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M. Richard Miller (MR). - J'ai eu l'occasion d'interroger le ministre de l'Économie, M. Johan Vande Lanotte, au sujet du recul de la Belgique en matière d'innovation. Il semblerait pourtant que vous soyez le ministre compétent en la matière. C'est la raison pour laquelle je reviens vers vous.
L'Institut européen d'administration des affaires a publié, à la fin de l'année dernière, le classement annuel mondial en matière d'innovation. Dans ce classement, notre pays enregistre un recul significatif, passant de la 17ème à la 24ème place. Si une explication peut être recherchée dans le fait que l'innovation s'est pleinement mondialisée et que des pays asiatiques se placent désormais dans le peloton de tête, il n'en reste pas moins que le recul de la Belgique n'est pas négligeable. D'ailleurs, six pays européens se maintiennent toujours parmi les dix premiers. Monsieur le ministre, quelle est votre analyse de ce classement ? Quelles sont les explications à retenir quant à la mauvaise prestation de notre pays en matière d'innovation ? Disposez-vous de données plus précises quant à la répartition intrabelge, entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles ? Existe-t-il un indice belge en matière d'innovation ? Si oui, comment fonctionne-t-il ? Si tel n'est pas le cas, ne serait-il pas utile d'en créer un, afin de suivre les progressions des innovations en Belgique ?
M. Paul Magnette, ministre des Entreprises publiques, de la Politique scientifique et de la Coopération au développement, chargé des Grandes Villes. - Le Global Innovation Index 2011 est un indice composite regroupant environ 80 indicateurs provenant de plusieurs domaines pour en faire un classement intégré et global. Outre certains indicateurs classiques ayant trait à la recherche et à l'innovation, il en figure d'autres qui sont plutôt rarement associés à ce type d'études. On y trouve notamment des indicateurs en matière de contexte institutionnel et politique (9 indicateurs), de capital humain (14), d'infrastructures (11), de marché (13), d'économie (13), de résultats scientifiques (11) et, ce qui est plus classique, de « creative outputs » (9).
Dans l'élaboration d'un indice composite, le poids donné à chacun des indicateurs est déterminant de même que le choix même de ces indicateurs. Ces deux facteurs déterminent la place d'un pays dans ces classements. Ainsi, le classement d'un pays peut être très différent d'un type d'indice à l'autre. Dans l'Innovation Union Scoreboard de la Commission, on trouve par exemple les indicateurs les plus pertinents pour l'innovation comme la recherche, l'innovation, le nombre de chercheurs, etc. Cela explique pourquoi la Belgique est plutôt mieux placée dans le classement européen.
Un autre élément important est le choix dans le Global Innovation Index 2011 de reprendre davantage des indicateurs purement quantitatifs, comme le PIB. Il y a aussi des indicateurs de « perception » dans lesquels on demande à un panel de gens de donner leur opinion, par exemple un avis sur la stabilité politique, le degré de liberté de la presse, etc. Ce type d'indicateurs n'est jamais intégré dans un classement comme l'European Innovation Union Scoreboard.
Ces indicateurs sont évidemment très subjectifs et de nature influencer le classement. En analysant de manière détaillée le classement du Global Innovation Index, certains éléments sautent aux yeux.
Citons d'abord la place qu'occupe la Belgique ; elle est en 24e position, entre l'Estonie et la Hongrie, ce n'est pas très flatteur et ce n'est pas conforme aux classements européens. La France se situe à la 22e place, le Japon à la 20e place. Ni l'Allemagne ni la Corée ne se trouvent dans le top 10, ce qui est quand-même assez étonnant. Les Pays-Bas, qui arrivent très souvent après la Belgique dans les classements européens, se trouvent dans le top 10, bien avant l'Allemagne et la Corée.
Cela montre que le poids donné aux différents indicateurs détermine fortement la place occupée dans ce classement. Néanmoins, tous les pays qui se trouvent dans le top 25 sont bel et bien des pays dotés d'un système de recherche et d'innovation bien développé. En regardant certains de ces indicateurs d'un peu plus près, la position de la Belgique peut étonner.
En ce qui concerne les institutions, la Belgique est classée 19e, dont 30e pour political stability, 14e pour press freedom ; 13e pour regulatory environment et 56e pour business environment. Pour le capital humain, la Belgique se trouve à la 22e place. Plus surprenante est sa position à la 52e place pour tertiary education, alors que nos universités sont plutôt bien classées dans les rankings internationaux des universités. En ce qui concerne nos infrastructures, nous occupons la 24e place. Notre faible taux en matière d'énergie renouvelable nous place à la 85e place et, pour notre ecological footprint, nous sommes classés à la 117e place. La Belgique est plutôt en bonne position concernant le market sophistication (13e place) de même que pour le business sophistication (16e place). Notre classement pour les importations high-tech me paraît curieux : 61e place.
Pour le scientific output et le creative output, la Belgique est classée respectivement 26e et 27e. Elle serait classée dernière du monde pour les Foreign Direct Investment outflows, ce qui me paraît également très étrange quand on sait que les taux d'investissements directs étrangers sont plutôt élevés en Belgique.
Le European innovation scoreboard (2010) classe quant à lui les différents États membres en quatre groupes : les leaders pour l'innovation, les followers pour l'innovation, les innovateurs modérés et les pays en phase de rattrapage. Selon leur indice de synthèse, basé sur 29 indicateurs, la Belgique appartient toujours à la deuxième catégorie, à savoir les followers pour l'innovation, avec des performances d'innovation au-dessus de la moyenne de l'Europe des 27. La Belgique se trouve juste après les leaders pour l'innovation que sont les pays scandinaves et l'Allemagne. Les performances de la Belgique s'améliorent au cours des années. En 2008, notre pays a été le quatrième dans le groupe des followers, troisième en 2009 et deuxième en 2010, juste derrière le Royaume-Uni et devant la France, les Pays-Bas et l'Autriche.
En conclusion, on pourrait dire que la place qu'occupe la Belgique est fort influencée par le choix des indicateurs et leur pondération. Cependant, on pourrait aussi dire que le global innovation index laisse apparaître une série de faiblesses méthodologiques, comme le choix d'indicateurs de perception et l'utilisation d'indicateurs qui sont très peu en relation avec l'objet du classement. Il vaut donc mieux s'en tenir à des indicateurs européens qui s'avèrent plus fiables et plus constants au fil du temps.
M. Richard Miller (MR). - Je remercie le ministre de sa réponse ; je ne regrette certainement pas d'avoir déposé cette demande d'explications car je trouve la lecture de ces résultats particulièrement intéressante. Elle montre en tout cas bien à quel point les études réalisées au niveau européen sont plus pertinentes.