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M. Jacques Brotchi (MR). - Après-demain, 4 février, aura lieu la Journée mondiale contre le cancer.
Le cancer constitue la première cause de mortalité dans le monde. L'OMS estime que cette maladie, sous ses diverses formes, aura fait 84 millions de morts entre 2005 et 2015 si nous ne continuons pas à renforcer la lutte.
Chaque année, l'OMS et l'Union internationale contre le cancer mettent en avant les mesures nécessaires pour faire reculer la maladie partout dans le monde.
La prise en charge de la maladie progresse également et il ne me semble pas inutile de rappeler qu'un nombre significatif de cancers peuvent être soignés par la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, surtout s'ils sont détectés suffisamment tôt.
Madame la ministre, je souhaitais donc vous poser quelques questions au sujet du Plan cancer, auquel vous êtes très attachée depuis quelques années.
Lorsque j'ai pris connaissance de l'accord de gouvernement, je me suis réjoui de lire qu'il prévoyait un statut plus favorable pour les maladies chroniques, en tenant compte notamment de la gravité de la pathologie et des coûts qu'elle engendre.
Dans ce cadre, l'accord de gouvernement précise que les mesures déjà réalisées du Plan cancer seront poursuivies, que le dispositif du Plan cancer fera l'objet d'une évaluation et que dans le cadre des possibilités budgétaires, ce plan sera amplifié. Nous sommes évidemment curieux d'en savoir plus sur votre agenda concernant le Plan cancer, son évaluation et les nouvelles mesures qui seront adoptées ou étendues.
Je m'intéresse particulièrement aux tumeurs cérébrales, qui sont en régulière progression depuis les années quatre-vingts. Vous savez probablement que les tumeurs cérébrales cancéreuses offrent un espoir de survie extrêmement court : la médiane de survie d'un glioblastome - la forme la plus grave - est d'environ six mois, avec, heureusement, des exceptions grâce à tous les traitements que l'on donne aux malades. Je souhaiterais donc savoir quelles mesures spécifiques le Plan cancer envisage par rapport à cette catégorie de tumeurs.
Mon autre question concerne la création d'un centre d'hadronthérapie ou de thérapie par flux d'ions. Cette mesure avait été envisagée en 2008 mais le KCE n'y était pas favorable. Notre pays compte une société de pointe à l'échelon mondial dans la conception, l'assemblage, la vente et l'installation de ce type d'appareillage mais paradoxalement, nous n'avons pas de centre d'hadronthérapie, au point que nous devons envoyer les patients, pour qui cette forme de thérapie pourrait être utile, se faire soigner à l'étranger, dans des centres de traitement qui, débordés par les demandes, en arrivent à ne plus pouvoir accueillir de patients étrangers. Une étude de faisabilité a normalement été initiée par le Belgian Hadron Therapy Centre Project (BHTC) et l'UZ Gent, au cours de l'été 2011. Pouvez-vous nous dire où en est cette étude et nous annoncer un agenda quant à la publication des résultats, voire nous en dire plus sur un éventuel centre d'hadronthérapie en Belgique ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Je remercie M. Brotchi de sa question dont le sujet me tient fort à coeur.
Nous avons indiqué dans l'accord de gouvernement que le Plan cancer devait être poursuivi. Cela reste bien entendu une de mes priorités.
Plusieurs appels à projets ont été lancés la semaine dernière dans ce domaine afin de permettre la continuité de plusieurs actions menées dans le cadre de projets pilotes qui se sont terminés en 2011. Il s'agit, par exemple, d'appels pour des projets de soutien psychosocial du patient et de ses proches, pour des projets en oncogériatrie et de recherche translationnelle, bien entendu dans les limites du budget annuel antérieurement prévu pour ces actions. L'objectif est de permettre aux hôpitaux d'introduire des dossiers de candidature pour de nouveaux projets ainsi que pour des projets déjà financés jusque fin 2011.
Une étude est menée dans le cadre du Plan cancer par le Centre d'expertise des soins de santé (KCE) sur « l'organisation des soins des tumeurs rares et des tumeurs avec un traitement complexe ». Les résultats sont attendus pour mai 2013. Dans le cadre des appels à projets dont je viens de vous parler, certains projets spécifiques pour des patients atteints de tumeurs cérébrales ou rares pourraient être retenus sur la base de l'analyse des dossiers de candidature introduits. Cette étude permettra de réorienter notre politique de prise en charge des tumeurs rares.
Le dossier du centre d'hadronthérapie en Belgique est effectivement très complexe. Je souligne, comme M. Brotchi, que les centres d'hadronthérapie sont fabriqués en Belgique et sont exportés partout dans le monde alors que nous ne disposons pas d'un tel centre. C'est surréaliste ! M. Brotchi cite l'étude du KCE qui n'était pas nécessairement favorable ; en termes de « rentabilité », il vaut peut-être mieux continuer à prendre en charge des patients soignés dans les centres d'hadronthérapie à l'étranger.
J'ai approfondi le travail car l'étude du KCE était principalement basée sur un travail documentaire et des données anciennes. De nombreux centres d'hadronthérapie développés dans les autres pays connaissent un fonctionnement maximum. À la suite d'une discussion avec les différentes universités du pays et les grands hôpitaux en oncologie, nous avons lancé en août 2011 une étude de faisabilité sur la création d'un centre d'hadronthérapie en Belgique ; elle est réalisée par le Belgian Hadron Therapy Centre, qui regroupe toutes les universités, en collaboration avec l'UZ Gent.
La première partie de l'étude porte sur l'identification des preuves scientifiques justifiant ou invalidant le développement d'une telle technique en Belgique. Il s'agit par exemple des indications et du nombre de patients pour lesquels une telle thérapie serait indiquée. Cette première phase devrait être finalisée au plus tard pour mai 2012. J'ai libéré un budget d'environ un million d'euros pour l'étude de faisabilité, dont un peu moins de 500 000 euros pour la première phase.
Nous nous prononcerons en mai 2012 sur l'opportunité de mener la deuxième phase et sur son orientation en nous appuyant sur les résultats de la première. Nous devrons alors examiner les sources de financement. Je n'imagine pas le développement d'un centre d'hadronthérapie sans partenariat public/privé.
Le dossier progresse donc, et j'espère que les conclusions de mai 2012 nous permettront d'envisager très concrètement la création d'un tel centre en Belgique.
M. Jacques Brotchi (MR). - Je remercie la ministre pour toutes ces précisions.
Je me réjouis de constater que les tumeurs cérébrales figurent à l'agenda. Ce sont évidemment des tumeurs rares par rapport aux autres cancers. En Belgique, on dénombre chaque année environ mille nouveaux cas de tumeurs cérébrales, dont 75% sont des tumeurs cancéreuses, infiltrantes ou récidivantes. C'est donc un problème important qui touche notamment pas mal de personnes jeunes.
Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne le centre d'hadronthérapie. Je souhaiterais néanmoins faire une petite remarque sur un sujet que vous avez bien connu.
À l'époque où je n'étais pas encore sénateur, j'étais venu vous trouver pour le centre Gamma Knife. Vous vous souviendrez qu'à l'époque, je plaidais avec conviction pour l'installation d'un tel centre en Belgique. Je vous ai convaincue, et je m'en réjouis.
Les questions qui étaient posées alors avaient également trait à la rentabilité et au nombre de malades qui devaient être soignés. On me disait que cela ne concernait qu'une trentaine de malades par an et que cela coûterait moins cher de les envoyer à l'étranger.
Aujourd'hui, notre centre Gamma Knife traite 350 malades par an. Comme toujours, quand on n'a pas l'appareillage sous la main, on sous-évalue les besoins.
Il faut donc être très prudent et bien analyser les réponses que vous recevrez. C'est le conseil que je me permets de vous donner. Il est très difficile d'évaluer les besoins quand on ne dispose pas de la machine, surtout si elle coûte cher par rapport aux patients qui pourraient profiter du traitement, mais qui n'en bénéficient pas pour les diverses raisons que vous venez d'évoquer.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Le nombre de patients pris en charge dépend aussi de la technologie. Le terme hadronthérapie est un terme générique. La technologie évolue sans cesse et, en fonction des choix, le nombre de patients traités pourrait être plus élevé que ce qu'imaginait le KCE.