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7 MARS 2012
Ces dernières années, force est de constater que l'amélioration de la vie sociale et économique n'ont guère évoluées. Le pays se situe en queue de peloton dans l'indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD).
Le dernier rapport sur la faim dans le monde (2011) (1) relève le cas particulier de la République démocratique du Congo (RDC), en raison de la dégradation importante de sa situation alimentaire. En effet, d'après les scores de l'indice de la faim (2) dans le monde qui varient considérablement selon les régions et les pays, la République démocratique du Congo est le seul pays à être passé d'une situation « alarmante » à « extrêmement alarmante » ces dernières années.
En RDC, le développement agricole est considéré par la plupart des observateurs comme la clé de voûte d'une amélioration durable des conditions de vie des populations.
Les pays industrialisés qui font face à des problèmes graves (un système financier instable et en crise, une croissance économique moribonde et un niveau de chômage toujours plus élevé) ne doivent pas oublier les perspectives d'avenir dramatiques des populations de ce pays, si rien n'est fait pour améliorer le développement agricole.
La Belgique, comme les autres partenaires internationaux, peut accompagner les nouvelles autorités dans leur choix pour une politique agricole durable. Elle peut également plaider la cause de la RDC auprès des instances internationales, dont les choix politiques et économiques influencent directement la sécurité et la souveraineté alimentaires.
A. DESCRIPTION DU CONTEXTE GÉNÉRAL
Un potentiel agricole énorme mais une situation alimentaire qui se dégrade depuis trente ans
Depuis plus de cinquante ans le développement de l'agriculture en RDC entretient l'espoir d'une meilleure sécurité alimentaire et de l'autosuffisance. Beaucoup de capitaux et d'énergie ont été investis dans ce chantier. Les résultats sont pourtant loin d'être à la hauteur et les espoirs ont tous été anéantis. Selon la FAO, la sous-alimentation en RDC est passée de la période de 1990/1992, de 11,4 millions de personnes pour une population totale de 40 millions à 43,9 millions en 2004/2006 pour une population totale de 59 millions d'habitants ce qui correspond à 75 % de la population congolaise.
L'agriculture occupe plus de 75 % des Congolais, mais depuis près de trente ans, la situation s'est gravement détériorée avec une chute des exportations des produits agricoles ainsi qu'une baisse importante de la production vivrière. Ainsi l'insécurité alimentaire et monétaire touche plus de 75 % de la population.
Paradoxalement la RDC dispose d'un énorme potentiel agricole, grâce à ses atouts climatologiques, hydrologiques, ainsi que grâce à la disponibilité de plus de 80 millions d'hectares de terres cultivables, dont moins de 15 % sont aujourd'hui mises en valeur.
Les difficultés des petits paysans et des organisations paysannes sont multiples en RDC
Il existe plusieurs types de contraintes pour les petits paysans et les organisations qui entravent le développement agricole. Elles sont notamment liées à la production, à la conservation et à la transformation, à l'évacuation et à la commercialisation, à l'accès à la terre et aux renforcements des capacités.
— Difficultés liées à la production: insuffisance des intrants appropriés (semences, petits outillages, tracteurs, bateaux de pêche, géniteurs, ...).
— Difficultés liées à la conservation et à la transformation: insuffisance des infrastructures d'entreposages, de stockage et de conservation de produits agricoles et insuffisance des unités de transformation (décortiqueuse à riz, moulins, ruches, égraineuse)
— Difficultés liées à l'évacuation et à la commercialisation: enclavement des zones de productions (mauvais état des routes de dessertes agricoles), insuffisance de moyens de transport (gros véhicules, pirogues) et d'emballages appropriés.
— Difficultés liées à l'accès à la terre: les conflits de terre (spoliation des sites), tracasseries administratives (taxes illicites) et lotissement anarchique des sites d'exploitations agricoles.
— Difficultés liées aux renforcements des capacités: insuffisance en formation techniques, analphabétisme, non valorisation des pratiques agricoles traditionnelles mais aussi l'accès à l'Internet et à l'acquisition de matériel informatique.
La question de la gouvernance qui entrave l'essor du secteur agricole
La faiblesse de la gouvernance du secteur agricole est une contrainte importante qui maintient une agriculture de subsistance, mais aussi entretient la précarité et les conflits. Les dynamiques et pratiques actuelles ne sécurisent pas les investisseurs, les producteurs et les commerçants. Elles rendent difficiles l'accès aux intrants, au capital, aux compétences techniques et aux marchés. Dans ce contexte, les métiers de l'agriculture manquent d'attractivité pour les jeunes, les plus dynamiques ou les petits entrepreneurs locaux.
Des facteurs juridiques et politiques qui fragilisent le développement agricole
La « Loi portant principes fondamentaux relatifs au secteur agricole » a été promulguée en décembre 2011, mais il reste des dispositions à mettre uvre avant son application effective. En effet, le cadre législatif est encore incomplet et le soutien politique des réformes n'est que très partiel. Il existe un chevauchement des attributions entre les différents ministères, le niveau central et le niveau décentralisé, qui est trop peu organisé. Cette situation provoque une faible application des textes réglementaires. Le monde paysan demande au gouvernement congolais la mise en uvre d'une stratégie de vulgarisation de la loi. Il appelle également à la mise en place de mesures d'applications de cette loi. Le monde agricole attend par ailleurs, que le parlement amende la loi foncière en faveur des intérêts des agriculteurs familiaux. En effet, l'insécurité foncière constitue un problème majeur pour les paysans agriculteurs qui sont souvent victimes du phénomène d'accaparement des terres.
Un contexte multi-crises et une volatilité des prix particulièrement défavorable aux populations les plus vulnérables
Ces dernières années, la crise sous ces multiples aspects (hausse des coûts des matières premières, crac financier, dégradation de l'environnement, changements climatiques), a eu un lourd impact sur la sécurité alimentaire mondiale. Le rapport annuel 2011 sur la faim dans le monde, édité par trois agences des Nations unies (3) concernées par la question alimentaire, a identifié les prix alimentaires élevés et volatils, comme principaux facteurs contribuant à l'insécurité alimentaire au niveau mondial, et comme source des graves préoccupations actuelles pour la communauté internationale.
Ainsi par exemple, la plupart des pays qui présentent un indice de faim élevé (Haïti, RDC, Burundi, Erythrée) se caractérisent par une forte dépendance aux importations de denrées alimentaires, ce qui les rend particulièrement sensibles aux effets désastreux de la volatilité des prix alimentaires. La hausse et l'instabilité des prix alimentaires sont particulièrement préjudiciables aux consommateurs les plus démunis qui consacrent une grande part de leur revenu à l'alimentation, et dont la capacité d'adaptation aux montées en pic des prix alimentaires est très limitée. Pour faire face à cette situation, la plupart des foyers pauvres réduit la quantité et la qualité des aliments consommés. Cette réponse entraîne une augmentation de la faim et des carences en micronutriments, particulièrement au sein des groupes les plus vulnérables, à savoir les femmes et les enfants.
Une libéralisation internationale débridée du commerce qui met à mal le secteur agricole des pays les plus pauvres
Les raisons les plus fréquemment évoquées pour expliquer la volatilité des prix, ainsi que la difficulté des pays les plus pauvres à faire face à cette situation, concernent principalement le choix des politiques commerciales, qui privilégient les logiques internationales au détriment des productions locales. Ainsi l'importation massive de produits alimentaires à bas prix (parce que subventionnés par les pays exportateurs) empêche l'émergence d'un marché local rémunérateur. Cette importation massive de produits alimentaires, au détriment de la santé des populations et du développement de l'agriculture locale, est d'ailleurs dénoncée par les organisations de la société civile de la RDC (4) .
Pourtant pour de nombreux observateurs ce sont les revenus agricoles qui permettront d'améliorer durablement les conditions de vie de la population congolaise. Actuellement, les terres arables sont sous-utilisées et le plus souvent avec des semences ou des animaux domestiques qui produisent peu, ce qui les rend moins compétitifs que les produits importés. D'autre part comme cela a déjà été évoqué les paysans ne sont pas suffisamment supportés pour conserver, transformer et commercialiser leur production vers les centres urbains, principaux lieux de consommation, alors que les produits occidentaux eux parviennent sans problèmes dans les capitales.
B. LES ACTIONS ET RÉFLEXIONS EN COURS
Les initiatives des organisations paysannes
En 2010, une étude de l'ONG Vredeseilanden portant sur le secteur agricole en RDC a démontré que les producteurs agricoles congolais s'organisent et prennent des initiatives pour faire évoluer leur agriculture.
Les dynamiques locales mises en uvre par les associations paysannes de terrain ne sont pas suffisamment prises en considération ni par les responsables politiques congolais, ni par les grands bailleurs de fonds du secteur. En outre les réalités agro-écologiques sont très différentes, ainsi que l'historique et les possibilités socio-économiques actuelles sont spécifiques à chaque zone. Ainsi par exemple, l'ouverture du Kivu sur l'Afrique orientale, celle du Bas-Congo sur l'océan et celle du Katanga sur l'Afrique australe apportent aux producteurs agricoles de ces régions des atouts mais aussi des contraintes particulières que leurs collègues enclavés du Kasaï oriental et du Maniema ne peuvent pas connaître. Pour d'autres producteurs encore, la proximité des grandes villes comme Kinshasa, Kisangani, Bukavu, Mbuji-Mayi ou Kananga constitue un avantage déterminant.
Plus globalement, la biodiversité de ce vaste pays est impressionnante. Elle n'a d'égale que la détermination des paysans et des paysannes congolaises, à travailler, à produire et à se construire un avenir meilleur à travers leur métier d'agriculteur.
La promulgation de la Loi Agricole
Après cinq ans de tergiversations et de tiraillements, dans la foulée du travail accompli par l'Assemblée nationale congolaise, le président de la République Démocratique du Congo a enfin promulgué le 24 décembre 2011, la « Loi portant principes fondamentaux relatifs au secteur agricole ». Elle entrera en vigueur le 24 juin 2012. C'est une loi-cadre capitale pour le développement de l'agriculture congolaise. Son existence est en grande partie due au travail de la société civile en RDC en particulier des organisations paysannes du pays. Elles ont uvré en tant que force démocratique pour obtenir une législation adéquate. Sans la mobilisation de la société civile cette loi serait restée lettre morte avant même sa promulgation solennelle. Mais comme dit précédemment, cette loi doit encore être appliquée de manière effective.
La communauté internationale
Lors du sommet de l'Aquila en Italie en 2009, les membres du G20 se sont engagés sur des financements et des investissements à hauteur de 16,6 milliards d'euros sous trois ans. Pourtant, deux ans après ce sommet, les promesses n'ont pas toutes été tenues et les efforts n'ont pas été suffisant pour s'opposer durablement aux causes sous-jacentes de la volatilité des prix alimentaires: les politiques en matière d'agro-carburants, l'impact du changement climatique, ainsi que le manque d'investissements agricoles pour appuyer la productivité des fermiers les plus vulnérables et leur capacité de résilience.
En juin 2011, le G20 a en outre pris des engagements supplémentaires pour contribuer à stabiliser les prix alimentaires en développant l'information sur le niveau des prix et l'état des stocks mondiaux, et en décidant de la mise en place de réserves alimentaires pour prévenir les conséquences des hausses des prix alimentaires. La communauté internationale doit tenir ses promesses et s'engager de manière déterminée à stabiliser le système alimentaire mondial.
La coopération belgo-congolaise en matière agricole
À la fin de 2009, les partenaires congolais et belges ont signé le nouveau Programme indicatif de coopération (PIC), qui définit les axes prioritaires de développement. Ce PIC 2010-2013 prévoit un budget de 300 à 400 M d'euros, principalement dans les secteurs i) de l'agriculture, ii) des pistes et bacs, et iii) de l'enseignement technique et de la formation professionnelle. Le programme prévoit des actions dans quatre zones de concentration: l'ensemble de la Province du Kasaï Oriental, deux districts dans la Province de Bandundu, le district de la Tshopo en Province Orientale et le Sud de la Province de Maniema.
Marie ARENA. |
Le Sénat,
A. considérant la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) qui proclame que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation ... ». L'ONU a identifié dès sa constitution l'accès à une nourriture suffisante à la fois comme un droit de l'individu et une responsabilité collective;
B. considérant la signature par la Belgique en septembre 2000 de la Déclaration du Millénaire des Nations unies.Celle-ci engage la Belgique, au côté de la communauté internationale, à atteindre huit objectifs de réduction de la pauvreté dans le monde pour 2015 (des objectifs assortis de cibles et d'indicateurs spécifiques) Le premier de ces objectifs a trait à la réduction de la faim dans le monde;
C. considérant le dernier rapport (2011) qui concerne l'indice de la faim dans le monde (Global Hunger Index GHI) qui situe la République démocratique du Congo dans le groupe des six pays qui présentent un niveau de faim considéré comme alarmant ou extrêmement alarmant. D'après ce rapport, la RDC est le seul pays à être passé d'une situation alarmante à extrêmement alarmante;
D. considérant le rapport annuel 2011 sur la faim des trois agences des Nations unies (FAO, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM)) qui identifie les prix alimentaires élevés et volatils, comme étant les principaux facteurs contribuant à l'insécurité alimentaire au niveau mondial et comme source des graves préoccupations pour lacommunauté internationale. Selon ce rapport les petits pays dépendants des importations, notamment en Afrique, ont été frappés de plein fouet par les crises alimentaire et économique. La volatilité des prix favorise la recrudescence de la pauvreté chez les petits agriculteurs et les consommateurs pauvres;
E. considérant le rapport du rapporteur spécial sur le Droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, dans le cadre de sa Mission auprès de l'Organisation mondiale du commerce présenté au Conseil des droits de l'homme le 9 mars 2009 (5) .
Selon ce rapport, si nous souhaitons que le commerce agisse en faveur du développement et qu'il contribue à la réalisation du droit à une alimentation adéquate, il doit reconnaître la spécificité des produits agricoles au lieu de les traiter comme une marchandise comme une autre. Le commerce doit aussi permettre une plus grande souplesse aux pays en développement, afin de protéger leurs producteurs agricoles de la concurrence avec les paysans des pays industrialisés. Le rapport dit que dans un tel contexte, l'idée d'établir un marché des matières premières agricoles sans distorsions, est dénué de sens;
F. considérant l'additif au rapport du rapporteur spécial sur le Droit à l'alimentation, Olivier De Schutter (6) , qui concerne les « Acquisitions et locations de terres à grande échelle: ensemble de principes minimaux et de mesures pour relever le défi au regard des droits de l'homme » lors de la treizième session du Conseil des droits de l'homme, dans le cadre de la promotion et la protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement;
G. considérant la déclaration fondatrice du NEPAD en 2001 qui a identifié l'agriculture comme priorité sectorielle. Ainsi que les principales déclarations politiques ultérieures qui regroupent l'accord-cadre du CAADP (7) (Cadre global d'action actualisé élaboré par le Groupe d'action de haut niveau du système des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale) de 2003 préconisant des taux de croissance agricole de 6 %, la Déclaration de Maputo de 2003 (8) préconisant l'utilisation de 10 % des dépenses publiques pour le développement agricole et rural sur une période de cinq ans, la Déclaration de Sirte de 2004 concernant « Les défis de la mise en application d'un développement intégré et durable de l'agriculture et de l'eau en Afrique » et les Déclarations d'Abuja de 2006 sur les engrais (juin) et sur la sécurité alimentaire (9) (décembre);
H. considérant la proposition de résolution du sénat Belge relative à l'accaparement des terres et à la gouvernance foncière dans les pays en développement (doc. nº 5-337/8),
Demande au gouvernement:
Dans le cadre de sa politique nationale de coopération:
1. de poursuivre de manière cohérente un appui à l'agriculture familiale durable en RDC, conformément à la nouvelle Note stratégique (10) , et notamment dans sa dimension « écologique », en faisant intervenir la gestion de l'eau, la gestion des forêts et des mines ainsi que la gestion de l'énergie;
2. de soutenir le renforcement de la structuration du monde paysan et promouvoir un modèle qui inclut l'ensemble de la société congolaise basé sur le développement d'une agriculture durable et rentable.
Il faut appréhender le secteur agricole à travers la diversité des acteurs qui le composent: les paysans familiaux, les micro-entreprises de transport et de commercialisation, les petites et moyennes entreprises (PME). C'est à travers l'analyse des chaînes de valeur et en identifiant les contributions et les revenus de chaque acteur qu'une agriculture durable, y compris socialement, pourra se développer;
3. de soutenir et initier des politiques qui privilégient l'empowerment des femmes comme stratégie de développement durable.
Les stratégies de lutte contre l'insécurité alimentaire ont évolué au cours de ces dernières années. Le rôle central des femmes en termes économique et social est amplement reconnu par les observateurs. La société civile congolaise aspire maintenant à ce que ces choix soient concrètement inscrits dans les politiques de développement et appliqués sur le terrain;
4. d'encourager les politiques qui permettront d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'accès et le maintien des ressources, leurs permettant ainsi de contribuer ensemble à la sécurité alimentaire.
La Belgique doit encourager l'État congolais à promulguer et appliquer les lois qui accordent des droits égaux de propriété aux femmes et aux hommes — notamment les lois relatives à l'héritage des terres. L'État congolais doit être encouragé à mettre en uvre des politiques de sensibilisation des chefs traditionnels ainsi que des populations à la base pour que ces lois soient appliquées. Une politique de communication et de vulgarisation de ces principes et des règles à suivre doit être développée et soutenue;
5. d'encourager les partenariats public-privé et favoriser l'attractivité de l'agriculture en tant que secteur d'activités pour les populations congolaises.
Cela peut se faire via des actions et des outils concrets: par exemple via la facilitation d'outils financiers pour des entrepreneur(e)s locaux, ayant des objectifs de production et de valorisation des produits locaux. Ou encore via la facilitation de l'accès aux marchés publics locaux. Si l'agriculture ne parvient pas à assurer à celles et ceux qui en vivent des revenus permettant une vie décente, toute politique de relance du secteur est vouée à l'échec;
6. de renforcer des approches qui investissent dans la connaissance et dans le savoir-faire local du monde paysan. L'accent des programmes soutenus par la Belgique doit être mis sur le renforcement du potentiel humain, ainsi que sur la prise en compte de la dimension culturelle.
Les nombreuses initiatives des organisations paysannes prouvent que des expériences positives de mises en pratiques des expériences endogènes existent. Il existe une réelle vivacité des savoirs au sein du monde paysan. Les ressources et les connaissances du monde paysan sont insuffisamment exploitées dans les projets de développement, alors qu'elles pourraient contribuer davantage à la lutte contre la pauvreté. Plus largement, le respect des coutumes et des traditions doit être pris en compte, notamment dans la question foncière ainsi que dans l'exploitation et la protection des « Savoirs et des Pratiques Populaires ». Les stratégies soutenues doivent prendre en considération les spécificités de chaque région, voire les singularités culturelles des populations. Il faut davantage tenir compte de la protection des minorités et des populations autochtones. Enfin, l'accent devrait être maintenu sur la formation et l'enseignement dans le secteur agricole;
7. de promouvoir l'investissement dans la recherche agronomique et dans la vulgarisation des informations auprès des paysans.
De nombreuses ONG et organisations paysannes mais aussi d'institutions internationales soulignent l'écart croissant entre les objectifs poursuivis par la recherche et les besoins des agricultures des pays du Sud. Ainsi dans son rapport annuel 2003-2004 qui avait pour thème central la biotechnologie agricole, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, a clairement marqué sa désapprobation concernant le seul développement des OGM à des fins commerciales. Il convient que des budgets soient attribués aux acteurs assurant une large diffusion des informations techniques (et économiques) — innovations technologiques, conséquence d'un usage inapproprié de certains intrants, ... — relatives à la production agricole. Là encore les acteurs du secteur et les organisations paysannes peuvent jouer un rôle déterminant dans la sélection des informations pertinentes et dans leur diffusion dans leurs réseaux;
8. d'encourager les autorités congolaises dans leur volonté politique de soutenir la bonne gouvernance du secteur agricole en RDC.
L'amélioration de la gouvernance du secteur agricole contribuera à l'augmentation des revenus des paysans qui voient souvent une partie de leurs productions détournée sous forme de taxes non-officielles. Il s'agit d'encourager l'État congolais à respecter ses engagements (notamment d'accorder 10 % de son budget national à l'agriculture — Sommet UA de Maputo) et de veiller à ce que les niveaux de pouvoir les plus proches des populations agricoles soient dotés de moyens qui leur permettent d'appliquer la législation votée au niveau central. Enfin il est important d'harmoniser les différents codes qui touchent à l'agriculture: le code forestier, minier, foncier et la loi agricole;
9. de soutenir des projets de coopération qui favorisent la responsabilisation des acteurs de la société civile congolaise, y compris les organisations paysannes, afin de surveiller l'usage des budgets accordés et de favoriser ainsi une meilleure gouvernance.
D'une façon générale, un appui à l'organisation et à la structuration du monde paysan devrait conduire à l'établissement d'une société civile engagée et impliquée dans la gestion de l'agriculture et sa gouvernance;
10. d'encourager le gouvernement congolais à poursuivre des stratégies de développement qui réduisent l'instabilité des prix, qui favorisent l'offre alimentaire et améliorent le fonctionnement des marchés agricoles locaux.
Dans le cadre de sa politique étrangère multilatérale:
11. de promouvoir un modèle agricole durable selon une approche « agro-écologique » et apporter un soutien politique au rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter (11) qui promeut une approche « agro-écologique » de l'agriculture.
La question du modèle de développement agricole à encourager est essentielle. De nombreux enjeux environnementaux existent en RDC et doivent être pris en compte. Il est nécessaire d'améliorer l'harmonisation des approches (ou modèles agricoles) sur l'agriculture paysanne de conservation (sol, eau, arbres).Il faut favoriser les programmes de recherche qui soutiennent le développement de méthodes de production à faible utilisation d'intrants et de l'agriculture écologique;
12. de favoriser le droit à la protection des producteurs locaux contre les importations massives à bas prix.
La poursuite de la libéralisation du secteur agricole n'apparaît pas soutenable à long terme pour les PMA (pays les moins avancés). Les principaux gagnants de la libéralisation sont les géants de l'agro-industrie. Les petits paysans ne survivront pas à la concurrence internationale déloyale. Pour protéger les producteurs locaux des importations de sous-produits à bas prix venant concurrencer les productions locales, il est nécessaire de réguler les marchés afin de donner des chances au secteur agricole local. Les règles de l'OMC ainsi que les termes des propositions européennes d'accords de partenariats économiques doivent être modifiés en faveur d'un système plus juste pour les PMA. Il convient de protéger les producteurs locaux des importations de sous-produits à bas prix subventionnés venant concurrencer les productions locales non subventionnées;
13. de soutenir la lutte contre le phénomène de l'accaparement des terres (land grabbing).
Les investisseurs locaux ou étrangers doivent, tout en s'inscrivant dans le respect des coutumes et usages locaux, observer des règles strictes concernant l'achat des terres en s'inspirant des règles qui seront émises par le Committee on World Food Security (CFS) (12) à Rome. La Belgique doit s'investir dans l'adoption par les membres de la FAO de règles ambitieuses en la matière. Il s'agit d'améliorer la protection des citoyens et la sécurité juridique, mais aussi d'assurer la protection des agriculteurs et agricultrices, en particulier dans les zones où sévissent encore des groupes armés.
1er février 2012.
Marie ARENA. |
(1) http://www.ifpri.org/publication/2011-global-hunger-index;.
(2) Le Global Hunger Index (GHI), ou indice de la faim dans le monde, est un outil statistique développé par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) qui permet de mesurer et de suivre l'évolution de la faim dans le monde.
(3) L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM) — http://www.fao.org/publications/sofi/fr/.
(4) Lire à ce sujet l'article daté du 15 décembre 2011, édition no 16, de la voix du paysan congolais, qui dénonce les importations massives de produits alimentaires au détriment de l'agriculture locale. http://lavoixdupaysancongolais.com/2011/12/15/n16-importations-agricoles/.
(5) http://www.srfood.org/index.php ?option=com_content&view=article&id=69&Itemid=55&lang=fr.
(6) http://www.oecd.org/dataoecd/16/19/45285639.pdf (dernière consultation janvier 2012).
(7) http://un-foodsecurity.org/sites/default/files/OUTLINE_Summary %20UCFA_FR.pdf (dernière consultation janvier 2012).
(8) http://www.nepad-caadp.net/pdf/Policy %20Brief %20on %20the %20CADDP %20targets %20French.pdf.
(9) Voir le rapport du Nepad, lors du Forum de Moscou en 2006 http://www.oecd.org/dataoecd/0/47/37702422.pdf (dernière consultation janvier 2012).
(10) http://diplomatie.belgium.be/fr/Newsroom/actualites/communiques_de_presse/cooperation/2011/04/ni_220411_note_strategique_agriculture.
(11) Voir le rapport du rapporteur spécial sur le Droit à l'alimentation, Olivier De Schutter dans le cadre de sa Mission auprès de l'Organisation mondiale du commerce.
(12) http://www.fao.org/news/story/en/item/46665/icode/ (dernière consultation, janvier 2012).