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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 3 MEI 2012 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van de heer Richard Miller aan de minister van Overheidsbedrijven, Wetenschapsbeleid en Ontwikkelingssamenwerking over «de humanitaire toestand in Syrië» (nr. 5-532)

M. Richard Miller (MR). - Dans un communiqué de presse récent, vous avez évoqué votre intention de réserver 2 millions d'euros aux organisations humanitaires partenaires de la Belgique, afin que celles-ci puissent intervenir et apporter une aide supplémentaire en Syrie, si cette initiative est approuvée par le Conseil des ministres. Comme vous l'avez signalé, ce montant s'ajoutera aux financements alloués aux acteurs humanitaires et aux fonds d'urgence flexibles.

Nous déplorons la situation humanitaire extrêmement inquiétante qui touche la population civile, celle-ci étant victime de violences et n'ayant pas toujours accès aux biens de première nécessité. Tel est le cas dans certaines villes syriennes, notamment à Homs, où il est difficile pour les ONG et pour les agences humanitaires de faire parvenir leur aide.

La situation aux frontières syriennes est également alarmante : 61 000 réfugiés syriens se trouveraient dans les pays limitrophes.

Il est évidemment nécessaire de secourir la population civile en aidant les agences et les organisations humanitaires avec lesquelles la Belgique a l'habitude de collaborer en raison de leur expérience sur le terrain et de leur respect à l'égard des critères généraux de neutralité, d'intégrité, de transparence et d'efficacité.

Monsieur le ministre, vous attendez, avez-vous expliqué, que l'accès au territoire soit suffisamment sécurisé pour que les organisations humanitaires puissent intervenir correctement.

Les critères de sécurité sont-ils suffisants pour que ces organisations puissent intervenir dans les zones où la situation humanitaire est critique et que la protection du personnel des organisations humanitaires puisse être assurée ? Étant donné que le plan Annan, qui prévoit l'accès humanitaire, n'est pas respecté par le régime d'al-Assad, je voudrais savoir de quelle manière ces organisations interviennent et s'il existe des « pauses » humanitaires afin que les organisations puissent intervenir efficacement, notamment dans les villes ou dans les provinces assiégées.

Par ailleurs, votre communiqué de presse mentionne le « Good Humanitarian Donorship » - principes et bonnes pratiques pour l'aide humanitaire - en évoquant la possibilité de mobiliser des moyens militaires à des fins humanitaires.

Je souhaiterais savoir quelles dispositions seraient envisagées afin de mobiliser des moyens militaires, si ce type d'intervention devait avoir lieu, et connaître votre avis concernant le danger que peut représenter ce type d'intervention, malgré l'urgente nécessité de venir en aide aux populations civiles.

Je suis conscient que cette dernière question souligne un débat récurrent en matière d'aide humanitaire en ce qui concerne, d'une part, l'impuissance de ne pouvoir intervenir directement et, d'autre part, la question de la partialité, qui pourrait servir l'intérêt de l'oppresseur.

M. Paul Magnette, ministre des Entreprises publiques, de la Politique scientifique et de la Coopération au développement, chargé des Grandes Villes. - Le 17 avril dernier, j'ai en effet déclaré que j'avais décidé de réserver, dans le budget de la Coopération, une enveloppe de 2 millions d'euros pour venir en aide aux victimes des violences en Syrie.

Étant donné la situation de crise et l'urgence humanitaire, il me semble fondamental que la Belgique soit prête à apporter une aide supplémentaire pour venir en aide à ces victimes.

Je précise que ce montant s'ajoutera aux financements annuels alloués par la Belgique aux acteurs humanitaires et aux fonds d'urgence flexibles.

Si le plan Annan prévoit en effet un accès humanitaire sur le territoire syrien et si l'on peut douter de l'application régulière de ce plan par les autorités et par l'opposition syriennes, il ne faut pas oublier que les organisations des Nations Unies ne sont pas les seules à être actives en matière d'assistance humanitaire.

D'autres instances sont déjà présentes, comme le Comité international de la Croix-Rouge, seul acteur international à être réellement opérationnel dans le cadre des interventions humanitaires en faveur des populations syriennes touchées par ces situations de violence armée.

Il importe également de savoir que l'UNRWA est aussi opérationnelle en Syrie pour fournir de l'assistance aux réfugiés palestiniens présents sur le territoire depuis de nombreuses années. Le travail humanitaire est rendu compliqué par le manque d'accès, mais de l'assistance est bel et bien fournie.

En outre, le président du CICR, Jakob Kellenberger, s'est rendu en Syrie les mardi 3 et mercredi 4 avril. Il y a rencontré les ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Santé. Des engagements positifs ont été pris par les autorités syriennes en matière d'accès humanitaire.

Les autorités syriennes ont donné leur accord de principe sur l'extension de la présence et des activités du CICR en Syrie. Elles ont également accepté des modalités de déclenchement de pauses dans les combats, afin de permettre l'assistance humanitaire. Le CICR aura l'initiative de demander le cessez-le-feu dès qu'il en aura besoin.

Il ne fait aucun doute que ces accords ont pu être engrangés au regard de la neutralité et de l'indépendance reconnues du CICR.

Quant à ma référence au Good Humanitarian Donorship, elle vise à appuyer l'approche défendue notamment par les pays de la région, à savoir éviter que des moyens militaires soient mobilisés à des fins humanitaires. Je rappelle qu'en adhérant à ces principes en 2003, la Belgique s'est engagée, s'agissant de la délivrance de l'aide, à « veiller à ce que ce soit selon les modalités conformes au droit international humanitaire et aux principes humanitaires ». Cela revient à affirmer le rôle de premier plan des organisations civiles dans la mise en oeuvre de l'action humanitaire et donc à retarder, aussi longtemps que possible, l'utilisation de ressources militaires voire, si possible, à ne pas y faire appel du tout.

Pour les organisations humanitaires, une insécurité accrue rime avec un accès réduit à des zones où la population peut avoir besoin d'assistance. Dans les contextes les plus difficiles, comme au Yémen ou en Afghanistan, par exemple, un nombre restreint d'acteurs humanitaires disposent encore d'un accès régulier aux populations et peu d'intervenants sont capables de mener des interventions indépendantes. L'efficacité d'une action humanitaire indépendante, neutre et impartiale dans les conflits armés est parfois mise en doute. Cependant, ce sont ces principes mêmes qui permettent d'atteindre les personnes prises au piège dans les conflits armés pour leur porter protection et assistance. C'est parce que la neutralité, l'indépendance et l'impartialité d'une action humanitaire permettent aux différentes parties du pays concerné de percevoir cette intervention comme purement et strictement humanitaire, sans agenda politique ou militaire, que les acteurs humanitaires peuvent y travailler dans une sécurité satisfaisante.

Ainsi, pour prendre un exemple récent, si l'idée de mettre en place des couloirs humanitaires est perçue comme l'imposition d'un espace humanitaire par des forces militaires, on peut émettre de très claires réserves quant à son efficacité. En effet, une solution négociée avec toutes les parties au conflit sera toujours plus sûre qu'une solution imposée qui, en outre, pourrait mettre en péril la sécurité des acteurs humanitaires sur le terrain. En effet, s'ils ne sont plus perçus comme des acteurs neutres et indépendants, ils peuvent devenir des cibles potentielles pour certaines parties au conflit. En outre, certains acteurs humanitaires pourraient perdre des avancées déjà engrangées en matière de solution négociée. Enfin, les couloirs humanitaires sécurisés engendrent un risque important de voir les espaces en dehors de ceux-ci se transformer en véritables zones de non-droit où tout est permis et où plus aucun accès ne pourrait être négocié.

Dans ces situations extrêmement sensibles et délicates, il convient d'agir avec la plus grande délicatesse, afin de préserver le peu de latitude dont bénéficient encore les quelques organisations qui peuvent intervenir sur le terrain, en raison de leur réputation de neutralité.

M. Richard Miller (MR). - Au nom de mon groupe, je remercie M. le ministre pour cette réponse extrêmement complète qui traduit bien toute la lucidité avec laquelle il affronte cette situation très difficile.