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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 26 APRIL 2012 - NAMIDDAGVERGADERING

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Mondelinge vraag van de heer André du Bus de Warnaffe aan de vice-eersteminister en minister van Buitenlandse Zaken, Buitenlandse Handel en Europese Zaken over «de Birmese lente» (nr. 5-514)

M. André du Bus de Warnaffe (cdH). - Dans l'introduction de l'édition 2008-2009 du Guide du Routard consacré au Myanmar, l'auteur se demande s'il faut boycotter ce pays et s'il convient, ou non, de s'y rendre. Voici encore quelques semaines, on aurait pu ajouter la question suivante : faut-il aller dans ce pays oublié, ignoré de l'Occident, dont l'histoire récente se résume à cinquante ans de dictature militaire, dont la population, séquestrée, est privée de ses droits les plus fondamentaux et où le simple fait de prononcer le nom de Aung San Suu Kyi, Prix Nobel 1991, fait de vous un prisonnier politique ?

Le 1er avril 2012 ont eu lieu des élections partielles. La victoire fut autant historique que symbolique, modeste mais écrasante pour la Ligue nationale pour la démocratie. On a noté une participation enthousiaste de la population. Un vent de liberté souffle donc sur le Myanmar. Aung San Suu Kyi est élue au parlement, point d'orgue d'une série ininterrompue de revendications et de réformes aussi nombreuses que spectaculaires. Les élections, rendues volontairement transparentes par la présence d'observateurs et de journalistes, semblent s'être déroulées dans le calme, sans incidents majeurs, même si tout n'a pas été parfait.

Une première étape, sans aucun doute importante, a été franchie sur le chemin escarpé de la démocratie. Une ouverture timide au dialogue est donc rendue possible entre le gouvernement et la population.

D'autres signes positifs nous parviennent. Fin avril, un Bureau de l'Union européenne sera installé à Rangoon. En 2014, le Myanmar assumera la présidence de l'ASEAN. En réponse à la demande d'explications que je lui avais adressée en novembre 2011, le ministre Vanackere avait confirmé la création d'une Commission nationale des droits de l'homme.

Je constate aussi que l'on se bouscule subitement au portillon politique pour découvrir ce pays étourdissant de beauté, à l'hospitalité extraordinaire, qui s'ouvre au monde après des années d'isolement, un peu comme le Japon qui, en 1868, s'ouvrait progressivement à l'Occident.

Cependant, plusieurs personnes s'interrogent, sinon sur le caractère réversible de cette évolution démocratique, à tout le moins sur les limites potentielles de cette expansion.

Nous avons appris par la presse que l'on envisageait la levée des sanctions économiques. Le Conseil des ministres des Affaires étrangères vient de se réunir.

Quelle est la position de la Belgique à ce sujet et quelle est la procédure suivie pour rendre ces décisions efficaces ? Dans la foulée, peut-on imaginer que le Myanmar devienne un pays partenaire de notre Coopération au développement ?

Comptez-vous prendre contact avec votre homologue birman dans les prochains mois ? Si tel est le cas, est-il légitime d'envisager l'organisation d'une mission économique ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes. - Je partage dans une large mesure votre analyse assez prudente de l'évolution de ce pays.

Lors du Conseil Affaires étrangères de ce 23 avril, l'Union européenne a décidé, à la suite des développements positifs dont vous avez fait mention, de suspendre pour douze mois l'ensemble des mesures restrictives, à l'exception toutefois de l'embargo sur les armes qui reste en vigueur. Par cette décision, mes collègues et moi-même avons voulu répondre aux transformations en cours en Birmanie, tout en maintenant une certaine pression, afin que les autorités birmanes poursuivent les réformes.

Il reste en effet du chemin à parcourir pour la démocratisation du pays. La situation humanitaire dans certaines zones ethniques, notamment dans l'État de Kachin où des combats continuent, est inquiétante. La situation des droits de l'homme est encore très précaire. La Constitution adoptée en 2008 confère toujours des privilèges importants aux militaires, notamment dans la composition du parlement, puisque 25% des sièges leur sont encore réservés.

S'agissant de l'ajout du Myanmar à la liste des pays partenaires pour la coopération au développement de la Belgique, je vous renvoie vers mon collègue Paul Magnette. Je tiens simplement à signaler que la Belgique dispose d'autres moyens pour aider le pays, notamment via le budget de la diplomatie préventive. À travers cet outil, mon département a financé ces dernières années divers projets bénéficiant directement à la population. Nous n'avons pas attendu les dernières et récentes élections pour nous préoccuper de la situation dans ce pays.

Il reste dans mon intention de me rendre prochainement au Myanmar afin d'encourager la poursuite des réformes et de marquer le soutien de la Belgique aux forces démocratiques. Plus concrètement, j'ai proposé à la haute représentante européenne, Cathy Ashton, et à mes collègues d'inviter Aung San Suu Kyi à venir nous rencontrer à Bruxelles, plutôt que de lui imposer le tour des capitales européennes où tout le monde souhaite l'inviter. Mme Ashton va lui faire cette proposition, lors de leur prochaine rencontre en Birmanie. J'espère que cette initiative pourra se concrétiser rapidement.

En ce qui concerne la légitimité d'organiser des missions économiques, je persiste à penser qu'il est préférable de respecter une certaine séquence politique. Il convient, me semble-t-il, avant d'organiser de telles missions, d'avoir établi les premiers contacts politiques, ce que nous faisons d'ailleurs sur le plan européen. C'est aussi l'attitude du ministre bruxellois en charge du Commerce extérieur qui l'a rappelé lui-même à ses collègues régionaux.

En résumé, nous devons accompagner l'ouverture qui se manifeste, tout en gardant des moyens de pression. C'est la raison pour laquelle une suspension et non une levée des sanctions a été décidée. Une réévaluation de cette suspension aura lieu au mois d'octobre, avant de décider d'une éventuelle progression dans les relations. Pour éviter des déplacements inutiles à la principale responsable de l'opposition, j'ai proposé que nous la recevions tous ensemble, à 27 voire à 28, si les collègues croates se joignent à nous, puisqu'ils participent désormais aux réunions.

M. André du Bus de Warnaffe (cdH). - Je vous remercie pour votre réponse prudente ainsi que pour l'initiative que vous avez prise d'inviter Aung San Suu Kyi dans la capitale de l'Europe. Certaines questions demeurent néanmoins, entre autres celle des délais dans lesquels nous pourrons reprendre véritablement des activités commerciales.

Une autre question porte sur le fait de savoir si certaines compétences relevant exclusivement des États nationaux, par exemple l'environnement, ne s'accompagneront pas d'initiatives propres à chacun des pays au lieu de mesures de l'Union européenne.

Je compte revenir, en commission des Relations extérieures et de la Défense, sur différents aspects de l'accord international sur les bois tropicaux qui mobilise aujourd'hui beaucoup d'attention, la Birmanie étant connue pour la qualité de son teck, par exemple.

Je proposerai également la création d'un groupe bilatéral Belgique-Myanmar au sein de l'Union interparlementaire. Ce serait une façon de participer à la restauration des activités politiques dans ce pays.

Là où naissent de nouveaux espaces de liberté, même fragiles, là où disparaissent des espaces de dictature, là où l'humanité progresse, la Belgique a le devoir d'être présente. Vos propos me rassurent à cet égard.