5-1576/1

5-1576/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

17 AVRIL 2012


Proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, en vue de créer une banque de données ADN « Inculpés et suspects »

(Déposée par Mme Inge Faes et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi vise à créer une banque de données ADN destinée à l'enregistrement des profils ADN de certains inculpés et suspects. L'impossibilité de condamner un inculpé ou un suspect, faute de preuves, est un constat récurrent. C'est surtout le cas pour les faits de mœurs, soit parce que l'identité de l'auteur n'est pas connue, soit parce que les preuves sont insuffisantes. Dans les faits de mœurs, il est donc rare qu'une condamnation puisse être prononcée. Il ressort d'une étude récente de l'Office des Nations unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime que chaque année, en Belgique, un peu plus de vingt-six dossiers de viol sont ouverts pour 100 000 habitants, mais 4 % d'entre eux seulement aboutissent (1) à une condamnation effective. On entend souvent dire à cet égard qu'il faudrait créer une banque de données des profils ADN de suspects. Telle est la finalité de la présente proposition de loi.

À l'heure actuelle, il existe déjà deux banques de données ADN, à savoir la banque de données ADN « Condamnés » et la banque de données ADN « Criminalistique », toutes deux créées au sein de l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) par la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. Récemment, cette loi a été modifiée en profondeur par la loi du 7 novembre 2011 modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. Toutefois, cette loi du 7 novembre 2011 n'est pas encore entrée en vigueur. Elle prévoit la modernisation du recours à l'analyse ADN en matière pénale et a pour principal objectif d'améliorer et de simplifier la procédure, sans toutefois toucher à la philosophie de la loi de 1999, ni à l'équilibre entre les libertés individuelles et le respect de la vie privée des citoyens, d'une part, et la protection de la société, d'autre part. Les mesures prévues par la loi du 7 novembre 2011 peuvent être résumées comme suit (doc. Chambre, nº 53-1504/001):

— une adaptation des conditions d'ouverture d'une expertise concernant une personne;

— une circulation maximale des profils ADN vers les banques de données ADN par le biais d'une transmission d'office;

— la possibilité pour l'INCC de comparer de façon systématique les profils enregistrés;

— une actualisation de la liste des infractions donnant lieu à un enregistrement dans la banque de données ADN « Condamnés », avec entre autres l'intégration, dans cette liste, des infractions commises par des organisations criminelles et des infractions perpétrées en association;

— la mise en conformité de la loi belge avec le Traité du 27 mai 2005 relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

La banque de données ADN « Condamnés » contient le profil ADN de chaque personne qui a été condamnée définitivement à une peine d'emprisonnement pour une liste restreinte d'infractions, ou à l'égard de laquelle une mesure d'internement a été ordonnée de manière définitive. Le ministère public ordonne l'enregistrement d'un profil ADN de l'intéressé et sa destruction, dix ans après le décès de l'intéressé. Il n'y a pas d'établissement ni d'enregistrement du profil ADN pour toutes les personnes condamnées ou internées. L'enregistrement dans la banque de données n'est ordonné que pour une liste restreinte d'infractions graves, comme les violations graves du droit international humanitaire, les infractions terroristes, les organisations et associations criminelles, la prise d'otage, certaines infractions sexuelles, en particulier celles commises envers des mineurs, le meurtre et certains cas de traite des êtres humains. La liste complète des infractions figure dans le commentaire de l'article 7 de la présente proposition de loi.

Les données enregistrées ne peuvent être utilisées que dans le but d'identifier des personnes impliquées directement ou non dans une infraction. Seul le ministère public ou le juge d'instruction peut demander à l'INCC, par voie de décision motivée, de comparer les traces découvertes avec la banque de données « Condamnés ». En vue de garantir la protection de la vie privée, la loi du 7 novembre 2011 a créé une « cellule nationale » au sein du ministère public. Cette cellule nationale sera le centre névralgique pour l'attribution du numéro de code ADN unique qui garantit l'identité des personnes dont le profil ADN est établi. Cette cellule se voit dès lors accorder un rôle central dans la bonne gestion de la transmission de données depuis et vers le gestionnaire des banques nationales de données, les magistrats et les experts. La composition et le fonctionnement de la cellule garantissent la protection de la vie privée. La cellule sera également la seule instance à connaître l'identité de la personne qui présente un lien positif avec les traces ADN découvertes sur le lieu de l'infraction.

La banque de données ADN « Criminalistique » contient les profils ADN de traces découvertes de cellules humaines. La banque de données permet de trouver un lien entre différents dossiers par le constat d'un rapport entre différentes traces découvertes ou entre des traces découvertes et les profils prélevés sur des personnes suspectées. Un lien constaté renvoie donc à certains faits et non à une personne. Si des échantillons de référence sont prélevés sur un suspect, il n'y a qu'une comparaison unique possible avec les banques de données ADN « Criminalistique » et « Condamnés ». Ensuite, le profil ADN est supprimé, sauf si un lien positif est constaté avec les traces découvertes sur le lieu de l'infraction. Dans ce cas, ce lien est enregistré dans la banque de données ADN « Criminalistique ». Les liens ne sont donc enregistrés que s'ils se rapportent à certains faits et non s'ils se rapportent à certaines personnes. En l'absence de lien, ce qui est le cas de figure le plus fréquent, il faut, si la même personne est suspectée d'avoir commis d'autres faits ou si de nouveaux éléments sont versés au dossier, recommencer toute la procédure. Dans ce cas, le risque est que le suspect soit introuvable et que l'on ne puisse pas prélever un nouvel échantillon d'ADN. Afin de pouvoir faire le lien avec des personnes, il faut créer une banque de données ADN « Inculpés et suspects ».

Enfin, la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale prévoit des garanties strictes en ce qui concerne l'obtention, la gestion, l'enregistrement et la suppression des données obtenues, en vue de garantir le droit au respect de la vie privée.

La présente proposition de loi vise à créer, au sein de l'INCC, une banque de données ADN complémentaire destinée au stockage des profils ADN de certaines personnes inculpées et de certains suspects. Les infractions qui donnent lieu à un enregistrement dans cette banque de données sont les mêmes que dans le cas de la banque de données ADN « Condamnés ». Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, le profil ADN de suspects ou d'inculpés sera conservé, en cas de non-lieu ou d'acquittement, dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects ». Par analogie avec la procédure prévue pour la banque de données « Condamnés », les données seront effacées dix ans après le décès de l'intéressé sur ordre du ministère public et seront de toute façon effacées automatiquement trente ans après leur enregistrement.

La présente proposition de loi prévoit des garanties suffisantes afin de protéger la vie privée de suspects et d'inculpés, c'est-à-dire de personnes n'ayant pas fait l'objet d'une condamnation. La proposition de loi est conforme à cet égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Un arrêt rendu récemment par cette Cour — S et Marper v. Royaume-Uni — et qui a conduit à une condamnation du Royaume-Uni, donne un bon aperçu de cette jurisprudence (2) . La Cour reconnaît que la technique de l'analyse ADN est indispensable dans le cadre de la lutte contre la criminalité et que l'enregistrement de données ADN de suspects et d'inculpés poursuit des buts légitimes, à savoir l'identification possible de futurs auteurs d'infractions. La Cour exige toutefois que l'on préserve un équilibre proportionnel entre, d'une part, le droit à la protection de la vie privée, et, d'autre part, la protection de l'ordre public, étant donné que les données conservées concernent des personnes n'ayant pas fait l'objet d'une condamnation. Dans l'affaire S et Marper, la Cour a considéré que le Royaume-Uni n'avait pas suffisamment préservé cet équilibre. Ainsi, le Royaume-Uni a été condamné pour avoir traité les échantillons d'ADN de personnes non condamnées de la même manière que ceux de personnes condamnées. Dans ce pays, le matériel ADN est stocké pour une durée indéterminée quel que soit l'âge des personnes et quels que soient le délit ou l'infraction dont elles sont suspectées. En la cause, la Cour a jugé que la présomption d'innocence des deux intéressés, qui n'avaient jamais été condamnés et dont l'un était mineur, avait été violée et qu'il y avait eu atteinte au droit au respect de la vie privée.

La présente proposition de loi prévoit par conséquent une réglementation stricte pour le traitement et l'utilisation des profils ADN. Seule une catégorie restreinte de personnes inculpées et de suspects entre en considération pour l'enregistrement dans la banque de données. Les mineurs en sont exclus, sauf dans le cas exceptionnel où un mineur de plus de 16 ans est dessaisi et sera jugé comme une personne majeure. Par ailleurs, l'enregistrement n'est prévu que pour une liste restreinte d'infractions graves portant atteinte à l'intégrité sexuelle ou physique. Seuls sont enregistrés les profils de personnes à l'encontre desquelles des indices de culpabilité ont été relevés dans le cadre d'une infraction figurant dans la liste restreinte d'infractions graves. L'inculpation n'a lieu qu'en cas d'indices sérieux de culpabilité (article 61bis du Code d'instruction criminelle), tout comme l'exercice de l'action publique par le ministère public. L'enregistrement et la conservation des profils ADN ne peuvent être ordonnés que par le ministère public ou le juge d'instruction, selon le cas. Les garanties en vigueur pour les banques de données ADN existantes seront également appliquées dans leur intégralité à cette nouvelle banque de données ADN.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

CHAPITRE 2

Modifications du Code d'instruction criminelle

Article 2

L'article 44ter, 5º, du Code d'instruction criminelle, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011, énumère les banques de données ADN existantes, liste à laquelle doit être ajoutée une banque de données ADN « Inculpés et suspects ». Les termes « inculpés » et « suspects » doivent être entendus dans leur acception habituelle en droit pénal, telle qu'elle est déjà utilisée dans les articles 44quinquies et 90undecies du Code d'instruction criminelle, à savoir des personnes contre lesquelles il existe des indices de culpabilité dans la commission d'une infraction. L'article 4bis de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011, détermine les infractions pour lesquelles les profils ADN sont conservés dans la nouvelle banque de données ADN « Inculpés et suspects ». Ce point est abordé plus en détail dans le commentaire de l'article 7 de la présente proposition de loi.

Article 3

L'article 44quinquies du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 7 novembre 2011, permet au procureur du Roi d'ordonner, dans le cadre d'une information, le prélèvement d'échantillons de référence sur un suspect en vue de l'établissement d'un profil ADN. L'article 44quinquies du Code d'instruction criminelle ne prévoit, en général, aucun enregistrement du profil ADN et seulement une comparaison unique du profil ADN du suspect avec les banques de données ADN « Criminalistique » et « Condamnés ».En outre, le profil ADN n'est enregistré dans la banque de données « Criminalistique » que si la comparaison de profils ADN établit un lien positif avec les profils ADN des traces découvertes dans le cadre de l'affaire ou avec les profils ADN enregistrés dans les banques de données ADN « Criminalistique » et « Condamnés ». Le profil est donc lié à des faits déterminés et non à une personne déterminée. La présente proposition de loi vise cependant à créer une banque de données de personnes suspectes, indépendamment du lien éventuel avec certains faits ou avec des condamnations antérieures. À cette fin, il faut adapter l'article 44quinquies du Code d'instruction criminelle, tel qu'inséré par la loi du 7 novembre 2011, afin de permettre un enregistrement durable lié à un suspect déterminé.

Comme souligné dans les développements, la présente proposition de loi, dans un souci d'équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la protection de l'ordre public, limite l'enregistrement des profils ADN dans une banque de données ADN « Inculpés et suspects » à certaines infractions, énumérées à l'article 7. Pour les infractions qui ne relèvent pas du champ d'application de l'article 7, la réglementation actuelle reste en vigueur: seule une comparaison unique est possible avec les banques de données ADN et, en cas de lien positif, il est fait mention de ce lien dans la banque de données ADN « Criminalistique », et non dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects ».

Cette distinction doit également être opérée dans le cadre de l'obligation d'information qu'a le procureur du Roi envers le suspect sur lequel il ordonne le prélèvement d'un échantillon ADN de référence. À cette fin, le point 6 adapté prévoit que le procureur doit informer le suspect que « le cas échéant » (c'est-à-dire dans le cas de l'une des infractions visées à l'article 7), l'enregistrement du profil ADN dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects » est possible. Étant donné que cette disposition est en contradiction avec l'actuel article 44quinquies du Code d'instruction criminelle, l'article 3 de la présente proposition de loi prévoit aussi que le membre de phrase « sauf dans le cas visé au 6º » soit inséré dans l'article concerné du Code d'instruction criminelle.

Les dispositions existantes de l'article 44quinquies du Code d'instruction criminelle concernant l'obligation d'information relative à l'utilisation de profils ADN dans les banques de données ADN peuvent être maintenues. Dès lors que ces dispositions s'appliquent également à l'enregistrement dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects », il convient, d'un point de vue légistique, d'adapter l'ordre logique de l'article. Cela explique pourquoi certains points doivent être renumérotés.

Article 4

Cet article modifie l'article 90undecies du Code d'instruction criminelle en l'alignant sur l'article 3 de la présente proposition de loi. L'article 90undecies du Code d'instruction criminelle règle le prélèvement forcé, ordonné par le juge d'instruction, d'un échantillon d'ADN, ainsi que l'obligation d'information y afférente. Pour l'article 4, il suffit de faire référence au commentaire de l'article 3.

CHAPITRE 3

Modifications de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale

Article 5

L'article 2, 5º, de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011, énumère les banques de données ADN existantes. Cette liste doit être complétée par une banque de données ADN « Inculpés et suspects », par analogie à ce que prévoit l'article 2 de la présente proposition de loi.

Article 6

Cet article modifie l'article 4 de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011. L'article 4 de la loi du 22 mars 1999 détermine les données enregistrées dans la banque de données ADN « Criminalistique ». Pour éviter qu'un profil ADN soit enregistré dans plusieurs banques de données et sème la confusion, il convient d'adapter les dispositions relatives à la banque de données ADN « Criminalistique » aux dispositions de la présente proposition de loi. Les profils ADN des personnes soupçonnées ou inculpées dans le cadre d'infractions visées à l'article 7 de la présente proposition de loi doivent être ajoutés à la banque de données ADN « Inculpés et suspects ». À cette fin, l'article 6 de la présente proposition précise « sauf en cas d'application de l'article 4bis ». Pour ce qui est des données d'autres suspects et inculpés, la réglementation existante est maintenue.

Article 7

Cet article insère un article 4bis nouveau dans la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. Il prévoit les modalités de la création de la banque de données ADN « Inculpés et suspects ».

Le premier paragraphe prévoit la création d'une banque de données ADN « Inculpés et suspects » au sein de l'Institut national de criminalistique et de criminologie. L'alinéa 1er définit les cas limités dans lesquels les profils ADN seront enregistrés dans la nouvelle banque de données ADN, à savoir:

1º les profils ADN de toute personne contre laquelle il existe des indices de culpabilité dans la commission d'une des infractions visées dans la liste restreinte;

2º les profils ADN de toute personne inculpée dans le cadre d'une instruction pour avoir commis une des infractions visées dans la liste restreinte.

Le nouvel article 4bis énumère les infractions pour lesquelles le profil génétique d'un inculpé ou d'un suspect est enregistré et conservé dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects ». Cet article reprend la liste des infractions dans le cas de la banque de données ADN « Condamnés » (article 5 de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011). Il s'agit plus précisément des infractions suivantes:

— les violations graves du droit international humanitaire (articles 136bis à 136septies du Code pénal);

— les infractions terroristes (articles 137 à 141 du Code pénal);

— l'association formée dans le but d'attenter aux personnes ou aux propriétés et les organisations criminelles (articles 322 à 324ter du Code pénal);

— la prise d'otage (article 347bis du Code pénal);

— l'attentat à la pudeur et le viol (articles 372 à 378 du Code pénal);

— certains cas de corruption de la jeunesse et de prostitution (articles 379, 380, §§ 1er à 5, et 381 du Code pénal);

— la pornographie avec des mineurs (article 383bis, § 1er et 3, du Code pénal);

— le meurtre (article 393 à 397 du Code pénal);

— l'homicide volontaire et les lésions corporelles graves volontaires (articles 400 et 401 du Code pénal);

— la torture et les traitements inhumains (articles 417ter et 417quater du Code pénal);

— l'enlèvement et le recel de mineurs (articles 428 à 430 du Code pénal);

— certains cas graves de traite des êtres humains (articles 433sexies à 433octies du Code pénal);

— les vols avec effraction ou les extorsions à l'aide de violences ou de menaces (articles 467, alinéa 1er, et 471 à 475 du Code pénal);

— les vols ou les extorsions de matières nucléaires à l'aide de violences ou de menaces (article 477sexies du Code pénal);

— l'incendie ou la destruction de propriétés mobilières à l'aide de violences ou de menaces, entraînant des lésions corporelles (articles 518, 531 et 532 du Code pénal);

— certains cas graves d'infractions relatives à l'accès au territoire (articles 77ter, 77quater et 77quinquies de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers);

— les infractions en matière de stupéfiants commises à l'égard de mineurs, dans le cadre d'une association ou ayant entraîné la mort (article 2bis, § 3, b, et § 4, b, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques).

Par analogie avec l'article 5 de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011, l'enregistrement dans la banque de données peut aussi être effectué en cas de tentative d'une des infractions énumérées dans la liste.

Le texte prévoit ensuite que les profils ADN d'échantillons de référence ne peuvent être enregistrés dans la banque de données « Inculpés et suspects » que sous leur numéro de code ADN, comme cela se fait pour les autres banques de données ADN, afin de maintenir le nécessaire équilibre entre les libertés individuelles, le respect de la vie privée des citoyens et le devoir de protéger la société. Seule la cellule nationale sera en possession du nom des intéressés qui sont liés au numéro de code ADN révélé par la comparaison des profils ADN et, par conséquent, seule cette cellule pourra le communiquer au magistrat concerné.

Le deuxième paragraphe règle les délais de conservation ou, plus exactement, les délais pour la conservation et l'effacement des données, là encore par analogie avec l'article 5 de la loi du 22 mars 1999. Pour le présent commentaire, l'on pourra reprendre le texte du commentaire de l'article 5 du projet de loi qui a donné lieu à la loi du 7 novembre 2011, laquelle a elle-même modifié la loi du 22 mars 1999 (doc. Chambre, nº 53-1504/001, p. 29):

« Au § 2, la conservation des données relatives aux condamnés sera dorénavant limitée à trente ans après leur enregistrement, sauf si le magistrat compétent a fixé un délai plus court. Cela pourrait par exemple être le cas lorsque la personne concernée a été réhabilitée: elle peut demander au procureur du Roi que ses données soient effacées. Le ministère public appréciera la suite à réserver à une telle demande. Le Conseil d'État a estimé qu'il convenait de préciser quel est le « magistrat compétent ». Dans de nombreux cas, il s'agira du procureur du Roi, mais les mots « magistrat compétent » ont été utilisés afin de permettre que le procureur général puisse lui aussi (par exemple, dans le cas d'une affaire d'assises) fixer un délai plus court.

Le délai de trente ans est analogue au délai de conservation dans la banque de données « Criminalistique » et correspond au délai de prescription maximum des crimes non correctionnalisables.

Le choix s'est porté sur une procédure permettant un effacement automatique des données. »

Enfin, le troisième paragraphe vise à empêcher qu'un profil ADN soit enregistré dans plusieurs banques de données, ce qui serait une source de confusion. À cet effet, la proposition de loi prévoit qu'après une condamnation judiciaire de l'intéressé coulée en force de chose jugée, les données de la banque de données ADN « Inculpés et suspects » sont transférées, sur ordre du ministère public, vers la banque de données « Condamnés ».

Article 8

Cet article insère un article 4ter nouveau dans la loi du 22 mars 1999. Il règle le cas dans lequel, après consultation de la cellule nationale, il s'avère qu'un profil du suspect ou de l'inculpé a déjà été établi. Cet article a été rédigé par analogie avec l'article 5bis actuel de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel qu'inséré par la loi du 7 novembre 2011, qui prévoit une réglementation analogue pour la banque de données ADN « Condamnés ».

Article 9

Cet article a été, lui aussi, rédigé par analogie avec ce qui est prévu pour les informations issues de la banque de données ADN « Condamnés ». Le premier paragraphe de l'article 5quater de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, tel qu'inséré par la loi du 7 novembre 2011, fixe les règles pour la comparaison d'un profil ADN avec les profils ADN enregistrés dans les banques nationales de données ADN. L'article prévoit que le gestionnaire des banques nationales de données ADN doit effectuer cette comparaison sur la base des informations qui lui ont été transmises conformément aux articles pertinents du Code d'instruction criminelle et à la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. Un de ces cas est celui dans lequel, après consultation de la cellule nationale, il apparaît qu'un profil a déjà été établi (article 5bis de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale). Étant donné que l'article 8 de la présente proposition de loi, qui insère un article 4ter nouveau dans la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, insère une disposition analogue, il convient d'ajouter cet article 4ter à la liste d'articles selon lesquels les profils ADN peuvent être envoyés au gestionnaire.

CHAPITRE 4

Dispositions finales

Article 10

Cet article prévoit une disposition transitoire en ce qui concerne les profils ADN qui sont transmis à l'INCC sous le régime de l'ancienne loi. Ces profils ADN, destinés à être enregistrés et comparés avec les profils ADN dans les banques nationales de données ADN, n'étaient, bien souvent, pas accompagnés d'une demande de comparaison de la part du magistrat compétent, comme l'exigeait la loi de 1999.

L'INCC ne pouvait donc pas procéder légalement à une comparaison de ces profils. Afin que ces profils ADN puissent encore avoir une utilité, ces dispositions transitoires prévoient qu'ils seront soumis au régime de la nouvelle loi dès l'entrée en vigueur de la loi ici proposée. En d'autres termes, ils pourront encore être comparés avec les profils enregistrés dans les banques nationales de données ADN, sans qu'une demande de comparaison émanant du magistrat soit encore requise.

Article 11

Cet article règle l'entrée en vigueur. Étant donné que l'entrée en vigueur de la loi ici proposée dépend de celle de la loi du 7 novembre 2011, l'article 11 de la présente proposition prévoit que le Roi règlera son entrée en vigeur. En effet, l'entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 2011 dépend aussi de la disposition selon laquelle le Roi règle l'entrée en vigueur (article 24 de la loi du 7 novembre 2011). À cet effet, il suffit de renvoyer à l'exposé des motifs du projet de loi qui a abouti à la loi du 7 novembre 2011 (doc. Chambre, nº 53-1504/001, p. 38).

Inge FAES.
Lieve MAES.
Elke SLEURS.
Helga STEVENS.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE 1er

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE 2

Modifications du Code d'instruction criminelle

Art. 2

Dans l'article 44ter du Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 22 mars 1999 et modifié par la loi du 7 novembre 2011, le 5º est remplacé par ce qui suit:

« 5º banques nationales de données ADN: les banques nationales de données ADN « Criminalistique », « Condamnés » et « Inculpés et suspects » gérées par l'Institut national de criminalistique et de criminologie; ».

Art. 3

Dans l'article 44quinquies, § 1er, alinéa 2, du même Code, inséré par la loi du 7 novembre 2011, les modifications suivantes sont apportées:

A. dans le 4º, les mots « sauf dans le cas visé au 6º, » sont insérés devant les mots « de la comparaison unique de son profil ADN »;

B. dans le 5º, les mots « sauf dans le cas visé au 6º, » sont insérés devant les mots « de l'enregistrement de son profil ADN »;

C. le 6º est renuméroté en 7º;

D. il est inséré un nouveau 6º rédigé comme suit: « 6º le cas échéant, l'enregistrement de son profil ADN dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects »; »;

E. le 7º est renuméroté en 8º;

F. dans le 8º ainsi renuméroté, les mots « un des profils visés au 6º » sont remplacés par les mots « un des profils visés au 7º ».

Art. 4

Dans l'article 90undecies, § 1er, du même Code, inséré par la loi du 22 mars 1999 et modifié par la loi du 7 novembre 2011, les modifications suivantes sont apportées:

A. dans l'alinéa 2, 5º, les mots « sauf dans le cas visé au 7º, » sont insérés devant les mots « la comparaison unique du profil ADN »;

B. dans l'alinéa 2, 7º, les mots « sauf dans le cas visé au 6º, » sont insérés devant les mots « en cas d'enregistrement du profil ADN »;

C. dans l'alinéa 2, le 7º est renuméroté en 8º;

D. dans l'alinéa 2, il est inséré un nouveau 7º rédigé comme suit: « 7º le cas échéant, l'enregistrement du profil ADN dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects »; »;

E. dans l'alinéa 2, le 8º est renuméroté en 9º;

F. dans l'alinéa 2, dans le 9º ainsi renuméroté, les mots « visés au 7º » sont remplacés par les mots « visés au 8º »;

G. dans l'alinéa 3, les mots « des 1º à 8º énumérés à l'alinéa 2 » sont remplacés par les mots « des 1º à 9º énumérés à l'alinéa 2 ».

CHAPITRE 3

Modifications de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale

Art. 5

Dans l'article 2 de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, modifié par la loi du 7 novembre 2011, le 5º est remplacé par ce qui suit:

« 5º banques nationales de données ADN: les banques nationales de données ADN « Criminalistique », « Condamnés » et « Inculpés et suspects » gérées par l'Institut national de criminalistique et de criminologie; ».

Art. 6

Dans l'article 4, § 1er, 2º, de la même loi, tel que modifié par la loi du 7 novembre 2011, les mots « sauf en cas d'application de l'article 4bis, » sont insérés devant les mots « les profils ADN d'échantillons de référence, transmis conformément aux articles 44quinquies, ».

Art. 7

Dans la même loi, il est inséré un article 4bis nouveau rédigé comme suit:

« Art. 4bis. § 1er. Il est créé au sein de l'Institut national de criminalistique et de criminologie une banque de données ADN « Inculpés et suspects ».

Cette banque de données ADN contient:

1º les profils ADN d'échantillons de référence — transmis conformément à l'article 44quinquies, § 8, du Code d'instruction criminelle — de toute personne contre laquelle il existe des indices de culpabilité dans la commission d'une des infractions visées à l'alinéa 3 et contre laquelle le procureur du Roi exerce l'action publique;

2º les profils ADN d'échantillons de référence — transmis conformément à l'article 90undecies, § 7, du même Code — de toute personne inculpée, dans le cadre d'une instruction, pour avoir commis une des infractions visées à l'alinéa 3.

Donnent lieu à un enregistrement dans la banque de données ADN, les infractions visées:

1º aux articles 136bis à 136septies du Code pénal;

2º aux articles 137 à 141 du même Code;

3º aux articles 322 à 324ter du même Code;

4º à l'article 347bis du même Code;

5º aux articles 372 à 378 du même Code;

6º aux articles 379, 380, §§ 1er à 5, et 381 du même Code;

7º à l'article 383bis, §§ 1er et 3, du même Code;

8º aux articles 393 à 397 du même Code;

9º aux articles 400 et 401 du même Code;

10º aux articles 417ter et 417quater du même Code;

11º aux articles 428 à 430 du même Code;

12º aux articles 433sexies à 433octies du même Code;

13º aux articles 467, alinéa 1er, et 471 à 475 du même Code;

14º à l'article 477sexies du même Code;

15º aux articles 518, 531 et 532 du même Code;

16º aux articles 77ter, 77quater et 77quinquies de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers;

17º à l'article 2bis, § 3, b, et § 4, b, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques.

Les indices de culpabilité relatifs à une tentative de commission d'une de ces infractions donnent également lieu à un enregistrement dans la banque de données ADN.

Lorsqu'il est procédé à l'enregistrement du profil ADN dans la banque de données ADN, les données relatives aux profils ADN précités, qui sont énumérées aux articles 4ter, alinéa 2, 5quater, § 3, et 8, § 3, sont également enregistrées dans la banque de données ADN.

Les profils ADN des échantillons de référence ne peuvent être enregistrés dans la banque de données « Inculpés et suspects » que sous leur numéro de code ADN.

§ 2. Les profils ADN et les données y relatives sont automatiquement effacés de la banque de données « Inculpés et suspects » trente ans après leur enregistrement, sauf si le magistrat compétent a fixé un délai plus court.

Les données sont également effacées sur ordre du ministère public dix ans après le décès de la personne à laquelle elles se rapportent.

§ 3. Après une condamnation judiciaire de l'intéressé coulée en force de chose jugée, les données de la banque de données « Inculpés et suspects » sont transférées, sur ordre du ministère public, vers la banque de données « Condamnés ». »

Art. 8

Dans la même loi, il est inséré un article 4ter rédigé comme suit:

« Art. 4ter.

Si, après consultation de la cellule nationale, il apparaît que le profil ADN de l'inculpé ou du suspect a déjà été établi, ce dernier est informé par le procureur du Roi, par pli judiciaire:

1º de l'enregistrement de son profil ADN dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects »;

2º de la comparaison systématique de son profil ADN avec les profils ADN enregistrés dans les banques nationales et étrangères de données ADN;

3º en cas de lien positif avec un des profils ADN visés au 2º, de l'enregistrement de ce lien.

Le laboratoire concerné communique, sur ordre du procureur du Roi, au gestionnaire des banques nationales de données ADN, le profil ADN de l'inculpé ou du suspect et les données y relatives qui sont énumérées à l'article 44quater, § 3, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, afin qu'ils soient enregistrés dans la banque de données ADN « Inculpés et suspects ». »

Art. 9

Dans l'article 5quater, § 1er, de la même loi, tel qu'inséré par la loi du 7 novembre 2011, les mots « 4ter, alinéa 2, » sont insérés entre les mots « aux articles » et les mots « 5bis, alinéa 2, ».

CHAPITRE 4

Dispositions finales

Art. 10

Les dispositions de l'article 5quater de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale sont immédiatement applicables à tous les profils ADN communiqués au gestionnaire des banques nationales de données ADN avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 11

La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi, au plus tard le premier jour du vingt-quatrième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

2 mars 2012.

Inge FAES.
Lieve MAES.
Elke SLEURS.
Helga STEVENS.

(1) Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) — « Sexual violence », 2003-2009, http://www.unodc.org/unodc/en/data-and-analysis/statistics/data.html (dernière consultation le 7 février 2012).

(2) CEDH (Grande Chambre), S. et Marper c. Royaume-Uni, 2008.