5-129COM

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Commission de la Justice

Annales

MARDI 28 FÉVRIER 2012 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. François Bellot à la ministre de la Justice sur «les sanctions prononcées à l'encontre des cow-boys de la route par les tribunaux de police» (no 5-1668)

M. François Bellot (MR). - Une récente étude hollandaise démontre que 30% des accidents de la route sont à mettre en relation avec l'imprudence et un comportement de conduite inadapté. Touring saisit l'occasion pour signaler que le nombre de tués sur nos routes ces deux derniers mois (149) est en forte augmentation et correspond à celui enregistré lors des trois derniers mois de l'année 2010.

L'association belge de mobilité a établi, sur la base des données recueillies auprès des assurances et des parquets, une liste de « cow-boys », soit un petit nombre (±2700) de conducteurs à l'origine d'une grande partie des accidents graves et/ou mortels sur nos routes.

Touring réclame plus de sévérité de la part des tribunaux de police à l'égard de ces chauffards, responsables de la grande majorité des accidents, en tort et récidivistes pour la plupart. La seule solution serait, selon l'association, le retrait de permis à vie. Touring déplore un certain laxisme du côté des tribunaux : les juges ne feraient pas toujours le meilleur usage de la panoplie des peines existantes.

Le retrait de permis à vie peut être une sanction lourde de conséquences sur le plan familial et professionnel. Cependant, est-il normal qu'un petit groupe d'individus fasse peser une hypothèque sur la très grande majorité des automobilistes qui eux respectent les règles ? Que pensez-vous de la solution proposée par Touring ?

Les juges de police ont-ils connaissance de cette liste de chauffards ? L'utilisent-ils, le cas échéant, pour déterminer la sanction à appliquer ?

Disposons-nous de données chiffrées sur le nombre de retraits de permis provisoires et définitifs par arrondissement judiciaire ?

Le tout récent accord de gouvernement prévoit de « poursuivre de manière intensive ses actions en vue d'améliorer la sécurité routière et de diminuer le nombre de victimes sur les routes ». Il est primordial pour assurer la sécurité sur nos routes de lutter contre le sentiment d'impunité qui renforce les comportements inadaptés en termes de sécurité routière. Dans cette optique, quelles actions concrètes envisagez-vous afin d'assurer une « meilleure » répression des violations du Code de la route ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Il convient tout d'abord de s'interroger sur le caractère licite de la solution proposée par l'association Touring dans le cadre de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée et de son arrêté d'exécution du 13 février 2001.

Une liste de conducteurs qualifiés de « cow-boys » serait constituée et exploitée en fonction de critères qui n'ont pas été définis. Les juges des tribunaux de police ont de toute manière connaissance des antécédents du contrevenant au Code de la route, hormis les infractions qui ont fait l'objet de perceptions immédiates, par le biais de l'extrait du casier judiciaire déposé au dossier de la procédure et des réquisitions du ministère public.

Il y a lieu de rappeler que si le ministère public induit et mène une politique criminelle en matière de recherche, de constatation et de poursuite, le magistrat du siège demeure indépendant dans le cadre légal qui lui est assigné lors de sa décision judiciaire.

En ce qui concerne le retrait de permis à vie, je rappelle que cette sanction est déjà prévue dans les hypothèses de récidive énoncées à l'article 38, paragraphe 1er, dernier alinéa, de la loi relative à la police de la circulation routière. Une telle sanction peut avoir de lourdes conséquences tant sur le plan familial que professionnel de sorte que, comme le permet la loi précitée, il paraît plus judicieux de prononcer des déchéances temporaires en soumettant la récupération du permis de conduire à la réussite d'examens.

En tout état de cause, la question essentielle réside dans l'effectivité de la sanction qui ne peut être garantie que par les moyens de son application et de son contrôle.

Le ministère public s'associe bien entendu, par sa politique criminelle, aux objectifs fixés ; je pense notamment aux états généraux de la sécurité routière visant à réduire le nombre de victimes sur les routes. Il souhaite les assumer par la voie des poursuites.

Cette politique criminelle fait d'ailleurs l'objet de diverses circulaires spécifiques du Collège des procureurs généraux, parfois signées conjointement avec le ministre de la Justice : il s'agit des circulaires no COL 10/2006, COL 11/2006, COL 19/2010, COL 8/2006 et COL 11/2007, ainsi que de la directive ministérielle du 20 juillet 2000 relative à l'agressivité dans la circulation routière.

En tant que domaine prioritaire, la lutte pour la sécurité routière sera renforcée grâce à une amélioration des dispositifs de sanctions transactionnelles. Ainsi, une attention particulière sera accordée à des projets qui permettraient, pour les infractions routières qui font l'objet d'une perception immédiate et demeurent impayées, d'inverser le contentieux du règlement en passant par une gestion plus efficace des perceptions immédiates au niveau des parquets, par l'intermédiaire des sections de police.

La matière en question concerne les parquets de police. Jusqu'à présent, la banque de données statistiques du Collège des procureurs généraux ne contient pas de données relatives aux parquets de police.

M. François Bellot (MR). - Ces 2700 conducteurs, qui sont à l'origine de très nombreux accidents et sinistres, méritent sinon un retrait de permis à vie, au moins une sanction lourde, surtout s'ils sont récidivistes. J'observe tout de même que la loi a été adaptée en 2008 et 2009 mais cela ne se traduit pas toujours dans les sanctions infligées par certains tribunaux de police. Ainsi, ceux qui habitent à la frontière de deux arrondissements judiciaires perçoivent parfois des différences fondamentales dans l'application des peines. Il me semble que les procureurs généraux devraient tendre vers une uniformisation des approches.