5-1532/3

5-1532/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

21 MARS 2012


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 195 de la Constitution

(Déclaration du pouvoir législatif, voir le « Moniteur belge » nº 135, Éd. 2 du 7 mai 2010)


Proposition de révision de l'article 195 de la Constitution, en vue de supprimer le Sénat


Proposition de révision de l'article 195 de la Constitution


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR

MM. ANCIAUX ET DELPÉRÉE


I. INTRODUCTION

Le 12 mars 2012, la commission des Affaires institutionnelles a examiné, en application des articles 27-1 et 56-3 du règlement du Sénat, les quatre propositions suivantes de révision de l'article 195 de la Constitution:

— une proposition de révision de l'article 195 encore pendante à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 53-2064/1).

Cette proposition a été déposée à la Chambre des représentants, le 15 février 2012. L'article unique corrigé a été adopté successivement par la commission de Révision de la Constitution et de la Réforme des Institutions de la Chambre, le 5 mars 2012, par 12 voix contre 5, et par l'assemblée plénière, le 15 mars 2012, par 103 voix contre 39. Le projet de texte a été transmis le 16 mars 2012 au Sénat.

En application de l'article 27-1, alinéa 2, du règlement du Sénat, la commission des Affaires institutionnelles du Sénat a commencé l'examen de cette proposition lors de sa réunion du 12 mars 2012, à savoir avant le vote de la Chambre, en présence de M. Servais Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, adjoint au premier ministre.

Conformément à l'article 56-3, alinéa 2, du règlement du Sénat, trois autres propositions ayant pour objet la révision de l'article 195 de la Constitution ont été examinées conjointement:

— la proposition nº 5-96/1 de M. Vande Lanotte et consorts;

— la proposition nº 5-466/1 de M. Laeremans et consorts;

— la proposition nº 5-1091/1 de M. Peter Van Rompuy.

Le 12 mars 2012, la commission des Affaires institutionnelles a tout d'abord tenu un débat de procédure. Ensuite, M. Servais Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, a commenté la proposition de révision nº 53-2064/1 qui était encore pendante à la Chambre à ce moment-là. M. Laeremans a fait de même pour sa propre proposition n 5-466/1. Puis, l'examen des propositions a été entamé.

Le 20 mars 2012, la commission a poursuivi l'examen et procédé au scrutin en présence des deux secrétaires d'État aux Réformes institutionnelles, MM. Servais Verherstraeten et Melchior Wathelet.

Le présent rapport a été soumis pour approbation à la commission le 21 mars 2012.

II. PROCÉDURE

A. Application de l'article 27-1 du règlement du Sénat

Lors de la réunion du 12 mars 2012, une discussion a lieu sur l'application de l'article 27-1 du règlement du Sénat.

M. Laeremans ne comprend pas l'urgence de mettre à l'ordre du jour les propositions de révision de l'article 195 de la Constitution alors que la Chambre n'a encore rien adopté en séance plénière. Ce n'est pas très sensé de traiter cela maintenant alors qu'on n'a pas encore de vision de ce que seront les modifications de la Constitution. Quant au dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde, il ne nécessite pas de révision de la Constitution, au contraire. Le membre demande le report de cet agenda après les vacances de Pâques, voire même après les élections communales qui auront lieu au mois d'octobre.

M. Laeremans accepte d'entendre le secrétaire d'État présenter la proposition de révision de l'article 195 de la Constitution (nº 53-2064/1), ainsi que les auteurs des autres propositions de révision. Par contre, il demande d'attendre la séance plénière de la Chambre avant d'entamer les discussions de fond. Il faut au préalable prendre connaissance de tout ce qui s'est dit à la Chambre pour pouvoir mener un débat sérieux.

Mme de Bethune, présidente, réplique que l'article 27-1 du règlement du Sénat permet à la commission de discuter d'une proposition qui n'a pas encore été adoptée en séance plénière de la Chambre. La commission ne peut toutefois procéder à des votes.

La commission souscrit à ce point de vue.

B. Auditions

La proposition de M. Laeremans de procéder à des auditions de professeurs d'université est rejetée par dix voix contre quatre.

C. Retrait de la proposition nº 5-96/1

La proposition nº 5-96/1 de M. Vande Lanotte et consorts sera retirée, ses auteurs jugeant que sa philosophie est la même que celle du projet de texte transmis par la Chambre des représentants.

D. Retrait de la proposition nº 5-1091/1 de l'ordre du jour

M. Van Rompuy étant absent, sa proposition nº 5-1091/1 est retirée de l'ordre du jour.

III. EXPOSÉ DES PROPOSITIONS DE RÉVISION DE LA CONSTITUTION

A. Projet de texte portant révision de l'article 195 de la Constitution (doc. Chambre, nos 53-2064/1-4, et doc. Sénat, nº 5-1532/1)

Le 12 mars 2012, M. Servais Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, adjoint au premier ministre, fournit les précisions suivantes en ce qui concerne la proposition de révision encore pendante à la Chambre.

Cette proposition a été déposée le 15 février 2012 par huit présidents de groupe.

Elle a été adoptée le 5 mars 2012, moyennant quelques corrections de texte, par la commission de la Chambre de Révision de la Constitution et de la Réforme des Institutions, et elle devrait être soumise au vote le 15 mars 2012 en séance plénière de la Chambre.

La proposition a été élaborée par les huit partis qui ont conclu le 11 octobre 2011 l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État et qui, par cette proposition, posent la première pierre de la mise en œuvre de cet accord.

La sixième réforme de l'État s'annonce, à tout le moins sur le plan budgétaire, comme la plus vaste réforme institutionnelle depuis la première réforme de l'État de 1970. Le dépôt de la proposition de révision de l'article 195 de la Constitution marque le lancement effectif de l'examen parlementaire de la nouvelle réforme de l'État. L'adaptation de cet article permet la réalisation complète de la sixième réforme de l'État au cours de la présente législature.

Quel est l'objectif de la proposition ?

Le préconstituant a ouvert à révision une série de dispositions constitutionnelles, notamment en vue d'une éventuelle réforme du bicaméralisme (Moniteur belge du 7 mai 2010). Mais pour mettre en œuvre l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État, il faudrait également pouvoir modifier plusieurs dispositions qui ne sont actuellement pas ouvertes à révision. Sur le plan de la technique juridique, il est parfaitement possible de résoudre ce problème en révisant l'article 195 de la Constitution. Cet article est en effet ouvert à révision.

Il est intéressant, à cet égard, de revenir sur les travaux préparatoires relatifs aux déclarations de révision adoptées par la Chambre et le Sénat. La commission des Affaires institutionnelles du Sénat, en particulier, a examiné très attentivement les conséquences possibles de la proposition d'inclure également l'article 195 de la Constitution dans la déclaration de révision (voyez le rapport de MM. Vandenberghe et Delpérée, doc. Sénat, nº 4-1777/3, pp. 6-8 et 81-84, et les Annales du 6 mai 2010). M. Moureaux a ainsi déclaré qu'il suffisait de n'ouvrir à révision que l'article 195 pour pouvoir modifier l'ensemble de la Constitution. D'autres sénateurs, tant du côté francophone que du côté néerlandophone, ont également souligné l'importance de l'article 195, qui est la clé ouvrant la voie à une réforme de l'État de grande ampleur, en modifiant le cas échéant des dispositions constitutionnelles que le préconstituant n'avait pas ouvertes à révision. Autrement dit, le préconstituant connaissait les conséquences de l'ajout de l'article 195 à la déclaration de révision.

La proposition à l'examen ajoute une disposition transitoire à l'article 195 de la Constitution, qui est soumise à cinq restrictions.

1. La disposition transitoire n'est valable que pour une durée déterminée, en l'occurrence la présente législature.

2. La disposition transitoire est également limitée quant à son objet. Elle contient en effet une énumération exhaustive des articles pouvant faire l'objet d'une révision. Ces articles portent exclusivement sur la mise en œuvre de l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État.

3. Pour chaque disposition constitutionnelle, la disposition transitoire définit explicitement les objectifs poursuivis par la révision de ces articles.

4. Il n'est pas porté préjudice aux droits fondamentaux visés au titre II, au contraire. L'objectif est d'ancrer également dans l'article 23 le droit aux allocations familiales.

5. Les règles prescrites par l'article 195 de la Constitution en matière de quorum et de majorité restent applicables. Cela signifie que les Chambres ne pourront délibérer que si deux tiers au moins des membres qui composent chacune d'elles sont présents, et toute modification ne sera adoptée que si elle réunit au moins les deux tiers des suffrages. La double exigence continue donc à s'appliquer aussi bien pour l'approbation du texte à l'examen que pour la révision des dispositions constitutionnelles désignées dans la disposition transitoire. Lors de la discussion de cette proposition au sein de la commission compétente de la Chambre, il a d'ailleurs été souligné que l'assemblée plénière de la Chambre a adopté le projet de déclaration de révision à une large majorité (106 voix sur 138 au total) (voir le rapport de M. Landuyt et de Mme Déom, doc. Chambre, nº 53-2064/3, p. 9). Autrement dit, alors que cela n'était pas nécessaire, il a quand même été satisfait aux exigences de majorité prévues par l'article 195 pour la déclaration de révision. Si la réforme de l'État souhaitée par les huit partis est réalisée, il sera satisfait jusqu'à trois reprises, durant le processus constitutionnel étalé sur deux législatures, aux quorums particuliers de présence et de majorité prévus par l'article 195. Le fait que l'Accord institutionnel et la proposition qui en résulte ont été signés non seulement par les partis de la majorité, mais aussi par deux partis de l'opposition est la preuve que la réforme proposée fait l'objet d'un large consensus.

La disposition transitoire proposée à l'article 195 de la Constitution comporte une liste d'articles dont la révision pourrait être jugée nécessaire en vue de la mise en œuvre intégrale de l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État. Aucune révision de la Constitution n'est requise pour les autres points de cet accord.

Ainsi, le transfert des allocations familiales et de l'allocation pour l'aide aux personnes âgées ne requiert aucune modification de la Constitution. Les allocations familiales sont, en tant que subdivision des matières personnalisables visées à l'article 128 de la Constitution, transférées par le biais d'une modification de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Lors de l'introduction de l'article 128 de la Constitution (ancien article 59bis, § 2bis) en 1980, le Constituant s'est expressément demandé si le législateur spécial pourrait éventuellement transférer ultérieurement les allocations familiales comme une « matière personnalisable » aux Communautés (1) . Le Constituant a clairement indiqué que le législateur spécial est souverain en ce domaine, de telle sorte que les allocations familiales et l'allocation pour l'aide aux personnes âgées peuvent, en tant que subdivisions des matières personnalisables, être transférées par le biais de la loi spéciale. En ce qui concerne Bruxelles, l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État prévoit que les allocations familiales sont transférées à la Commission communautaire commune. Pour ce faire, on appliquera les articles 128, § 2, et 135 de la Constitution.

Le transfert de la compétence en matière de droit sanctionnel de la jeunesse ne requiert pas non plus de modification de la Constitution. Le droit sanctionnel de la jeunesse relève également des matières personnalisables visées à l'article 128 de la Constitution et sera, en tant que partie intégrante de celles-ci, transféré par le biais d'une modification de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. En vertu de l'article 128, § 1er, alinéa 2, de la Constitution, il revient en effet au législateur spécial d'arrêter les matières personnalisables que les Communautés française et flamande règlent par décret. Le législateur spécial est donc habilité à attribuer le droit sanctionnel de la jeunesse aux Communautés.

Ensuite, le secrétaire d'État fait un tour d'horizon des subdivisions de la disposition transitoire et explique dans les grandes lignes le sens dans lequel les dispositions, les articles et les groupements d'articles qui y sont énumérés peuvent être révisés.

Enfin, quelques commentaires s'inscrivent dans la ligne de l'argument qui a été développé non seulement au sein de la commission compétente de la Chambre, mais aussi dans les médias, à savoir que la disposition transitoire proposée serait contraire à l'article 187 de la Constitution selon lequel la Constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie. Une majorité des membres de la commission de la Chambre, soutenue en cela par les deux secrétaires d'État aux Réformes institutionnelles, ne partageait pas ce point de vue. L'article 195 de la Constitution reste en effet d'application. Les dispositions constitutionnelles qui ne figurent ni dans la déclaration de révision, ni dans la disposition transitoire proposée, ne peuvent donc pas être révisées. En revanche, les dispositions déclarées soumises à révision peuvent naturellement être modifiées, en tenant compte des conditions de majorité prévues à l'article 195. L'article 195 reste donc applicable. Il n'est pas question de suspension.

La commission compétente de la Chambre a, en conséquence, adopté la disposition transitoire proposée, moyennant quelques corrections rédactionnelles, par 12 voix contre 5 (voir le rapport de M. Landuyt et Mme Déom, doc. Chambre, nº 53-2064/3, p. 33).

B. Proposition de révision de l'article 195 de la Constitution, en vue de supprimer le Sénat (doc. Sénat, nº 5-466)

Le dépôt de cette proposition par M. Bart Laeremans et consorts le 10 novembre 2010 a été motivé par le profond mécontentement que leur inspire la procédure de révision actuelle, qui est non seulement lente et compliquée, mais également antidémocratique.

Il est inacceptable dans une démocratie qu'un organe non élu, à savoir le Roi, représenté par le gouvernement, joue un rôle dans cette procédure et établisse lui-même, en tant que branche du pouvoir législatif, une liste des dispositions constitutionnelles soumises à révision.

L'intervention des trois branches du pouvoir législatif en tant que composantes du préconstituant rend le consensus plus difficile à atteindre et peut mener, à défaut d'accord entre ces trois branches, à l'adoption d'une déclaration de révision très minimaliste. Il est d'ailleurs déjà arrivé par le passé que la Chambre et le Sénat adoptent des déclarations non concordantes. Dans ce cas, seules les dispositions figurant sur chacune des trois listes sont ouvertes à révision.

Un autre facteur de complication réside dans le fait que la publication au Moniteur belge de la déclaration de révision entraîne de plein droit la dissolution des Chambres et dès lors la tenue de nouvelles élections, ce qui rallonge inutilement la procédure de révision.

En outre, le constituant qui effectuera la révision constitutionnelle sera soumis à une procédure lourde. Tout d'abord, il ne pourra réviser que les dispositions constitutionnelles désignées par le préconstituant. Ensuite, il devra respecter des quorums de présence et de décision renforcés. En outre, il ne pourra pas modifier deux fois le même article. Si un article devait être modifié une seconde fois, le constituant devrait se déclarer préconstituant et toute la procédure devrait être recommencée à zéro.

Si les Chambres n'ont pas adopté une déclaration de révision sous la législature précédente, aucune révision de la Constitution ne sera possible pendant toute la durée de la législature, auquel cas on perd à nouveau quatre ans.

Dans ce pays compliqué, où des réformes nécessaires sont bloquées depuis des décennies, la procédure de révision actuelle avec ses lourdeurs est dès lors devenue un frein qui risque d'enliser encore plus le pays dans les difficultés.

C'est la raison pour laquelle il règne, tous partis confondus, un large consensus en faveur d'une révision de l'article 195.

Cependant, la disposition transitoire proposée actuellement par la majorité (cf. doc. Chambre, nº 53-2064/1) ne donne pas satisfaction. D'une part, elle ne modifie en rien les dispositions en vigueur; d'autre part, elle prévoit une dérogation à la procédure existante pour une durée déterminée. Ce qui est proposé, ce n'est pas un remaniement moderne de l'article 195, mais une suspension provisoire de cet article en vue de permettre la révision d'un certain nombre de dispositions, qui viseront surtout à renforcer considérablement la position des francophones. Ces derniers se verront ainsi octroyer des privilèges dans la Constitution, qui ne pourront ensuite jamais — en tout cas dans le contexte belge — être modifiés. La disposition proposée consacre en fait la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui fera à l'avenir de Bruxelles une ville francophone. En même temps, elle met en œuvre le scénario de deux contre un, dans lequel les Flamands, groupe majoritaire de la population, se trouvent réduits au rang de minorité sur le plan institutionnel. La suspension proposée de l'article 195 enfreint en outre l'interdiction de suspension prévue à l'article 187.

Compte tenu de ce qui précède, M. Laeremans invite la commission à examiner sa proposition, qui vise à revoir de fond en comble l'article 195 sur la base des deux lignes de force suivantes:

— désormais, seule la Chambre des représentants, à l'exclusion du Roi, demeurera compétente pour réviser la Constitution en cours de législature;

— la Chambre sera soumise à un quorum de présence de deux tiers de ses membres et une modification ne pourra être adoptée qu'à condition de recueillir au moins trois cinquièmes des voix (60 %).

Cette procédure présente l'avantage d'être souple et garantit une révision de la Constitution plus démocratique que ne le permet la formule archaïque actuelle, que les huit partenaires de l'Accord institutionnel souhaitent maintenir. La proposition de M. Laeremans et consorts constitue dès lors une alternative à la proposition de la majorité (doc. Chambre, nº 53-2064/1), qui manipule la Constitution et est par conséquent inconstitutionnelle.

IV. DISCUSSION GÉNÉRALE

Le point de départ pris pour la discussion est la proposition nº 53-2064/1 déposée à la Chambre.

A. Questions et observations

M. Moureaux souligne que la technique consistant à modifier l'article 195 est utilisée à titre exceptionnel. Elle a d'ailleurs donné lieu à des discussions délicates lorsqu'il a été décidé de déclarer l'article ouvert à révision et lui-même s'y était initialement opposé. Il s'est finalement rallié à cette formule car il semblait impossible d'énumérer tous les articles qui devraient être révisés afin de mettre en œuvre la réforme de l'État. C'était la seule méthode permettant d'agir en de telles circonstances et donnant une base constitutionnelle valable à la réforme.

L'intervenant rappelle que lors de la réforme de l'État de 1980, alors qu'il était lui-même ministre des Réformes institutionnelles, l'article 195 de la Constitution n'était pas ouvert à révision. Il avait dès lors été contraint de tordre en tous sens les dispositions ouvertes à révision afin de pouvoir mener à bien la réforme de l'État, ce qui n'avait pas manqué de susciter de nombreuses critiques.

Le fait que l'article 195 de la Constitution soit ouvert à révision offre au gouvernement actuel une certaine latitude qui lui permet de travailler sur des dispositions qui ne figuraient pas dans la liste des articles ouverts à révision adoptée par le Sénat le 6 mai 2010.

Enfin, le sénateur ajoute que la révision de l'article 195 de la Constitution vise à donner un fondement constitutionnel valable à une réforme de l'État qui constitue une tentative de trouver un nouveau compromis entre les deux principales communautés du pays. Il serait donc logique que tous ceux qui souhaitent qu'on aille de l'avant soutiennent la présente démarche.

Le groupe PS souhaite des avancées rapides, dans un sens favorable à l'intérêt de toutes les communautés, en ce compris la Communauté germanophone soucieuse d'un apaisement sur ces matières.

M. Pieters déclare que le projet de texte transmis par la Chambre donnera le coup d'envoi d'une réforme de l'État qui prendra plusieurs mois. Il indique que son parti peut marquer partiellement son accord sur plusieurs volets de la réforme, même s'il souhaiterait que celle-ci aille plus loin. Il y a d'autres volets, en revanche, qui ne répondent absolument pas aux attentes de son parti par rapport à une réforme de l'État. Cela relève du jeu politique entre la majorité et l'opposition. Il précise que son parti jouera le jeu et qu'il fera connaître son point de vue et ses objections pour chaque volet.

Il tient au préalable à faire une mise au point:

— son parti n'est pas opposé à une réforme de l'État, au contraire. Il souhaiterait même une réforme encore plus radicale que celle qui est proposée aujourd'hui;

— son parti n'est pas opposé non plus à une révision de l'article 195 de la Constitution.

Il ajoute cependant que, lorsque M. De Wever et lui-même ont été associés, en leurs qualités respectives, au processus de négociation lancé au lendemain des élections du 13 juin 2010, ils ont toujours veillé à agir dans les limites de la Constitution.

Or, le texte à l'examen, qui résulte de l'Accord institutionnel que les partis de la majorité et les écolos ont conclu, est un compromis qui sort du cadre de la Constitution.

Il nous entraîne sur un terrain dangereux. En effet, à l'avenir, le constituant pourra modifier la Constitution comme bon lui semble pour autant que l'article 195 ait été déclaré ouvert à révision. M. Moureaux s'était opposé par le passé à ce que l'on ouvre l'article 195 à révision parce que tout devenait alors possible. Il a changé d'avis depuis. L'option qui est retenue aujourd'hui offre toutefois des perspectives. D'un côté, elle permettra de réaliser une profonde réforme de l'État mais, d'un autre côté, elle risque d'ouvrir la voie à toutes les combines possibles et n'est pas sans nous rappeler l'époque funeste de la République de Weimar et de la Troisième République française en 1940, lorsqu'une large majorité parlementaire, en panique, s'empressa de modifier la Constitution d'une manière qui n'était pas conforme à celle-ci.

Quel est le but d'une réforme de l'État ? Elle doit apporter des solutions, avoir un effet pacificateur et garantir un fonctionnement efficace de la démocratie. L'intervenant a la conviction que la réforme doit être menée dans le respect des procédures définies par la Constitution. Or, avec le texte qu'ils ont fait adopter à la Chambre, les auteurs se placent en dehors de celle-ci.

L'intervenant en éprouve une vive inquiétude. Le gouvernement déclare certes qu'il n'est pas question de suspendre la Constitution, mais quelle définition donne-t-il alors à la suspension d'une disposition constitutionnelle ? Selon l'intervenant, ce n'est rien d'autre que la levée temporaire de cette disposition qui continue pourtant à exister en tant que telle. Cette définition cadre parfaitement avec le contenu que d'autres branches du droit donnent à la notion de suspension.

Selon M. Pieters, la conclusion qui s'impose d'elle-même est que la disposition transitoire proposée à titre temporaire implique en soi une suspension de l'article 195, ce qui est contraire à l'article 187 de la Constitution, qui dispose que la Constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie.

Un deuxième problème au sujet de la formule qui est proposée est que celle-ci ne répond pas non plus à la déclaration de révision publiée le 7 mai 2010. D'aucuns ont déclaré au sein de la commission compétente de la Chambre que la proposition en discussion n'implique aucune révision de l'article 195. Il s'agirait, selon eux, d'une mesure temporaire, d'une déclaration additionnelle. Selon M. Pieters, il s'agit d'une déclaration additionnelle destinée à rendre un article inopérant, autrement dit à le suspendre.

La méthode qui est proposée en l'espèce est contestable en tant qu'elle sape les fondements du système constitutionnel. La procédure de révision définie à l'article 195 est mise à mal puisque le double contrôle démocratique est supprimé.

M. Pieters et son parti ne sont pas les seuls à émettre des objections. Plusieurs constitutionnalistes de renom formulent eux aussi quelques réserves.

Ainsi, le professeur André Alen (2006) a déclaré à ce sujet: « Il ne s'agit pas simplement en l'espèce de l'une ou l'autre mesure de détail dans le cadre d'un accord politique; il s'agit bel et bien d'une règle fondamentale qui définit la manière dont les fondements de notre structure étatique peuvent être modifiés. » (traduction) (ALEN, A., De procedure van grondwetsherziening in De Grondwet: verleden, heden en toekomst, Sénat de Belgique, Cahier nº 2, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 52).

Le professeur Filip Reyntjens (2012) va plus loin: « Depuis quelques décennies, je m'intéresse davantage à l'Afrique, et je connais donc ce genre de choses. Leo Tindemans a dit un jour qu'il ne considérait pas la Constitution comme un « chiffon de papier », mais l'actuel gouvernement a manifestement une autre idée sur la question et préfère suivre l'exemple de ses homologues africains. (...) Le fait que le gouvernement ne fasse même qu'envisager de zapper brièvement la Constitution est absolument scandaleux. » (traduction) (« Zappen met een vodje papier », De Standaard, 10 janvier 2012).

Le professeur Carl Devos (2012) s'est exprimé en ces termes: « Forcer une fois la Constitution par le biais de la Constitution, pour ensuite rétablir l'ancienne règle: on dirait une comédie burlesque avec un chiffon de papier. Que croient donc ces dirigeants ? Qu'ils peuvent mettre brièvement de côté les principes de la Constitution, dans leur propre intérêt, pour pouvoir exécuter leur accord politique dans toutes ses nuances, parce que la majorité nécessaire pour ce faire existe ? (...) Ou bien l'article 195 est modifié de manière permanente, pour l'avenir également, et cette idée est défendable, ou bien il ne l'est pas et Di Rupo Ier respecte les règles du jeu (et donc la liste des articles ouverts à révision). Tout le reste n'est qu'arrogance incivique sous le couvert d'un pragmatisme légitimé démocratiquement. » (traduction) (De redactie.be, 18 février 2012).

Le professeur Hendrik Vuye (2012) a déclaré que « la fraude à la Constitution perpétrée par les responsables politiques n'est pas sanctionnée en Belgique » (traduction) (De Morgen, 14 février 2012).

Le professeur Marc Verdussen aussi (2012) a formulé quelques remarques:

« On ne sait que trop bien que, si l'article 195 de la Constitution a été soumis à révision, c'est afin de permettre au pouvoir constituant d'envisager une refonte globale et durable de la procédure de révision constitutionnelle, devenue largement inadaptée à l'évolution de la société belge. » (La Libre Belgique, 11 février 2012).

En 2007, le secrétaire d'État Verherstraeten, qui était alors député, était d'avis que « La Constitution, document fondamental de l'État, doit être révisée par une majorité solide et non par une majorité de circonstance. Un consensus suffisamment large doit se dégager, au cours de deux législatures, lorsqu'il s'agit de modifier la structure fondamentale de l'État ou les droits fondamentaux des personnes. » (cf. le rapport de MM. Hasquin et Tant du 23 avril 2007, doc. Chambre, n 51-3056/5, p. 13).

À l'occasion d'une déclaration de révision précédente, le CD&V a également déclaré, dans un communiqué de presse, que « la révision de l'article 195 est un blanc seing pour modifier la Constitution à discrétion. Cette modification est contraire à toute prise de décision démocratique raisonnable et à un ancrage solide des règles fondamentales du système constitutionnel belge. Il y a en outre des objections juridiques. »

En 2003, M. Hugo Vandenberghe, ancien sénateur, défendait au sein de cette commission le point de vue selon lequel « s'ils approuvent la proposition visant à ouvrir à révision l'article 195 de la Constitution, cela implique que d'autres articles que ceux qui figurent actuellement dans la déclaration de révision pourront être modifiés et qu'ils donnent leur assentiment à un strip-tease constitutionnel. (...) Le fait que la révision de la Constitution se déroule sur deux législatures constitue un minimum démocratique. Selon l'intervenant, les adeptes d'une révision en une seule législature font preuve d'une aberration autoritaire. (cf. le rapport de MM. Monfils et Caluwé du 2 avril 2003, doc. Sénat, nº 2-1549/3, p. 28).

M. Delpérée écrivait en 2003 que

« L'article 195 de la Constitution permet encore de « calmer le jeu ». Tous les acteurs politiques doivent savoir qu'il n'est pas possible d'obtenir « tout et tout de suite ». Il y a des césures. Il y a des transitions. Il y a un échelonnement des opérations. » (Delpérée F. (ed.), La Procédure de révision de la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 8).

M. Delpérée estime que l'argumentation utilisée par M. Pieters n'est pas correcte. La citation qui lui est attribuée porte sur un commentaire à l'article 195 en vigueur. Une distinction doit être opérée entre cette citation et les propositions visant à réviser cet article. Il s'agit de deux approches différentes, que M. Pieters confond dans ses propos.

M. Pieters reprend le fil de son intervention et cite, pour terminer, une déclaration de M. Armand De Decker, ancien président du Sénat, publiée le 13 janvier 2003 dans le quotidien Le Soir:

« La volonté de réviser le 195 repose sur l'espoir de ramener la Constitution au niveau d'une loi spéciale. C'est jouer aux apprentis sorciers, cela mènera à un système d'instabilité et débouchera sur un climat de tensions communautaires permanentes. Permettre de détricoter la Constitution tous les trimestres serait irresponsable. »

(citation extraite du rapport de MM. Monfils et Caluwé du 2 avril 2003, doc. Sénat, nº 2-1549/3, p. 16)

La leçon que l'on peut retenir de toutes ces citations, c'est que de nombreuses personnes, qui connaissent bien notre Constitution et ne peuvent en aucun cas être considérées comme faisant partie du camp des extrémistes nationalistes flamands, mettent en garde contre une manipulation hasardeuse de l'article 195 de la Constitution. Elles déconseillent de s'engager sur la voie empruntée par la proposition à l'examen.

Un silence assourdissant règne à présent chez ceux qui, comme le secrétaire d'État Verherstraeten, ont renié la position qu'ils avaient défendue précédemment. Faut-il en conclure que la constitutionnalité d'une proposition de révision se mesure au contenu de la révision proposée ? Si tel était le cas, des divergences d'opinions se feraient jour: ce qui serait applaudi par les uns serait condamné par les autres. Mais le message fondamental reste qu'il y a des règles du jeu constitutionnelles à respecter. Or, l'intervenant constate que ces règles sont maintenant ignorées. Force est dès lors de constater que les partisans de la proposition à l'examen jouent aux apprentis sorciers. Maintenant qu'ils peuvent en tirer un avantage politique, ils ont recours à une procédure qu'ils ont refusée par le passé.

Sur le plan juridique interne, il est vrai qu'il n'existe aucune voie de recours contre une révision de la Constitution. Mais ce n'est pas un hasard si ceux-là mêmes qui se sont inquiétés de voir la Hongrie modifier sa Constitution, conformément aux souhaits de la majorité, afin d'accroître l'influence du gouvernement sur le pouvoir judiciaire, le secteur bancaire et les médias, froncent à présent les sourcils face au projet visant à suspendre une partie de la Constitution belge au motif que cela arrange bien la majorité.

Il n'est dès lors pas étonnant qu'il soit proposé au Conseil de l'Europe, notamment avec le soutien des écologistes allemands et de constitutionnalistes libéraux, de soumettre cette question à la Commission de Venise, qui s'assure que les actions entreprises par les États membres sont conformes aux principes de l'État de droit.

Enfin, M. Pieters demande des précisions sur la déclaration faite à la Chambre par le secrétaire d'État M. Wathelet, selon laquelle la méthode de la disposition transitoire pourrait, si nécessaire, encore être utilisée sous la présente législature pour permettre, cette fois, la révision d'autres articles (cf. le rapport de M. Landuyt et de Mme Déom, doc. Chambre, nº 53-2064/3, p. 23). Si tel était le cas, l'article 195 mériterait le qualificatif d'« article carrousel ».

Force est donc de conclure que la proposition à l'examen vise une opération dangereuse, qui, si elle réussissait, ferait immédiatement figure de précédent, ouvrant la voie à tous les possibles pour autant qu'une majorité des deux tiers puisse être trouvée. Cela n'aurait plus aucune espèce d'importance qu'un article soit ou non déclaré ouvert à révision. Si l'article 195 est révisable, n'importe quelle révision est à portée de main. La disposition transitoire proposée revient à suspendre provisoirement l'article 195, ce qui, sauf preuve contraire, constitue une violation de l'article 187.

M. Beke fait remarquer à l'orateur précédent qu'il aurait pu avoir un minimum de crédibilité si son groupe politique n'avait pas répété à de mutiples reprises qu'ils se débarrasseraient de la Constitution en 2014. Les règles du jeu doivent certes être respectées et le membre est convaincu que c'est bien le cas ici, même si ce n'est pas de la manière souhaitée par la N-VA.

Nous verrons ce qu'en dira le Conseil de l'Europe. Toutefois, il convient de rappeler qu'à une époque la N-VA fulminait contre ce même Conseil de l'Europe quand des représentants de celui-ci se sont penchés sur le refus de nomination de certains bourgmestres dans les communes à facilités.

La N-VA défendait une plus grande réforme de l'État. Le membre lui-même était en faveur d'une telle réforme si elle avait appartenu au domaine du possible. Cependant comment la N-VA comptait-elle mettre en œuvre toutes les réformes énumérées dans la note du clarificateur royal du 17 octobre 2010, sans recourir à la révision de l'article 195 de la Constitution ? Cela aurait été impossible. C'est là la deuxième incohérence dans le discours de M. Pieters.

Si ce qui est proposé apparaît si catastrophique, pourquoi la N-VA collabore-t-elle à la réforme de l'État avec les autres partis au sein du gouvernement flamand ?

En outre, il ne s'agit pas ici de mettre de côté les règles du jeu. Il s'agit d'une révision afin de pouvoir réviser d'autres articles. Cela signifie qu'il faudra trouver à deux reprises une majorité des deux tiers pour pouvoir réviser ces articles.

Plusieurs professeurs ont été cités mais naturellement pas ceux qui ont écrit que la procédure utilisée n'était sans doute pas la plus belle mais qu'elle n'était pas inconstitutionnelle et qu'elle pouvait être suivie.

Enfin, M. Beke rappelle que la présente réforme de l'État est largement soutenue tant côté flamand que côté francophone. Il faut arrêter de donner l'impression qu'il s'agit d'une évolution arrachée par les uns aux autres.

La révision de l'article 195 s'inscrit dans l'accord politique qui entend notamment apporter une réponse à l'arrêt de la Cour constitutionnelle qui demandait une solution en matière de circonscriptions électorales. C'est aujourd'hui la première étape, qui sera suivie par d'autres.

M. Anciaux se rallie à plusieurs arguments invoqués par M. Beke. À la lumière de la déclaration du président de la N-VA, selon laquelle la Constitution devra être mise de côté afin de réaliser un modèle d'État confédéral, la critique de M. Pieters paraît nettement moins évidente. Néanmoins, l'intervenant aborde plus en détail les objections qu'il a invoquées.

L'argument selon lequel la disposition transitoire proposée n'est absolument pas conforme à la Constitution est dénué de tout fondement. Comme le secrétaire d'État l'a déjà signalé dans son explication, le préconstituant, tant à la Chambre qu'au Sénat, s'est longuement attardé en 2010 sur la proposition visant à insérer l'article 195 également dans la déclaration de révision. M. Johan Vande Lanotte, ancien sénateur et professeur de droit constitutionnel, a ainsi déclaré le 6 mai 2010 en séance plénière du Sénat que son groupe était favorable à l'ouverture à révision de l'article 195 de la Constitution, au motif que: « Au lieu d'en rester à ces réformes implicites hypocrites, nous préférons opter ouvertement pour un système offrant une double garantie. Il faudra d'abord modifier l'article 195 de la Constitution et les autres articles pourront être révisés par la suite, toujours à la majorité des deux tiers naturellement et non à la majorité simple, ce qui garantit le maintien des mécanismes de protection. Ce qu'il conviendrait de supprimer, ce n'est pas la protection de la minorité, mais le blocage technique que représente le préconstituant, celui-ci n'étant pas toujours capable de prévoir ce que le constituant souhaite réaliser dans une réforme de l'État. » (Annales, Sénat, 6 mai 2010, nº 4-122, p. 78-79).

M. Delpérée a voté contre l'ouverture à révision de l'article 195 en 2007 parce que le scénario esquissé par M. Vande Lanotte pourrait en être la conséquence logique du point de vue juridique. Il s'est toutefois ravisé en 2010 (Annales, Sénat, 6 mai 2010, nº 4-122, p. 78, 80 et 109, vote nº 106).

En d'autres termes, la disposition transitoire proposée s'inscrit complètement dans la ligne de la déclaration de révision approuvée par le préconstituant et est, par conséquent, correcte du point de vue juridique.

En 2010, les sénateurs Ide et Stevens, qui sont tous les deux du même parti que M. Pieters, contrairement à leurs collègues de groupe à la Chambre, ont approuvé la proposition visant à déclarer l'article 195 ouvert à révision (Annales, Sénat, 6 mai 2010, nº 4-122, p. 80 et 109, vote nº 106).

Cette rétrospective vise à montrer que l'on n'agit pas dans la précipitation. Le projet de texte transmis par la Chambre ne surgit pas du néant. Il est basé sur les travaux parlementaires préparatoires des dernières déclarations de révision dans lesquelles l'article 195 a été déclaré ouvert à révision.

L'argument de la N-VA selon lequel la disposition transitoire proposée dépasse les limites de la Constitution, perd en outre de sa pertinence à la lumière de l'amendement que ce parti a déposé au sein de la commission compétente de la Chambre (doc. Chambre, nº 53-2064/2, amendement nº 15). Contrairement à la disposition transitoire proposée qui contient elle-même différentes limites à l'intérieur desquelles les dispositions qui y sont mentionnées peuvent être révisées, il est proposé dans l'amendement en question de modifier l'article 195 de manière à pouvoir réviser la Constitution de façon illimitée et permanente au cours d'une même législature.

Il n'est pas correct d'affirmer que la disposition transitoire proposée violerait l'interdiction de suspension prévue par l'article 187. Il s'agit donc bien, en l'espèce, d'une révision de la Constitution. D'aucuns déplorent qu'il n'est pas possible de solliciter l'avis du Conseil d'État ou de la Cour constitutionnelle à ce sujet. Mais ces instances ne pourraient examiner des propositions de révision qu'à l'aune des dispositions constitutionnelles en vigueur. Elles ignoreraient totalement les intentions du constituant, ce qui ne saurait être leur mission. Seul le constituant est compétent pour décider quelles dispositions seront révisées à titre provisoire ou définitif et dans quel sens. L'interdiction de suspension prévue à l'article 187 s'adresse d'ailleurs uniquement aux pouvoirs législatif et exécutif. Le constituant dispose, en effet, de la liberté de choix exclusive de réviser, d'adapter et de réviser temporairement la Constitution à discrétion et ceci selon la procédure prévue par la Constitution.

L'intervenant trouve que la méthode utilisée dans le projet de texte est intéressante parce qu'elle vise un objectif essentiel selon lui, à savoir une réforme institutionnelle de grande envergure qui apaisera peut-être le pays pour un certain temps et qui répond en grande partie aux aspirations flamandes. L'intervenant confirme que, s'il cela n'avait tenu qu'à lui seul, la sixième réforme de l'État aurait certainement été différente. Ce n'est pas non plus de gaîté de cœur qu'il approuvera toutes les dispositions de l'accord politique. Mais, c'est le prix du compromis.

D'ailleurs, M. Anciaux ne conçoit toujours pas comment il serait possible de réaliser la réforme du Sénat, le transfert des allocations familiales et la réforme de la Justice, par exemple, sans passer par la révision de l'article 195 de la Constitution que la majorité a choisie.

Mme Defraigne constate qu'on peut voir l'article 195 de la Constitution comme une boîte à outils. La solution proposée a le mérite du pragmatisme et permet la réalisation de l'objectif sur lequel huit partis se sont mis d'accord, à savoir la réforme de l'État.

La sénatrice trouve étonnant qu'un intervenant précédent ait invoqué le non respect des règles du jeu. Comment la N-VA avait-elle l'intention de mener à bien la réforme drastique et profonde de l'État qu'elle appelait de ses voeux ? Si ce groupe politique rejetait la solution de la révision de l'article 195 de la Constitution, comment aurait-il pu entreprendre cette réforme institutionnelle ? Il fallait nécessairement provoquer des élections. Voilà donc la démonstration par l'absurde que la N-VA a fait tourner le pays en rond pendant 400 jours alors qu'elle voulait uniquement mener à de nouvelles élections. Il est heureux que les autres partis politiques aient pu dégager un compromis pour sauver le pays au bord du chaos.

Mme Piryns explique que Groen veut collaborer de manière constructive à la réalisation d'une réforme de l'État, avec Ecolo et les six partis de la majorité, afin de sortir le pays de son interminable impasse communautaire. Même si l'accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État n'est pas parfait, il contient néanmoins une série d'éléments essentiels. Pour commencer, Groen veut croire que cet accord rétablira la paix communautaire et permettra ainsi aux partis de la majorité et de l'opposition de se concentrer sur les grands défis auxquels nous sommes confrontés. Ensuite, l'accord apporte une solution à une série de problèmes, comme la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et la réforme du Sénat.

La révision proposée de l'article 195 se justifie d'un point de vue juridique. C'est la méthode la moins hétérodoxe pour réaliser la réforme de l'État projetée. Groen peut dès lors être fier d'avoir signé l'accord institutionnel et de faire partie des coauteurs du projet de texte à l'examen.

Selon l'intervenante, la critique formulée par la N-VA à l'encontre du projet découle de la frustration de ce parti de n'avoir pas pu lui-même conclure un accord. D'ailleurs, cela reste pour elle un mystère de savoir comment la N-VA donnerait un ancrage constitutionnel à cet accord.

Quatre méthodes sont envisageables:

— soit seules les dispositions énumérées dans la déclaration de révision sont révisées. Ce n'est pas une option réaliste car, dans ce cas, il serait impossible, durant la législature en cours, d'effectuer une réforme de l'État de l'ampleur de celle qui se prépare actuellement;

— soit on adopte, d'ici à 2014, une nouvelle déclaration de révision reprenant toutes les dispositions qui devraient être révisées, situation qui offrirait à la N-VA l'avantage tactique de pouvoir continuer à marteler que tout est renvoyé aux calendes grecques;

— soit la révision est mise en œuvre à l'aide d'une disposition transitoire, telle que celle proposée actuellement;

— soit la Constitution est, à titre provisoire, entièrement mise de côté, ce qui est l'option défendue par le président de la N-VA.

Mme Piryns fustige l'attitude hypocrite de la N-VA. Ce parti estime en effet que la réalisation du modèle étatique confédéral est un objectif à ce point noble que son accomplissement justifie que la Constitution soit écartée. La disposition transitoire proposée est beaucoup moins blâmable et est en ordre sur le plan juridique. La réforme de l'État projetée sert également des objectifs louables, tels que la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et la réforme du Sénat. Mais, manifestement, un seul objectif est noble pour la N-VA, celui de la scission du pays.

M. Delpérée souhaite formuler trois observations d'ordre juridique, et une remarque de nature plus politique.

Premièrement, l'article 195 de la Constitution est soumis à révision, et ce sans limitation.

Il est curieux d'entendre certains invoquer le droit international, le droit européen, et d'autres dispositions de la Constitution, comme si ces normes venaient limiter l'action du pouvoir constituant.

Dans notre pays, il y a un souverain: le pouvoir constituant. Ce souverain n'est pas assujetti à d'autres dispositions.

Ensuite, un article de la Constitution soumis à révision, peut être révisé en tout ou en partie. Il peut l'être à titre définitif ou à titre transitoire. L'orateur note au passage que la Constitution actuelle contient d'autres dispositions transitoires — qui ne semblent d'ailleurs émouvoir personne — et ce non pas seulement à la fin du texte, mais également dans le corps de celui-ci (cf., par exemple, l'article 35).

Par ailleurs, la Constitution n'est pas en sommeil. L'article 195 n'est pas suspendu, ni privé temporairement d'application. La preuve en est que, pour les articles qui figurent dans la déclaration de révision du 7 mai 2010, les dispositions de l'article 195 restent d'application.

Enfin, l'orateur doit bien constater que ceux qui critiquent aujourd'hui la procédure mise en œuvre par la majorité parlementaire et les écologistes sont ceux-là même qui espéraient qu'une révision de l'article 195 de la Constitution conduirait en réalité à l'abrogation de celle-ci, et permettrait de réaliser beaucoup plus facilement ce qu'un précédent orateur a appelé un « big bang institutionnel ».

Compte tenu de ces observations, l'orateur tire les trois conclusions suivantes.

La première est qu'il n'y a pas d'objection juridique à procéder de la manière proposée.

La deuxième est qu'il y a tout intérêt à ouvrir pour l'instant, et pour un temps limité, une procédure spécifique de révision de la Constitution.

La troisième est qu'une fois cette révision réalisée, il y aura aussi tout intérêt à refermer la porte qui a été ouverte, et à consolider ainsi les structures de notre système fédéral.

M. De Croo déclare, à l'intention de M. Pieters, qu'il est touchant de voir son parti se poser en grand défenseur de la Constitution belge. C'est là une position un peu étrange qui, comme souvent, illustre une certaine dualité dans le chef de ce parti.

D'un côté, on entend M. Weyts déclarer que la Constitution n'est pas un chiffon de papier.

De l'autre, M. Bracke et son président de parti déclarent dans une interview que « la Constitution n'est jamais que la Constitution ». Ceci signifie que, dans les moments importants, la Constitution pourrait être mise de côté.

L'orateur constate donc que, si la Constitution ne peut pas être traitée comme un chiffon de papier, à partir de 2014, si les choses évoluent dans un sens favorable à la N-VA, celle-ci sera sans doute moins encline à défendre la Constitution, et que cette dernière pourra probablement être déchirée.

L'orateur observe par ailleurs que le recours au Conseil de l'Europe est introduit, d'une part, par un parti séparatiste, et d'autre part, par un parti unioniste. Ceci illustre sans doute le fait que les extêmes se rejoignent.

Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si la procédure proposée aurait pour effet de suspendre la Constitution, l'orateur estime qu'il n'en est rien. Sinon, la liste des articles qui ont été déclarés ouverts à révision le 7 mai 2010 ne pourrait être utilisée, ce qui n'est pas le cas.

Bien plus, les articles qui ne sont mentionnés ni dans la déclaration de révision ni dans l'article 195 proposé ne peuvent, par définition, pas être modifiés.

Loin de mettre la Constitution hors jeu, on utilise les possibilités qu'elle offre. A moins de prétendre que l'article 195 figurant dans la Constitution ne peut jamais être utilisé, mais alors, pourquoi l'y avoir inscrit, et pourquoi s'être mis d'accord le 7 mai 2010 pour l'utiliser ?

L'orateur estime que ceci illustre la manière dont la N-VA a recours à des faux-fuyants pour bloquer les choses. Ce parti déclare vouloir une grande réforme de l'État, mais en pratique, il fait tout ce qu'il faut pour qu'une telle réforme n'ait pas lieu, car il sait qu'en fait, le blocage de toute réforme sert mieux ses intérêts et ses objectifs.

M. Cheron constate qu'il a déjà beaucoup été question des écologistes au cours de ce débat.

Huit partis ont discuté longuement de la conclusion d'un accord en matière institutionnelle.

Il est vrai qu'il importe, dans les travaux parlementaires, d'expliciter ce que l'on fait.

L'orateur a écouté avec intérêt l'intervention de M. Pieters qui, avec la foi du converti, défendait la Nation belge.

M. Pieters précise qu'il n'a pas tenu les propos que l'intervenant lui prête. Il a seulement dit qu'en vertu de la Constitution, la souveraineté émane de la Nation, et non du législateur ou du constituant.

M. Cheron poursuit en soulignant que la N-VA se fait aujourd'hui l'apôtre de la défense de la Constitution belge, alors que l'on sait très bien que ce parti ne veut plus de cette Constitution, ce qui ne manque pas de piquant. Contrairement à l'adage bien connu, dans cette optique, qui peut le plus ne peut pas le moins.

L'orateur répète donc qu'il importe de bien définir aujourd'hui ce que l'on entend faire.

On part de la déclaration de révision de la Constitution du 7 mai 2010, où l'article 195 est repris.

Il convient de souligner que l'on élabore ici une disposition transitoire. La proposition dont on discute contient une procédure spécifique et, s'agissant de l'article 195, il faut veiller à être extrêmement précis. C'est pourquoi, dans les développements précédant la proposition, contrairement à ce que fait le préconstituant — qui n'engage pas le constituant —, on engage très clairement le constituant en prévoyant qu'il s'agit d'une disposition limitée, spécifique, et qui doit disparaître avant la fin de cette législature. Il est précisé en outre que le vote de ce texte n'entraînera pas la dissolution des Chambres prévue à l'art. 195, alinéa 2.

Ceci démonte l'argumentation selon laquelle il s'agirait d'une suspension de la Constitution. Tous ses articles continuent à jouer leur rôle essentiel dans notre démocratie, y compris l'article 195 lui-même, puisque la déclaration de révision publiée au Moniteur belge pourra toujours être appliquée.

Au-delà du droit, la disposition proposée correspond aussi à des aspirations de type politique.

Notre pays a été trop longtemps bloqué par des questions institutionnelles. Même si les partis qui ont négocié avaient, bien légitimement, des aspirations différentes, il s'est quand même trouvé huit partis, qui constituent la majorité constitutionnelle requise, pour s'accorder sur un certain nombre de sujets, après de longues prénégociations et négociations.

Beaucoup d'acteurs y ont été impliqués, au-delà des huit partis en question.

Il serait difficilement défendable que ceux qui ont négocié pendant des mois savaient pertinemment qu'au bout du processus, ils ne pourraient pas concrétiser l'accord.

Comment expliquer une telle « tartufferie intellectuelle » à l'opinion publique flamande ?

En appeler de plus au Conseil de l'Europe est extraordinaire. Peut-on trouver beaucoup de décisions prises par ce Conseil, qui seraient respectées par des gouvernements auxquels la N-VA participe ?

Enfin, l'orateur rappelle que, dans bien des pays assez proches, les Constitutions ne s'adoptent ni ne se modifient de la même manière que la nôtre.

Prétendre que des dispositions différentes de celles qui sont les nôtres depuis des années seraient forcément anti-démocratiques n'est pas défendable. L'orateur aimerait connaître à ce sujet les projets de la N-VA en ce qui concerne la Constitution flamande. Il serait curieux de savoir si ces projets prévoient un préconstituant, des élections, et un constituant.

Enfin, en sa qualité d'historien, l'orateur rappelle qu'il y a eu des moments où une certaine droite avait plaidé pour ce que certains ont appelé un « coup d'État institutionnel » (le coup d'État de Lophem) après la première guerre mondiale, quand le suffrage universel (incomplet car réservé aux hommes) avait été accordé avant la révision constitutionnelle, qui avait corrigé ensuite la situation.

M. Deprez souhaite s'adresser personnellement à M. Pieters dont l'intervention contient un élément qu'il ne peut accepter.

L'analogie qu'il a tenté d'établir entre ce que l'on fait ici, et ce que M. Orban a fait en Hongrie, est une indécence intellectuelle. En effet, si les institutions européennes sont intervenues dans les affaires hongroises, c'est parce que M. Orban a pris en trois matières, à savoir l'indépendance de la Banque centrale, l'indépendance de la magistrature et la protection des libertés civiles, des décisions qui vont à l'encontre des traités européens.

L'orateur aimerait que M. Pieters retire ses propos tentant de faire accroire que la procédure envisagée ici serait attentatoire aux traités européens, ou qu'il s'amende, car cela semble à l'orateur à la limite de l'imposture intellectuelle.

B. Répliques

M. Pieters déclare qu'il ne faut pas déformer ce qui a été dit. Son groupe a constaté que l'article 195 avait été déclaré ouvert à révision. Par ailleurs, il n'est pas douteux que la procédure de révision de la Constitution peut être modifiée. Mais ce n'est pas ce que l'on fait.

En réalité, l'article 195 est rendu temporairement inopérant pour une série de dispositions.

L'orateur conteste formellement que l'adage « qui peut le plus peut le moins » soit applicable ici.

Il conteste tout aussi formellement le point de vue selon lequel la suspension de la Constitution puisse être réalisée par le législateur ou par le constituant. L'article 187 de la Constitution est parfaitement clair à cet égard: la Constitution ne peut être suspendue, ni en tout ni en partie.

Pour l'orateur, il est parfaitement clair qu'exclure l'application d'un article de la Constitution à certaines dispositions, pour une durée déterminée, et en vue d'objectifs précis, n'est rien d'autre qu'une suspension de l'application de l'article en question.

Contrairement à ce qui a été dit, le parti de l'orateur n'est pas opposé à toute modification de l'article 195 de la Constitution. Il est exact que le président de ce parti a déclaré qu'il raisonnait en termes confédéraux. Il est évident aussi qu'une réforme institutionnelle en profondeur suppose la modification de l'article 195. Là n'est pas la question aujourd'hui. La discussion porte sur le fait que l'article 195 est assorti d'une disposition transitoire, qui le rend inapplicable pour une série de dispositions ne figurant pas dans la déclaration de révision constitutionnelle du 7 mai 2010. Il s'agit d'une manipulation de l'article 195 à des fins propres, et d'une suspension de la Constitution que celle-ci interdit. Il n'y a donc, dans le chef du parti de l'intervenant, ni inconséquence ni tromperie de l'opinion publique flamande.

Quant à l'inconséquence qui consisterait pour un parti à invoquer les dispositions actuelles d'une Constitution qu'il souhaiterait par ailleurs modifier, l'orateur souligne que ce sont les règles du jeu parlementaire, que son parti a toujours respectées. Ce dernier a toujours opté pour une réforme de l'État dans le respect des règles du système constitutionnel en vigueur.

Il semble que certains souhaitent qu'il en soit autrement. Réalisent-ils les risques que cela comporte ? Qu'ils soient heureux que les nationalistes flamands qui aspirent à l'indépendance de la Flandre le fassent dans le respect des règles démocratiques et dans le cadre du Parlement.

Contrairement à ce qui a été dit, le parti de l'orateur n'a disposé que de dix jours — et non de quatre cents jours — pour tenter de mettre au point une réforme institutionnelle.

En ce qui concerne le parallèle opéré avec la Hongrie, l'orateur a dit que toute révision de la Constitution n'est pas en soi justifiée. Ce n'est pas parce que tout se passe, formellement, dans le respect des règles de procédure que la mise « hors jeu » de dispositions constitutionnelles est régulière.

M. Moureaux répond que si, avec l'article 195 révisé, on touchait à nos libertés et règles fondamentales nationales et internationales, il y aurait matière à critique et à recours.

Or, ce qui figure dans le dispositif proposé ne concerne pas ces matières, qui restent intangibles.

Si l'on veut réaliser une réforme de l'État, on doit soumettre la Constitution à révision. La N-VA en est parfaitement consciente. La preuve en est que son président est prêt, s'il le faut, à employer les grands moyens tandis que M. Pieters semble vouloir y aller beaucoup plus délicatement.

En réponse à M. Beke qui trouve curieux que la N-VA collaborera, au sein du gouvernement flamand, à la mise en œuvre de la réforme de l'État, M. Pieters indique que dans un pays fédéral, toute révision constitutionnelle relève de la compétence du Parlement fédéral. Le système constitutionnel implique que les compétences à transférer sont assumées par les entités fédérées. Ou le but serait-il de faire en sorte que les majorités gouvernementales soient les mêmes partout ? D'ailleurs, le ministre-président du gouvernement flamand, M. Peeters, s'interroge lui aussi sur la réforme de l'État prévue. L'intervenant ne voit vraiment pas en quoi il serait inconcevable que son parti exprime son point de vue sur la réforme au Parlement fédéral mais qu'il assume par ailleurs ses responsabilités au gouvernement flamand. Cela relève précisément de la logique du système fédéral.

L'intervenant conteste aussi les propos tenus par M. De Croo, selon lesquels la N-VA insiste aujourd'hui sur le respect de la procédure de révision de la Constitution mais considérera cette même Constitution comme un vulgaire bout de papier au lendemain des prochaines élections. La N-VA souhaite simplement que la Flandre obtienne la révision constitutionnelle qu'elle a demandée lors des dernières élections. Il est probable que lors du prochain scrutin, elle réclamera cette révision avec encore plus de force et qu'elle insistera pour que celle-ci aille encore plus loin. L'intervenant n'a pas le sentiment que cet objectif soit déraisonnable. Ou est-ce à dire que la réforme de l'État qui est demandée ne serait légitime et que les méthodes employées à cet effet ne seraient acceptables que si elles sont proposées par ceux qui se trouvent du bon côté ?

L'intervenant renvoie par ailleurs aux commentaires relatifs à l'article 195 de la Constitution, qu'il a déjà cités précédemment, et en particulier à un commentaire de M. Delpérée:

« (...) quelle arme aux mains des destructeurs de l'État belge; je ne suis pas prêt à donner un paquet d'allumettes à des incendiaires ».

L'intervenant se dit opposé à toute politique de deux poids deux mesures et préconise le respect des règles fixées.

Il demande au secrétaire d'État de répondre au moins à la question relative à l'article 187 de la Constitution.

M. Mahoux veut apporter quelques précisions.

Tout d'abord, il confirme avoir été quelque peu étonné de voir que la N-VA considère le Conseil de l'Europe comme une instance crédible.

Ensuite, l'orateur veut revenir sur l'amalgame que M. Pieters tente de créer par rapport à la situation hongroise. Cette comparaison est quelque peu offensante, car elle laisserait à penser qu'il est porté atteinte aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme.

L'intervenant précise que la réponse donnée implique que le demandeur a été débouté par rapport à l'immédiateté qu'il souhaitait avoir, et ceci au niveau de l'instance qui se réunit actuellement au niveau du Conseil de l'Europe, c'est-à-dire au niveau des commissions.

Il a été décidé de renvoyer la problématique au Bureau de l'assemblée générale du Conseil de l'Europe qui se tiendra au mois d'avril, en permettant ainsi aux uns et aux autres de donner des explicitations exactes du contenu du travail actuellement en cours.

L'orateur ne peut donc pas admettre qu'on laisse croire qu'il y a eu une décision au niveau des commissions.

M. Pieters réfute l'affirmation selon laquelle la N-VA aurait des problèmes avec le Conseil de l'Europe. Il renvoie à des décisions que cette instance a rendues précédemment et qui étaient conformes au point de vue défendu par son parti, par exemple en matière d'emploi des langues dans les hôpitaux bruxellois. Il y a eu aussi des décisions moins favorables, mais en conclure que la N-VA adopte une démarche curieuse parce qu'elle s'adresse à cette organisation internationale, est un non-sens.

Le parallèle qui a été fait avec la Hongrie n'avait d'autre but que de montrer que le respect des conditions de majorité prévues par la Constitution n'autorise pas à faire tout et n'importe quoi.

M. Mahoux précise que la majorité des deux tiers n'est pas ce qui peut être contesté, mais bien une utilisation abusive de cette majorité au regard, par exemple, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

M. Laeremans souscrit aux considérations formulées par la N-VA concernant la proposition de la majorité. Il estime en effet que les partis de la majorité et les écologistes ne respectent pas du tout les règles du jeu. Ils prétendent vouloir la révision de l'article 195 de la Constitution en vue d'assouplir la procédure de révision, mais la révision elle-même deviendra en réalité plus difficile car on « bétonne » dans la Constitution, en faveur des francophones, toute une série de privilèges auxquels les néerlandophones ne pourront pas prétendre. Le pays deviendra ainsi encore moins démocratique qu'il ne l'est aujourd'hui.

La démocratie de notre pays est donc encore un peu plus vidée de sa substance. La façon dont les Flamands de Bruxelles sont encore plus marginalisés est particulièrement choquante.

L'intervenant ne partage pas le plaidoyer de M. Pieters pour le respect de la Constitution et des règles du jeu démocratique. Selon M. Laeremans, ce n'est vraiment pas faire preuve de démocratie que de rester dans le cadre de la Constitution belge. L'intervenant évoque à ce propos la manière dont la Belgique est née, lors de ce qu'il considère comme une séparation tout à fait inconstitutionnelle du Royaume des Pays-Bas. Les Flamands ont le droit de se séparer de la Belgique et de créer leur propre État national, de manière à se conformer plus étroitement à la réalité sociologique et à vraiment respecter la démocratie. De très nombreux pays sont d'ailleurs nés récemment de cette façon. Militer pour une indépendance pleine et entière, même s'il faut pour cela sortir du cadre de la Constitution, n'a donc rien d'antidémocratique.

Le président de la N-VA fait d'ailleurs lui-même un premier pas — certes trop timide — dans cette direction avec sa proposition visant à faire de la Belgique une confédération. L'intervenant regrette que le groupe N-VA se distancie aujourd'hui de cette vision.

En Belgique, les conceptions de la démocratie semblent complètement perverties. L'on brandit sans cesse l'étendard de la démocratie dans des situations qui n'ont plus rien à voir avec ce principe.

Vu cette confusion, il serait bon que le Sénat, en tant que chambre de réflexion, organise par exemple une audition avec le professeur M. Storme ou le professeur émérite H. Vandenberghe sur des thèmes tels que la démocratie et le respect de la Constitution.

M. Pieters se demande pourquoi les membres du Vlaams Belang siègent encore au Parlement, alors qu'ils mettent visiblement en doute les réformes menées par la voie parlementaire.

M. Laeremans répond qu'il s'agit là de l'essence même de l'opposition politique. La philosophie d'une réforme progressive, dans le cadre de laquelle se dégagent des compromis honorables qui respectent les Flamands, est manifestement irréalisable. Contrairement au groupe N-VA, le groupe politique de l'intervenant ne se retrouve pas dans la « pensée belge ».

M. Verherstraeten remercie les groupes de la majorité et les écologistes pour leur soutien en faveur de la présente initiative, qui constitue une première étape importante de l'exécution de l'Accord pour la sixième réforme de l'État.

L'intervenant constate avec satisfaction que d'autres groupes que les huit partis associés à l'accord considèrent aussi cette réforme institutionnelle — ou tout au moins certains volets de celle-ci — comme une évolution positive. Il espère dès lors qu'ils approuveront les initiatives législatives qui découleront de cet accord.

En ce qui concerne l'obligation d'agir dans les limites de la Constitution, l'intervenant souligne que telle est bien l'intention des huit partis à l'origine de l'initiative. Leur ambition est de permettre une évolution dans le cadre de la Constitution, plutôt que de mener une révolution en dehors de celle-ci. C'est pour ces raisons que les règles du jeu seront aussi respectées, en particulier les trois seuils prévus à l'article 195 de la Constitution, à savoir le préconstituant, l'avis de l'électeur et le constituant.

Les deux premiers seuils ont déjà été franchis. Le préconstituant a approuvé la déclaration de révision à la majorité requise, et même à une majorité spéciale, bien que celle-ci ne soit pas requise par la Constitution. Qui plus est, le préconstituant a clairement attiré l'attention, dans ses travaux préparatoires, sur les risques et les opportunités liés à la révisabilité de l'article 195 de la Constitution. Le deuxième seuil, avec les élections de 2010, portait une connotation communautaire très forte. Le communautaire était un des thèmes majeurs de la campagne, puisque le gouvernement était tombé sur une question communautaire. Ce deuxième obstacle a, lui aussi, été franchi.

La troisième phase est celle d'un constituant autonome et non entravé par les velléités du préconstituant. Pourtant, le constituant doit lui aussi respecter certaines règles, dont le quorum au sein des deux chambres et la majorité obligatoire des deux tiers. Telle est aussi, évidemment, l'ambition des huit partis. Les règles du jeu consacrées par notre Constitution sont donc bien respectées. En outre, la disposition transitoire proposée prévoit plusieurs garde-fous, ainsi que l'intervenant l'a expliqué dans son exposé.

Pour ce qui est de l'article 187, l'intervenant ne partage nullement l'interprétation — erronée à ses yeux — selon laquelle il résulterait de cette disposition que le constituant ne peut plus modifier la Constitution. Le constituant ne suspend pas l'article 195; il le modifie. Si la présente initiative est votée par la Chambre et le Sénat, l'article 195 restera applicable. Il y a de toute façon des articles que le préconstituant n'a pas déclarés ouverts à révision et qui ne figurent donc pas dans la proposition à l'examen. En l'état actuel des choses, ces dispositions ne peuvent donc pas être modifiées. D'autres articles ont été déclarés ouverts à révision, mais leur révision ne peut s'envisager que dans le respect du quorum de présence et de décision requis en vertu de l'article 195. L'article 195 reste donc d'application. Il n'est pas question de suspension.

L'intervenant ne souhaite pas s'attarder sur les déclarations de politologues, qui ne sont pas constitutionnalistes.

En ce qui concerne les commentaires des spécialistes de la Constitution, il constate qu'ils sont majoritairement en faveur de l'initiative à l'examen.

S'agissant de la référence au point de vue du professeur Alen, le secrétaire d'État souligne qu'il eût été plus correct de la part de M. Pieters de renvoyer à la position défendue par le professeur Alen dans le « Juristenkrant » du 8 février 2012 à propos de la disposition transitoire proposée: « (trad.) Les autres conditions de révision de la Constitution, comme les majorités spéciales, sont maintenues. Si l'on a recours à la technique de la disposition transitoire une seule fois, je n'ai aucune objection. Je trouve cela beaucoup moins grave que de mettre en place un nouvel article 195 permanent, qui ne prévoirait plus aucune dissolution du Parlement. Cela serait beaucoup moins démocratique. On y est aujourd'hui contraint par les circonstances. Je considère cela comme la voie du moindre mal. »

L'intervenant déplore qu'un professeur, membre de la Cour constitutionnelle, soit cité de manière partielle et incorrecte dans des requêtes adressées à des organisations internationales.

M. Pieters rétorque que le passage qu'il a cité est correct et qu'il émane de M. Alen, professeur de droit constitutionnel et juge à la Cour constitutionnelle. Il s'agit toutefois d'une citation qui date de 2006. De toute évidence, les convictions de l'intéressé ont évolué, sans doute sous l'influence du changement de climat politique. Pour un auteur, il est toujours embarrassant d'être confronté aux opinions qu'il a défendues par le passé. Pour autant, la citation n'est pas erronée.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, souligne que l'article de 2006 cité par l'intervenant précédent traitait de réformes structurelles modifiant l'article 195 de la Constitution. La proposition de révision actuellement à l'examen peut cependant compter sur une critique positive de la part du professeur Alen.

M. Pieters a également fait référence à une opinion défendue en 2007 par M. Verherstraeten en sa qualité de député. L'article 195 de la Constitution impose effectivement la prudence. À l'époque, M. Verherstraeten a affirmé qu'une révision de la Constitution doit toujours être étalée sur deux législatures et qu'il faut en outre pouvoir compter sur une solide majorité. Or, c'est précisément ce qui se passe aujourd'hui. Il y a eu un préconstituant avant les élections de 2010 et durant la présente législature, le Parlement agit en qualité de constituant. De plus, on dispose d'une solide majorité, qui se compose de huit groupes politiques, dont deux ne sont pas représentés au gouvernement. Ce qui se passe aujourd'hui est donc tout à fait conforme aux propos tenus par l'intervenant en 2007.

Il est exact que le Conseil de l'Europe a été créé avant tout pour garantir les droits et libertés fondamentaux. La proposition de révision de l'article 195 à l'examen n'a nullement pour objet de porter atteinte à ces droits et libertés fondamentaux. Au contraire, elle ne fera que renforcer ces droits et ces libertés. En ce qui concerne la saisine du Conseil de l'Europe dans le cadre de la proposition à l'examen, il convient tout de même d'apporter un correctif aux informations communiquées par la N-VA. Le 12 mars 2012, la commission juridique de l'Assemblée du Conseil de l'Europe a en effet décidé d'adresser au Bureau de l'Assemblée une recommandation en vue de soumettre la question à la Commission de Venise. Cette étape de la procédure n'a pas d'effet suspensif. Le 23 avril 2012, le Bureau décidera donc quelle suite il entend réserver à cette recommandation. Le cas échéant, l'affaire pourra alors être portée devant la Commission de Venise en juin 2012.

Le secrétaire d'État confirme ensuite explicitement le point de vue que M. Wathelet, qui est également secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, a défendu lors de la discussion de la proposition de révision en commission de Révision de la Constitution et de la Réforme des Institutions (Chambre) par rapport à une modification ultérieure de l'article 195 de la Constitution au cours de la présente législature. Conformément à la doctrine moderne, il est effectivement possible qu'un constituant modifie plus d'une fois un article constitutionnel au cours d'une même législature. Il n'est donc absolument pas question d'un « carrousel » qui aurait été mis en route. En la matière, le constituant décide en toute autonomie. Le secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles joue ici le rôle d'un notaire qui veille attentivement au respect et à la bonne exécution de l'accord que les huit partis politiques ont conclu en vue de la réforme de l'État. La révision aujourd'hui proposée de l'article 195 de la Constitution rend possible la mise en œuvre de cet accord.

Pour conclure, M. Verherstraeten estime que certains membres soutiendront certes la révision de l'article 195 de la Constitution, mais sont malgré tout sensibles aux critiques formulées à propos de la méthode proposée; d'autres le sont moins. Mais si l'on veut exécuter l'accord politique sur la réforme de l'État, il n'y a pas d'alternative possible à la modification de l'article 195 de la Constitution. Nier cela serait contraire à la vérité juridique. Il est donc pertinent de se demander comment certains partis politiques qui envisagent une réforme de l'État beaucoup plus profonde pourraient la réaliser au cours de la présente législature sans toucher à l'article 195 de la Constitution. Il espère dès lors que l'on trouvera la voie menant à l'exécution de l'accord politique sur la réforme de l'État, pour garantir ainsi la stabilité politique et communautaire de notre pays et réaliser d'autres réformes sociales, économiques et de société.

M. Pieters répond qu'il souhaite une modification durable et permanente de l'article 195 de la Constitution, alors que la proposition de révision discutée aujourd'hui n'envisage qu'une modification temporaire, qui ne s'appliquera qu'à certains articles de la Constitution. Cet objectif n'est pas celui qu'envisageait le préconstituant lorsqu'il a ouvert à révision l'article 195 de la Constitution, avant de consulter le corps électoral à ce sujet. À l'heure actuelle, l'article 195 peut encore toujours faire l'objet d'une révision. Quel intérêt y a-t-il en effet à déclarer d'autres articles que l'article 195 de la Constitution ouverts à révision si l'on peut faire ce qu'on veut en ne déclarant que ce dernier article ouvert à révision ?

On entrouvre aujourd'hui une porte pour modifier la Constitution en fonction des circonstances politiques, pour la refermer ensuite. Cela équivaut à suspendre une disposition de la Constitution. L'article 187 de la Constitution ne permet pas une telle suspension.

La réponse donnée par le secrétaire d'État n'a pas non plus convaincu M. Laeremans. Il estime en effet que la neutralisation temporaire de l'article 195 de la Constitution équivaut à une violation de l'article 187. En effet, l'article 195 n'est pas révisé en profondeur: les anciennes dispositions sont maintenues intégralement et dans le futur, il faudra à nouveau recourir à la procédure de révision actuelle qui demeure figée. Ce n'est pas pour cela que le corps électoral a été consulté et qu'il a marqué son accord après que le préconstituant a ouvert à révision l'article 195 de la Constitution. À l'avenir, il sera encore plus difficile d'opérer de nouvelles réformes dans le cadre de la Constitution.

C'est la raison pour laquelle M. Laeremans plaide également pour une modification permanente de l'article 195 de la Constitution. La réponse apportée par le secrétaire d'État à la question de savoir pourquoi cette modification permanente n'est pas opérée aujourd'hui, n'est pas concluante. Pourquoi l'article 195 de la Constitution demeure-t-il inchangé, alors qu'il aurait pu être révisé ?

M. Anciaux réplique que les réponses du secrétaire d'État sont claires. On modifie l'article 195 de la Constitution pour réaliser une réforme de l'État en profondeur. Reste la question de savoir si cette modification est temporaire ou définitive. Mais cela n'a pas d'importance. Il est toujours possible de réviser l'article 195 de la Constitution en suivant la procédure de révision en vigueur. Si, à la fin de la présente législature, le préconstituant déclare à la majorité simple l'article 195 ouvert à révision et si au cours de la législature suivante, le constituant modifie cet article en respectant l'exigence de la majorité spéciale, on pourra à nouveau modifier la procédure de révision.

Les huit partis politiques qui ont conclu l'Accord institutionnel pour la Sixième Réforme de l'État sont toutefois d'avis qu'il faudra également répartir sur deux législatures les prochaines révisions de la Constitution et que la modification d'un article constitutionnel doit pouvoir compter sur une solide majorité. Ce n'est pas ce qu'envisagent les deux intervenants précédents: ils veulent pouvoir modifier la Constitution au cours d'une seule et même législature. C'est leur droit, mais ils ne peuvent pas prétendre que la modification de l'article 195 qui est examinée aujourd'hui ne sera pas utilisée pour mener une réforme de l'État en profondeur. En effet, c'est bel et bien le cas.

En ce qui concerne l'article 187 de la Constitution, M. Anciaux rappelle que la philosophie de cette disposition est que personne d'autre que le constituant ne peut modifier la Constitution, y compris temporairement. La modification temporaire de l'article 195 de la Constitution par le constituant ne viole pas cette disposition. Le constituant en a parfaitement le droit. L'intervenant observe par ailleurs qu'il n'était pas non plus question, dans la note du clarificateur royal De Wever, d'une modification permanente de l'article 195 de la Constitution.

M. Delpérée répète que la réponse à la question de savoir si la Constitution peut être suspendue par le législateur est évidemment négative. On ne peut cependant tirer argument de l'article 187 de la Constitution pour ce qui concerne les présents travaux dans la mesure où la commission fait œuvre de constituant. Si l'on devait suivre l'interprétation donnée par d'aucuns à l'article 187, on en arriverait à rendre impossible toute modification de la Constitution. Il y a une nette différence entre la suspension de la Constitution et la modification de celle-ci.

M. Moureaux pense qu'il faut, sur le plan politique, faire attention à une utilisation à répétition de l'article 195 de la Constitution. Il plaide pour une très grande prudence.

Il est prématuré de débattre de la question de savoir si certains articles seront à nouveau soumis à révision avant la fin de la législature.

M. Cheron précise que son groupe soutient le texte à l'examen et la procédure décrite de révision de l'article 195, qui s'inscrit dans la ligne des accords institutionnels. Son groupe n'a par contre pas l'intention de procéder à d'autres votes visant à modifier l'article 195 de la Constitution au cours de la présente législature. C'est en effet une disposition pivot au sens de l'esprit et de la réalité de notre Constitution.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, souligne que la proposition en discussion implique non pas une suspension mais une modification de l'article 195 de la Constitution. En effet, ledit article n'est pas du tout rendu inopérant. Les tenants d'une modification permanente et définitive de l'article 195 de la Constitution ont eu plus de 400 jours pour la réclamer au cours des négociations visant à former un gouvernement après les élections de 2010. Cela n'a été évoqué par personne. M. Pieters a pourtant assumé la fonction de médiateur lors de ces négociations et obtenu ainsi une responsabilité particulière, mais une proposition de révision définitive de l'article 195 de la Constitution n'a jamais été examinée.

M. Pieters réplique que ce sujet a bel et bien été abordé au cours des négociations et il renvoie à cet égard au rapport final des médiateurs royaux, MM. Vande Lanotte et Beke.

L'intervenant s'oppose enfin à l'interprétation selon laquelle l'article 187 de la Constitution ne serait pas violé si le constituant rendait inopérants certains articles de la Constitution en dehors de la procédure de révision prévue à l'article 195. Cette interprétation n'est manifestement pas correcte. Même le constituant ne peut suspendre l'application des articles de la Constitution. Il doit s'en tenir à la procédure de révision prévue à l'article 195. M. Pieters regrette que le secrétaire d'État ne confirme pas formellement ce point de vue.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, renvoie aux réponses qu'il a données auparavant aux questions de M. Pieters et considère que les points de vue ont été suffisamment définis.

M. Pieters souhaiterait que le secrétaire d'État aux réformes institutionnelles clarifie un point, à savoir le recours à l'article 195 de la Constitution. Lors des débats à la Chambre, M. Wathelet a déclaré qu'il laissait ouverte la possibilité de faire encore appel à l'article 195 de la Constitution. Or, M. Cheron a, quant à lui, affirmé lors de la précédente réunion de la commission des affaires institutionnelles du Sénat, que cela ne pourrait pas être le cas.

M. Moureaux déclare que ce ne serait sans doute pas la meilleure solution à ses yeux, mais qu'on ne peut exclure un nouveau recours à l'article 195 de la Constitution au cours de la présente législature si cela s'avérait nécessaire pour mettre en œuvre l'accord de gouvernement.

M. Wathelet, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, répète, comme à la Chambre, qu'il n'est pas impossible qu'on modifie encore l'article 195 de la Constitution au cours de cette législature. Quant à savoir si cela aura lieu ou si ce sera soutenu par une majorité des deux tiers, il s'agit là d'autres questions. Mais il est clair que l'adoption du projet de loi actuel n'exclut pas toute possibilité de modifier à nouveau l'article 195 ultérieurement. Imaginons d'ailleurs que le constituant commette une erreur dans la révision de l'article 195, il serait absurde qu'il ne puisse pas lui-même corriger cette erreur alors que l'article est toujours ouvert à révision.

M. Pieters en déduit que si les dispositions qui vont être révisées dans le sens indiqué dans le projet peuvent à nouveau être révisées peu après dans un autre sens, il ne faut pas trop se soucier de ce qui est indiqué dans le texte. C'est donc en réalité une totale carte blanche pour réviser la Constitution comme on le souhaite. Quiconque prend la Constitution au sérieux peut constater qu'il y a là un grave problème.

Si le secrétaire d'État ose affirmer que ce n'est pas le cas de la NV-A, l'orateur le prie de s'en expliquer.

M. Wathelet, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, souligne qu'il existe certaines divergences d'opinion entre le précédent intervenant et lui-même. Le président de la N-VA a déclaré dans la presse que la Constitution pourrait être adaptée après la grande réforme de l'État. Il ne partage pas le souci de la majorité de mettre en œuvre la réforme de l'État conformément aux règles de la Constitution. Pour le secrétaire d'État, on ne peut pas considérer la Constitution de cette manière. Ce n'est pas un vieux chiffon.

M. Anciaux rappelle que toute révision de la Constitution doit se dérouler suivant les règles de la Constitution. Cela signifie que lors de la législature précédente, la disposition doit être déclarée ouverte à révision. Le législateur suivant est dit « constituant », c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de modifier les articles de la Constitution ouverts à révision, pouvoir qu'il détient pendant toute la durée de la législature. Moyennant le respect de la procédure, un article pourrait par conséquent être révisé plusieurs fois au cours d'une législature. C'est tout à fait conforme aux règles de la Constitution, tout au contraire de la procédure prônée par la NV-A qui voulait mettre en œuvre sa grande réforme de l'État et adapter la Constitution postérieurement.

Le membre souligne que cette procédure continue à nécessiter une intervention sur deux législatures, avec un préconstituant et un constituant.

M. Delpérée est surpris par cette discussion. D'abord, le texte actuel a été discuté à la Chambre des Représentants et il a été déposé à l'initiative de parlementaires. Cette proposition devenue projet a été transmise au Sénat. À quoi sert d'interpeller des ministres sur un texte dont le gouvernement n'est pas l'auteur ? Ils sont présents en commission pour donner l'avis du gouvernement, non pour justifier un projet dont ils ne sont pas les auteurs.

M. Cheron rappelle qu'il y a eu au départ une déclaration de révision de la Constitution, adoptée le 7 mai 2010 et publiée au Moniteur belge. Cette déclaration énumère des articles de la Constitution, dont l'article 195. Le sénateur a insisté sur le caractère spécifique et limité de la réforme à l'examen, dont l'objectif est la mise en œuvre de l'accord institutionnel approuvé par huit partis.

Sur le plan juridique, il est tout à fait possible qu'il y ait encore une réforme structurelle de l'article 195 de la Constitution. Mais sur le plan politique, le membre n'y serait pas favorable. C'est là précisément ce qu'il a dit lors de la réunion précédente.

S'il devait apparaître que des dispositions permettant de concrétiser l'accord institutionnel ont été oubliées, et qu'une nouvelle réforme spécifique et limitée s'impose, on en discutera.

M. Laeremans maintient que l'Accord institutionnel pour la sixième Réforme de l'État, dont la mise en œuvre aura pour première étape la révision proposée de l'article 195 de la Constitution, est tout bonnement imbuvable pour la Flandre.

Tout d'abord, la révision proposée de l'article 195 n'est pas conforme à l'intention du préconstituant. Il ressort clairement des travaux préparatoires de la déclaration de révision de 2010 que l'article 195 a été déclaré ouvert à révision en vue d'une modification approfondie et permanente. M. Leterme, qui était alors premier ministre, avait explicitement déclaré à la Chambre que l'objectif était de simplifier la procédure de révision. Il y avait un consensus général, du moins du côté flamand — par exemple chez les députés Open Vld Versnick et Vautmans et chez le sénateur sp.a Vande Lanotte — pour dire que la procédure actuelle est trop lourde et trop lente et qu'elle ne permet pas au constituant de réagir rapidement et adéquatement aux nouvelles évolutions sociales. De ce fait, le constituant s'est vu plus d'une fois contraint de procéder à des révisions implicites de la Constitution. Le sénateur sp.a Vande Lanotte a même été jusqu'à déclarer que, l'article 195 étant ouvert à révision, même le rôle du Roi pourrait être évoqué. Maintenant que les Pays-Bas, notre pays de référence, ont décidé, à l'instigation des partis de gauche, de réduire drastiquement le rôle du Roi dans le processus de formation, il est regrettable que la disposition transitoire ne mentionne pas les articles de la Constitution concernant le Roi, afin que la Belgique puisse procéder au même exercice. Du côté francophone, la révisabilité de l'article 195 s'est heurtée à une résistance beaucoup plus farouche. Le sénateur Mahoux (PS) a déclaré prophétiquement qu'une éventuelle modification temporaire était peut-être encore possible. M. Laeremans ne peut que constater que les francophones ont obtenu la meilleure part du gâteau et que les Flamands ont cédé une fois de plus. La procédure n'est pas simplifiée, que du contraire. Elle sera encore plus complexe. On opte pour la méthode curieuse qui consiste à soi-disant réviser l'article 195, puis à le rétablir dans toute sa plénitude en fin de législature. Il s'agit non pas d'une révision, mais — comme nous l'avons dit — d'une suspension, ce qui est contraire à l'article 187 de la Constitution. L'intervenant n'en fait pas un drame en soi, car son parti ne porte pas particulièrement la Constitution belge dans son cœur. Il estime même que la Constitution peut sans problème être supprimée dans les plus brefs délais, de même que l'État belge. Mais il est passablement incohérent, dans le chef de ceux qui prétendent chérir la Constitution, de défendre une proposition qui viole cette même Constitution

L'intervenant souligne qu'une violation de la Constitution n'est pas nécessairement antidémocratique. Une entité fédérée qui proclame son indépendance à la majorité de son parlement commet certes un acte contraire à la Constitution fédérale, mais n'en agit pas moins de façon tout à fait démocratique.

En troisième lieu, la révision proposée de l'article 195 annonce une réforme de l'État qui est fondamentalement antidémocratique. Elle « baîllonne » encore davantage la majorité de la population et empêche tout exercice démocratique du pouvoir. Les articles mentionnés dans la disposition transitoire qui sont ouverts à révision ont pour but principal de permettre de « bétonner », à coups de majorités spéciales, des droits supplémentaires en faveur des francophones en matière de circonscriptions électorales, d'emploi des langues en matière judiciaire et d'élections simultanées.

La circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde en est le parfait exemple. Elle pourrait parfaitement être scindée par une loi ordinaire. Mais durant la précédente législature, le processus décisionnel démocratique n'a cessé d'être mis à mal par les conflits d'intérêts soulevés par d'autres assemblées, y compris lorsque leurs intérêts n'étaient même pas lésés, comme ce fut le cas pour le parlement de la Communauté germanophone. Leur seul objectif était de faire traîner la procédure législative en longueur afin d'empêcher tout vote. À l'époque, la majorité a été mise hors jeu. La manœuvre risque de se répéter pour la révision proposée. Il est symptomatique de constater que les concessions faites par les Flamands en vue de la prochaine réforme de l'État seront à nouveau bétonnées pour longtemps par une procédure simplifiée de révision de la Constitution. Cela rendra le pays encore plus antidémocratique qu'il ne l'est déjà. Jadis, la Belgique faisait figure de précurseur en matière de protection des droits et des libertés. Elle a perdu depuis longtemps cette position de leader.

Il en va de même pour la scission de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Cette scission-là, le législateur peut aussi la réaliser par une loi ordinaire. M. Laeremans a d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens (doc. Sénat, n 5-755/1). D'autres parlementaires ont aussi déposé des propositions de loi en ce sens, parmi lesquels l'ancien sénateur Hugo Vandenberghe. La scission de BHV ne nécessite donc aucune révision de la Constitution.

Compte tenu de ce qui précède, M. Laeremans ne comprend pas pourquoi le Parlement adopte dans une telle précipitation cette proposition de révision de l'article 195. Il propose que le gouvernement rédige d'abord les textes exécutant l'Accord institutionnel et les soumette ensuite pour avis au Conseil d'État. C'est la seule manière de révéler le véritable impact de la révision proposée et de vérifier si la disposition transitoire proposée est ou non suffisante.

En commission de la Chambre, les députés ne se sont d'ailleurs pas beaucoup intéressés à la portée des 15 points énumérés dans la disposition transitoire (voyez à ce sujet l'observation faite par M. Bacquelaine notamment à propos du projet de réforme de la législation électorale et de la création subséquente d'une circonscription électorale fédérale — et d'éventuelles autres circonscriptions électorales dépassant les limites des provinces — dans le rapport de M. Landuyt et Mme Déom, doc. Chambre, nº 53-2064/3, pp. 9-10). M. Laeremans aimerait que les secrétaires d'État confirment que la circonscription électorale fédérale se trouve bien à l'ordre du jour du gouvernement.

Une analyse des 15 points énumérés dans la disposition transitoire mène aux conclusions suivantes.

Quatre points sont neutres et n'ont aucune connotation communautaire.

— Le 1º concerne les provinces et la position du gouverneur. La question qui se pose, à cet égard, est celle de l'avenir du gouverneur et du vice-gouverneur de Bruxelles.

— Le 2º ancre le droit aux allocations familiales dans l'article 23 de la Constitution. Il convient cependant de se demander quelle plus-value une telle disposition apporte. En effet, personne ne s'y oppose. Quel est dès lors l'objectif sous-jacent de cette proposition ?

— Le 3º, qui interdit de modifier la législation électorale à moins d'un an de la date prévue pour les élections, n'est pas non plus matière à controverse.

— Enfin, il y a le 11º, qui habilite le Conseil d'État à se prononcer sur les effets en droit privé de leurs décisions.

Toutes les autres dispositions n'ont pas cette neutralité, elles ont été intégrées par l'une ou l'autre communauté linguistique.

Lorsque l'on en fait le comparatif, le déséquilibre entre les concessions flamandes et les concessions francophones est flagrant.

En effet, quelles sont les dispositions avantageuses pour les Flamands ou qui ont été demandées par eux ?

On peut citer, au point 12, le droit pour les Communautés ou les Régions d'ordonner des poursuites dans les matières qui relèvent de leur compétence. Il va de soi que le parti de l'intervenant soutient cette disposition, qui est d'ailleurs favorable à toutes les entités fédérées du pays, pas uniquement à la Communauté flamande.

De même, la possibilité de confier des missions à la Cour des comptes, telle que prévue au point 15, est née à la demande des partis flamands. Il ne s'agit cependant pas d'un grand pas en avant dans la réforme de l'État ni d'une grande victoire pour les Flamands.

Puis viennent les dispositions qui ont été insérées à la demande des francophones et qui constituent clairement des victoires importantes dans leur chef. L'intervenant en dénombre neuf.

On pourrait croire a priori que les dispositions relatives à la réforme du système bicaméral pourraient être classées parmi les dispositions neutres mais il n'en est rien. En effet, les Flamands étaient demandeurs de la suppression pure et simple du Sénat. Le Sénat a prouvé au cours des dernières années qu'il ne présentait plus aucune utilité. En outre, force est de constater que de plus en plus de pays renoncent au bicaméralisme. Il serait tout à fait concevable d'intégrer une chambre de réflexion dans l'autre assemblée, sans qu'il soit nécessaire de maintenir un système bicaméral.

M. Delpérée fait remarquer que tous les États fédéraux disposent d'un système bicaméral.

M. Laeremans rétorque que la Belgique n'est pas un véritable État fédéral puisque le fédéralisme ne sert qu'à renforcer l'État belge et à consolider les avantages que les francophones retirent des Flamands. La Wallonie reçoit chaque année 12 milliards d'euros de la Flandre, ce qui est énorme ! Ce n'est plus une question de solidarité mais une application totalement déraisonnable du principe du fédéralisme. Et c'est pour cette unique raison que l'on maintient la Belgique. Si la sécurité sociale devait être scindée, il n'y aurait plus d'État belge.

Pour les Flamands, la réforme du bicaméralisme signifiait la suppression du Sénat. Et que voit-on ? Le Sénat, au lieu d'être supprimé, reçoit un rôle plus important que dans le passé, puisqu'il devient un lieu de rencontre des Communautés et des Régions. Sans oublier qu'il disposera de nouvelles compétences en matière de traités internationaux, les régions et les communautés n'ayant plus qu'un droit d'évocation dans cette matière.

M. Anciaux précise que l'accord de gouvernement se borne à dire qu'il en sera éventuellement ainsi dans certains cas.

M. Laeremans constate qu'on est face à un danger plus grand encore, à savoir le système des sénateurs cooptés.

Le système de cooptation tel qu'il existait jusqu'à présent se justifiait par le fait qu'il permettait de faire entrer au Sénat des candidats de qualité qui n'avaient pas été élus. À l'avenir, le système des sénateurs cooptés aura une tout autre teneur.

On conserve le système des sénateurs cooptés pour permettre aux prétendues minorités de siéger au Parlement parce qu'après la scission de BHV, elles se retrouveraient soi-disant exclues.

C'est l'aspect le plus révoltant de l'accord conclu sur BHV. On ne peut que constater que celui-ci ne constitue en aucune manière une avancée en faveur de la Communauté flamande.

L'objectif de la lutte pour la scission de BHV a toujours été de mettre fin à l'influence de Bruxelles sur Hal et Vilvorde et de juguler la francisation des communes du Brabant flamand. Dans la pratique, cela ne sera pas possible en raison du nouveau système des sénateurs cooptés. Dans le Brabant flamand, ce nouveau système servira à faire entrer au Parlement des soi-disant représentants des minorités qui se présenteront dans des communes dont ils ne sont pas originaires, étant issus des communes à facilités.

Il ne s'agit pas de faire entrer au Parlement les francophones des six communes à facilités puisque cet objectif est déjà réalisé par l'élargissement de l'arrondissement électoral bruxellois à vingt-cinq communes. On placera ainsi sur les listes bruxelloises des habitants issus des communes à facilités, ce qui ne fera qu'accroitre la francisation de la capitale.

Le système des sénateurs cooptés servira, quant à lui, à faire entrer au Parlement des francophones issus de tout le Brabant flamand, hors Bruxelles, qui pourront alors jouer au Sénat le rôle des martyrs francophones discriminés dans le Brabant flamand.

Il résulte donc de l'analyse approfondie des textes que la réforme du système bicaméral n'est absolument pas neutre et a, au contraire, pour objectif d'introduire une nouvelle minorité de francophones dans le Brabant flamand. Le règlement de BHV, tel qu'il existait jusqu'en 2003, année où les arrondissements électoraux provinciaux ont été introduits, se fondait sur un arrêt de la Cour constitutionnelle selon lequel ce règlement visait à protéger les francophones dans les six communes à facilités.

Avec les nouvelles dispositions, on inscrit dans la Constitution de nouveaux droits en faveur d'une minorité francophone qui réside en dehors des communes à facilités.

Le plus sournois, c'est qu'on associe cette nouvelle minorité de francophones dans la périphérie aux Flamands résidant à Bruxelles, puisqu'on les met sur pied d'égalité.

Les Flamands de Bruxelles en sont les principales victimes. À Bruxelles, on impose qu'à l'avenir, le procureur du Roi soit francophone sous prétexte qu'à Hal et Vilvorde, il sera dorénavant néerlandophone. Il en résulte que les Flamands de Bruxelles deviennent des habitants de seconde zone.

La même logique est adoptée au niveau des arrondissements électoraux avec le nouveau système des sénateurs cooptés issus du Brabant flamand.

L'intervenant s'oppose à l'accord parce que les Flamands de Bruxelles se voient explicitement privés de leur droit d'apparenter leurs listes. Ils peuvent pourtant le faire pour les actuelles élections régionales, du Sénat et européennes. Ce n'est que pour la Chambre que ce ne sera plus possible alors que la logique voudrait que l'on y applique un système de « pools », à l'instar de ce qui se fait déjà pour d'autres élections. Si l'on optait pour ce système, les partis flamands de Bruxelles obtiendraient deux sièges à la Chambre avec le nombre de voix qu'ils obtiennent actuellement.

Avec les nouvelles dispositions qui entreront en vigueur, et particulièrement l'imposition d'un seuil électoral global de 5 %, couplé à l'interdiction de l'apparentement et du groupement des listes, les Flamands de Bruxelles ne pourront plus, à l'avenir, déléguer le moindre représentant à la principale assemblée politique du pays. Le gouvernement tue politiquement les candidats flamands bruxellois car ils ne seront plus en mesure d'atteindre le seuil électoral nécessaire. Ceci aura pour conséquence que les quinze sièges bruxellois reviendront à des partis francophones.

Le dispositif a également des répercussions sur la répartition linguistique au sein même de la Chambre: les Flamands n'obtiendront plus que 86 sièges au lieu de 88 à la Chambre.

L'intervenant a le sentiment que l'on a enterré le rôle politique des Flamands de Bruxelles: en votant pour eux, on ne fera qu'aider indirectement un sénateur coopté.

L'évolution démographique de Bruxelles est très rapide: 200 000 habitants supplémentaires sont prévus d'ici huit ans, lesquels demanderont vraisemblablement la nationalité belge. Il est clair que ces personnes d'origine étrangère voteront à leur tour pour des listes francophones parce qu'un tel choix aura une utilité et permettra l'élection d'un élu direct, et non d'un sénateur coopté.

L'intervenant ne comprend pas pourquoi les partis flamands de la majorité ont permis que l'on en arrive à un tel désastre. Bruxelles est notre capitale et les deux communautés linguistiques devraient être traitées sur pied d'égalité. Il aurait fallu compter les voix par le système des « pools »; or, on met tout en œuvre pour que les Flamands de Bruxelles n'aient plus aucun poids politique.

La vérité est que les partis flamands de la majorité ont en fait déjà renoncé à Bruxelles. Le gouvernement de la Région flamande, représenté par M. Peeters, n'a pas levé le petit doigt pour défendre la situation préoccupante des Bruxellois flamands contre les stratégies de la fédération Wallonie-Bruxelles. On laisse la commune flamande de Bruxelles s'éteindre comme on le ferait d'une bougie.

Dans l'accord conclu sur les arrondissements judiciaires, on parle d'ailleurs explicitement de l'extinction du cadre flamand.

Concernant les élections simultanées, l'accord prévoit que les élections européennes et législatives auront lieu en même temps. On passe donc d'une législature de quatre ans à cinq ans. Ceci ne sied pas à une démocratie: l'électeur perd en effet 20 % de sa possibilité d'élire de nouveaux candidats. C'est d'autant plus vrai lorsque ces élections ont lieu en même temps que les élections régionales. Dans le système proposé, la primauté ira à nouveau au fédéral, celui-ci ayant conservé les matières les plus importantes sous sa coupe (intérieur, justice, sécurité sociale, sécurité, économie, ...) alors que dans un État fédéral, la primauté devrait être donnée aux entités fédérées.

Lors des futures campagnes électorales, les entités fédérées deviendront ainsi les vassales du fédéral. Il s'agit à nouveau d'une victoire francophone puisque la dynamique qui fut, voici des années, à l'origine du système des élections séparées était fondée sur la volonté de la Région flamande d'obtenir plus d'autonomie et de s'affranchir du fédéral.

Grâce à cette nouvelle victoire des francophones, la stabilité de l'État belge est à nouveau renforcée.

Le point 6º concerne les « intérêts légitimes » des francophones et des néerlandophones dans l'ancienne province du Brabant. Cette expression est tirée de l'arrêt de la Cour constitutionnelle de 2003, qui a estimé que l'arrondissement unitaire ne pouvait pas perdurer. Si la Cour n'a pas indiqué comment le problème devait être réglé, l'idée était que la situation ne pouvait se prolonger au-delà de 2007. Dans ce cadre, on a laissé au Parlement le soin de trouver une solution et de veiller à garantir les « intérêts légitimes » des néerlandophones et des francophones dans l'ancienne province du Brabant.

Les mêmes termes sont littéralement repris ici, comme ils l'étaient dans d'autres textes, comme celui de M. Beke.

Cependant, il s'agit d'un attrape-nigaud et d'un écran de fumée, car on n'a pensé qu'aux intérêts des francophones, ce qui est particulièrement discriminatoire. On offre à ceux-ci la possibilité de voter pour des candidats bruxellois et pour la circonscription électorale bruxelloise à la Chambre. Ceci est déjà un système très étrange, très différent de celui du droit d'inscription, qui obligeait les électeurs à se déplacer à Bruxelles pour voter, et auquel le parti de l'orateur était opposé. Ensuite a eu lieu la plus belle réforme institutionnelle que l'on ait connue, celle de 1980. À ce moment, aucune mauvaise décision n'a été prise. Une défédéralisation au profit des Communautés a eu lieu, et la Flandre a reçu plus d'autonomie de façon unilatérale, sans concessions au sujet de Bruxelles, comme ce fut le cas plus tard.

C'est en 1988 que la plus grande sottise a été commise, lorsque le parti de M. Anciaux a jugé bon d'entrer au gouvernement, que les facilités ont été bétonnées, et que Bruxelles a ensuite été élevée au rang de troisième Région. M. Anciaux père a lui-même déclaré, dans une interview donnée au Knack voici deux ou trois ans, qu'il regrettait cet épisode.

Le problème est qu'avec la présente réforme de l'État, l'existence de trois Régions se trouve renforcée, et par conséquent aussi la Région bruxelloise et la Communauté Wallonie-Bruxelles.

Au sujet du 8º de la disposition transitoire en projet, l'intervenant aimerait obtenir des éclaircissements de la part du secrétaire d'État. L'orateur voit dans ce texte la possibilité concrète de permettre à Wallo-Brux, composée de deux entités qui coopèrent étroitement, d'exister. Bruxelles est en fait « aspirée » vers la Wallonie, et l'on en arrive plus que jamais à l'existence de trois Régions-deux contre une-, scénario contre lequel le parti de l'orateur avait mis en garde dès 1977, puis 1988.

Peut-être la simplification des procédures de coopération a-t-elle aussi à voir avec la communauté urbaine créée pour Bruxelles. Sur ce point également, l'orateur aimerait des précisions.

L'intervenant revient au point 6 de la disposition transitoire en projet, et aux « intérêts légitimes » qu'elle mentionne. Pour les francophones des six communes à facilités de la périphérie, on tient compte de ces intérêts. Ces six communes font partie de la circonscription électorale bruxelloise, de sorte que, sur le plan électoral, la Wallonie est limitrophe de Bruxelles. Il suffit de lire ce qu'écrivent les francophones à propos de l'accord relatif à BHV pour comprendre que la frontière linguistique est devenue poreuse, et qu'en cas de disparition de la Belgique, les francophones pourront réclamer les six communes en question comme faisant partie d'une sorte de « grand Bruxelles ».

Si les intérêts légitimes des francophones sont pris en compte, en revanche, il n'en est rien pour les intérêts légitimes des Flamands, que ce soit dans l'accord sur la circonscription électorale ou dans celui sur l'arrondissement judiciaire de BHV. Il n'est pas trop tard, et le parti de l'orateur se battra, dans le cadre du débat sur la circonscription électorale de BHV, pour que les intérêts des Flamands de Bruxelles soient également garantis.

Bruxelles est une Région bilingue, et si l'on ne procède pas de la sorte, cela revient à abandonner Bruxelles et les Flamands qui y vivent.

Le seul intérêt du système proposé pour les Flamands réside dans la scission elle-même, mais elle est totalement vidée de sa substance par le biais, non seulement, des sénateurs cooptés mais aussi de la communauté urbaine de Bruxelles. Ce dernier élément est lui aussi très dangereux. En effet, les francophones raisonnent à long terme, et du point de vue démographique.

Certains l'ont d'ailleurs reconnu, tel M. De Decker, que l'orateur a interrogé en séance plénière en décembre 2011, au sujet des propos qu'il avait tenus sur les six communes à facilités. Il avait déclaré que ces six communes seraient totalement francophones, non par suite d'un mépris à l'égard des Flamands, mais en raison d'un phénomène démographique.

S'il en est ainsi pour les six communes en question, a fortiori en ira-t-il de même pour Bruxelles. Les successeurs de la génération actuelle des Bruxellois flamands n'habiteront plus Bruxelles. Ils auront disparu, balayés eux aussi par l'évolution démographique.

Les frontières de la Belgique sont ouvertes, et les nouveaux arrivants y pénètrent à un rythme soutenu, comme en attestent les derniers chiffres fournis par la ministre de l'Intérieur, qui fait état, au 1er janvier 2012, de 20 600 habitants supplémentaires à Bruxelles. Cette nouvelle progression est intégralement imputable à l'immigration. Pour qui voteront ces immigrants, qui ne sont évidemment pas des Néerlandais ? Contrairement à certains, l'orateur n'a pas la naïveté de croire que ce sera pour des candidats flamands.

La grande crainte de l'intervenant est que les Flamands disparaissent, non pas seulement à Bruxelles et dans les six communes à facilités de la périphérie, mais aussi dans une partie toujours plus grande du Brabant flamand. Et dans 20 à 30 ans, toute la communauté métropolitaine, qui est aussi étendue que l'ancien Brabant, correspondra à la Région bruxelloise, si les choses continuent comme aujourd'hui sur le plan démographique. On aboutira alors à un territoire urbain internationalisé et où le néerlandais aura disparu.

C'est pour cette raison que l'intervenant fait de la politique, et qu'il établit un lien entre le dossier communautaire et celui de l'immigration.

L'orateur ne voit pas pourquoi on oblige sa commune, Grimbergen, à faire partie de cette communauté métropolitaine. Elle n'en a jamais fait partie, et n'a jamais voulu appartenir à Bruxelles.

Les Flamands n'ont jamais souhaité cela, et à présent on va les obliger, jusqu'à Landen, Tienen, Diest ou Aarschot, à faire partie de cette communauté. L'orateur craint même que tout cela ne soit bétonné dans la Constitution par une majorité spéciale. Il luttera contre cette situation jusqu'à son dernier souffle.

Il ne comprend pas que les partis flamands de la majorité acceptent cela. MM. Beke et De Croo portent une énorme responsabilité à cet égard. Même des membres de la majorité ignorent que la communauté métropolitaine sera créée au moyen d'une loi spéciale.

Il faut bien entendu qu'il y ait une concertation entre le Brabant flamand et la Région de Bruxelles-Capitale. Toutefois, en bétonnant cette concertation et en fondant une institution politique, le risque est que l'on crée un instrument politique permettant aux francophones du Brabant flamand de poursuivre leur politique de francisation. Tel est l'objectif des francophones de Bruxelles, et Bart Maddens a entièrement raison de dire que cela deviendra le Grand-Bruxelles de 2050.

Voilà pourquoi il appelle les partis flamands à s'interroger sur cette étape. Il n'est donc absolument pas nécessaire de réviser l'article 195 et de prendre ce type de risques. Il ne comprend pas que l'on ne remarque pas le déséquilibre de l'accord.

Dans le point 7º, on avoue ouvertement que l'on souhaite attribuer à la Région de Bruxelles-Capitale des compétences qui ne sont pas dévolues aux Communautés. Voilà encore une décision condamnable, car elle transforme Bruxelles, bien plus que les autres Régions, en une super-Région. En effet, Bruxelles reçoit des compétences provinciales et communautaires, fût-ce au travers de la Commission communautaire commune. Si l'on considère que la division du pays en trois parties (trois Régions) fut une bêtise, du moins selon Vic Anciaux, il est alors encore bien plus stupide de renforcer cette division et d'accorder encore plus de compétences à Bruxelles.

En ce qui concerne les procédures de coopération entre les différentes entités, M. Laeremans demande plus de précisions.

On prévoit d'ajouter un paragraphe visant à exclure la procédure du conflit d'intérêts dans certains cas. Cela reviendra à restreindre les compétences flamandes actuelles en matière de fiscalité et de financement. À l'avenir, la Flandre ne pourra donc plus soulever de conflit d'intérêts lorsqu'elle estimera que ses intérêts sont lésés. Sur ce point, on ne tient pas compte du fait que la Flandre est le pourvoyeur de fonds de ce pays. Il souhaiterait avoir plus de précisions à ce sujet.

L'emploi des langues en matière judiciaire est un monument qui a garanti l'équité et la justice dans ce pays, car il reconnaissait parfaitement la réalité de l'époque: Bruxelles était bilingue et le reste du pays était unilingue. Cette législation a contribué à maintenir le caractère néerlandophone de la périphérie bruxelloise et du barreau. C'est en partie grâce à elle que l'on a pu créer un Ordre néerlandophone à Bruxelles.

Le groupe de l'intervenant est extrêmement méfiant vis-à-vis du texte proposé. Plusieurs propositions de scission de l'arrondissement judiciaire de BHV ont été déposées dans le passé. L'intervenant a rédigé une proposition (doc. Sénat, nº 5-755) qui prévoit une scission complète de l'ensemble du territoire bruxellois, en première instance comme en appel, de manière à conserver un tribunal flamand à part entière à Bruxelles. Cette proposition permet à la Flandre de développer sa propre Justice autonome et à Bruxelles de continuer à suivre le modèle fédéral de la Justice, ce qui est parfaitement légitime pour une capitale. Dans le cadre de cette proposition, les francophones ne perdraient aucun magistrat. Le grand avantage est que les francophones pourraient ainsi mettre en œuvre une Justice bien plus efficace à Bruxelles même. Cela vaut peut-être la peine d'examiner cette proposition.

La proposition de M. Maingain impliquait un dédoublement par la création d'un tribunal francophone et d'un tribunal néerlandophone pour tout l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

La proposition de M. Maingain est finalement devenue réalité; elle donnera aux tribunaux francophones beaucoup plus de compétences à Hal-Vilvorde qu'ils en ont actuellement.

Il s'agit d'une immense avancée pour les francophones et d'un recul pour les Flamands.

Les Flamands se sont en outre complètement fait berner. Actuellement, ils ont 1/3 des magistrats et les francophones 2/3, ce qui correspond à la charge et au volume de travail du nombre respectif d'affaires néerlandophones et francophones. À l'avenir, il n'y aura plus que 20 % de magistrats flamands et 80 % de magistrats francophones. Cette proportion n'est fondée sur aucun argument objectif.

La réglementation actuelle prévoyant l'existence d'un territoire intra muros et d'un territoire extra muros est beaucoup plus avantageuse que la réglementation perfide qui est proposée. Celle-ci aura pour effet de pousser les Flamands de la périphérie à s'adresser à des avocats francophones parce que le traitement des dossiers sera 3 à 4 fois plus rapide dans les tribunaux francophones.Tandis que les tribunaux flamands seront complètement engorgés par manque de magistrats, les francophones disposeront d'une machine bien huilée pour faire fonctionner correctement les tribunaux et pour franciser le Brabant flamand, ce qui est, bien entendu, le véritable agenda poursuivi.

M. Laeremans ne comprend pas comment il se fait que M. De Clercq, ancien ministre de la Justice, ne disposait pas de chiffres en novembre 2011. Le ministre a reconnu que les chiffres utilisés étaient complètement erronés. Il a toutefois souligné qu'il ne pouvait pas s'imaginer que les chiffres corrects ne soient pas pris en compte dans le débat parlementaire. Or, l'actuelle ministre de la Justice, Mme Turtelboom, précise clairement que l'accord ne sera pas adapté, car cela a déjà pris suffisamment de temps de trouver un accord. La population de Hal-Vilvorde en fera toutefois les frais, de même que les Flamands de Bruxelles.

L'intervenant demande que ce dossier soit réexaminé. Les chiffres exacts sont mentionnés dans l'amendement nº 9 de M. Laeremans (doc. Sénat, nº 5-1532/2). Celui-ci est d'ailleurs parvenu à recueillir ces chiffres en un après-midi, grâce à quelques simples appels téléphoniques aux tribunaux. L'intervenant est dès lors extrêmement surpris que l'ancien ministre de la Justice n'ait pas eu connaissance de ces chiffres et il l'est encore davantage que les négociateurs n'aient pas exigé que l'on renégocie lorsque l'inexactitude des chiffres a été établie.

La mesure de la charge de travail est un leurre. En vérité, les francophones bénéficieront d'une extension de cadre avec effet immédiat, et l'on n'examinera que dans un second temps si les Flamands n'ont pas reçu trop peu. Il faudra naturellement attendre des années pour cela, en l'occurrence trois ans après l'approbation des accords. Entre-temps, les francophones auront depuis longtemps empoché leur butin.

M. Laeremans espère que cette erreur peut encore être rectifiée sur la base des faits objectifs. L'argument selon lequel l'extension de cadre est nécessaire en raison de l'important arriéré des tribunaux francophones ne tient pas la route. Même si l'arriéré est important, il s'agit par définition d'une situation temporaire à laquelle il est possible de remédier notamment par l'instauration de cadres temporaires, comme on le fait déjà en recourant à des magistrats de complément.

Le point 13 concerne les nouvelles compétences et la délibération de l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'État. Ces règles ne pourront être modifiées que par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa. Il s'agit évidemment, en l'espèce, des communes à facilités, des bourgmestres et de la circulaire. Il n'y aura naturellement jamais de majorité du côté francophone pour retirer des privilèges aux francophones.

Le point 14 concerne les élections du Parlement européen. En l'occurrence, c'est encore la même chose: tout à l'avantage des francophones.

En résumé, M. Laeremans estime que la révision proposée de la Constitution consacre neuf victoires francophones, deux avantages marginaux pour les Flamands dont les francophones tirent également profit, et quatre points neutres du point de vue communautaire. Cela témoigne d'une maîtrise magistrale de l'art de la négociation de la part de MM. Beke et De Croo.

Les négociateurs sont condamnés à collaborer parce qu'ils ne sont pas à l'aise électoralement, mais cela laisse le temps d'expliquer en détail à la population flamande ce qui est en train de se passer. Il faut infirmer les mythes qui entourent la scission de BHV. Ce système encourage la francisation et signifie la liquidation politique des Flamands à Bruxelles.

Il est très perfide d'instaurer de nouveaux privilèges pour les francophones par le biais de la modification de l'article 195 et de faire en sorte qu'une fois ceux-ci mis en place, ils ne puissent être modifiés qu'à l'aide de l'ancienne et lourde procédure de modification de la Constitution.

Comme il n'y a pas encore de textes concrets sur la réforme de l'État, M. Laeremans demande que l'on reporte le débat au 15 octobre, ce qui permettrait d'enfin rédiger les textes sur la réforme de l'État et de demander l'avis du Conseil d'État. L'on pourra alors scinder BHV par le biais d'une modification de loi ordinaire au lieu de recourir abusivement, pour ce faire, à des modifications de la Constitution.

Enfin, M. Laeremans a encore quelques questions. Le gouvernement flamand a communiqué immédiatement et dans la transparence toutes les fiches sur la réforme de l'État et ses conséquences aux membres du Parlement flamand. Cela avait été annoncé pour le 15 mars dans cette assemblée. Or, la date est passée. Le secrétaire d'État peut-il donner de plus amples explications ? Les fiches relatives à la réforme de l'État seront-elles portées à la connaissance des parlementaires ? Et si oui, quand ? Le fera-t-on encore avant le débat en séance plénière ? À ce propos, il serait utile de postposer le débat en séance plénière à la semaine prochaine.

Une deuxième question concerne le calendrier de la réforme de l'État. Le secrétaire d'État pourrait-il le communiquer ? Quand l'approbation du calendrier est-elle prévue ? Est-il possible que certains aspects soient transférés rapidement après leur adoption ? La seule certitude actuelle pour l'intervenant est que la question de BHV doit être réglée avant le 21 juillet de cette année et même, de préférence, avant le 11 juillet, pour que l'on puisse exhiber ce trophée à la fête de la Communauté flamande.

Le Conseil d'État aura-t-il le temps de rendre un avis sérieux sur les propositions ? Le secrétaire d'État est-il disposé à tenir compte des avis ? Ou demandera-t-il des avis dans l'urgence, à 3 ou 5 jours ? Il serait bon que le Conseil d'État puisse examiner et commenter les propositions de manière approfondie.

M. Pieters estime que le fait d'aborder l'ensemble de la réforme de l'État dans le cadre de la discussion nuit au débat sur la révision de l'article 195 de la Constitution. Il souhaiterait en effet avoir un commentaire point par point sur la proposition de révision de cet article et obtenir une réponse à chaque question ponctuelle qu'il pose, de manière à connaître la portée du texte à l'examen. Quant à savoir ce que l'article 195 modifié de la Constitution nous permettra de faire par la suite, c'est une question à laquelle nous devrons répondre plus tard et qui n'entre pas dans le cadre de la discussion qui est menée aujourd'hui.

L'intervenant souligne qu'en 2003, le professeur André Alen, professeur de droit constitutionnel et juge à la Cour constitutionnelle, avait estimé qu'une modification de l'article 195 de la Constitution n'était pas une bonne idée (« Grondwet is geen vodje papier », De Juristenkrant, 26 mars 2003, nº 66, p. 2-3) alors qu'il est maintenant d'un avis contraire, pour autant que cette procédure ne soit utilisée qu'une seule fois. Aujourd'hui, la question est la suivante: l'article 195 de la Constitution peut-il être modifié plus d'une fois pendant cette législature ? Une deuxième modification de cet article créerait un précédent étant donné que par le passé, aucune disposition n'a jamais été modifiée plus d'une fois par le même Constituant. Qu'en pensent les secrétaires d'État compétents en la matière ?

M. Anciaux souhaite réagir aux propos d'un intervenant précédent. M. Laeremans a en effet mentionné plusieurs éléments sur lesquels il n'existe aucun accord et qui ne sont abordés nulle part dans le texte examiné aujourd'hui. C'est le cas, par exemple, pour la circonscription électorale fédérale à laquelle le texte ne fait nullement référence. Ce n'est pas correct.

Il y a toutefois un certain nombre d'éléments sur lesquels l'intervenant souhaite apporter des réponses concrètes. La scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde est une exigence flamande depuis des années. Il y avait deux manières de procéder: soit par une scission « verticale », soit par une scission « horizontale ». Personnellement, M. Anciaux préférait la deuxième solution parce qu'elle est favorable aux Flamands qui habitent à Bruxelles. Mais cette solution n'a pas été acceptée du côté flamand parce que pareille scission « horizontale » aurait donné lieu à des concessions excessives en faveur des francophones. On a donc opté pour une scission « verticale », laquelle sera réalisée prochainement. Il s'agit de la plus pure proposition de scission de la fameuse circonscription électorale qui ait vu le jour depuis des années. Toutefois, il est exact que cette scission « verticale » n'est pas favorable aux Flamands qui vivent à Bruxelles. C'est un arbitrage qui a été réalisé par les partis flamands et M. Anciaux concède qu'il n'est pas pleinement satisfait du résultat. La scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde a été présentée par la Communauté flamande comme une priorité majeure et cette priorité a été mise en balance avec le sort des Flamands qui vivent à Bruxelles. Ce dernier groupe a dû accepter de payer ce prix parce que la grande majorité des Flamands a fait un autre choix.

L'affirmation de M. Laeremans selon laquelle la Région flamande devra baisser pavillon face à la Région wallonne et à la Région de Bruxelles-Capitale n'est pas correcte. M. Anciaux n'est pas demandeur d'un ancrage constitutionnel pour une communauté métropolitaine, mais il faut reconnaître que les modalités qui sont prévues en l'espèce sont le résultat d'une concertation et rien de plus. La Communauté flamande et la Région flamande auront toujours la possibilité de tenir les rênes puisque dans cette concertation, elles devront chaque fois marquer leur accord à chaque décision prise. Les Flamands auraient-ils donc si peu confiance en eux au point de craindre que cette concertation au sein de la communauté métropolitaine ne porte atteinte à l'autonomie de la Flandre ? D'aucuns ne cessent de considérer Bruxelles comme l'ennemi, mais ils oublient qu'il y a aussi une importante communauté flamande présente à Bruxelles. En Flandre, on doit cesser de regarder Bruxelles avec le sentiment que l'on sera perdant, sans quoi on ne parviendra jamais à se concerter et à trouver des solutions structurelles.

Et cette attitude existe également dans le sens inverse: depuis Bruxelles aussi, on a tendance à porter un regard un peu trop négatif vers la Flandre et la communauté flamande de Bruxelles. L'important à cet égard est de respecter la législation linguistique. C'est l'une des principales pierres d'achoppement dans la construction d'un avenir commun dans notre pays. M. Anciaux lance donc un appel à ceux qui exercent des responsabilités à Bruxelles afin qu'ils mettent de côté toute attitude négative à l'égard de la législation linguistique et qu'ils s'emploient réellement à faire respecter cette législation.

La réforme du Sénat qui nous occupe est, dans une large mesure, celle souhaitée par les Flamands. Le Sénat deviendra un reflet des entités fédérées dans un contexte confédéral de plus en plus marqué. Alors que la composition de la Chambre des représentants reste fédérale, le futur Sénat représentera dans un cadre confédéral les Régions et les Communautés, qui se verront aussi confier un rôle direct au niveau confédéral. L'intervenant y voit un grand pas en avant et espère que le Sénat pourra devenir un véritable lieu de rencontre entre les Communautés et les Régions.

M. Anciaux se félicite que cette réforme s'accompagne de la suppression de plusieurs mandats de parlementaires élus directement. Il reconnaît que le maintien des sénateurs cooptés est un des aspects les moins positifs de la réforme du Sénat, mais il rappelle que cela fait partie du compromis qui a été conclu. Il conteste l'allégation selon laquelle ces cooptations n'auraient d'autre but que de garantir la représentation des minorités, de part et d'autre de la frontière linguistique. En effet, cette possibilité existe déjà aujourd'hui, puisque rien ne s'oppose à ce qu'un parti politique francophone coopte par exemple un habitant d'Ostende au Sénat ou à ce qu'un parti flamand coopte un habitant de Liège.

En ce qui concerne les compétences supplémentaires accordées à la Région de Bruxelles-Capitale, M. Anciaux tient à préciser qu'il s'agit uniquement de compétences qui ne sont pas attribuées aux Communautés et que leur transfert n'est possible que dans le cadre d'une loi adoptée à une majorité spéciale. Il s'agit plus précisément de compétences culturelles, comme la Zinneke Parade; M. Anciaux souligne que ces compétences auront un contenu très minimaliste.

L'affirmation selon laquelle la tutelle exercée par le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale sur le vice-gouverneur de Bruxelles-Capitale serait considérablement renforcée, est infondée. Aucun texte ne fait état d'une telle tutelle, même s'il est vrai que certaines compétences du gouverneur seront confiées à plusieurs hauts fonctionnaires de la Région de Bruxelles-Capitale. La compétence du vice-gouverneur en matière de contrôle du respect de la législation linguistique reste intacte.

En ce qui concerne la législation sur l'emploi des langues en matière judiciaire, M. Anciaux nie que l'accord de gouvernement prévoie d'appliquer un rapport de force 20N/80F. Cette répartition linguistique sera appliquée, sauf si la mesure de la charge de travail fait apparaître la nécessité d'une répartition différente. La différence est de taille: il faut donc mesurer la charge de travail, et il s'agit à présent de savoir comment procéder. Tant le dernier ministre de la Justice que la ministre actuelle ont clairement pris position à ce sujet: la personne qui est nommée actuellement reste en fonction dans un contexte extinctif. La mesure de la charge de travail sera réalisée durant ce scénario d'extinction, de manière que l'on passe automatiquement d'une situation à l'autre. Dans le pire des cas, il en résultera un excédent temporaire de quelques juges francophones, mais en aucun cas une pénurie de juges néerlandophones. Par conséquent, l'administration de la justice pour les néerlandophones n'est nullement compromise. Il est donc faux d'affirmer que la répartition linguistique 20N/80F sera appliquée d'emblée.

Enfin, M. Anciaux constate que d'aucuns présentent la réforme de l'État comme si elle se limitait à la révision de l'article 195 de la Constitution. Cette révision est certes nécessaire pour mener à bien la réforme de l'État, mais il y a aussi un accord sur de nombreux autres points pour lesquels les partis politiques francophones n'étaient pas du tout demandeurs, comme le transfert des compétences en matière de politique de santé et de politique du marché de l'emploi du fédéral aux Communautés et aux Régions. Faire comme si ces accords n'existaient pas relève de la malhonnêteté intellectuelle.

M. Moureaux fait remarquer que l'intervention de M. Anciaux lui fait craindre des dérives que son groupe ne peut pas accepter.

Actuellement, l'opposition au Sénat est principalement constituée par des néerlandophones. On assiste à des dialogues où M. Anciaux dit que l'accord de la majorité n'est pas parfait mais qu'il va réussir à modifier ce qui a été convenu au sein de la majorité. Il tient un plaidoyer classique en matière d'emploi des langues à Bruxelles.

M. Moureaux rappelle que du côté francophone on était demandeur d'une réforme différente: le rattachement des communes à facilités à la Région de Bruxelles-Capitale aurait été la sagesse même. Tout le monde a donc fait des concessions dans le compromis qu'on a obtenu mais son groupe le défend à 100 %.

Quand il entend M. Anciaux mettre en péril ce compromis, il s'inquiète et il espère que ceux qui ont signé les accords vont tout faire pour les rendre possibles. D'ailleurs, M. Anciaux se contredit quand il plaide d'un côté pour une plus grande concertation entre Bruxelles et la Flandre et, d'autre part, a des réticences quant à l'organe qui peut organiser cette concertation.

Dans la mesure où l'on dit que des comptages vont peut-être changer certains pourcentages, M. Moureaux fait remarquer que ces comptages peuvent mener à des changements dans les deux sens. Si on fait des constats strictement objectifs, cela ne peut pas être un prétexte pour revenir sur la parole qu'on a donnée.

En clair, le groupe PS soutient l'accord mais pas les interprétations que certains pourraient en donner.

La commission décide d'aborder premièrement les différents points de la proposition transitoire ainsi que les amendements y afférents et ensuite les amendements globaux.

V. DISCUSSION DES POINTS DE LA DISPOSITION TRANSITOIRE PROPOSÉE ET DES AMENDEMENTS

Point 1º

M. Laeremans dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer, dans le 1º, le membre de phrase

« sans préjudice des dispositions spécifiques actuelles de la loi du 9 août 1988 portant modification de la loi communale, de la loi électorale communale, de la loi organique des centres publics d'aide sociale, de la loi provinciale, du Code électoral, de la loi organique des élections provinciales et de la loi organisant l'élection simultanée pour les Chambres législatives et les conseils provinciaux et de celles relatives à la fonction des gouverneurs, ».

La proposition à l'examen contient une série d'exceptions à l'exercice complet de l'autonomie des régions à l'égard des provinces. Ainsi, le rôle du collège des gouverneurs de province est maintenu à l'égard d'une série de communes à statut linguistique spécial. Ce collège détient une compétence d'avis et de décision dans une série de matières afférentes aux communes ou aux CPAS. Cela porte atteinte à la plénitude de compétences des Régions envers leurs pouvoirs subordonnés.

M. Laeremans renvoie à une série de fiches établies par l'administration flamande en août 2010, à la demande du gouvernement flamand. Il renvoie notamment aux différentes anomalies techniques décrites dans la fiche nº 17 figurant dans la justification écrite de son amendement.

L'intervenant soutient la proposition défendue par l'administration flamande qui prévoit:

« Un exercice homogène des compétences sur les administrations locales et provinciales implique que la Flandre doit être compétente pour l'ensemble du territoire flamand, à l'inclusion de la réglementation relative aux élections dans les communes à régime linguistique spécial ».

M. Laeremans renvoie ensuite à la proposition formulée par l'administration flamande sur le thème du régime des facilités (voir fiche nº 18 figurant dans la justification écrite de son amendement):

« Un exercice homogène des compétences sur les administrations locales implique que la Flandre doit être compétente pour toutes les administrations locales sur l'ensemble du territoire flamand, à l'inclusion de la réglementation sur l'emploi des langues en matière administrative dans les communes à régime linguistique spécial. ».

L'intervenant renvoie enfin à la fiche nº 20 figurant dans la justification écrite de son amendement sur la réglementation relative à l'organisation des communes et les compétences élargies en ce qui concerne les six communes de la périphérie flamande et la commune de Fourons. L'administration flamande y décrit une série d'anomalies et plaide pour que la Flandre soit compétente pour l'ensemble du territoire flamand, à l'inclusion de la réglementation relative aux communes à régime linguistique spécial.

M. Laeremans déduit des différentes fiches que le gouvernement flamand rejette toute forme de limitation de son autonomie en ce qui concerne ses compétences à l'égard des provinces et des communes et qu'il entend disposer d'une compétence exclusive dans ces domaines.

L'intervenant souligne que son amendement donne écho à la position légitime défendue par l'administration flamande. Il suppose que les groupes politiques faisant partie du gouvernement flamand soutiennent la position défendue par l'administration flamande. Le groupe open VLD, qui faisait jusqu'il y a peu partie de la majorité régionale flamande, devrait également faire preuve de cohérence et défendre cette position. Il en conclut que l'amendement nº 2 devrait pourvoir bénéficier d'un large soutien.

M. Pieters souligne que, si le débat de fond sur la réforme de l'État aura lieu ultérieurement, la révision de l'article 195 de la Constitution, qui nous occupe aujourd'hui, permet déjà de voir dans quel sens plusieurs articles de la Constitution seront modifiés.

L'intervenant aimerait donc avoir plus de précisions sur le point 1 de la disposition transitoire qui vise (1) à assurer l'exercice complet de l'autonomie des Régions à l'égard des provinces, sans préjudice des dispositions de la loi de pacification communautaire du 9 août 1988 et relatives à la fonction des gouverneurs et (2) à limiter la signification du terme « province » utilisé dans la Constitution à sa seule dimension territoriale.Est-ce à dire que la fonction et le rôle du gouverneur seront maintenus ? Les tâches du gouverneur de Bruxelles seront-elles reprises par le ministre-président ? Étant donné que le point 1 ne dit mot des vice-gouverneurs, M. Pieters en déduit que la Région sera bel et bien compétente dans ce domaine et que la Région de Bruxelles-Capitale pourra donc supprimer la fonction de vice-gouverneur.

M. Moureaux répond que les accords qui ont été conclus par les huit partis ne prévoient pas de modifier le rôle du vice-gouverneur. Cela ne veut pas dire pour autant que le statut du vice-gouverneur ne pourra pas être modifié ultérieurement dans le but de promouvoir le dialogue et l'efficacité.

M. Pieters se demande ensuite si l'on ne va pas toucher aussi, par voie de conséquence, à la fonction des différents commissaires du gouvernement.

M. De Decker considère que cette révision de la Constitution a pour finalité de restaurer la confiance ébranlée entre les communautés. La Communauté flamande exige clairement la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). À Bruxelles, les élus flamands s'étaient montrés plutôt réticents face à cette scission parce qu'ils en avaient mesuré l'impact sur le nombre d'élus bruxellois sur les listes flamandes à la Chambre des représentants.

La révision de l'article 195 de la Constitution ouvre maintenant la voie à la réforme de BHV. M. De Decker estime que la réforme de la circonscription électorale est aussi importante que la réforme de l'arrondissement judiciaire. Afin de restaurer la confiance entre les communautés, son parti a accepté la scission de BHV, même si cela a amené le FDF à mettre fin à sa collaboration avec le MR.

M. De Decker a clairement le sentiment que le groupe de M. Laeremans ne veut pas d'accord sur la réforme de l'État, mais qu'il souhaite plutôt un pourrissement plus radical encore de la situation. Son groupe n'a en effet aucun intérêt à ce que la confiance entre les communautés soit restaurée. D'un point de vue éthique, intellectuel et moral, M. Laeremans ne devrait même pas prendre part à ce débat puisqu'il œuvre à la fin du pays et non au rétablissement de la confiance entre les communautés.

La présidente précise que chaque sénateur a le droit d'intervenir dans les débats, mais invite les commissaires à s'en tenir à l'examen du point 1.

M. Laeremans a encore une question à poser au sujet du dernier membre de phrase du point 1, à savoir « et de limiter la signification du terme « province » utilisé dans la Constitution à sa seule dimension territoriale, en dehors de toute dimension institutionnelle; ». Est-ce à dire qu'à l'avenir, les provinces conserveront une dimension institutionnelle ou bien qu'elles n'auront plus qu'une simple dimension territoriale ?

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, précise tout d'abord que l'objectif n'est pas d'aborder l'ensemble de la réforme de l'État dans le cadre du débat sur la révision de l'article 195 de la Constitution. Les propositions de loi et les propositions de loi spéciale seront encore amplement commentées au Parlement au cours des semaines et des mois à venir.

En ce qui concerne les fiches, le gouvernement flamand a déjà pris certaines initiatives qui peuvent être qualifiées de positives. Les autres gouvernements des entités fédérées et le gouvernement fédéral ont fait de même. Cela s'inscrit dans le cadre des préparatifs de la réforme de l'État, mais il faut garder à l'esprit que tous les éléments ne sont pas encore connus puisque les textes définitifs ne sont pas encore disponibles. L'intervenant confirme qu'à la Chancellerie du premier ministre, on est occupé à préparer les fiches.

Les textes sur les transferts de compétences et la loi spéciale de financement sont encore en préparation. Il est donc prématuré d'en parler et, a fortiori, de s'interroger sur les modalités de mise en œuvre. Il est compréhensible que les différentes administrations, leur personnel et les acteurs de terrain s'inquiètent de l'avenir. Cette réforme institutionnelle est soutenue par huit partis qui n'exercent pas tous des responsabilités gouvernementales, mais dont la contribution à cette réforme ne manquera pas d'être honorée et respectée.

En réponse aux questions des commissaires, M. Verherstraeten explique que le point 1 concerne l'élargissement de l'autonomie des Régions par rapport aux provinces. La fonction de gouverneur de la Région de Bruxelles-Capitale sera supprimée et un certain nombre de ses compétences seront dévolues à un haut fonctionnaire de la Région qui sera désigné par le gouvernement bruxellois. Ce fonctionnaire travaillera sous l'autorité du ministre-président et sera compétent pour exercer les tâches du gouverneur relatives aux libertés civiles et à l'élaboration de plans d'intervention d'urgence sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, ce qui implique qu'il relèvera, selon le cas, de l'autorité du ministre de l'Intérieur ou de celle d'un membre du gouvernement bruxellois.

En ce qui concerne la fonction de vice-gouverneur, le secrétaire d'État confirme les propos de M. Moureaux.

En ce qui concerne l'esprit exact du premier point par rapport à la liste des articles visés à l'article 195, monsieur Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, rappelle que la proposition à l'examen constitue l'étape de départ. La possibilité de modifier est ouverte, sans que l'on modifie en tant que tel.

Il est clair que toute modification n'interviendra qu'après avoir été approuvée par une majorité de deux tiers dans chaque assemblée. Le contrôle total par rapport aux conséquences données à cette proposition appartient donc entièrement aux assemblées.

Les ouvertures faites tendent à régler l'accord institutionnel qui prévoit de donner encore plus d'autonomie au niveau régional par rapport aux provinces.

Ce sera donc aux régions de décider, dans le respect de l'autonomie de chacun, si les provinces deviendront uniquement une conception territoriale sans aucune compétence.

Bien entendu, il n'est pas accepté de toucher à la législation sur la pacification communautaire.

M. Pieters se réfère au dernier membre de phrase et en particulier aux mots « en dehors de toute simplification institutionnelle » que signifient-ils ?

M. Cheron renvoie à la Constitution où le mot « province » est mentionné dans d'autres articles que ceux cités au 1. Tout est donc dans l'accord institutionnel. Si le 1 est adopté et les articles cités ouverts à révision, la possibilité de faire des lois spéciales ou d'autres lois existe.

En ce qui concerne les provinces, l'accord institutionnel prévoit que les régions auront l'autonomie sur l'évolution de l'institution provinciale. La raison de ne pas toucher aux autres articles où le mot « province » est mentionné, est que dans ces articles le mot « province » est entendu au sens territorial et pas au sens institutionnel. Le fait de ne pas avoir repris ces articles dans la liste n'implique pas de mettre à mal la possibilité des Régions d'avoir leur autonomie absolue sur l'évolution de l'institution provinciale, soit pour la maintenir, soit pour la faire évoluer ou autre.

M. Laeremans demande des précisions sur la fonction de vice-gouverneur. Peut-on déduire du texte que le terme « vice-gouverneur » subsiste en tant que tel, même s'il n'y a plus de gouverneur ? L'intervenant rappelle aussi le parallélisme qui existait auparavant entre le vice-gouverneur de la province du Brabant flamand, qui était au service des francophones dans les six communes à facilités, et le vice-gouverneur à Bruxelles, qui avait pour tâche de veiller au respect des lois linguistiques.

M. Anciaux répond qu'il n'y a pour l'instant d'accord ni sur la fonction, ni sur la dénomination « vice-gouverneur ». Aucune modification n'est donc apportée à cette fonction pour l'instant.

Point 2º

M. Pieters demande si les auteurs et le gouvernement considèrent que les allocations familiales ne relèvent pas de la notion de « sécurité sociale » au sens de l'article 23 actuel de la Constitution. Cette lecture est-elle la bonne ? Si l'on veut inscrire le droit aux allocations familiales à l'article 23, dans lequel est ancré le droit à la sécurité sociale, cela signifie que les allocations familiales qui sont un droit universel dont tous les enfants jouissent, ne relèvent pas de la notion de sécurité sociale définie à l'article 23. La sécurité sociale est de la sorte rattachée au travail. L'aide sociale est d'ailleurs réglée séparément à l'article 23. Si les allocations familiales font déjà partie de la sécurité sociale, cet ajout n'a aucun sens.

M. Verherstraeten précise que le 2 vise uniquement à ancrer le droit fondamental aux allocations familales dans la Constitution. Il s'agit naturellement ici d'une matière personnalisable et le transfert peut s'opérer sans modification de la Constitution. L'entité fédérée qui se voit attribuer cette compétence pourra en définir le contenu.

M. Pieters précise que l'actuel article 23 contient un droit à la sécurité sociale. Cette disposition peut être mise à exécution par voie de loi, de décret ou d'ordonnance. Le 2 crée la possibilité d'ajouter le droit aux allocations familiales à l'article 23, ce dont l'intervenant infère que le gouvernement et les auteurs partagent la conception que les allocations familiales ne sont pas encore mentionnées à l'article 23 et ne relèvent dès lors pas de la notion de « sécurité sociale ». Tel est le cas dans plusieurs autres pays, comme en France, parce que la sécurité sociale couvre là-bas les assurances sociales pour les travailleurs salariés, les travailleurs indépendants, etc. Est-ce là l'interprétation suivie en l'espèce ?

M. Wathelet répond qu'il est clair que la volonté d'inscrire le droit aux allocations familiales dans l'article 23 est neutre du point de vue du financement et des structures de gestion des allocations familiales.

Cet élément garantit au bénéfice des enfants un droit aux allocations familiales. Ceci est la plus-value ajoutée dans le cadre de l'article 23.

M. Laeremans demande pourquoi ce droit spécifique aux allocations familiales va être inscrit à l'article 23. L'intervenant considère que cet ajout n'a aucun sens parce que les allocations familiales existent déjà. Il n'est absolument pas question de supprimer ce droit. Quelle est la ratio legis de l'insertion de ce droit dans la Constitution ? Y a-t-il un motif sous-jacent comme mettre l'accent sur les différences en matière d'allocations familiales entre la Flandre et la Wallonnie ?

M. Cheron renvoie à la réponse du secrétaire d'État. L'article 23 de la Constitution concerne les droits économiques, sociaux et culturels. L'intervenant souligne le mot « notamment » dans cet article. Nous ne discutons pas de la modification du texte constitutionnel, mais de l'ouverture pour une modification concrète ultérieure. Nous nous trouvons au stade de la volonté, non de la modification.

Point 3º

M. Pieters demande si cette disposition permet de limiter le caractère révisable de la Constitution dans la mesure où il s'agit de dispositions relatives aux élections.

M Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, répond qu'il s'agit de la volonté d'insérer une disposition pour interdire de modifier la législation électorale à moins d'un an de la date prévue pour les élections.

M. Pieters accepte de ne pas discuter du contenu de ce point, mais il demande des précisions sur les limitations qui y sont contenues, car cela fera malgré tout l'objet d'un vote. Il serait plus logique d'exclure toute modification de la législation électorale, qu'elle soit contenue dans une loi ordinaire ou dans la Constitution, un an avant la date prévue du scrutin.

M. Moureaux signale qu'on a voulu exclure la possibilité de changer les règles du jeu peu de temps avant les élections. L'orateur estime qu'il ne serait pas souhaitable par exemple de changer en dernière minute le principe du vote obligatoire.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, explique que le but est d'insérer une disposition qui est ajoutée à la Constitution (comme le recommandait d'ailleurs aussi la Commission de Venise). Eu égard à la hiérarchie des normes, une interdiction de modifier la législation n'aura force obligatoire que si elle est incorporée dans la Constitution.

M. Moureaux estime qu'une règle générale devrait interdire aussi de modifier les autres articles constitutionnels concernant les élections peu de temps avant celles-ci.

MM. Delpérée et Cheron soulignent qu'il s'agit bien d'interdire de modifier la législation électorale.

M. Moureaux se réfère au texte corrigé par la commission de Révision de la Constitution et de la Réforme des Institutions de la Chambre, portant sur la révision de l'article 195 de la Constitution, qui indique que « Les Chambres ....peuvent .....statuer sur la révision des dispositions, articles et groupements, exclusivement dans le sens indiqué ci-dessous. » (doc. Chambre, nº 53-2064/004). L'orateur estime que le constituant n'est pas tenu strictement par ce principe mais il permet qu'on s'interroge sur la portée exacte des articles.

M. Delpérée explique que la notion de compétences législatives résiduelles en droit public comprend des compétences qui ne sont attribuées à aucune autorité publique. On peut combler ce manque en ayant recours à une formule générique disposant que tout ce qui n'est pas prévu, est attribué globalement et forfaitairement à une telle institution. En l'occurrence, cela signifie que tout qui ne sera pas attribué spécifiquement au Sénat revient à la Chambre des représentants par analogie avec ce qui était fait en 1831 (tout ce que n'était pas attribué au Roi revenait au Parlement) et en 1970 et 1980 (tout ce qui n'est pas attribué aux communautés et régions revient à l'État fédéral).

Point 4º

M. Pieters constate qu'une réforme du système bicaméral implique le maintien de celui-ci. Il désire connaître la portée juridique exacte des termes « compétences législatives résiduelles ». Il s'agit de compétences qui n'ont pas été attribuées à un autre organe. L'intervenant considère que cela ne peut concerner que le niveau fédéral.

M. Anciaux estime que les compétences législatives résiduelles ne seront plus exercés que par la Chambre des représentants et par elle seule.

M. Laeremans dépose un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à remplacer l'alinéa 1er, 4º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

L'orateur rappelle que son groupe plaide pour une abolition pure et simple du Sénat, ce qui permettrait en outre une économie substantielle. M. Laeremans est d'avis que le Sénat n'a pas de valeur ajoutée dans le système actuel et qu'il ne joue en réalité plus aucun rôle. En conséquence, le Sénat est devenu une institution totalement inutile. Il en est de même en ce qui concerne son rôle en tant que « lieu de rencontre » des régions et communautés.

Par ailleurs, dans la mesure où, dans le cadre de la réforme proposée, la Chambre disposerait de compétences résiduaires, le risque existerait que le Sénat veuille tout de même se voir attribuer des compétences qui ne lui incombent point.

Enfin, l'intervenant émet des réserves quant au rôle que le Sénat a joué en tant que chambre de réflexion. Il estime que, là également, le résultat est très maigre, à l'exception des législations relatives à des matières éthiques. Toutefois, même ce travail législatif pourrait aussi bien être effectué à la Chambre.

M. Laeremans précise que le présent amendement propose d'énumérer au point 4 l'ensemble des articles qui ont trait au Sénat afin de permettre éventuellement sa suppression d'ici la fin de la législature. En effet, si le gouvernement devait tout de même décider de supprimer le Sénat, il ne pourrait le faire s'il ne le prévoit pas dès à présent.

M. De Decker réplique qu'il n'existe aucun État fédéral au monde qui n'ait pas de système bicaméral. Même les anciens pays de l'Est qui ont récemment découvert la démocratie ont opté pour un système bicaméral pour renforcer leur caractère démocratique. D'autre part, il est inexact d'affirmer que le Sénat n'a pas apporté de plus-value au cours de ces dernières années. Il n'en veut pour preuve que les nombreuses matières éthiques qui ont trait au statut personnel des citoyens et à leur vie privée et qui ont fait l'objet de débats intenses et longs au Sénat. Ces législations ont été initiées par des sénateurs. L'intervenant ne pense pas que la Chambre se donnera le temps de s'atteler à légiférer sur des matières comme celle de l'euthanasie.

Enfin, même dans l'hypothèse d'un État confédéral, l'intervenant plaide, à titre personnel, pour un Sénat avec de larges pouvoirs à l'instar du Bundesrat qui, par exemple, examine en premier lieu le budget fédéral allemand. Il trouverait donc logique que, dans certaines matières, les Régions examinent le budget de l'État car chaque Région devrait avoir le droit de contribuer à l'élaboration du budget fédéral.

Ce qui dérange en réalité le préopinant, c'est que le Sénat concrétise la volonté pour tous de vivre ensemble.

M. Moureaux ne souhaite pas ouvrir le débat sur l'avenir du Sénat et reconnaît que celui-ci a fait un travail remarquable en matière éthique. Toutefois, dans la mesure où le Sénat n'aura plus ce type de compétences, il faudra qu'à l'avenir un groupe de députés s'intéresse à ces matières éthiques. À travers la réforme du Sénat, un problème de capital humain se posera, et il faudra veiller à ce que certains continuent à travailler sur ces matières.

Pour le surplus, si la réforme est votée, une série de matières importantes passeront de l'État fédéral aux entités fédérées. Il est donc assez logique que le Sénat, dans la mesure où on décide de le maintenir, se concentre sur une représentation des communautés et des régions et soit compétent dans les matières prévues (réformes institutionnelles, par exemple).

Par contre, l'orateur estime qu'il serait très dangereux de donner des compétences budgétaires au Sénat. Dans la mesure où l'on souhaite une chambre qui soit l'écho des entités fédérées, permettre à l'une d'entre elles de bloquer le budget de l'État fédéral serait en effet très périlleux.

Enfin, M. Moureaux estime que le Sénat est partiellement responsable de son impopularité dans les milieux politiques du fait d'un manque d'intelligence dans sa gestion. L'orateur fait notamment référence aux inutiles séances de demandes d'explications aux ministres tenues par le passé en soirée.

M. Laeremans insiste sur le fait qu'il n'est pas confédéraliste, mais qu'il milite pour l'indépendance de la Flandre. D'autre part, il est clair que plus aucun rôle éthique n'est prévu pour le futur Sénat et que cet argument ne convainc donc pas. En ce qui concerne la compétence du nouveau Sénat en matière de budget, l'intervenant constate que jusqu'à présent, l'on n'a encore rien pu lire à ce sujet.

Il est particulièrement intéressant d'étudier la différence entre le Bundesrat et le Bundestag allemands. Après la chute du mur, le Bundestag a considérablement évolué, y compris sur le plan des bâtiments, etc. À côté, le Bundesrat fait pâle figure. Le nouveau Sénat est régulièrement comparé à ce Bundesrat, mais l'intervenant craint qu'il soit quand même prévu de donner plus de poids au Sénat. Une analyse détaillée du Bundesrat pourrait insuffler un peu de modestie au Sénat. Le système prévu, avec dix sénateurs cooptés, risque de donner trop d'importance au Sénat parce qu'il faudra occuper ces personnes, alors que cela n'est pas souhaitable.

L'intervenant a par ailleurs encore une question à poser à propos de l'article 36 de la Constitution. Dans le texte à l'examen, cet article n'a pas été déclaré ouvert à révision. Cet article stipule que le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat. La proposition à l'examen entend mettre en œuvre la réforme du bicaméralisme et confier les compétences législatives résiduelles à la Chambre des représentants. D'après l'intervenant, c'est contraire à l'article 36 de la Constitution. Pourtant, aucune révision de cet article n'a été prévue.

M. Anciaux explique qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les articles de la Constitution. Si l'article 36 traite du pouvoir législatif fédéral et qu'un nouvel article porte sur les compétences législatives résiduaires, seule cette matière est réglée spécifiquement et c'est cette disposition spécifique qui compte au sein de la Constitution.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État, fait remarquer qu'au vu de l'accord communautaire, le Sénat continuera de toute façon à faire partie du pouvoir législatif fédéral. Le Sénat n'est pas supprimé, il n'est donc pas nécessaire de déclarer l'article 36 de la Constitution ouvert à révision. En 1993, le Sénat a également été réformé sans que cet article ait été modifié.

Point 5º

M. Pieters se demande si certains pensent qu'une loi spéciale ne pourrait pas d'ores et déjà fixer la date des élections pour les Communautés et les Régions, puisque cette possibilité est en fait déjà prévue par l'article 117 de la Constitution. Pourquoi faut-il régler à nouveau cette question ?

M. Verherstraeten, secrétaire d'État, pense que c'est quand même nécessaire. L'accord prévoit une prolongation de la législature fédérale et l'organisation simultanée des élections. Après 2014, il sera possible de donner aux entités fédérées une autonomie constitutive en ce qui concerne la durée de la législature et la date des élections, et de créer en même temps le cadre constitutionnel pour l'organisation simultanée des élections européennes et des élections de la Chambre. L'accord prévoit une entrée en vigueur simultanée pour ce qui concerne les deux derniers points. Voilà pourquoi il est nécessaire de modifier la Constitution.

M. Wathelet, secrétaire d'État, tient à préciser que l'article 117 de la Constitution actuelle prévoit ceci à moins qu'une loi à majorité spéciale n'en dispose autrement. L'idée est de prévoir que la loi spéciale peut permettre aux parlements de Communauté et de Région de déroger à la règle contenue à l'article 117 de la Constitution.

M. Anciaux renvoie à l'article 46 de la Constitution qui règle la dissolution des Chambres dans la situation actuelle. Dans la nouvelle disposition, il faut également prévoir qu'en cas de dissolution de la Chambre, la disposition s'applique à la période restante.

M. Pieters précise que sa question visait uniquement à savoir si l'article 117 de la Constitution ne permettait pas déjà maintenant d'effectuer ces opérations. C'est donc bien le cas, mais au moyen d'une autre technique que celle qui est proposée aujourd'hui.

M. Laeremans dépose un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à remplacer l'alinéa 1er, 5º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

M. Laeremans déplore que l'on fasse coïncider les élections. Un grand jour de scrutin tous les cinq ans enlèverait la tension du système actuel, qui crée une dynamique tendant à accroître l'autonomie des Communautés. Dans le nouveau système, l'intervenant craint que le fédéral ne capte toute l'attention, au détriment du niveau flamand. De cette manière, les Communautés et les Régions seront à nouveau subordonnées au niveau fédéral.

L'intervenant aurait préféré que l'on conserve le système actuel parce qu'il prévoit davantage de scrutins. Ce système donne régulièrement au citoyen la possibilité de participer aux élections et de constituer des assemblées. On propose maintenant de diminuer le nombre d'élections, ce qui réduira la participation du citoyen. C'est antidémocratique.

Aux États-Unis, on organise des élections pour la Chambre des députés tous les deux ans. En outre, le vote obligatoire, tel qu'il existe en Belgique, n'est pas non plus démocratique. La période est bonne pour les élections communales, car l'engagement est beaucoup plus fort et le contact avec les bourgmestres peut être bien plus direct. L'intervenant indique que la tenue des autres élections à la même date permet au niveau belge d'accaparer le pouvoir. Il ne s'agit pas du tout d'une réforme copernicienne comme on l'a annoncé, mais d'un renforcement de l'autorité belge.

M. De Decker rappelle que le but doit être de rétablir la confiance dans le dialogue politique. Cela passe aussi par la réponse au sentiment de frustration de la population qui est convoquée presque tout le temps aux élections. Il y a eu des élections en 2006, 2007, 2009, 2010, et il y aura de nouvelles élections en 2012. C'est un peu beaucoup.

M. Claes pense que les entités fédérées peuvent choisir elles-mêmes la date à laquelle elles organiseront les élections après 2014. Les élections ne doivent donc pas nécessairement avoir lieu le même jour. Ce n'est pas parce que les élections sont organisées le même jour que le niveau fédéral captera toute l'attention.

Point 6º

M. Pieters se réfère à la possibilité de prévoir dans la Constitution que l'on adopte une loi spéciale qui définisse « des modalités spéciales aux fins de garantir les inte&#%CC;&#%81;re&#%CC;&#%u201A;ts le&#%CC;&#%81;gitimes des ne&#%CC;&#%81;erlandophones et des francophones dans l'ancienne province du Brabant ». Cette formulation est très vague. L'intervenant tient à souligner qu'il est question de dispositions similaires qui sont applicables aux néerlandophones et aux francophones. On ne saurait en aucun cas enfreindre le principe d'égalité entre les francophones et les néerlandophones. Il ne s'agit donc pas d'un sauf-conduit pour prévoir des modalités spéciales uniquement pour les francophones ou uniquement pour les néerlandophones.

M. Laeremans dépose un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer l'alinéa 1er, 6º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

M. Laeremans répète qu'il n'a vu nulle part comment les intérêts légitimes des Flamands étaient sauvegardés à Bruxelles. Au contraire, il les voit disparaître de la scène politique. Où voit-on le caractère bilingue de la Région de Bruxelles-Capitale ?

Pourquoi ne veut-on pas garantir la présence des Flamands de Bruxelles à la Chambre ? C'est pour les raisons avancées ci-dessus que son groupe souhaite supprimer le point 6º.

M. Moureaux rappelle que lorsqu'on prend le texte de l'accord à nu, on remarque d'emblée qu'il est très général. Il stipule simplement que « (...) pour les élections pour la Chambre, la loi prévoit des modalités spéciales aux fins de garantir les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones dans l'ancienne province du Brabant (....) ». Si l'on s'en tient au texte, il ne voit pas en quoi l'on peut polémiquer à son sujet. Il imagine que le principe de la garantie des intérêts légitimes est soutenu par tous. Pour le reste, il y a un accord entre huit partis et seul l'avenir dira comment il sera concrètement mis en œuvre.

Au stade actuel, le texte proposé est un texte très général qui pourrait toucher tant le Brabant Wallon que le Brabant Flamand et Bruxelles puisqu'on y parle de l'ancienne province du Brabant. Le membre ne voit donc pas en quoi l'on pourrait aller plus loin, face à un texte passe-partout.

M. Pieters partage l'analyse de M. Moureaux, en ce sens que le texte est formulé en des termes très généraux et n'ouvre donc pas la voie à une atteinte au principe d'égalité.

M. Anciaux confirme d'ailleurs que la disposition en question concerne uniquement l'élection de la Chambre des représentants, et pas les autres élections.

M. Cheron partage la remarque de M. Moureaux sur la nature du texte. Il est évident que cette disposition est générale et ne donne lieu à aucune spéculation quant à la teneur qu'elle aura dans le véritable texte de révision. Il comprend la manœuvre de M. Pieters qui tente déjà d'orienter de manière très précise un texte qu'il ne connaît pas encore, au-delà de la lecture de l'accord institutionnel. Le texte actuel ne vise qu'à permettre le dépôt ultérieur d'un texte concret par les huit partis.

M. Pieters trouve pourtant logique que son groupe tente d'identifier les limitations dont il est question. S'il entend que l'on considère que le texte a une portée très générale, il maintient sa position qu'il ne s'agit pas d'un laissez-passer pour permettre une inégalité de traitement entre francophones et néerlandophones.

Le secrétaire d'État Verherstraeten souligne que la disposition sur les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones met naturellement en œuvre le compromis communautaire qui a été conclu. D'ailleurs, les modalités auxquelles il est fait référence sont connues de tous, elles sont inscrites dans l'accord de gouvernement et dans les autres notes. Bien entendu, il ne sera fait aucune distinction entre les néerlandophones et les francophones.

Point 7º

M. Pieters aimerait obtenir les précisions suivantes à propos du point 7º: il s'agit des matières culturelles qui n'auraient pas encore été dévolues aux Communautés. Il est parfois fait référence à la Zinneke Parade, ce qui est, selon lui, à côté de la question. La Zinneke Parade est une matière culturelle qui a effectivement été dévolue aux Communautés. Quelles autres matières culturelles n'ont alors pas été assignées aux Communautés ? L'intervenant ne voit pas d'autre option que les institutions culturelles demeurées fédérales, comme le Théâtre Royal de la Monnaie ou le Palais des Beaux-Arts. Dans la négative, que vise exactement ce point 7º ?

M. Laeremans dépose un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer l'alinéa 1er, 7º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

Selon l'intervenant, il n'est pas souhaitable que Bruxelles acquière davantage de compétences. Bruxelles est déjà une « super-Région », qui a en plus des compétences provinciales. Lui attribuer par-dessus le marché des compétences culturelles supplémentaires est inacceptable. Cela ne ferait que renforcer l'amalgame entre la Région bruxelloise et la Région wallonne.

Dès le 3 mars 1999, le Parlement flamand a indiqué dans une de ses cinq résolutions, désormais célèbres, que « le principe de départ doit être le caractère dual de la structure étatique fédérale, avec un statut spécifique pour Bruxelles, qui doit être administrée sur un pied d'égalité par les Flamands et les francophones ».

Cette résolution avait été soutenue par tous les partis flamands mais on repart aujourd'hui dans un sens diamétralement opposé. Bruxelles prend en effet une importance démesurée et acquiert des compétences de prestige supplémentaires, ce que l'intervenant ne peut accepter.

M. Anciaux affirme que l'on peut exclure que le point 7º porte sur les institutions culturelles fédérales ou sur les établissements scientifiques fédéraux.

M. Laeremans demande si M. Anciaux parlait en son nom personnel ou au nom des huit partis; M. Moureaux répond que son collègue s'est exprimé à titre personnel.

M. Delpérée rappelle, quant à lui, que la formule « compétences non dévolues aux Communautés dans les matières visées aux articles 127, 128 et 129 » est une formule qui revient déjà dans l'article 135 de la Constitution. Il ne s'agit pas d'une nouveauté.

M. Moureaux constate quant à lui que le texte est, une fois de plus, très général. On ne vote pas encore sur l'accord conclu entre les huit partis mais uniquement sur un texte qui ouvre des possibilités. Il ne voit pas pourquoi il faudrait aller au-delà de ce qui est en discussion au stade actuel.

Selon M. Pieters, il est normal de vouloir une réponse claire lorsqu'une telle possibilité est envisagée. Il aimerait qu'on lui donne des exemples de compétences qui pourraient être concernées. Le Parlement a le droit d'être informé en la matière.

Le secrétaire d'État Verherstraeten cite l'exemple de la Zinneke Parade, qui figure d'ailleurs déjà dans la note en bas de page 28 de l'accord communautaire.

M. Wathelet ajoute que l'accord institutionnel prévoit aussi les infrastructures sportives communales et celles des formations professionnelles bilingues. On ne vise en aucun cas le biculturel fédéral. Il ne s'agit donc pas de la Monnaie, du Palais des Beaux- Arts ou de l'Orchestre National. On vise uniquement le biculturel d'intérêt régional.

M. Moureaux signale que l'on retrouve ces matières dans l'accord des huit partis. À titre d'exemple, en ce qui concerne les infrastructures communales, il existe déjà aujourd'hui une coopération entre la région Bruxelloise, la COCOF et la VGC. Le but sera de lui donner une base plus solide.

Concernant la formation professionnelle, l'accord prévoit de donner la possibilité à la Région Bruxelloise, à côté du maintien intégral des pouvoirs des Communautés, d'organiser une formation professionnelle.

M. Pieters constate que les exemples fournis dans la réponse sont un peu plus sérieux que celui de la Zinneke Parade, pour laquelle aucune compétence spéciale n'est requise. Il voudrait cependant avoir la certitude qu'il ne s'agit pas des compétences des CPAS.

M. Moureaux confirme qu'à Bruxelles, les CPAS continueront à dépendre de la commission commune.

Point 8º

M. Pieters demande également des précisions à ce sujet. Il existe actuellement une série de matières pour lesquelles la Constitution ou la loi spéciale prescrivent des accords de coopération. Les entités fédérées peuvent en outre conclure des accords lorsqu'elles le souhaitent. M. Pieters saisit mal l'objet du point 8º. S'agit-il d'habiliter les entités fédérées à conclure des accords ? S'agit-il de créer une procédure pour laquelle des accords de coopération sont déjà prévus dans la Constitution ou dans la loi spéciale ? Le texte parle uniquement de « simplifier » des choses existantes, pas d'en créer de nouvelles. Quelles sortes d'accords de coopération vise-t-on à simplifier ici ?

Selon M. Cheron, le but est de permettre par exemple au Parlement flamand de voter en une seule opération un décret qui porterait à la fois sur des matières relevant de la compétence des Communautés et sur des matières relevant de la compétence des Régions.

M. Laeremans dépose un amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer l'alinéa 1er, 8º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

M. Laeremans demande dans quelle mesure les procédures de coopération pourraient porter, par exemple, sur la coopération politique entre la Communauté française et la Région bruxelloise dans le cadre de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le point en question a-t-il aussi pour but de concrétiser la coopération entre ces deux entités fédérées ou d'entériner le changement de nom de la Communauté française en Fédération Wallonie-Bruxelles, en lui attribuant éventuellement des compétences supplémentaires ? La coopération entre les Régions dans le cadre de la communauté métropolitaine est-elle également concernée ? La disposition prévue au point 8º facilite-t-elle cette coopération ou n'a-t-elle aucun rapport avec elle ?

M. Wathelet précise qu'il y a toujours une discussion actuellement sur la question de la simplification des procédures de coopération. Certains pensent qu'il est nécessaire de modifier la Constitution pour disposer de tous les mécanismes de simplification de ces procédures. D'autres affirment qu'une loi spéciale suffit à cet effet. S'il s'avère, au cours des prochaines discussions, que des modifications doivent être apportées à la Constitution, le point 8º permettra de le faire.

Le point 8º a pour but d'offrir la possibilité de simplifier les procédures des accords de coopération par une modification de la Constitution, si cela s'avère nécessaire. Cependant, la Constitution sera modifiée uniquement s'il n'est pas possible de simplifier les procédures par la voie d'une loi spéciale.

M. Wathelet déclare formellement que le point 8º ne concerne pas la communauté métropolitaine.

Selon M. Cheron, la jurisprudence du Conseil d'État évolue dans ce domaine, si bien que la prudence est de mise et qu'il y a lieu de prévoir la disposition du point 8º pour pouvoir modifier la Constitution le cas échéant.

M. Delpérée met l'accent sur une règle fondamentale de notre système constitutionnel: une loi spéciale doit absolument avoir une base constitutionnelle. Il n'existe pas de lois spéciales « spontanées ».

M. Pieters retient que le point 8º porte non pas sur l'établissement de nouveaux accords de coopération, mais sur la simplification des modes de coopération existants.

Selon M. Moureaux, le but n'est pas d'instituer une hiérarchie des normes.

M. Wathelet le confirme.

M. Cheron estime que M. Pieters tente de créer un statu quo. M. Pieters va plus loin que le texte proprement dit. Il part de ce qui existe et qui ne sera pas possible à l'avenir. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

M. Wathelet précise que le travail qu'il effectue avec M. Verherstraeten a pour but de mettre en œuvre le texte qui affirme vouloir renforcer le rôle des entités fédérées dans les institutions fédérales, favoriser la conclusion d'accords de coopération ou encourager la création d'organes interfédéraux. S'il s'avérait que l'exécution de l'accord institutionnel sur ces aspects nécessite une modification de la Constitution, on pourrait avoir recours à la disposition prévue au point 8º. C'est sur la base de ce point que l'accord institutionnel sera mis en œuvre. En effet, il y a encore une discussion sur la manière de procéder: avec ou sans modification de la Constitution ? Si le point 8º n'existait pas, il n'y aurait pas de possibilité de modifier la Constitution dans ce domaine, alors que cela pourrait pourtant s'avérer nécessaire.

M. Laeremans estime que la réponse est claire: le secrétaire d'État ne veut fermer aucune piste parce que la manière de procéder n'a pas encore été décidée. L'intervenant a entendu très clairement le secrétaire d'État affirmer que le point 8º ne concernera pas la communauté métropolitaine. Comment sera-t-elle institutionnalisée alors ? Peut-être le sera-t-elle uniquement au moyen d'une loi spéciale, et pas dans la Constitution ? M. Laeremans comprend que l'on pourra donner une assise constitutionnelle à la Fédération Wallonie-Bruxelles sur la base du point 8º. M. Laeremans n'a pas entendu que le point 8º n'avait pas pour but de resserrer structurellement les liens entre la Wallonie et Bruxelles. Il demeure donc inquiet à ce sujet.

Selon M. Moureaux, les explications du gouvernement sont claires. L'intervenant est sur la même longueur d'onde que d'autres membres quand il affirme qu'il s'agit d'une simplification et pas d'une modification des règles fondamentales. Cela n'ouvre pas la porte à l'institution d'une hiérarchie des normes.

M. Delpérée ajoute que la formulation « simplifier les procédures de coopération entre les entités » ne signifie pas que l'on va créer une institution, comme l'affirme M. Laeremans.

Point 9º

Cette disposition est claire selon M. Pieters. Sur le fond, elle remet en cause plusieurs principes de la structure fédérale de l'État. Il est incompréhensible que l'on ne puisse pas soulever de conflit d'intérêts sur un point bien précis d'un domaine particulier, alors qu'on peut le faire pour les choses les plus futiles. Le point 9º porte atteinte à la structure fédérale de l'État, telle que nous la connaissons aujourd'hui, et à l'égalité des intérêts des entités fédérées et de l'État, en particulier dans le contexte de la loi de financement dans lequel la base imposable deviendra un élément important. C'est clair.

M. Anciaux ne comprend pas que M. Pieters s'oppose au point en question qui prévoit un renforcement de l'autonomie fiscale.

M. Pieters précise que le point 9º concerne uniquement la législation fédérale. Il est totalement unilatéral.

M. Laeremans dépose un amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer l'alinéa 1er, 9º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

Selon M. Laeremans, le point 9º restreint l'autonomie des entités fédérées, en insérant un paragraphe qui exclut la procédure en conflit d'intérêts à l'encontre d'une loi ou d'une décision de l'autorité fédérale qui apporte des modifications à la base imposable, au taux d'imposition ou aux exonérations. Les Communautés et les Régions bénéficieront donc de moins de possibilités qu'elles n'en ont aujourd'hui. Il ne s'agit nullement d'un élargissement de l'autonomie. M. Laeremans avait demandé quelle était la ratio legis de cette disposition. Aucun conflit ou abus de pouvoir concernant ce genre de procédures n'a pourtant été constaté récemment ?

M. Verherstraeten, secrétaire d'État, estime que certains membres de la commission semblent oublier l'accord communautaire, qui accorde une autonomie fiscale de plus de 10 milliards d'euros. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de ce transfert. Il faut empêcher que la fiscalité fédérale soit entravée par le recours inefficace aux conflits d'intérêts.

M. Wathelet indique qu'à un moment donné, au cours des négociations, plusieurs partis s'étaient mis d'accord sur 12 principes, mais ils n'ont pas conclu l'accord institutionnel par la suite. La disposition en question figurait également parmi ces 12 principes parce qu'on ne voulait pas que le transfert de l'ensemble des compétences fiscales aux Régions ait pour effet d'empêcher l'autorité fédérale d'exercer ses compétences fiscales. Le transfert de compétences fiscales ne pose aucun problème, mais il serait inconcevable qu'il serve ultérieurement à bloquer l'exercice des compétences fédérales. L'autorité fédérale entend toujours être en mesure de réduire les impôts.

Point 10º

M. Laeremans dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 5-1532/2), qui vise à supprimer l'alinéa 1er, 10º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

Ce point vise à permettre d'insérer dans la Constitution une disposition prévoyant qu'une modification aux éléments essentiels de la réforme concernant l'emploi des langues en matière judiciaire au sein de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, ainsi qu'aux aspects y afférents relatifs au parquet, au siège et au ressort ne pourra être apportée que par une loi adoptée à une majorité spéciale.

L'intervenant estime que l'accord qui a été conclu concernant la réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles est néfaste et il invite chacun à prendre connaissance du document mentionnant la répartition linguistique, les chiffres relatifs au volume de travail, etc. Ce document montre que les négociateurs ont commis une erreur énorme en acceptant la proportion 20N/80F. Cette erreur aura des répercussions dans tous les tribunaux, jusqu'au tribunal de police, même lorsque celui-ci statue dans des dossiers civils.

Ce dernier point n'est pas sans importance, étant donné que la quasi-totalité des dossiers d'assurance sont traités par les tribunaux de police bruxellois, les compagnies d'assurance ayant leur siège social à Bruxelles. Ces affaires civiles sont peu nombreuses mais représentent une charge de travail considérable pour les magistrats concernés. La répartition 20N/80F ne repose sur rien. C'est donc une erreur de nommer des magistrats francophones en grand nombre dans ces tribunaux de police qui sont aujourd'hui majoritairement composés de magistrats néerlandophones. L'on crée ici un surplus de 160 magistrats francophones alors qu'aucun problème ne se pose sur le terrain, compte tenu du bilinguisme de la plupart des magistrats. L'application de cette clé de répartition risque aussi d'entraîner l'apparition d'un surplus d'agents du greffe, étant donné que ces 160 magistrats francophones surnuméraires se feront assister par des agents du greffe du rôle francophone.

M. Laeremans se réfère par ailleurs aux déclarations des secrétaires d'État compétents concernant le dépôt des propositions de loi relatives à la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. Ces textes devraient être votés encore avant les vacances d'été 2012. De combien de temps le Conseil d'État disposera-t-il pour rendre son avis ? Dans quelle assemblée parlementaire les textes seront-ils déposés ? Les propositions relatives à la scission de l'arrondissement judiciaire et celles relatives à la scission de la circonscription électorale seront-elles examinées simultanément, l'une au Sénat et l'autre à la Chambre des représentants ? S'agira-t-il de projets de loi du gouvernement ou bien les huit groupes politiques qui ont conclu l'accord vont-ils déposer des propositions de loi dans ce sens ? Quel est le calendrier prévu pour la réforme du Sénat ? Cette réforme sera-t-elle examinée d'abord au Sénat ?

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, répond que le 10º met à exécution l'accord conclu par les huit groupes politiques qui ont participé à la négociation, concernant la scission du parquet de Bruxelles et un dédoublement du siège. Plusieurs accords ont été conclus dans ce cadre et ils seront honorés.

Le Comité de mise en œuvre des réformes institutionnelles est en train de rédiger les textes juridiques nécessaires pour concrétiser les accords conclus, notamment en ce qui concerne la scission de la circonscription électorale et de l'arrondissement judiciaire. Dès que ces textes seront prêts, ils seront déposés et le secrétaire d'État espère pouvoir, au plus vite, solliciter et obtenir l'avis du Conseil d'État. L'on ne sait pas encore avec certitude dans quelle assemblée parlementaire ces textes seront déposés. À l'automne 2012, on poursuivra ensuite avec les transferts de compétences et la réforme de la loi spéciale de financement, comme convenu.

Point 11º

M. Pieters trouve cette disposition particulièrement peu claire. Le texte fait état des « effets en droit privé ». S'agit-il ici de dommages-intérêts ou d'autres matières ?

Pourquoi la disposition à l'examen se limite-t-elle aux tribunaux administratifs fédéraux ? Quid des tribunaux administratifs institués par les Communautés et les Régions et qui sont confrontés à la même problématique ?

Sera-t-il désormais permis de se pourvoir en cassation contre des arrêts rendus par des tribunaux administratifs à présent que ceux-ci sont compétents pour connaître des effets en droit privé d'une décision ?

M. Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, répond que l'on s'est limité au niveau fédéral parce que les tribunaux administratifs qui existent aujourd'hui ont été créés sur la base des compétences implicites visées à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, et qu'il n'est pas prévu de remettre en cause cette compétence. La Constitution sera adaptée pour que le Conseil d'État puisse enfin déterminer non seulement les effets administratifs, mais aussi les effets en droit civil de ses arrêts, afin que le justiciable n'ait plus à entamer ensuite une nouvelle procédure au civil.

M. Cheron souligne que la disposition proposée facilitera grandement la vie au citoyen qui doit aujourd'hui suivre deux procédures pour obtenir satisfaction.

M. Anciaux considère que la disposition proposée ne peut en aucun cas avoir pour effet de porter préjudice aux droits des intéressés. Il doit subsister une procédure de recours telle que celle qui est ouverte aujourd'hui contre une décision du tribunal civil lorsqu'il se prononce sur les effets en droit privé. Cela va sans dire. Le recours en appel et en cassation doit donc être maintenu, sans quoi, on assisterait plutôt à une limitation des droits du citoyen plutôt qu'à une réponse à ses aspirations, ce qui est précisément le but en l'espèce.

M. Pieters souscrit à cette dernière intervention. En revanche, il ne comprend pas pourquoi la disposition proposée se limite aux tribunaux administratifs du niveau fédéral et et ne prévoit pas par la même occasion la même possibilité pour les tribunaux administratifs des communautés et des régions. Rien ne justifie cette différence. L'explication des secrétaires d'État ne convainc absolument pas. Il ne s'agit pas ici d'une modification de la répartition des compétences entre l'autorité fédérale, les Communautés et les Régions. Il ne comprend pas pourquoi des tribunaux administratifs autres que fédéraux ne pourraient pas être habilités à se prononcer sur les effets en droit privé de leurs décisions.

M. Laeremans se rallie à cette observation. Les tribunaux administratifs autres que fédéraux doivent être traités sur un pied d'égalité.

De plus, il y voit l'occasion idéale de réaliser une avancée dans la création des tribunaux administratifs de première instance pour lesquels le Conseil d'État, actuellement sollicité à l'extrême, pourrait faire office d'instance d'appel. À l'heure actuelle, la moindre contestation avec une autorité communale est soumise à un tribunal centralisé, alors qu'une décentralisation s'impose. La disposition à l'examen devrait à tout le moins ne pas fermer la porte à une telle réforme.

M. Wathelet, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, réitère que les Communautés et les Régions n'ont pas explicitement pour l'heure le pouvoir d'instituer des tribunaux administratifs. S'ils ont créé des tribunaux administratifs, c'est en application des compétences implicites visées à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Cette compétence n'est aucunement remise en question et les Communautés et Régions jouissent en la matière d'une totale autonomie qui est respectée en l'espèce.

La disposition proposée vise uniquement à habiliter les tribunaux administratifs fédéraux — notamment le Conseil d'État — à se prononcer également sur les effets en droit privé de leurs décisions. Si le texte proposé avait mentionné des tribunaux administratifs autres que fédéraux, on aurait à coup sûr fait remarquer que cela portait atteinte aux compétences et à l'autonomie des Communautés et Régions.

M. Pieters se réjouit de cette dernière précision du secrétaire d'État. Elle a en effet pour conséquence que la compétence implicite d'instituer un tribunal administratif, dont les Communautés et les Régions jouissent en application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, englobe également la compétence de permettre à ces tribunaux de se prononcer sur les effets en droit privé de leurs décisions.

Il craint cependant que telle ne soit pas vraiment l'intention du secrétaire d'État. Il ne voit donc pas pourquoi on ne donnerait pas aussi aux tribunaux administratifs autres que fédéraux le pouvoir de se prononcer sur les effets en droit privé. Un tribunal administratif institué par une Région et appelé à statuer, par exemple, sur des matières environnementales devrait en effet aussi être habilité à se prononcer sur les effets en droit privé. Cela ne porte atteinte ni aux compétences de l'autorité fédérale, ni à celles des Communautés et Régions.

M. Laeremans craint d'en arriver à un système de deux poids, deux mesures. Un recours dirigé contre une décision d'un tribunal administratif flamand en matière environnementale sera traité par le Conseil d'État qui aurait dans ce cas plus ou moins de pouvoir selon que l'affaire concerne une matière fédérale ou régionale. On crée ici une nouvelle discrimination.

M. Pieters note que le secrétaire d'État estime que le fait de rattacher des conséquences civiles aux décisions des juridictions administratives créées par les entités fédérées sur la base de leurs compétences implicites serait une immixtion du pouvoir fédéral dans les compétences implicites des entités fédérées. Faut-il déduire de ces déclarations que les compétences implicites des entités fédérées leur permettent de confier la gestion des conséquences civiles aux juridictions administratives qu'elles ont créées ?

L'intervenant cite l'exemple d'infractions environnementales qui seraient traitées par des juridictions administratives régionales. À l'heure actuelle, ces dernières ne peuvent pas traiter les conséquences civiles desdites infractions. Pourquoi ne pas prévoir cette possibilité dans le texte puisque cela ne porte atteinte ni aux compétences du pouvoir fédéral ni à celles des entités fédérée ?

M. Laeremans fait remarquer que le régime proposé aboutit à une discrimination. Un recours contre une juridiction administrative flamande en matière environnementale sera traité par le Conseil d'État. Or, le Conseil d'État aura plus de compétences pour ce qui concerne les matières fédérales — pour lesquelles il pourra se prononcer sur les conséquences civiles — que pour les matière régionales.

Point 12º

M. Laeremans dépose l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 5-1532/2), visant à supprimer, à l'alinéa 1er, 12º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution, les mots « statuant à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

L'intervenant se réjouit du fait que l'on veuille associer les Communautés et les Régions à certains aspects de la politique en matière de justice. Il ne comprend cependant pas pourquoi la participation des Communautés et Régions nécessite le recours à une loi à majorité spéciale. Une loi ordinaire doit pouvoir régler cette question.

Point 13º

M. Pieters constate que le 13º vise une modification aux nouvelles compétences du Conseil d'État. Quelles sont ces nouvelles compétences ?

M. Laeremans dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 5-1532/2),visant à supprimer l'alinéa 1er, 13º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

L'auteur ne voit pas pour quelles raisons il faut adapter le régime actuel de délibération de la section du contentieux administratif du Conseil d'État. La restriction des compétences des chambres flamandes du Conseil d'État est inacceptable.

M. Wathelet, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles fait remarquer que le texte en projet crée la possibilité de saisir directement l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'État. Le texte n'attribue pas de nouvelle compétence au Conseil d'État. C'est l'assemblée générale qui se voit confier de nouvelles compétences. Certains dossiers, qui sont déjà traités par le Conseil d'État, seront à l'avenir confiés à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif.

M. Pieters trouve qu'il est curieux, sur le plan légistique, de vouloir modifier la Constitution afin de « bétonner » des règles qui n'existent pas encore.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, répond que c'est un élément du compromis communautaire.

Point 14º

M. Pieters renvoie à la discussion du point 6º. Il déduit de la disposition proposée que l'on ne pourra introduire de régime qui s'appliquerait exclusivement aux néerlandophones ou aux francophones puisque l'article ne permet pas de traitement différencié entre les intérêts légitimes des uns et des autres.

M. Laeremans dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à supprimer l'alinéa 1er, 14º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution.

L'auteur renvoie à la discussion relative à la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. On instaure pour les élections européennes une solution comparable à celle qui est prévue pour les élections législatives fédérales. Les habitants des six communes à facilités obtiennent un statut privilégié pour les élections fédérales puisqu'on leur permet de faire partie du collège électoral bruxellois et du collège électoral flamand. L'intervenant pense que cela offre des garanties aux francophones de la périphérie que leurs votes auront un certain poids alors que l'on ne prévoit pas de système comparable en faveur des Flamands de Bruxelles.

M. Moureaux fait remarquer que les Flamands de Bruxelles pourront voter pour leurs listes. Le nouveau régime est une conséquence logique de la scission de l'arrondissement électoral.

M. Laeremans précise que la conséquence du nouveau régime est que les électeurs flamands de Bruxelles n'auront aucun représentant puisqu'il est probable que les quinze élus du collège bruxellois seront tous francophones. Le régime proposé est discriminatoire pour les Flamands de Bruxelles.

M. Cheron renvoie aux réponses données lors de la discussion du point 6º. Il note que le préopinant plaide presque pour une non-scission de l'arrondissement.

M. Laeremans pense que le nouveau régime aggrave la situation des Flamands de Bruxelles. Il regrette que l'on ait abandonné les solutions basées sur l'apparentement des votes flamands à Bruxelles avec les votes du brabant flamand et des votes francophones à Bruxelles avec ceux du Brabant wallon.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, précise que la solution équilibrée qui a été trouvée pour les élections fédérales est également appliquée pour les élections européennes. Les modalités spéciales qui sont prévues ont été considérées comme raisonnables par de nombreuses personnes, y compris du côté néerlandophone. Il confirme par ailleurs que l'on ne pourra pas faire de distinction entre les néerlandophones et les francophones dans l'ancienne province du Brabant.

M. Broers en déduit que cela ne vaut pas pour les autres provinces flamandes.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, renvoie à l'accord entre les huit partis.

Point 15º

M. Pieters demande quelle est la plus-value de la disposition proposée. L'intervenant pense que ce qui est proposé est déjà possible à l'heure actuelle.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux réformes institutionnelles, ne partage pas ce point de vue. L'actuel article 180 de la Constitution ne permet pas de confier directement des missions à la Cour des comptes.

M. Pieters renvoie aux missions de la Cour des comptes telles qu'elles sont décrites sur son site Internet. Il ne voit pas quelle est la plus-value de la disposition proposée.

M. Laeremans dépose l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à remplacer à l'alinéa 1er, 15º, de l'article unique du projet de révision de la Constitution, les mots « pourront confier des missions à la Cour des Comptes, le cas échéant moyennant rémunération » par les mots « pourront créer leur propre Cour des Comptes ».

M. Laeremans explique que son amendement présente l'avantage de permettre au gouvernement fédéral de réaliser des économies en mettant une partie des frais à charge des Régions. Les frais liés à l'actuel contrôle du budget flamand par la Cour des comptes et au traitement des plaintes pouvant être introduites par les députés flamands sont actuellement supportés par le fédéral. Toutes les personnes préoccupées de la situation financière du fédéral devraient soutenir son amendement.

M. Wathelet, secrétaire d'État, estime que la plus-value de la proposition réside dans le fait que l'article 180 actuel limite les pouvoirs de la Cour des comptes. L'accord gouvernemental prévoit d'octroyer une compétence supplémentaire à la Cour des comptes, c'est-à-dire la possibilité pour les entités fédérées de lui confier des missions moyennant rémunération.

M. Laeremans souligne que le gouvernement flamand a exprimé, dans son accord de gouvernement du 15 juillet 2009, le souhait d'obtenir une autonomie accrue en matière de fixation des règles relatives à la gestion et au contrôle de ses finances. Il a été décidé à cet égard d'instituer une Cour des comptes flamande auprès du Parlement flamand. Le groupe de l'intervenant propose donc une mesure préconisée par la N-VA, le CD&V et le sp.a dans l'accord de gouvernement flamand.

M. Verherstraeten, secrétaire d'État, souligne que l'accord de gouvernement fédéral met partiellement en œuvre la note Octopus. Il constate que le gouvernement flamand estime que l'accord de gouvernement fédéral n'est pas en contradiction avec son propre accord de gouvernement.

Dernière phrase

M. Laeremans dépose l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) visant à remplacer, dans la dernière phrase, les mots « ne constitue pas » par le mot « constitue ». La modification proposée aurait pour effet que l'adoption de la proposition de révision à l'examen provoque la dissolution des Chambres, permettant ainsi aux électeurs d'exprimer leur point de vue sur la question.

Amendements globaux

Pour finir, la commission examine une série d'amendements globaux.

Amendement nº 1

M. Laeremans dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) qui propose de remplacer l'article unique dans son ensemble. Cet amendement vise à modifier durablement l'article 195 de la Constitution, ce qui était l'objectif du préconstituant. Une révision pourrait être effectuée pendant la même législature à condition que deux tiers des membres soient présents et que la révision proposée recueille trois cinquièmes des suffrages. Cela constitue la garantie que les francophones devront également être présents lors de la discussion et lors du vote. La majorité décisionnelle est cependant inférieure.

Le secrétaire d'État Verherstraeten renvoie à la réponse qu'il a fournie lors de la discussion générale.

Amendement nº 15

M. Laeremans dépose l'amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) qui propose de remplacer l'article unique dans son ensemble. Cet amendement vise à inscrire les 198 articles de la Constitution dans la disposition transitoire.

M. Laeremans renvoie à la justification détaillée de l'amendement. En son temps, la Constitution belge n'était pas conforme à la Constitution néerlandaise. Elle a en réalité rompu avec ce qui existait préalablement, de la même manière qu'une Constitution flamande rompant avec le passé sera un jour rédigée.

Amendement nº 16

M. Pieters dépose l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 5-1532/2) en vue de remplacer l'article unique dans son ensemble. Cet amendement vise une révision permanente et durable de l'article 195.

Amendements nos 17, 18 et 19

M. Pieters dépose les amendements nos 17, 18 et 19 subsidiaires à l'amendement nº 16 (doc. Sénat, nº 5-1532/2).

L'amendement nº 17 vise à supprimer les points 1º à 15º de la disposition transitoire.

Les amendements nos 18 et 19 visent chacun à ajouter un point à la disposition transitoire. Ces points requièrent une réponse constitutionnelle urgente. L'amendement n 18 concerne la révisabilité de l'article 174 en vue de donner un ancrage constitutionnel au mécanisme du frein à l'endettement, tandis que l'amendement nº 19 porte sur l'article 48 et vise à soustraire au Parlement la compétence de vérification des pouvoirs et à la confier, moyennant une révision de l'article 142, à la Cour constitutionnelle.

L'ancrage juridique du frein à l'endettement est imposé par l'Union européenne. Celle-ci demande que cet ancrage soit réalisé dans un certain délai et, de préférence, dans la Constitution. Cela pourrait en principe se faire au moyen d'une loi spéciale, mais, dans notre pays, cela doit être prévu par la Constitution. Puisqu'il y a urgence, l'article 174 devrait donc également figurer dans la disposition transitoire.

À la suite de l'arrêt Grosaru rendu par la Cour européenne des droits de l'homme, la Belgique doit adapter sa procédure relative à la vérification des pouvoirs et au traitement des contentieux électoraux. Il est inacceptable que dans le cadre des élections, le Parlement soit à la fois juge et partie. Il ne suffit pas de modifier l'article 142 de la Constitution: l'article 48 doit, lui aussi, être modifié.

Si l'on veut donner quelque crédibilité à l'argument selon lequel la formule proposée à l'article 195 est dictée par l'urgence, il faut également reprendre les deux points en question dans la disposition transitoire.

M. Cheron constate que M. Pieters, qui a essayé de démontrer que la modification proposée de l'article 195 était erronée, propose maintenant d'ajouter deux articles à la liste prévue par la disposition transitoire qui n'ont rien à voir avec la réforme institutionnelle.

M. Pieters maintient qu'une modification temporaire de l'article 195 est inacceptable. L'unique réponse qu'il obtient est que cela a été convenu ainsi au sein de la majorité. Si une majorité a été toutefois trouvée pour cette formule, pourquoi n'y recourrait-on pas pour résoudre deux questions posées au niveau du droit européen qu'il convient de résoudre à court terme ?

D'après M. Anciaux, la problématique du frein à l'endettement ne s'inscrit pas dans le cadre de l'examen de la proposition de révision de l'article 195 de la Constitution, mais plutôt dans l'examen d'une proposition de révision de l'article 7bis de la Constitution qui a été déclaré ouvert à révision.

Quant à l'amendement principal nº 16 de M. Pieters, M. Verherstraeten, secrétaire d'État aux Réformes institutionnelles, renvoie à la discussion générale. Les deux autres amendements, qui ont été déposés subsidiairement, sortent du cadre de l'accord communautaire. La proposition de modification de la Constitution est volontairement limitée à l'exécution de cet accord, ce qui concerne aussi les sensibilités relatives à l'article 195, évidemment.

Concernant les amendements subsidiaires nos 18 et 19, le secrétaire d'État affirme que le contenu de l'arrêt Grosaru n'est pas univoque. La Cour européenne des droits de l'homme a, en effet, accepté que des démocraties classiques ayant une longue tradition parlementaire, telles que la Belgique, sont en droit de conserver leurs règles actuelles. Au sujet du principe du frein à l'endettement, lorsque les douze États membres auront ratifié le nouveau traité, il se posera la question de savoir s'il convient d'ancrer oui ou non ce principe dans la Constitution ou plutôt de l'insérer dans une loi spéciale. Entre-temps, des initiatives ont déjà été prises pour l'ancrer dans la Constitution, entre autres par le biais de la proposition de M. Van Rompuy, de révision de l'article 7bis de la Constitution en vue d'instaurer un frein à l'endettement (doc. Sénat, nº 5-1499/1). Nous devons, en tout cas, commencer par examiner toutes les possibilités et ne recourir à nouveau à l'article 195 que si aucune autre solution n'est possible.

VI. VOTES

Les amendements nos 1 à 15 sont successivement rejetés par 10 voix contre 4.

Les amendements nos 16 à 19 sont successivement rejetés par 11 voix contre 4.

L'article unique est adopté par 11 voix contre 4. De ce fait, la proposition de révision nº 5-466 devient sans objet.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 14 membres présents.

Les rapporteurs, La présidente,
Bert ANCIAUX. Francis DELPÉRÉE. Sabine de BETHUNE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-2064/5).


(1) Ch., Annales parlementaires, 1979-80, 3 juillet 1980, p. 2330.