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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 12 JANVIER 2012 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Philippe Mahoux au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes sur «la Hongrie» (no 5-354)

M. Philippe Mahoux (PS). - Nous sommes nombreux à être interpellés par les décisions du gouvernement et du parlement hongrois. J'en rappelle quelques-unes.

Le vendredi 30 décembre 2011, le parlement hongrois a adopté le projet de loi sur l'encadrement de la banque centrale, en dépit des objections formulées par l'Union européenne et la Banque centrale européenne, qui y voient une remise en cause de l'indépendance des autorités monétaires. En outre, la Commission européenne a émis des doutes sur le respect d'autres principes comme l'indépendance de la Justice : il a été décidé d'envoyer à la retraite plusieurs centaines de juges et de permettre à une seule autorité contrôlée par le gouvernement de nommer les nouveaux juges.

Les nouvelles législations adoptées en Hongrie remettent aussi en cause la non-discrimination et la protection des données à caractère personnel.

Enfin, la préoccupation est également grande en ce qui concerne la liberté de la presse avec la fermeture de la radio d'opposition très populaire, « Klubrádió », à la suite de l'adoption de la loi sur les médias.

Au niveau européen, où certaines réactions que je partage se sont manifestées, il peut paraître fondé d'envisager l'application de l'article 7 du Traité sur l'Union européenne et donc d'étudier la possibilité d'imposer des sanctions juridiques et politiques à la Hongrie qui, visiblement, ne respecte pas dans sa législation les principes fondateurs de l'UE.

Malgré toutes les remarques qui ont été formulées, M. Orban, si l'on en croit ses dernières déclarations, ne semble pourtant pas vouloir changer d'attitude. Il a réitéré, le vendredi 6 janvier dernier, son refus de modifier les lois controversées.

Quelle attitude adoptera dès lors la Belgique vis-à-vis de la Hongrie, que ce soit dans ses relations bilatérales ou au niveau européen, face à ce qui constitue une menace sérieuse pour les principes fondateurs de l'Union européenne et pour l'Union elle-même ?

Certes, les lois sont de la compétence des États membres mais, depuis que M. Orban est à la tête du gouvernement hongrois, il a fait passer une série de dispositions touchant aux problèmes éthiques et qui ne correspondent pas à notre législation. S'il me paraît préférable, au stade actuel, de laisser cette compétence aux États membres, il faut déplorer l'adoption de telles dispositions.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes. - Je ne vais pas rappeler les différentes évolutions constitutionnelles et légales en Hongrie qui suscitent une inquiétude grandissante au sein de l'Union européenne : au Parlement européen, à la Commission européenne et au Conseil européen, dans les États membres. Je préciserai juste l'état de la question aujourd'hui.

Il est totalement anormal que l'on accorde une attention toute particulière, souvent très précise et justifiée, à la situation économique et budgétaire des différents États pour leur demander, dans l'Union et dans la zone euro, de respecter les engagements pris dans les traités européens et que, parallèlement, on ne fasse pas la même démarche lorsqu'il s'agit de réagir à la mise en cause de droits fondamentaux qui portent plus sur les critères politiques d'adhésion à l'Union européenne. Quand on entre dans l'Union européenne, comme quand on entre dans la zone euro, on doit respecter divers critères, pas seulement budgétaires et économiques mais aussi politiques.

Face à ce qui se passe en Hongrie, l'inquiétude commence à grandir, y compris sur place - et c'est heureux - où des citoyens et responsables politiques hongrois ont réagi.

Que faisons-nous face à cela ? La position belge est très claire et nous en avons débattu au gouvernement.

Lors de mes premiers contacts avec mes homologues européens, j'ai eu l'occasion d'insister sur la nécessité pour la Commission européenne de présenter un rapport. Elle s'est exprimée pour la première fois ce mercredi : le 17 janvier elle prendra attitude sur l'évolution de la situation en Hongrie.

J'insisterai auprès de mes différents collègues pour que le conseil Affaires générales soit saisi de ce rapport de la Commission et puisse en débattre. Si des manquements sont constatés, des procédures seront éventuellement enclenchées, en ce compris en matière de sanctions.

Les démarches du parlement européen et de certains membres du conseil, dont je suis, mais peut-être aussi de la Commission, commencent progressivement à porter un certain nombre de fruits. Rassurez-vous : je n'en tire pas de conclusions hâtives.

Mon collègue hongrois des Affaires étrangères a écrit aux membres du conseil pour ouvrir au moins la porte au dialogue et à la révision d'un certain nombre de législations. Nous resterons toutefois vigilants.

Je puis confirmer que la position belge est très claire : nous demandons à la Commission européenne de faire son travail de gardienne des traités, non seulement dans les domaines budgétaire et économique, mais aussi en matière de droits politiques et fondamentaux.

Nous demandons dès lors la rédaction d'un rapport qui sera soumis au conseil Affaires générales. S'il le faut, les procédures doivent être enclenchées. Si des manquements sont constatés, les États peuvent évidemment se mettre en ordre mais, à défaut, des procédures existent, y compris des sanctions, comme vous l'avez évoqué, monsieur Mahoux. Nous veillerons à ce que la Commission européenne soit aussi scrupuleuse dans ces domaines que dans ceux qui nous occupent parfois très longuement dans les matières budgétaire et économique.

M. Philippe Mahoux (PS). - La réponse du vice-premier ministre est tout à fait satisfaisante. Il s'agit de valeurs fondatrices et nous devons être intransigeants quant à leur respect. Il me semble que, dans le cas de la Hongrie, toute interprétation lénifiante serait totalement hors de propos.

J'ajoute simplement qu'il est possible, sur le plan bilatéral, d'émettre un signal à destination de la Hongrie. Le vice-premier ministre connaît la gradation pouvant exister dans les signaux donnés à un pays pour marquer notre désapprobation et je le laisse juge de ceux qui pourraient être utilisés en l'occurrence. Il est en tout cas important de manifester cette désapprobation sur le plan bilatéral.