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23 DÉCEMBRE 2011
I. INTRODUCTION
Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement (doc. Chambre, nº 53-1953/1).
Il a été adopté à la Chambre des représentants le 22 décembre 2011 par 89 voix contre 27 et 24 abstentions et transmis au Sénat le même jour.
La commission de la Justice a examiné le projet de loi lors de ses réunions des 21 et 23 décembre 2011, en présence du ministre de la Justice.
Conformément à l'article 27.1, alinéa 2, du Règlement du Sénat, la commission a entamé l'examen du projet avant le vote final à la Chambre des représentants en se basant sur le texte adopté par la commission de la Justice de la Chambre le 21 décembre 2011 (doc. Chambre, nº 53-1953/5). Les dispositions du projet de loi relatives aux décimes additionnels sur les amendes pénales ainsi que celles modifiant la loi du 30 novembre 2011 modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité (articles 2, 3, 19 et 20 du doc. Chambre, nº 53-1953/5) en ont été disjointes et insérées dans le projet de loi portant des dispositions diverses en matière de Justice II, soumis à la procédure bicamérale optionnelle (doc. Chambre, nº 53-1971/1). Il est, pour ce qui concerne ces dispositions, également renvoyé au document Sénat nº 5-1416/2.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
Le projet de loi à l'examen, avant la scission opérée à la Chambre des représentants, se compose de cinq chapitres.
Le chapitre 1er, qui a été inséré par voie d'amendement à la Chambre des représentants, concerne l'augmentation des décimes additionnels sur les amendes pénales. Dans la loi du 5 mars 1952, modifiée par les lois des 26 juin 2000 et 7 février 2003, le mot « quarante-cinq » est chaque fois remplacé par le mot « cinquante », ce qui implique que les amendes seront désormais multipliées par 6,5 au lieu de 5,5.
Le chapitre 2 porte sur des modifications du Code judiciaire en ce qui concerne les pensions des magistrats. Ces dispositions ont été insérées par voie d'amendement à la Chambre des représentants. Les modifications proposées cadrent avec la réforme globale des pensions et si elles sont traitées en commission de la Justice, c'est uniquement pour des raisons liées à la technique législative. En effet, les pensions des magistrats sont réglées par le Code judiciaire. Dans la grande réforme des pensions, toutes les pensions seront calculées sur la base des tantièmes 1/30 ou 1/35. Le calcul de la pension se base sur un traitement de référence multiplié par le nombre d'années de service. Le chiffre ainsi obtenu est multiplié par le tantième 1/30 ou 1/35 selon que les magistrats ont travaillé moins ou plus de 20 ans et selon qu'il s'agit ou non des 5 premières années de leur carrière. Pour les services prestés à partir du 1er janvier 2012, le tantième 1/30 est remplacé par le tantième 1/48. Cette modification s'applique non seulement aux magistrats, mais aussi à toutes les professions dont la pension est calculée sur la base de tantièmes de moins de 1/48, par exemple pour les professeurs. Il s'ensuit que pour arriver à une pension complète, les magistrats devront eux aussi travailler plus longtemps. Le but de cette réforme globale est d'arriver à un système de pensions qui reste payable pour les générations à venir.
Le chapitre 3 concerne les cadres temporaires auprès des cours d'appel et des parquets généraux
Le but est de prolonger d'un an les cadres temporaires des conseillers auprès des cours d'appel et des substituts des procureurs généraux. Cette mesure vise à prévenir la disparition de ces cadres dans l'attente de la création d'un instrument de mesure de la charge de travail.
La loi du 29 novembre 2001 a créé quatorze places de conseillers temporaires en vue de résorber l'arriéré judiciaire dans les cours d'appel.
Par suite des protocoles de collaboration conclus par l'ancienne ministre de la Justice, Mme Laurette Onkelinx, avec les autorités judiciaires de Bruxelles, Anvers, Liège, Gand et Mons, la loi a prévu une série de nominations en surnombre de dix-huit conseillers et substituts des procureurs généraux en 2004, 2005 et 2007.
Ces mesures visaient à réduire le délai de traitement des affaires et à lutter contre l'arriéré judiciaire.
Ces trente-deux cadres temporaires en surnombre ne peuvent être repris dans le cadre général que si cela s'avère justifié et nécessaire d'après les résultats d'une mesure de la charge de travail uniforme.
Ce système de mesure de la charge de travail n'existe pas encore. Créé en 2008, le Bureau permanent pour la statistique et la mesure de la charge de travail a déjà développé un modèle pour la section correctionnelle des cours d'appel. Le Bureau travaille actuellement sur le volet civil. L'ampleur et la nature délicate de la mission et la discussion méthodologique qui est menée jusqu'à présent ralentissent les travaux.
Les cadres temporaires cesseront d'exister le 17 décembre 2011 en vertu de la loi du 29 novembre 2001 ou le 31 décembre 2011 en vertu des autres lois. Il est toutefois indispensable de prolonger ces cadres temporaires et en surnombre.
Si les cadres temporaires ne sont pas prolongés, ces magistrats en surnombre disparaîtront au fur et à mesure que des emplois deviendront vacants dans les cours d'appel ou les parquets généraux.
Les renforts apportés aux cadres au cours des dernières années portent leurs fruits dans la lutte contre l'arriéré judiciaire. Mais il existe encore un arriéré important dans le traitement des affaires judiciaires. La disparition de ces trente-deux places temporaires risque d'entraîner un retour en arrière et d'annihiler les progrès déjà accomplis.
Pour préserver les places dans l'attente d'un instrument définitif de mesure de la charge de travail et afin de ne pas saper le fonctionnement des cours et des parquets généraux, il est proposé de prolonger les places temporaires d'un an. Dès lors que le projet de loi à l'examen prolonge une situation existante, il ne requiert pas de moyens supplémentaires par rapport à ceux qui étaient déjà prévus en 2010 et 2011.
Le chapitre 4 a trait à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental.
La loi sur l'internement, promulguée le 27 avril 2007, doit encore être suivie de la prise d'arrêtés d'exécution sans lesquels la loi ne pourra être valablement mise en application.
Ces arrêtés d'exécution prévus par la loi et restant à prendre concernent les neuf points suivants:
— les modalités et critères d'agrément des psychiatres désignés comme expert; critères à définir par le SPF Santé publique;
— le modèle d'expertise psychiatrique. Celui-ci est une pièce centrale dans la prise de décision d'internement et doit donc répondre aux exigences de la loi;
— les conditions de sécurité des institutions externes où des internés peuvent être placés doivent pouvoir être connues par les Tribunaux de l'application des peines;
— la notion de victime et les organismes agréés pour représenter les victimes;
— le contenu du rapport ou de l'enquête sociale à réaliser par les maisons de justice;
— les modalités de surveillance électronique;
— la structure de concertation;
— les modalités d'octroi d'une subvention pour les institutions accueillant des internés « low risk »;
— le traitement des archives des commissions de défense sociale.
L'entrée en vigueur nécessite donc des modifications organisationnelles sans lesquelles la loi ne pourra être valablement mise en application. À ce titre il serait utile que le Parlement, saisi sur ces points en juillet, continue les travaux relatifs à ce sujet.
Vu l'importance des modifications et la nécessité d'en fixer les modalités pratiques de manière univoque, le report d'un an est nécessaire
Le chapitre 5, qui a été inséré par voie d'amendement à la Chambre des représentants, concerne la loi du 30 novembre 2011 modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité. Il y est demandé de reporter l'entrée en vigueur de six mois. La ministre souligne qu'à ses yeux il est toutefois prioritaire de régler ces affaires dans de très brefs délais. L'intervenante renvoie à l'excellent travail que la Chambre a effectué au sujet du suivi des victimes d'abus sexuel. Bien que tout soit en phase d'achèvement, il faut encore finaliser un certain nombre de brochures et une série d'accords doivent encore être conclus. Une réunion avec le collège des procureurs généraux a encore eu lieu cette semaine. Un report de six mois est demandé alors que la ministre a pris l'engagement formel de régler ce point plus tôt, si possible.
III. DISCUSSION
M. Laeremans propose d'organiser une audition avec les magistrats sur la problématique de leurs pensions. Les dispositions à l'examen en la matière seront très lourdes de conséquences. Il est évident que les pensions doivent être réformées et que tout le monde devra travailler plus longtemps, y compris les magistrats. Mais ce qui est proposé ici est très radical puisque les magistrats devront en effet travailler désormais plus de 50 % plus longtemps afin de toucher une pension complète, ce qui paraît déraisonnable à l'intervenant. Un juge de paix qui ne peut être nommé à ce poste qu'à l'âge de trente-cinq ans ne pourra dès lors plus accéder à une pension complète, aussi méritoire qu'ait été sa carrière. L'intervenant ne comprend pas pourquoi on veut que toutes les professions soient logées à la même enseigne. Une série de professions pénibles ont également été prises en compte dans la réforme des retraites. Pourquoi veut-on soudainement prolonger la carrière des magistrats pour la faire passer de 22,5 ans à 36 ans ? Il n'est déjà pas aisé à l'heure actuelle de recruter des magistrats et ces mesures draconiennes en matière de pensions ne permettront pas d'attirer les meilleurs éléments dans la magistrature.
Qui plus est, cette mesure extrêmement importante et excessive n'a pas fait l'objet de discussions préalables avec la magistrature. La loi du 8 mars 1999 prévoit cependant que toute révision du régime des pensions doit faire l'objet d'une concertation préalable.
L'intervenant entend dès lors donner suite à la demande des magistrats d'être entendus, ce qui peut se faire encore aujourd'hui.
M. Vanlouwe émet des réserves quant à la modification de la législation relative aux cadres temporaires du personnel dans les cours d'appel et les parquets généraux. Les cadres temporaires sont de nouveau prolongés d'un an pour empêcher leur disparition, et ce en attendant un instrument pour mesurer la charge de travail. À cet égard, la ministre a également renvoyé au problème du gouvernement d'affaires courantes. L'intervenant est cependant convaincu qu'un autre problème est à l'origine du renouvellement systématique de cette prolongation. Ces cadres provisoires ont en effet été instaurés il y a plus de dix ans.
Le système de la mesure de la charge de travail n'a toujours pas vu le jour. La ministre affirme à cet égard que les travaux sont retardés par l'ampleur et la complexité de la tâche ainsi que par les discussions relatives à la méthodologie qui se sont poursuivies jusqu'à aujourd'hui. Qu'entend la ministre par-là ? L'intervenant considère que deux projets sont en cours au sujet de la charge de travail, à savoir auprès des cours d'appel d'Anvers et de Mons. À Mons, la méthodologie a été contestée, notamment sur la base d'études scientifiques réalisées par des universités. À la suite de cette discussion, le projet-pilote a été délocalisé à la cour d'appel de Liège.
Un instrument de mesure de la charge de travail doit clairement voir le jour, dans l'intérêt des magistrats ainsi que dans celui du justiciable et de la Justice. Pourquoi n'existe-t-il toujours pas ?
Il est clair que la solution à l'examen est de nouveau un expédient et qu'elle ne s'attaque pas de façon structurelle à l'arriéré judiciaire. La mesure de la charge de travail est une condition importante pour une solution structurelle.
Par conséquent, le groupe de l'intervenant s'abstiendra lors du vote sur ce point.
L'intervenant a en outre encore une remarque à propos de la modification de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental. L'ancienne loi relative à l'internement date de 1964. Elle a été remplacée par une nouvelle loi au cours de la législature précédente, il y a pratiquement cinq ans. Il n'y a toutefois encore aucun arrêté d'exécution permettant à cette nouvelle loi d'entrer en vigueur. Quelle en est la raison ? Il est difficile d'en faire le reproche au gouvernement en affaires courantes et à la crise institutionnelle. En 2008 déjà, l'entrée en vigueur a été reportée pour la première fois au moyen d'une loi temporaire. Le gouvernement précédent avait déclaré explicitement à l'époque que cette prolongation par une loi de redressement n'était pas une bonne chose. Quatre ans plus tard, rien n'a changé. L'intervenant renvoie également à l'avis du Conseil d'État, selon lequel « il est préoccupant qu'un laps de temps excessif sépare l'adoption de ce texte, suivie normalement de peu par sa publication au Moniteur belge, et son entrée en vigueur. Les circonstances de fait, voire les conceptions qui ont pu présider à l'adoption d'un texte, peuvent en effet changer entre ces deux moments, en manière telle que leur modification pourrait s'imposer avant même leur entrée en vigueur, ce qui peut aboutir en définitive à l'élaboration de textes n'entrant jamais en vigueur ».
De plus, la loi relative à l'internement est une loi importante. Le nouveau report de son entrée en vigueur est un signe de négligence.
Le groupe de l'intervenant votera, dès lors, contre cette mesure.
Mme Khattabi renvoie, en ce qui concerne les mesures proposées pour le calcul de la pension des magistrats, à la rencontre que la commission vient d'avoir avec des représentants du Conseil supérieur de la Justice. Ces derniers avaient signalé qu'un certain nombre de magistrats avaient anticipé les mesures gouvernementales en matière de pension car il y avait une nette augmentation des demandes de mise à la pré-retraite. La ministre dispose-t-elle de données chiffrées sur ce point ? Quelles mesures sont envisagées pour répondre à ce départ massif de magistrats ? L'oratrice insiste pour que l'appel aux candidats soit lancé bien avant que les places soient devenues vacantes. On évite de la sorte que les cadres restent top longtemps incomplets.
Sur la question des cadres temporaires, l'intervenante souligne que son groupe soutient la prolongation du système car il serait dangereux de voir les cadres temporaires s'éteindre.
Pour ce qui concerne le report de l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental, Mme Khattabi partage l'inquiétude exprimée par le préopinant. Elle souscrit à la remarque du Conseil d'État qui estime qu'un tel report ne peut se justifier que s'il existe un motif impérieux. Quel est le motif impérieux en l'espèce ?
L'oratrice demande enfin des précisions quant au délai qui sera nécessaire pour l'entrée en vigueur de la loi du 30 novembre 2011 modifiant la législation en ce qui concerne l'amélioration de l'approche des abus sexuels et des faits de pédophilie dans une relation d'autorité. Il est regrettable que ce travail important effectué à la Chambre des représentants n'ait pas encore d'effet concret sur le terrain lorsque l'on voit notamment la lenteur avec laquelle l'église réagit à des évènements connus depuis des années. Le report proposé dans le texte à l'examen ne s'inscrit pas dans la ligne des propos tenus lors de la commission spéciale sur les abus sexuels et les faits de pédophilie.
M. Mahoux constate que le projet à l'examen prévoit une série de reports d'entrée en vigueur qui sont nécessaires car le gouvernement en affaires courantes n'a pas pu prendre toutes les mesures d'exécution qui s'imposaient.
En ce qui concerne la loi sur l'internement (art. 18 du projet), l'intervenant constate que le chapitre 4 ne prévoit pas de disposition réglant l'entrée en vigueur du chapitre. N'y aura-t-il pas de problèmes si la modification proposée à l'article 157 n'entre pas en vigueur au 1er janvier 2012 ?
M. Delpérée souhaite formuler deux observations sur la méthodologie législative. Le dépôt de projets de loi portant des dispositions diverses est un phénomène récurrent en fin d'année. C'est un procédé peu heureux car on aborde cinq types de problèmes différents dans un même projet de loi. Ce sont, selon les uns, des projets de loi « fourre-tout » et, selon les autres, des projets de loi « mosaïque ». Il n'y a en effet aucune cohérence entre les différents chapitres du projet de loi à l'examen.
Cette technique législative n'est pas innocente sur le plan parlementaire car le regroupement de différents thèmes au sein d'un même texte implique qu'il n'y aura qu'un seul vote sur l'ensemble du projet de loi. L'intervenant pense qu'il aurait préférable de soumettre au Parlement des projets distincts selon les thèmes traités. Les parlementaires auraient de la sorte pu se prononcer sur chacune des réformes proposées de manière séparée. Il semble par ailleurs que l'urgence ne soit pas la même pour les différents points abordés dans le projet.
M. Delpérée s'étonne par ailleurs que la ministre justifie le report de l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement par le fait que les mesures d'exécution doivent encore être prises. Rien ne s'opposait à ce que les arrêtés royaux d'exécution soient préparés durant la longue période d'affaires courantes. Ces arrêtés auraient ainsi pu être signés et publiés dès la mise en place du nouveau gouvernement.
M. Boogaerts indique qu'il souscrit à l'esprit général de la réforme des pensions des magistrats. Toutefois, il aurait été opportun de mener une concertation sur ce point. L'intervenant émet donc des réserves sur la manière dont cette réforme est examinée au pas de charge par le Parlement.
L'intervenant se dit aussi d'accord avec l'augmentation des décimes additionnels sur les amendes pénales.
En ce qui concerne les modifications apportées à la loi du 30 novembre 2011, il était tout d'abord préoccupé par le report de l'entrée en vigueur jusqu'en 2013. Son groupe préconise est en effet d'une entrée en vigueur aussi rapide que possible. Il note cependant que la ministre a déclaré elle-même que ce sujet constituait une priorité à ses yeux, si bien que l'on ne demande finalement pas un report d'un an, mais de six mois tout au plus. L'intervenant espère en tout cas que cela se fera au plus vite.
Mme Taelman renvoie aux mesures visant à prolonger les cadres temporaires dans les cours d'appel et les parquets généraux. Son groupe va soutenir ces mesures, mais sans enthousiasme. Il s'agit du xième report d'affilée dans ce domaine. La discussion sur la mesure de la charge de travail a été entamée en 1999 dans l'intention déjà d'instaurer une telle mesure à bref délai. L'intervenante évoque la rencontre qui a été organisée cette année entre la commission de la Justice et la haute magistrature, dont il est ressorti clairement que le traitement des projets pilotes en matière de mesure de la charge de travail était pour le moins inquiétant. L'ancien ministre de la Justice, M. de Clerck, déclarait il y a près d'un an que le comité d'accompagnement créé sous M. Londers se réunirait au mois de janvier 2011 dans le but d'aboutir, lors de cette réunion, à un consensus en vue d'effectuer un contrôle scientifique sur les résultats qui étaient déjà disponibles à l'époque. Il était également prévu que les problèmes seraient tranchés au cours de cette réunion et qu'un accord définitif serait conclu sur la méthodologie et sur la manière de tenir compte des résultats finaux. Où en est-on aujourd'hui ? L'intervenante a l'impression que l'on n'a pas encore beaucoup progressé en ce qui concerne la mesure de la charge de travail. Il est grand temps de trancher les problèmes et il est tout simplement honteux et affligeant de devoir accorder un report année après année. Chaque année, on adopte toujours exactement les mêmes textes, seule l'année change. L'intervenante a le sentiment qu'après avoir été votés au Parlement avec toujours les mêmes réserves, ces textes seront mis dans un tiroir avant de refaire surface l'année suivante.
Cela vaut aussi pour la modification de la législation relative aux personnes internées.
Pour ce qui est de la technique législative, l'intervenante souscrit aux remarques de M. Delpérée. Le gouvernement en affaires courantes aurait pu préparer les arrêtés d'exécution afin qu'ils soient prêts pour le nouveau gouvernement. La ministre aura donc beaucoup de travail et devra réparer les dégâts.
La modification de la législation relative au recouvrement des amendes a bel et bien sa place dans le projet à l'examen. L'intervenante renvoie aux chiffres cités dans le rapport de la Chambre qui révèlent que moins de la moitié des amendes font l'objet d'une perception effective. Il est donc possible d'améliorer considérablement la situation, ce qui serait d'ailleurs une superbe initiative en ces temps difficiles sur le plan budgétaire. L'intervenante renvoie à sa proposition de loi et aux propositions d'amendement de M. Van Rompuy qui visent à simplifier le recouvrement des amendes à l'avenir (doc. Sénat, nº 5-54).
Les dispositions relatives aux pensions de la magistrature peuvent, elles aussi, faire partie d'un projet de loi portant des dispositions diverses au sens propre du terme, c'est-à-dire un projet de loi qui concerne des éléments ayant un impact budgétaire. Il ne lui semble pas judicieux de mener un débat approfondi sur le sujet au sein de la présente commission, étant donné que la mesure proposée s'inscrit dans un plan de réforme global qui est analysé en détail au sein de la commission des Affaires sociales. Il faudra inévitablement travailler plus longtemps.
Mme Defraigne souscrit aux remarques faites quant à la méthode de travail imposée au Parlement même si elle comprend les circonstances dans lesquelles la ministre prend en charge ses nouvelles attributions, dans un département difficile.
M. Courtois fait remarquer que le projet de loi à l'examen s'inscrit dans un plan plus général où tout le monde est appelé à faire des efforts. L'orateur pense qu'il faudra être attentif aux conséquences des mesures proposées en matière de pension sur les vacances de poste et, par effet induit, sur l'arriéré judiciaire. Ce problème mérite une attention particulière lors de l'exécution des mesures.
IV. RÉPONSES DE LA MINISTRE
La ministre reconnaît que des voix s'élèvent depuis quelques années pour réclamer la prolongation des cadres temporaires du personnel dans les cours d'appel et les parquets généraux. Il faut cependant tenir compte du travail colossal que représente la mesure de la charge de travail, pour laquelle des projets pilotes sont en cours depuis 2008. En effet, tous les délais de traitement doivent être mesurés, de même que toutes les activités des greffiers et des magistrats doivent être inventoriées, mesurées dans le temps et analysées.
La ministre insiste sur le fait que le comité d'accompagnement est tout à fait disposé à venir commenter l'état d'avancement du projet au Parlement. Elle a elle-même déjà rencontré ce comité cette semaine.
En ce qui concerne le volet correctionnel, les délais de traitement ont déjà été mesurés et ne doivent plus qu'être validés.
Pour le volet civil, les délais de traitement doivent encore être fixés. Selon le calendrier prévu, cela devra être terminé pour la fin 2012. Ce sera ensuite au tour des tribunaux du travail, puis à celui des cours d'appel.
Il s'agit en l'espèce effectivement d'une loi « mosaïque », qui est chaque fois remise à l'ordre du jour en fin d'année pour permettre l'adoption de quelques mesures urgentes et nécessaires. L'intervenante souscrit à la remarque selon laquelle le terme « mosaïque » est trop beau pour qualifier la diversité des dispositions concernées.
Pour ce qui est du report de l'entrée en vigueur des dispositions en matière d'internement, la ministre souligne qu'il serait inopportun de faire entrer une loi en vigueur si l'on s'aperçoit que le terrain n'est pas prêt. Diverses adaptations doivent encore être effectuées au préalable, par exemple en ce qui concerne les bases de données en matière de transmission d'informations entre la police et la justice, les critères relatifs à l'agrément des psychiatres, les recrutements et les formations, etc. La ministre préférerait naturellement ne pas devoir demander de prolongation et pouvoir se consacrer exclusivement aux projets pour l'avenir. Entre le rêve et la réalité se dressent encore une série d'obstacles pratiques à surmonter, ce qui rend un report inéluctable.
En ce qui concerne les pensions, la ministre explique que le système des tantièmes est actuellement de 1/30 pour les cinq premières années en tant que magistrat et de 1/35 pour les années suivantes en tant que magistrat, à condition que l'intéressé ait plus de vingt ans de service. Toutefois, s'il a moins de vingt ans de service, le tantième est actuellement déjà de 1/50. En outre, l'adaptation des tantièmes s'applique également à d'autres catégories professionnelles, comme celle des professeurs émérites. Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la décision claire prise par le gouvernement d'harmoniser beaucoup plus les régimes de pension. Il ne faut pas non plus oublier qu'une personne qui n'embrasse que tardivement une carrière dans la magistrature peut aussi faire valoir les années prestées par ailleurs, par exemple en tant qu'avocat. Il est faux d'affirmer qu'il sera désormais impossible de se constituer une pension, mais il sera néanmoins effectivement plus difficile d'obtenir une pension complète de magistrat.
L'ambition explicite du gouvernement est de réformer et d'harmoniser le système des pensions.
La ministre promet qu'elle rencontrera la magistrature dans les prochains jours. Il est en effet encore possible, jusqu'en mars, d'apporter des ajustements. Cela se fera en concertation avec le ministre des Pensions.
V. RÉPLIQUES DES MEMBRES ET ÉCHANGE DE VUES
M. Laeremans insiste à nouveau sur la nécessité d'entendre d'urgence la magistrature. Lors de la rencontre avec le Conseil consultatif de la magistrature, la commission s'est d'ailleurs engagée à inviter des magistrats lorsqu'une réforme importante les concernant serait en préparation. Or, c'est précisément ce qui se passe en ce moment. Aux yeux de l'intervenant, la volonté de la ministre de rencontrer les magistrats dans les prochains jours ou les prochaines semaines est inutile si l'on ne fait pas par ailleurs le nécessaire pour garder la magistrature suffisamment attractive. Or, la réforme à l'examen lui inspire quelques doutes à cet égard.
L'intervenant a encore une question concernant la problématique de l'internement. Si de nouveaux établissements sont créés à Anvers et à Gand, le besoin — déjà pressant — de disposer d'un encadrement et d'un personnel psychiatriques suffisants sera encore accru. La ministre a-t-elle conscience de la pénurie de personnel psychiatrique ? S'efforcera-t-elle de rendre cette profession plus attractive, sans laisser à la ministre de la Santé publique l'entière responsabilité de s'occuper de ce dossier ? Il ne serait pas opportun de pratiquer la politique du parapluie.
M. Courtois répond que la ministre a promis de recevoir prochainement les associations de magistrats. Elle prouve ainsi clairement qu'elle est sensible aux conséquences que pourraient avoir les mesures adoptées.
En réponse à la remarque de M. Mahoux sur l'entrée en vigueur de l'article 18 du projet de loi, la ministre précise qu'un amendement sera déposé lors des discussions en séance plénière de la Chambre des représentants pour insérer un nouvel article dans le chapitre 4 du projet de loi afin de prévoir une entrée en vigueur de la disposition au 1er janvier 2012.
M. Laeremans rappelle sa demande d'entendre des représentants des magistrats sur les modifications en matière de pension.
La ministre renvoie sur ce plan à la sagesse de la commission. Elle souligne cependant qu'aucune audition n'a été organisée, ni à la Chambre des représentants, ni au Sénat, sur la réforme globale des pensions. L'article relatif à la pension des magistrat a été disjoint du projet global car il modifie le Code judiciaire. Le gouvernement se concerte avec les partenaires sociaux sur les mesures d'exécution de la réforme des pensions. Il n'y a cependant pas eu de concertation par catégorie socio-professionnelle. Faut-il déroger à cette approche pour la catégorie spécifique que constituent les magistrats ?
M. Mahoux pense que la commission peut, comme cela se fait régulièrement, rencontrer les associations de magistrats sur la totalité des problèmes qu'elles jugeront utiles d'exposer aux commissaires. Il n'est par contre pas opportun de les entendre, dans l'urgence, sur un problème particulier qui dépasse largement les compétences de la commission de la Justice.
M. Vanlouwe souhaiterait revenir sur la problématique de la mesure de la charge de travail qui remonte à plus de dix ans déjà. Une controverse s'est fait jour au sujet de la méthodologie employée dans le cadre des projets-pilotes lancés en 2008 à la cour d'appel de Mons — projet transféré entre-temps vers la cour d'appel de Liège — et à la cour d'appel d'Anvers. L'université de Mons a en effet réalisé plusieurs études qui remettent l'ensemble de la méthodologie en question. Lors de la rencontre qui a eu lieu avec la haute magistrature en commission de la Justice, il est apparu que la méthodologie est perçue comme correcte par la cour d'appel d'Anvers. La cour d'appel de Mons, en revanche, conteste cette méthodologie ainsi que le calcul. Pourquoi cette différence de perception et comment l'expliquer ?
En ce qui concerne la prolongation des cadres de personnel temporaires dans les cours d'appel et les parquets généraux, l'intervenant demande si la ministre entrevoit une solution définitive d'ici l'année prochaine. Ou faudra-t-il à nouveau se contenter d'une décision provisoire ?
En ce qui concerne la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement, l'intervenant renvoie au commentaire de la ministre et aux neuf problèmes énumérés en ce qui concerne la mise en uvre. Quels sont les arrêtés d'exécution qui sont déjà en préparation ?
Mme Khattabi prend actes des raisons invoquées par la ministre pour justifier le report de l'entrée en vigueur de la loi relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental. Elle pense que cela ne répond pas à la notion de motif impérieux à laquelle le Conseil d'État s'est référé. C'est en effet un simple retard dans la mise en uvre de dispositions législatives adoptées par le Parlement en 2007 qui justifie le report. L'oratrice en déduit que c'est soit le terrain qui a tardé à mettre en uvre la réforme, soit la majorité politique de l'époque qui a fait preuve de trop d'enthousiasme et n'a pas pris en compte la réalité du terrain lors de l'adoption du texte.
M. Delpérée renvoie à la rencontre avec les hauts magistrats qui a eu lieu le 22 juin 2011. Tout le problème du calcul de la charge de travail des magistrats y a été abordé. C'est un débat immense qui déborde largement du cadre du présent projet de loi, lequel vise à résoudre un problème ponctuel en prolongeant les cadres temporaires auprès des cours d'appel.
M. Courtois le reconnaît. La question de la mesure de la charge de travail est extrêmement complexe à résoudre car il faut prendre en compte la nature du travail du magistrat. Un petit dossier peut être beaucoup plus compliqué sur le plan juridique qu'une affaire très volumineuse.
La ministre ne dispose pas d'informations chiffrées sur le nombre de magistrats qui ont demandé leur préretraite.
En ce qui concerne la méthodologie employée pour mesurer la charge de travail, la ministre explique qu'à un moment donné, celle-ci a été corrigée. Une étude universitaire avait en effet proposé de lui apporter plusieurs corrections sans toutefois la remettre fondamentalement en question. Ces corrections ont été approuvées par le Comité d'accompagnement et la méthodologie a été modifiée. La cour d'appel de Mons s'est déclarée satisfaite des conclusions formulées, mais n'a plus voulu servir de site expérimental. Le projet-pilote a donc été transféré à la cour d'appel de Liège.
La ministre ignore pourquoi les cours d'appel avaient une vision divergente de la méthodologie et rappelle que celle-ci n'a pas été remise en cause dans ses fondements.
En ce qui concerne les arrêtés d'exécution de la loi relative à l'internement, la ministre pense que rien n'a encore été entrepris dans ce domaine. Le précédent ministre de la Justice avait certes demandé au Parlement d'adapter une nouvelle fois la loi de base. La ministre se penchera sur la question et élaborera les arrêtés d'exécution.
Mme Taelman estime qu'il serait opportun d'entendre le Comité d'accompagnement Mesure de la charge de travail, y compris sur la question de la différence de perception en ce qui concerne la terminologie.
VI. VOTES
L'article 1er est adopté par 12 voix et 1 abstention.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés par 13 voix et 1 abstention.
Les articles 4 à 6 sont successivement adoptés par 12 voix contre 1 et 1 abstention.
Les articles 7 à 11 sont successivement adoptés par 10 voix et 4 abstentions.
Les articles 12 à 16 sont successivement adoptés par 11 voix et 4 abstentions.
L'article 17 est adopté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.
L'ensemble du projet de loi est adopté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.
La commission a décidé, à l'unanimité, de faire confiance aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.
| Les rapporteurs, | Le président, |
| Zakia KHATTABI. Karl VANLOUWE. | Alain COURTOIS. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-1953/011).