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M. Gérard Deprez (MR). - L'espace Schengen, dans lequel les voyageurs peuvent circuler librement, munis d'une simple carte d'identité, fait l'objet de plus en plus de tensions au sein de l'Union européenne et ce, en grande partie à cause des craintes concernant l'immigration clandestine.
Les accords de Schengen sont une des plus grandes réussites de l'Union européenne même s'ils font l'objet, à certains moments, d'une utilisation douteuse.
Le président français vient tout récemment de déclarer que les accords de Schengen devaient être révisés afin d'empêcher que « l'Europe ne se transforme en passoire » et a menacé de suspendre la participation de la France si un gouvernement politique de Schengen n'était pas mis en place dans les douze mois.
Pour Nicolas Sarkozy, les accords de Schengen ne permettent plus de répondre à la gravité de la situation. D'après lui, « il faut mettre en oeuvre pour Schengen une réforme aussi structurelle que celle que nous venons de mettre en oeuvre pour l'euro. Il faut un gouvernement politique de Schengen comme il y a désormais un gouvernement de la zone euro. Il faut une discipline commune dans les contrôles aux frontières comme il y a une discipline commune en matière de finances publiques dans la zone euro ». Je suis d'accord avec lui sur ce point.
Je cite encore : « Il faut pouvoir sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un État défaillant comme on peut sanctionner un État de la zone euro qui ne remplirait pas ses obligations ».
Je souhaite poser deux questions à Mme la ministre.
Le gouvernement belge - je rappelle que la Belgique appartient au groupe des six pays qui ont signé les premiers accords de Schengen - estime-t-il qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre une réforme structurelle du dispositif Schengen, qui permettrait notamment d'en exclure un pays ?
Sachant que ce dispositif appartient aujourd'hui à l'acquis communautaire, le gouvernement belge estime-t-il opportun de créer un gouvernement politique de Schengen à coté ou au-dessus des instances communautaires qui le régissent actuellement ?
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances. - Je remercie M. Deprez de sa question. Il a parlé d'utilisation douteuse de la problématique de la révision des accords de Schengen. Il est vrai que, durant ces derniers mois, on a pu voir comment certaines évolutions pouvaient être utilisées par certains à des fins électorales.
Comme vous le savez, l'année dernière, la coopération Schengen a été sérieusement mise sous pression, surtout à la suite de la crise liée aux réfugiés dans la région de la Méditerranée.
En réaction à ces problèmes, le Conseil européen a décidé, lors de sa séance du 24 juin 2011, un certain nombre de mesures pour réformer et renforcer la gestion de la zone Schengen et la réglementation applicable.
La réforme demandée est en cours depuis le 24 juin 2011, et c'est dans ce cadre que la Commission européenne a déposé deux propositions législatives. La première concerne une adaptation approfondie du Code frontière Schengen et prévoit notamment un mécanisme de soutien et d'assistance des États membres confrontés à une lourde pression à leurs frontières externes. Il sera possible de réinstaurer, dans des situations critiques, des contrôles frontaliers avec les États membres qui ne sont plus en mesure de respecter l'acquis de Schengen. Les propos entendus n'avaient donc rien de très révolutionnaires.
La deuxième proposition vise à instaurer un mécanisme de surveillance et d'évaluation plus efficace et fiable de la coopération Schengen.
Ces deux propositions sont toujours en discussion dans les groupes de travail techniques. La Belgique soutient pleinement l'objectif qui a été poursuivi par ces initiatives dans la mesure où elles visent à renforcer la coopération Schengen. Nous espérons qu'elles pourront très rapidement être approuvées par le Conseil et le Parlement européens.
En matière de gouvernance, il a été décidé lors de la dernière réunion du Conseil des ministres de l'Intérieur et de la Justice, le JAI, du 8 mars 2012, de mener régulièrement à l'avenir au niveau ministériel des discussions sur le fonctionnement de la coopération Schengen à un niveau plus politique et avec des éléments d'analyse plus visionnaires. Ces discussions stratégiques se dérouleront désormais au sein du Comité mixte où sont représentés les ministres compétents de tous les États membres de l'Union européenne et des pays associés de Schengen. Ce genre de discussion devrait principalement permettre d'appréhender rapidement sur le plan politique les nouvelles tendances et les nouveaux développements, de détecter d'éventuels problèmes à un stade précoce et de développer des initiatives en vue de contrer l'une ou l'autre évolution.
Une première discussion à ce sujet aura lieu au mois de juin. Elle sera basée sur le rapport que prépare la Commission européenne. En termes de gouvernance, c'est par ce biais que l'on va tenter d'arriver à une meilleure coordination, avec une vision beaucoup plus politique, régulière et coordonnée que par les seuls conseils JAI.
M. Gérard Deprez (MR). - Je remercie la ministre de sa réponse.
Vous avez globalement donné la réponse que j'attendais, madame la ministre. Je note avec satisfaction que ce gouvernement politique dont il a été question à grands fracas dans l'interview du candidat président de la République, est en fait le Conseil JAI, qui jouera un rôle plus politique. Le Conseil des ministres, une instance communautaire qui existe déjà, verra son rôle élargi et renforcé. C'est parfaitement cohérent avec ce que la Belgique a toujours défendu sur le plan du fonctionnement des institutions communautaires.
Je ferai une petite remarque supplémentaire. Je sais quelles sont les démarches qui sont en cours au niveau de Schengen. Cependant, je n'ai pas obtenu de réponse à la question de savoir si le gouvernement belge était favorable à une procédure permettant d'exclure un pays de ce dispositif. Un contrôle temporaire aux frontières en cas de grands événements ou d'un afflux massif auxquels un État est incapable de faire face est déjà partiellement prévu dans le dispositif Schengen actuel. On ne fait que l'élargir à l'une ou l'autre situation.
Je déduis de votre réponse que l'on peut disqualifier les rodomontades d'un candidat qui vise à donner à des choses en cours une dimension qu'elles n'ont pas.
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances. - La question de l'exclusion n'a pas fait l'objet d'un consensus. On pourrait y revenir ultérieurement si nécessaire.
M. Gérard Deprez (MR). - Il y a deux manières d'exclure du dispositif Schengen. On peut suspendre temporairement le droit de circuler librement, à partir d'un pays, dans les autres pays de la zone Schengen en réintroduisant les contrôles aux frontières ou exclure un pays de la zone Schengen et empêcher ses citoyens de circuler librement. Je pensais que c'était cette dernière solution que visait le candidat dont je vous ai parlé. Je crois comprendre que ce n'est pas la position du gouvernement belge.
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances. - En tout cas, il n'y a pas eu de consensus à ce sujet lors du débat qui a eu lieu. Si la problématique persiste, nous devrons peut-être passer à la vitesse supérieure. Nous le saurons après avoir mis en oeuvre le mécanisme que nous avons soutenu.