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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 16 FEBRUARI 2012 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van de heer Armand De Decker aan de vice-eersteminister en minister van Financiën en Duurzame Ontwikkeling over «de overdreven en contraproductieve voorwaardelijkheid bij het toekennen van de laatste lening van de Europese Centrale Bank aan Griekenland» (nr. 5-438)

M. Armand De Decker (MR). - Le dossier de la Grèce divise toujours plus l'Union européenne tant les conditions qui lui sont imposées pour l'octroi d'un prêt afin de lui permettre de se redresser semblent excessives et surtout contreproductives.

Je me suis rendu en Grèce au moins une vingtaine de fois dans ma vie ; j'y compte de nombreux amis avec lesquels j'ai des contacts téléphoniques fréquents.

J'ai pris conscience sur place l'été dernier de la gravité des mesures imposées par l'Union européenne. À ce moment-là déjà, deux commerces sur trois étaient fermés à Athènes, et la misère était de plus en plus visible dans les rues.

Ces conditions, essentiellement inspirées par l'Allemagne, humilient profondément les Grecs et plongent davantage la Grèce dans la récession, la souffrance et le désespoir. Je pense que notre pays doit se poser des questions fondamentales à ce sujet.

Nous savons tous que la Grèce a été très mal gérée pendant des décennies et que tant le parti de gauche, le PASOK, que la nouvelle démocratie et les gouvernements précédents sont coupables de gestion ahurissante. Certains éléments de cette gestion trouvent leurs origines dans l'histoire du pays et remontent parfois à plusieurs siècles ; ils sont inacceptables. Mais aujourd'hui, on veut punir le peuple grec.

J'ai beaucoup d'estime pour la dignité avec laquelle, malgré son énorme souffrance, le peuple a réagi jusqu'à présent. Sa violence a été relativement limitée, mais elle pourrait se développer à une plus grande échelle dans les prochaines semaines.

Une quarantaine d'immeubles ont été incendiés la semaine dernière. Toutefois, malgré le faible cordon policier qui se trouve devant le parlement grec, les dizaines de milliers de manifestants n'ont pas encore fait preuve d'une très grande agressivité à l'égard de ce parlement qui, lui aussi, montre un courage et une dignité assez exemplaires dans une situation désespérée.

La majorité des mesures très dures exigées de la Grèce sont suggérées par l'Allemagne, et les violents propos de votre collègue M. Wolfgang Schäuble sont à mon sens inacceptables.

Il faut savoir que l'Allemagne a vendu, ces trois dernières années, cinq sous-marins à la Grèce et a exigé d'être payée directement malgré les défauts fondamentaux que présente ce matériel militaire. L'Union européenne aurait pu rassurer la Grèce, qui a une crainte obsessionnelle d'une menace turque, en lui garantissant la protection de l'Union européenne sur la base des traités de l'UEO, d'abord, et aujourd'hui sur la base de ses propres traités. Cela aurait permis à la Grèce de ne pas consacrer autant de moyens à l'achat d'armement inutile. L'Allemagne n'a pas hésité à lui vendre ce matériel et à se faire payer.

Aujourd'hui, des centaines de milliers de grecs survivent grâce à la soupe populaire, généralement offerte par l'église orthodoxe. C'est inacceptable !

Je constate que le groupe PS est sorti au moment où j'allais prendre la parole, en ne gardant qu'une présence symbolique.

Le PS sait évidemment que c'est M. Simitis, le premier ministre que je connais bien et avec qui j'ai fait un débat à Athènes voici deux ans, qui a modifié les chiffres pour que la Grèce puisse intégrer la zone euro. Cela ne me réjouit pas. Le PASOK, qui a recueilli 40% des votes aux dernières élections, est estimé aujourd'hui à 10% dans les sondages, alors que l'extrême gauche totaliserait 40%. La situation, telle qu'elle évolue en Grèce, peut mener à la guerre civile tant le désespoir est grand.

Une des exigences de l'Union européenne était un engagement politique des partis. C'est dans ce contexte que MM. Papandréou et Samaras ont adressé, ensemble, une lettre d'engagement à l'Union européenne. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette lettre sachant que des élections sont prévues dans quelques mois qui, je l'espère, pourront être reportées. Les résultats électoraux pourraient présenter un véritable danger pour la démocratie tellement l'Europe et l'Allemagne poussent la Grèce au désespoir.

Une des grandes chances, c'est que MM. Papandréou et Samaras, adversaires politiques, ont fait leurs études ensemble aux États-Unis et ont vécu deux ans dans la même maison.

Ce sont des éléments auxquels nous devons être attentifs. Cependant, M. Schäuble n'en a cure. L'Allemagne continue à humilier la Grèce d'une manière totalement excessive et inacceptable et à détruire son économie.

Je sais qu'il faut redresser la situation. J'espère que le gouvernement belge comprendra que les Grecs veulent rester dans l'Union européenne, mais comment pourraient-ils redresser l'économie de leur pays si l'Europe leur impose des conditions qui rendent ce redressement économique impossible ?

Je vous remercie dès lors de nous faire savoir que vous ne serez plus d'accord avec l'attitude inacceptable de l'Allemagne.

M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Finances et du Développement durable, chargé de la Fonction publique. - Vous abordez un sujet qui touche à l'esprit même d'une Europe efficace mais aussi solidaire.

Les conditions imposées dans le cadre du deuxième programme d'aide à la Grèce sont dures, je ne peux le nier. À défaut d'une dévaluation devenue impossible dans la zone euro, il a été procédé à une « dévaluation interne ». D'où les décisions très sévères touchant notamment au marché du travail. On enregistre ainsi une diminution de 22% du salaire minimal, ce qui le met au même niveau qu'au Portugal.

Dans ce genre de problématique, il faut veiller à ne pas se focaliser sur un pays en croyant que d'autres ne souffrent pas. Il faut aussi prendre en considération les conséquences d'un passé, d'un manque de compétitivité, d'une crise qui a frappé de plein fouet les pays européens, principalement les plus vulnérables.

L'enjeu crucial est bien sûr de retrouver rapidement de la compétitivité. Mais je puis vous rassurer : lors des discussions, j'insiste toujours pour que l'on ne se limite pas à des exigences budgétaires mais plutôt que l'on offre des perspectives à la population. Cela doit se concrétiser par l'espoir d'une nouvelle croissance qui rendrait le taux d'endettement tenable. Sans croissance, même 120% du PIB comme taux d'endettement, ce n'est pas tenable.

Je ne puis qu'insister sur l'importance que l'Europe maintienne le lien avec une politique commune de croissance et une politique à développer dans le pays même.

Le plan a fait l'objet d'une longue négociation entre la Grèce et la troïka composée du FMI, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne. Je ne crois pas qu'il faille y voir seulement la main de l'Allemagne. L'Allemagne, principal contributeur au mécanisme de sauvetage européen, a des responsabilités particulières. Ce pays est devenu le chantre du retour à une vraie discipline au sein de l'Eurozone. Mais voyez plutôt le collègue hollandais, la collègue autrichienne, ou encore la collègue finlandaise. Les pays « triple A » exigent des niveaux d'orthodoxie budgétaire qui peuvent vous faire bondir ! Mais l'Allemagne n'est pas seule en cause. En vérité, les conditions liées au plan sont inspirées de ce qui s'est déjà fait dans le passé avec succès lors d'opérations similaires menées par le FMI.

Le plan fait l'objet d'un large et courageux soutien au sein de la classe politique grecque. La Grèce a approuvé ces mesures par un vote démocratique intervenu dimanche dernier au parlement grec. Hier, l'Eurogroupe a salué ce courage. Nous n'ignorons pas les difficultés du contexte politique grec. En optant pour l'union et non pour la division, les deux grands partis grecs, la Nea Dimokratia et le PASOK, ont fait le bon choix pour leur pays.

Je suis frappé par la lucidité des autorités grecques, qui admettent que leur pays est confronté à un grave problème de compétitivité. Le plan, certes dur, a le mérite d'enclencher des réformes structurelles dont les deux principaux partis grecs reconnaissent désormais le besoin impérieux.

Les représentants de la troïka nous ont ainsi fait observer, lors de la réunion de l'Eurogroupe de la semaine dernière, que la réduction de 22% du salaire minimal revenait en effet à ramener celui-ci à ce qu'il est dans des pays comme le Portugal ou l'Espagne, dont les paramètres macroéconomiques présentent des similitudes avec la Grèce.

Pour ma part, je soutiens ceux qui, au sein de l'Eurogroupe, demandent à ne plus postposer la décision définitive concernant le paquet de mesures en faveur de la Grèce et à réfléchir aux moyens qui lui permettront de renouer avec la croissance. J'espère que nous pourrons trancher la question la semaine prochaine et remettre ainsi la Grèce sur les rails. Sa population le mérite.

M. Armand De Decker (MR). - Contrairement à nos ministres et parlementaires, les membres de la troïka sont tous des fonctionnaires, et non des mandataires politiques élus par le peuple, monsieur le ministre. Cet élément influence considérablement leur analyse des réalités.

Vous avez évoqué les mesures concernant le salaire minimum. Il faut aussi savoir qu'en Grèce, toutes les pensions ont été réduites de 50%, ce qui explique également la situation actuelle.

On peut se demander si une relance économique, pourtant indispensable, est vraiment souhaitée en Grèce et si le délai de remboursement et les taux d'intérêt demandés pour l'emprunt des 135 milliards, constituent le meilleur moyen de remplir les conditions de cette relance. Je vous soutiens lorsque vous déclarez que la relance économique est la condition de la stabilisation. Quel est le délai de remboursement prévu ? Quel est le taux d'intérêt prévu ? Il serait très utile de le savoir.

Vous avez certainement lu les propos tenus, hier, par le premier ministre italien, M. Monti, au Parlement européen. Il a indiqué que la cure d'austérité réclamée aux Grecs, d'une part, était « du jamais vu » en Europe mais, d'autre part, faisait suite aux décennies de gabegie que j'ai moi-même évoquées. On peut condamner le passé. Certaines personnes - notamment dans les pays notés AAA - pensent que les Grecs n'ont toujours pas compris ce qui leur est arrivé. Je puis vous assurer que, dans leur désespoir, ils connaissent parfaitement les responsables de leur situation. Cependant, ce n'est pas une raison pour les éliminer jusqu'au dernier, impression que peut donner un tel excès de mesures.