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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 26 AVRIL 2012 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Philippe Mahoux au secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles et à la ministre de l'Emploi sur «l'interdiction progressive du perchloroéthylène dans les pressings» (no 5-508)

M. Philippe Mahoux (PS). - Je souhaitais poser également ma question au secrétaire d'État à l'Environnement car ce problème touche à la fois à la relation de travail et à la problématique plus générale de l'environnement.

La question de l'interdiction du perchloroéthylène est posée depuis quelque temps et elle vient d'être tranchée en France. Le ministère de la Santé et celui de l'Écologie ont effectivement confirmé un renforcement à venir des réglementations relatives à ce solvant toxique et cancérigène, largement utilisé dans les boutiques de nettoyage à sec de l'Hexagone. Ce produit est également fort employé en Belgique.

Le professeur Alfred Bernard, toxicologue, estime pour sa part que ce produit est hautement toxique pour l'environnement. Selon lui, son utilisation serait susceptible de contaminer de manière quasi irréversible des nappes phréatiques en cas de libération dans le sol. Cet aspect relève plutôt des compétences du secrétaire d'État.

Outre cet aspect environnemental, la question de la protection des travailleurs dans les pressings est clairement posée.

En Belgique, la limite d'exposition des travailleurs à ce produit (huit heures par jour) est fixée à 172 milligrammes par mètre cube. En France, un projet de décret devrait fixer cette limite à 138 milligrammes par mètre cube.

L'entrée en vigueur de la mesure est prévue au 1er juillet 2012 et il convient d'ajouter que la France est portée sur une politique de substitution.

Renforcer la réglementation et encourager les alternatives sont des pistes préconisées par la France et nous pouvons nous en réjouir même si on reste éloigné des mesures de prévention et d'interdiction en vigueur aux États-Unis ou encore au Danemark.

Vos départements sont-ils attentifs à ce dossier ? Des mesures sont-elles envisagées à court terme, notamment la révision des normes d'exposition des travailleurs, au regard des connaissances scientifiques les plus récentes ?

Se réfugier derrière une législation européenne ne me paraît pas suffisant et les mesures prises dans des pays voisins devraient également être adoptées dans notre pays. Il n'est pas nécessaire d'attendre une directive ou un règlement européen qui arrive souvent avec retard.

Plusieurs solutions sont possibles. Entre autres, la France a décidé que toute installation nouvelle ne serait autorisée que moyennant le respect scrupuleux des normes relatives au perchloroéthylène ou l'utilisation d'autres produits. En outre, les machines vétustes sont désormais interdites. L'étanchéité des machines est en effet un élément important.

Mme Monica De Coninck, ministre de l'Emploi. - Les risques liés à l'utilisation de ce produit dans les pressings sont bien connus. Le perchloroéthylène a été enregistré en 2010 à la suite du règlement « REACH ».

À cet effet, un rapport a été rédigé sur la sécurité chimique. Ce rapport sera analysé, discuté et évalué en 2013 par les États membres. Ces derniers décideront si, oui ou non, l'usage du perchloroéthylène est permis.

Aux États-Unis, seul l'État de Californie a décidé d'interdire l'utilisation du perchloroéthylène à partir de 2023. Quatre-vingt-cinq pour cent de toutes les installations américaines utilisent encore le perchloroéthylène.

Au sein de l'Union européenne, hormis la France qui vient d'annoncer son intention d'interdire l'utilisation de ce produit, le perchloroéthylène est autorisé dans tous les États membres.

Je ne suis pas compétente pour interdire l'installation de nouveaux pressings utilisant le perchloroéthylène. Cette question relève du secrétaire d'État, M. Wathelet. Par contre, je suis compétente pour ce qui concerne la protection des employés qui travaillent dans ces pressings.

L'une des mesures est la définition des valeurs limites par le Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail, qui réunit les syndicats, les employeurs et les scientifiques. Régulièrement, ce conseil réévalue ces valeurs sur la base des dernières études parues.

Comme vous, j'ai lu les propos des professeurs Charlier et Bernard, toxicologues. Sur cette base, j'ai demandé au Conseil supérieur de se pencher une nouvelle fois sur ce dossier.

Cependant, il convient également de vérifier le respect des règles sur le terrain. À ma demande, les services de prévention et d'inspection se livrent actuellement à des contrôles des entreprises de pressing.

J'approuve le principe général consistant à essayer avant tout de remplacer non seulement les substances cancérigènes mais aussi celles susceptibles de provoquer le cancer, comme le perchloroéthylène. Il ne faut toutefois pas imposer d'emblée ce procédé car d'autres méthodes peuvent aussi comporter des risques, d'explosion ou d'inflammabilité par exemple.

Vous savez que j'estime essentiel que plus de personnes travaillent plus longtemps. Cependant, je saisis l'occasion pour dire qu'en ma qualité de ministre de l'emploi, je ne pourrai jamais accepter que cela se fasse aux dépens de la sécurité et de la santé des travailleurs.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je serai particulièrement attentif à l'application des mesures que vous venez de mentionner. Il importe que les interlocuteurs sociaux soient associés au problème. Il serait intéressant de connaître l'avis du Conseil national du travail sur ce type de problème.

Il y a quelques semaines, avant de découvrir un article dans la presse, j'avais interrogé des commerçants qui m'ont dit qu'ils avaient déjà modifié leurs installations il y a dix ans.

J'ai également appris que certains clients, particulièrement dans la région bruxelloise, ou cela semble possible, choisissent des pressings où la sécurité concernant ce produit est assurée, ce qui signifie qu'une alternative est possible.

Je reviendrai sur la question dans un délai rapproché. Il serait utile qu'un projet de résolution soit déposé au Sénat. Nous pourrions ainsi entendre des experts et contribuer, par notre travail parlementaire, à une sécurité plus importante pour les travailleurs et les clients des entreprises de pressing.