5-1544/1

5-1544/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

21 MARS 2012


Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes en vue d'introduire la carte de donneur dans l'attente de la numérisation complète du don d'organes par l'utilisation de la carte d'identité électronique

(Déposée par M. Louis Ide et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


En Belgique, tout citoyen est un donneur d'organes potentiel (fait qu'il est supposé savoir), à moins qu'il ait manifesté son opposition. En jargon, on appelle cela le consentement présumé avec possibilité d'opting out. Heureusement, peu de gens recourent à l'opting out, si bien que tout résident belge demeure solidaire vis-à-vis de ses concitoyens, y compris à l'étranger, puisque la Belgique fait partie d'Eurotransplant.

En Belgique, le nombre de donneurs d'organes est relativement élevé. Avec 25,7 donneurs par million d'habitants, notre pays occupe la deuxième place, juste derrière l'Espagne.

Pays Donneurs
Espagne 35,1
Belgique 25,7
Autriche 25,4
France 22,2
Norvège 21,1
Suède 17,8
Finlande 17,6
Croatie 17,4
Slovénie 16,2
Allemagne 14,6
Danemark 14,0
Pays-Bas 13,0
Source: Eurotransplant, Scanditransplant.

Pourtant, les listes d'attente pour une transplantation d'organe continuent de s'allonger. À l'heure actuelle, il faut déjà patienter trois ans pour un rein, environ un an pour un foie et quatre mois pour un cœur ou un poumon.

Évolution du nombre de patients inscrits sur les listes d'attente (2000-2009)

Source: Eurotransplant.

Le risque est réel que le nombre de donneurs potentiels continue de baisser au fil des ans. Les causes principales sont le vieillissement de la population et le recul des accidents de la route mortels. Grâce aux nouvelles techniques médicales, il est possible d'augmenter le pool d'organes qualitatifs disponibles. Mais avec un vieillissement rapide de la population, ces mesures suffisent tout au plus à stabiliser le nombre de donneurs potentiels.

En Belgique, le don d'organes est réglementé par la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes (Moniteur belge du 14 février 1987). Lors de l'élaboration de cette loi, le législateur a accordé une attention particulière aux tensions entre, d'une part, le respect des droits de la personnalité par rapport au propre corps et, d'autre part, l'élaboration d'un maillon socialement indispensable pour les soins de santé. C'est pourquoi, en plus d'un travail législatif rigoureux, il a mis un point d'honneur à faire naître un climat de solidarité humaine à travers la mort.

Mais en dépit du système de consentement présumé avec possibilité d'opting out (auprès de la commune), une zone grise est pourtant apparue dans la législation. La famille au premier degré peut en effet s'opposer au prélèvement d'organes si le défunt n'a pas explicitement manifesté son souhait d'autoriser le don d'organes. Du fait de cette possibilité de refus de la part de la famille proche, l'on parle ici de la « variante douce » du système d'absence d'opposition.

Évolution du nombre de Belges qui choisissent le « opting-out » ou qui se font enregistrer comme donneurs

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Opting-out 192 542 192 867 193 585 193 040 190 257 191 668 192 959 189 956
Donneur — Donor 27 449 28 999 30 295 32 557 58 032 74 331 88 228 100 419
Source: UZ Gent — Centre de transplantation. Bron: UZ Gent — Transplantatiecentrum.

Les refus des familles conduisent à 12 % d'opting-out. Autrement dit, en dépit du système du consentement présumé, nous perdons douze donneurs potentiels sur cent. C'est beaucoup trop.

C'est la raison pour laquelle de nombreuses autorités, tant fédérales que locales, y compris des associations, mènent des campagnes actives d'opting-in pour faire baisser ce chiffre. En d'autres termes, toute personne qui se déclare explicitement donneur à la maison communale devient un donneur pur et simple, et il ne sera plus tenu compte des souhaits de la famille. Grâce à ces campagnes, le nombre de donneurs explicites a augmenté de manière constante.

Mais toute campagne, même bien conçue, qui met activement l'accent sur le don d'organes, peut mener à l'opting out. En effet, toute personne qui se déclare explicitement donneur à la maison communale n'est pas réellement comptabilisée comme donneur supplémentaire puisqu'elle était déjà donneur par défaut, à moins que sa famille ne fasse opposition, ce qui se produit en fait dans 12 % des cas. Autrement dit, si une campagne débouche sur cent enregistrements comme donneur explicite, on ne récolte au fond que douze donneurs effectifs de plus ! Supposons qu'une campagne incite cent douze personnes à se rendre à la maison communale et que cent d'entre elles se déclarent donneurs, mais que douze d'entre elles manifestent leur opposition, l'effet de la campagne est déjà neutralisé.

Forts de leur expérience en tant que médecin, les auteurs de la présente proposition de loi, cherchent en fait à bien canaliser un phénomène social, en l'occurrence les campagnes visant à augmenter le nombre de donneurs d'organes (opting in), pour ne pas mener à l'effet contraire.

C'est la raison pour laquelle les auteurs souhaitent créer une carte de donneur dans l'attente de l'éventuelle numérisation par le biais de la carte d'identité électronique (en relation éventuelle avec la banque carrefour). Cette procédure n'entraînera pas non plus, à aucun moment, de violation de la vie privée du donneur potentiel puisqu'il s'agit d'une carte délivrée par son médecin généraliste, et qu'en cas de décès, il n'y aurait qu'un contact entre un médecin et un médecin généraliste (sous le couvert du secret médical).

L'objectif serait donc que le médecin généraliste, en tant que personne de confiance, puisse délivrer une telle carte. Si la personne en question vient à décéder et qu'elle porte sur elle une telle carte, elle est automatiquement donneur, indépendamment de la volonté de la famille. Seule exception: si la personne a encore fait acter au registre national son opposition au don d'organes, cet enregistrement prévaudra sur la carte de donneur.

En cas de problème, le médecin qui a pris le donneur en charge peut également contacter le médecin généraliste qui a délivré la carte. Une telle carte améliore également l'échange de données pour la caractérisation des organes et l'identification du donneur potentiel au sens de la directive UE 2010/53.

Cette procédure renforcera encore la relation entre le patient et le médecin (généraliste) étant donné que ce dernier sera consulté en l'absence d'une maladie à propos d'une donnée essentielle de l'existence: la vie et la mort.

Tout cela peut se faire dans le cadre du dossier médical global, mais pas exclusivement. Le médecin gérant le DMG pourra acter l'acceptation du don d'organes dans le DMG, dans l'attente de la numérisation.

Les campagnes visant à augmenter le nombre de donneurs explicites pourront donc diriger les gens vers le médecin généraliste. Le cas échéant, les personnes qui envisagent un opting out seront invitées dans le cadre de la campagne à consulter le médecin généraliste, chez qui elles pourront recevoir des explications claires, mais où elles ne pourront pas s'enregistrer (pour se désinscrire). En effet, une désinscription nécessitera toujours un détour par la maison communale.

Louis IDE.
Philippe MAHOUX.
Marleen TEMMERMAN.
Jacques BROTCHI.
Elke SLEURS.
Nele LIJNEN.
André du BUS de WARNAFFE.
Dirk CLAES.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans l'article 10 de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes, modifié en dernier lieu par la loi du 19 décembre 2008, un paragraphe 1/1 rédigé comme suit:

« § 1/1. Le consentement formel d'un prélèvement d'organes après le décès peut également être signifié à l'aide d'une carte de donneur délivrée par un médecin. Le Roi fixe le modèle de cette carte de donneur, ainsi que les modalités de sa délivrance. »

Art. 3

La présente loi entre en vigueur un an après sa publication au Moniteur belge.

9 mars 2012.

Louis IDE.
Philippe MAHOUX.
Marleen TEMMERMAN.
Jacques BROTCHI.
Elke SLEURS.
Nele LIJNEN.
André du BUS de WARNAFFE.
Dirk CLAES.