 528 du code civil, l'assimile à un bien meuble.
Selon l'article 528 du Code civil « sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées. »
Cet article distingue les animaux des choses inanimées.
Selon l'article 524 du même Code « Les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination.
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds: Les animaux attachés à la culture; Les ustensiles aratoires; Les semences données aux fermiers ou colons partiaires; Les pigeons des colombiers; Les lapins des garennes; Les ruches à miel; Les poissons des étangs; Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes; Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines; Les pailles et engrais.
Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »
Cet article sépare les animaux des objets servant à l'exploitation du fonds.
Aucune modification du Code civil n'a encore été, à ce jour, réalisée en ce qui concerne le statut juridique propre à l'animal.
En France, ce pas a déjà été réalisé avec succès. L'auteure de la proposition s'est donc largement inspirée du droit français pour rédiger ce texte.
La présente proposition constitue l'amorce du changement de mentalité souhaité par le citoyen dans le droit belge afin que l'animal ait enfin dans notre société sa juste place et l'affect qui lui est dû. Définir l'animal dans le code civil comme « être sensible », notion dont découle son droit au bien-être, et le sortir de la catégorie des biens, classification de 1804, s'avère indispensable.
La Suisse, l'Allemagne ou encore la Moldavie ont été des précurseurs en matière de protection animale, et ont ainsi modifié leur Code civil. L'auteure de la présente proposition estime qu'il est indispensable de mettre notre législation en conformité avec le Droit de l'Europe qui a évolué en cette matière.
À titre d'exemple, le nouvel article 641 a du Code civil suisse dispose que: « Les animaux ne sont pas des choses. Sauf dispositions contraires, les dispositions s'appliquant aux choses sont également valables pour les animaux. »
Le nouvel article 90 du Code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch ou BGB) dispose que: « Les animaux ne sont pas des choses. Ils sont protégés par des lois spécifiques. Les dispositions s'appliquant aux choses ne leur sont appliquées que dans la mesure où il n'existe pas de dispositions contraires. ».
Le titre II du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) énonce certains principes fondamentaux que l'Union doit respecter. Un nouvel article 13 a été introduit par le traité de Lisbonne. Cet article dispose que: « Lorsqu'ils formulent et mettent en uvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. »
Le Code civil doit définir cette notion de sensibilité qui est reconnue à l'animal. Citons la définition récente proposée par la Fondation Ligue française des droits de l'animal, in « Droit animal, éthique et sciences » d'avril 2011:
« Tout animal appartenant à une classe ou superclasse zoologique dans laquelle au moins une espèce est scientifiquement présumée apte à ressentir la douleur et/ou à éprouver d'autres émotions doit faire l'objet de dispositions législatives et réglementaires destinées à faire respecter cette sensibilité particulière. »
L'auteure estime dès lors que la base permettant l'harmonisation du droit de l'animal dans le Code civil belge, repose sur l'aptitude de celui-ci au ressenti de douleur et d'émotions, aptitude basée sur un système nerveux supérieur effectif.
Article 2
D'objet de consommation, l'animal est devenu un être sensible à part entière. Cependant, il est exclu du titre premier du livre II du code civil intitulé: « De la distinction des biens ». Cet article vise à faire reconnaître à l'animal ses particularités par rapport aux biens. Le titre premier actuel est renuméroté en titre premier/1.
Un nouveau titre intitulé « Titre premier: « Des animaux » », a été inséré dans le Code civil.
Un nouvel article 515/1 a été ajouté afin de préciser le caractère d'être vivant et sensible de l'animal ainsi que son droit au bien-être.
Un nouvel article 515/2 a été ajouté afin de définir les conditions d'appropriation de l'animal. Il y est précisé la référence aux dispositions du Code civil sur la vente et à la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être animal.
L'article 515/3 énumère la liste des animaux constituant des accessoires non détachables d'une exploitation agricole.
Articles 3 à 7
L'objectif de ces articles est de supprimer toutes les références aux animaux.
Christine DEFRAIGNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans le livre II du Code civil les modifications suivantes sont apportées:
1º l'intitulé est remplacé comme suite:
« Livre II. Des animaux, des biens et des différentes modifications de la propriété »;
2º le titre premier est renuméroté en titre premier/1;
3º il est inséré un titre premier, comprenant les articles 515/1 à 515/3, rédigé comme suite:
« Titre premier: Des animaux
Art. 515/1. Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité en ce qu'ils sont dotés d'un système nerveux supérieur les rendant scientifiquement aptes à ressentir douleur et émotions.
Ils sont placés dans des conditions conformes au respect de leur bien-être.
Art. 515/2. L'appropriation des animaux s'effectue conformément aux dispositions du Code civil sur la vente et par la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux.
Les dispositions relatives au contrat de louage sont applicables aux animaux.
Art. 515/3. Constituent des accessoires non détachables d'une exploitation agricole:
a) les animaux attachés à la culture, que le propriétaire du fonds y a placés pour le service et l'exploitation du fonds;
b) les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention.
c) les pigeons des colombiers, les lapins de garennes, les ruches à miel et les poissons des étangs. »
Art. 3
L'article 522 du même Code est abrogé.
Art. 4
À l'article 524 du même Code, les modifications suivantes sont apportées:
1º le troisième alinéa est abrogé;
2º le sixième alinéa est abrogé;
3º le septième alinéa est abrogé;
4º le neuvième alinéa est abrogé.
Art. 5
L'article 528 du même Code est remplacé par ce qui suit:
« Art. 528. Sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent être transportés d'un lieu à un autre. »
Art. 6
L'article 544 du même Code est complété par un alinéa rédigé comme suit:
« La propriété des animaux est limitée par les dispositions légales qui leur sont propres. »
Art. 7
Dans l'article 564 du même Code, le mot « objets » est remplacé par le mot « animaux ».
4 octobre 2011.
Christine DEFRAIGNE. |