5-30/4

5-30/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

11 JANVIER 2012


Proposition de loi modifiant diverses dispositions en vue de lutter contre la violence entre partenaires


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

MME FAES


I. INTRODUCTION

La proposition de loi modifiant diverses dispositions en vue de lutter contre la violence entre partenaires (doc. Sénat, nº 5-30/1) a été déposée par Mme Lijnen et M. Tommelein le 20 juillet 2010 et prise en considération le 12 octobre 2010. Elle a été envoyée à la commission de la Justice.

La commission était également saisie de la proposition de loi modifiant les articles 223, 1447 et 1479 du Code civil et les articles 587, 594 et 1280 du Code judiciaire en matière d'éloignement préventif du domicile familial et portant d'autres mesures de suivi et de répression de la violence entre partenaires a été déposée au Sénat le 20 juillet 2010 par Mmes de Bethune et Franssen (doc. Sénat, nº 5-539/1)

La commission a examiné les deux propositions de loi conjointement lors de ses réunions des 6 avril, 25 mai, 15 juin, 23 et 30 novembre 2011 ainsi que 11 janvier 2012, en présence du ministre de la Justice. Pour le rapport des discussions relatives à la proposition de loi de Mmes de Bethune et Franssen, il est renvoyé au document Sénat nº 5-539/4.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME LIJNEN

La proposition de loi à l'examen avait déjà été déposée le 23 août 2007 (doc. Sénat, nº 4-163/1). Elle a été redéposée par le groupe Open VLD, qui estime qu'il y a encore trop de violence entre partenaires dans notre société. Les chiffres démontrent d'ailleurs que le phénomène ne recule pas.

L'intervenante se réfère aux chiffres mentionnés dans les développements, lesquels ne sont toutefois pas actualisés.

Il est dès lors préférable de s'appuyer sur les chiffres repris dans le rapport de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes publié en 2010 sur la base d'une étude menée de 2008 à 2009. La conclusion générale de ce rapport est que 15 % des femmes belges ont été victimes de violence de la part de leur partenaire au cours des douze mois précédant la publication. 12,5 % des répondants ont déclaré avoir été confrontés, au cours des douze derniers mois, à au moins un acte de violence commis par un partenaire ou un ex-partenaire. À cet égard, Il est fait une distinction entre les hommes et les femmes, ces dernières étant plus souvent que les hommes victimes de violences graves ou très graves. Les femmes engagées dans une relation sont les moins touchées: 87,7 % d'entre elles n'ont pas été victimes de violences. Les femmes qui ont vécu un divorce ou une séparation au cours des douze derniers mois et qui ont été en contact avec leur ex-partenaire n'ont pas subi d'actes de violence de la part de leur ex-partenaire dans respectivement 81,8 % et 75,4 % des cas.

Aucun effet d'âge n'est observé et, dans plus de 90,2 % des cas, la situation de violence dure moins d'un an.

En ce qui concerne la proposition proprement dite, l'intervenante se réfère principalement aux conclusions. Étant donné que la Belgique s'est engagée, lors de la quatrième Conférence mondiale de Pékin, à prévenir et éradiquer toute forme de violence et de discrimination à l'égard des femmes, il est important de prévoir dans la loi que la violence entre partenaires est une infraction qui devra être poursuivie systématiquement. Il est également important que la police puisse elle-même aller à la rencontre des victimes et soit responsable de la collecte des preuves. Une cellule d'intervention globale consacrée à la violence entre partenaires devrait également pouvoir être créée, à l'instar de ce qui se fait à l'étranger, par exemple en Autriche ou en Allemagne. Cette cellule serait composée de la police, d'associations d'aide aux hommes violents, de juges, de médecins et de professionnels de l'aide étant donné que dans certains cas, l'appréhension à s'adresser à la police peut en effet être très grande. La création d'une cellule d'intervention peut permettre de prendre la problématique à bras-le-corps et de diminuer considérablement l'appréhension des victimes. Une relation de confiance peut en effet être établie. L'objectif principal de la cellule d'intervention sera d'élaborer une approche efficace et systématique de la violence entre partenaires qui permette de mieux protéger les femmes victimes de maltraitances et de faire en sorte que les auteurs soient non seulement poursuivis mais, aussi condamnés. La cellule élaborera des scénarios pour les modalités d'approche, la détection, le soutien, la charge de la preuve et la constitution d'un dossier en justice.

Les services d'aide, en particulier, devront intervenir en étroite concertation avec les cellules d'intervention, étant donné que des études ont montré que, sous la pression des auteurs d'actes de violence, les victimes ont plutôt tendance à se rendre dans les services des urgences où l'anonymat est garanti. L'auteur d'actes de violence craint en effet que le médecin généraliste ne décèle les marques de violences plus rapidement.

L'objectif principal de l'initiative législative à l'examen est d'obtenir que les faits de violence entre partenaires fassent systématiquement et inconditionnellement l'objet de poursuites, comme dans le modèle norvégien, qui a prouvé son efficacité.

Les cellules d'intervention élaboreront aussi une banque de données intégrée commune comprenant tous les dossiers liés à des actes de violence entre partenaires. En outre, les auteurs sont d'avis que la police doit pouvoir procéder à la saisie immédiate des armes découvertes au domicile, même si celles-ci ne sont pas liées à l'incident.

Du point de vue déontologique, il faut inciter les médecins à dénoncer les actes de violence entre partenaires. Le ministre élaborera une réglementation à ce sujet, conjointement avec les ordres des médecins. La note « Les violences conjugales. Rôle du médecin généraliste », qui a été élaborée en 2004 à la demande du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, pourra servir de fil conducteur.

La philosophie de la proposition de loi à l'examen est de permettre à la victime d'actes de violence de la part de son partenaire de briser le cercle vicieux de la violence, de sorte qu'elle soit rétablie dans sa dignité de femme. Les auteurs veulent encourager la victime d'actes de violence commis par son partenaire ainsi que ses enfants et les aider à franchir le pas qui les sépare des services d'aide, de la police et de la justice.

Enfin, il doit également être possible de faire une déclaration par le biais d'Internet. Celle-ci pourrait, dans un premier temps, être transmise à la cellule d'intervention spécialisée, qui pourra examiner le dossier et décider de la suite qu'il convient de lui réserver.

La proposition de loi à l'examen va très loin, mais il est nécessaire d'envoyer un signal fort concernant la violence entre partenaires, qui est un phénomène important au sein de notre société. Les victimes de violence entre partenaires ne doivent pas seulement être soutenues, mais doivent également se voir offrir un avenir.

Les circulaires de la ministre Onkelinx semblent en cours d'évaluation. Il serait utile que la commission soit informée de l'état d'avancement de cette évaluation.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Faes déclare que le groupe N-VA est naturellement favorable à l'idée qui sous-tend la proposition de loi à l'examen, à savoir combattre la violence entre partenaires, mais a néanmoins quelques réserves à formuler.

Premièrement, l'article 2 dispose que le procureur engage toujours des poursuites, sous réserve de l'application de l'article 216ter du Code d'instruction criminelle, ce qui semble s'apparenter in fine à une interdiction de classement sans suite. Est-il nécessaire de le mentionner dans la loi puisque cela relève de toute façon de la compétence du parquet ?

L'article 4 dispose que la victime d'actes de violence commis par son partenaire est assimilée aux personnes dont les ressources sont insuffisantes dans le cadre de l'assistance judiciaire gratuite. Il est clair qu'il faut soutenir au mieux les victimes, mais pourquoi les auteurs ont-ils opté pour une liaison automatique avec le système pro deo ? C'est aussi le cas en Norvège, mais n'existe-t-il pas d'autres possibilités ?

M. Laeremans a quelques remarques éparses à formuler, sans avoir encore adopté un point de vue définitif. Il faut tout d'abord veiller à ne pas rendre la situation plus difficile qu'elle ne l'est déjà. Alors qu'une réconciliation est possible après une violente dispute, l'intervention ultérieure du parquet pourrait entraîner la séparation définitive du couple. D'autre part, l'intervenant est conscient que certaines relations peuvent s'enliser au fil des années dans une sorte de climat de terreur dans lequel le partenaire le plus vulnérable n'ose pas agir.

L'intervenant s'interroge sur d'éventuels précédents en matière de poursuite obligatoire. Existe-t-il d'autres dispositions législatives qui ne laissent au parquet aucune marge d'appréciation, l'obligeant à engager des poursuites pour toute plainte déposée ? En effet, cela pourrait aussi s'avérer contre-productif. La victime pourrait avoir des réticences à porter plainte, sachant que si elle le fait, plus aucune mesure intermédiaire, telle qu'un entretien de conciliation ou l'éloignement provisoire du domicile, ne sera possible.

L'intervenant fait également référence à la législation adoptée récemment concernant l'extension de la transaction. En l'occurrence, c'est l'inverse que l'on veut faire. L'intervenant sait que la transaction est exclue en cas d'atteinte grave à l'intégrité physique, mais il n'est pas toujours question de violence physique dans le cadre de la violence entre partenaires. Il peut aussi s'agir de violence psychologique ou de harcèlements répétés. La poursuite obligatoire n'est pas adéquate en l'espèce, à moins que l'on décide que la transaction reste possible, même après les poursuites engagées par le parquet. Dans ce cas, ce que l'on entend par « poursuite obligatoire », c'est plutôt l'impossibilité d'un classement sans suite.

L'intervenant a quelques questions concernant la problématique du secret professionnel. L'article 410ter du Code pénal dispose que le dépositaire d'un secret professionnel peut en informer le procureur, à condition qu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité de l'intéressé. L'intervenant estime que dans ce cas, l'infraction doit être portée à la connaissance du procureur du Roi; il n'y a pas d'autre possibilité.

L'intervenant n'approuve pas non plus la disposition relative à la liaison établie avec l'assistance juridique gratuite. En effet, il est précisé dans les développements que dans 50 % des cas de violence entre partenaires, les auteurs seraient des personnes titulaires d'un diplôme universitaire, ce qui implique dès lors une certaine aisance financière dans la plupart des cas.

M. Courtois pense que la violence intra-familiale est un sujet qui ne peut être sous-estimé. Les parquets ont longtemps considéré ces faits comme un épiphénomène et les poursuites étaient rares. Les auteurs recevaient une sorte d'avertissement, mais on ne tenait pas compte des dégâts collatéraux physiques et psychiques causés par ces violences. La situation a heureusement évolué et des initiatives ont été prises dans une série d'arrondissements judiciaires pour endiguer ces phénomènes.

Le débat sur les violences familiales doit également s'inscrire dans le contexte plus large du tribunal de la famille car il faut avoir une approche globale des problèmes familiaux plutôt que de saucissonner ceux-ci.

L'intervenant suggère que la commission entende des unités de police ainsi que des magistrats de première ligne pour s'informer sur les initiatives qui ont été prises et qui pourraient servir de base à une politique générale en matière de lutte contre les violences intra-familiales.

M. Courtois pense par ailleurs que l'on ne peut se cantonner à la violence entre partenaires. Il faut également inclure dans la réflexion la situation des personnes âgées qui sont, malheureusement, également souvent victimes de violences. Ce sujet est resté longtemps tabou mais les mentalités évoluent pour que ces faits remontent à la surface, à l'instar de ce qui se passe pour les abus sexuels commis à l'égard de mineurs.

Mme Defraigne se rallie au préopinant. La violence conjugale était, il y a vingt ans, un sujet tabou. La victime qui portait plainte ne trouvait généralement pas d'écoute auprès des services compétents. Ce type de plainte était presque systématiquement classé sans suite et la crédibilité des plaignants n'était que rarement prise en considération. Les parquets ont initié des politiques criminelles sur ce plan. Le parquet de Liège a, sous la houlette de Mme Bourguignon, mené des campagnes de tolérance zéro. Ces campagnes ont abouti à une modification de la loi sur la résidence conjugale. Si un des époux s'est rendu coupable de violences conjugales, il perd le bénéfice de la résidence conjugale. Ces mesures sont appliquées par les tribunaux, en référé, lorsqu'il y a des faits étayés.

L'intervenante pense que la question est de savoir si l'on doit traduire, dans la loi, une politique criminelle. Faut-il prévoir dans les textes une injonction positive de poursuivre les faits de violence conjugale ? La proposition prévoit que le procureur du Roi engage toujours les poursuites. Une telle disposition s'inscrit-elle dans la logique de la récente extension de la transaction pénale que le Parlement vient d'adopter ?

Par ailleurs, l'article 3 pose la question de la levée du secret professionnel. Dans quels cas une personne tenue par le secret professionnel pourra-t-elle en être déliée, notamment lorsqu'elle s'adresse au parquet ?

M. Bousetta constate que les articles 5 à 8 de la proposition de loi à l'examen visent à modifier la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Ne faudrait-il pas demander l'avis de la commission de l'Intérieur sur les modifications proposées en matière de police. De même, la commission de la Justice devrait s'informer sur les réflexions qui ont été menées sur le sujet au sein du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. Vanlouwe estime qu'en excluant la possibilité de classer sans suite, on intervient dans la politique de poursuite du ministère public. Le principe d'opportunité est ainsi quelque peu mis à mal. Est-ce bien indiqué ? Dans l'affirmative, pourquoi l'est-ce uniquement dans le cas de la violence entre partenaires ?

Il est effectivement souhaitable d'organiser des auditions avec les services de police et des magistrats du parquet.

En outre, les victimes de la violence entre partenaires sont souvent orientées vers les CMC — centres de médecins de confiance —, où elles peuvent bénéficier d'une assistance psychologique et parfois des services de médiation qui tenteront d'analyser avec elles les difficultés conjugales. Il serait peut-être utile d'associer également cet aspect à l'audition.

Le ministre fait remarquer que la proposition de loi à l'examen pose plusieurs questions. La première est relative au rôle du parquet. Outre les poursuites, le parquet dispose d'autres moyens d'action tels que la médiation, la transaction ou des mesures probatoires qui permettent de ramener la paix dans les ménages afin d'éviter qu'une condamnation ne stigmatise la situation. Les parquets ont mis en place ces dernières années une politique des poursuites qui est suivie par le Collège des procureurs généraux ainsi que par le Service de politique criminelle du SPF Justice. L'intervenant pense qu'il serait intéressant d'entendre des représentants du Collège des procureurs généraux pour qu'ils présentent le travail accompli sur le terrain en matière de lutte contre les violences conjugales.

L'intervenant rappelle ensuite que le Centre pour l'Égalité des chances et la lutte contre le racisme joue également un rôle important en la matière, notamment en ce qui concerne le suivi du plan national d'action contre la violence. Cela vise aussi bien la violence entre partenaires que la violence à l'égard des personnes âgées ou les crimes d'honneur.

Le second problème soulevé par le texte est celui du secret professionnel. La modification proposée au régime du secret professionnel devrait être envisagée sous un angle plus large. L'intervenant renvoie aux réflexions menées sur ce point au sein de la Commission spéciale relative au traitement d'abus sexuels dans une relation d'autorité. La Commission a abordé la question de l'obligation de dénoncer des faits en matière d'abus sexuel ou du droit de dénoncer ces faits. Ces réflexions valent également en matière de violence conjugale.

L'intervenant pense qu'il faudrait entendre le conseil de l'ordre des avocats pour connaître leur vision sur le secret professionnel.

La troisième question concerne le rôle de la police et la mise en place de cellules d'intervention « violence entre partenaires ». Il faudrait au minimum rencontrer les policiers pour connaître leur point de vue quant à la suggestion formulée.

La dernière question est relative au régime d'assistance judiciaire gratuite que l'article 4 de la proposition de loi prévoit en faveur des victimes. Le ministre rappelle que l'aide juridique de première et de deuxième ligne est organisée dans une philosophie complète tenant compte à la fois de la situation de revenus ainsi que de la situation de vulnérabilité des personnes. C'est un système complexe qu'il est difficile d'aborder à partir d'une prévention déterminée ou en tenant compte d'une sorte de victime. La modification proposée, basée sur une prévention déterminée, risque de mettre à néant un système qui devra être profondément réformé dans les prochains mois en raison de la jurisprudence Salduz de la Cour européenne des droits de l'homme.

À l'heure actuelle, la gratuité est accordée en fonction des revenus ou d'une situation sur la base d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. C'est dans ce cadre qu'il faudrait réfléchir à une refonte globale du régime plutôt que de travailler de manière ponctuelle en accordant la gratuité de l'assistance aux victimes de violence conjugales.

Mme Defraigne se rallie à cette dernière remarque car les victimes de violence conjugale ne sont pas nécessairement sans ressources dans la mesure où ces faits se passent dans toutes les couches sociales.

Mme Lijnen comprend les remarques formulées mais insiste sur l'aspect psychologique: dans la plupart des cas, une victime d'actes de violence commis par son partenaire est en effet également isolée du point de vue financier. Il arrive fréquemment que les victimes ne puissent pas disposer librement de l'argent qui se trouve sur le compte en banque.

IV. AUDITIONS

À l'issue de la discussion, la commission décide d'organiser une série d'auditions. Pour le compte-rendu de ces auditions, il est renvoyé au document nº 5-539/4.

V. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

Mme Lijnen et consorts déposent l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 5-30/3) qui vise à remplacer l'intitulé afin de mettre celui-ci en conformité avec les modifications proposées dans les amendements nos 1 à 9.

Article 1er

Cet article ne donne lieu à aucune observation.

Article 2

Mmes Lijnen et Taelman déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-30/3) qui vise à supprimer cet article.

Article 3

Mme Lijnen renvoie à la discussion générale qui a montré que la combinaison d'un volet judiciaire avec un volet policier n'était pas souhaitable. L'intervenante a donc décidé de retirer le volet judiciaire et le volet policier de la proposition de loi en discussion (voir les amendements nos 2, 3, 4, 5, 7 et 8) et de les intégrer dans une nouvelle proposition de loi.

Amendement nº 1

Mme Lijnen dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 5-30/2) qui vise à remplacer l'article 3 par ce qui suit: « Art. 3. Dans l'article 458bis du Code pénal, modifié par la loi du 28 novembre 2000, les mots « ou qui a connaissance d'une infraction prévue à l'article 410, alinéa 2, » sont insérés après les mots « sur un mineur,. »

Cet amendement vise à ajouter les infractions liées à la violence entre partenaires à celles qui doivent faire l'objet d'un signalement. Cette mesure a également été préconisée dans le rapport du Comité P, selon lequel il faudrait inciter déontologiquement les médecins et le personnel soignant à dénoncer à la police toute violence entre partenaires.

L'auteure de l'amendement estime que la violence entre partenaires a des conséquences tellement graves pour les victimes, pour les enfants des victimes et pour la société que l'obligation de signaler les faits constitue un minimum minimorum.

Amendement nº 9

L'amendement nº 1 est retiré et remplacé par l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 5-30/3) qui vise à inclure aussi dans le champ d'application de l'article 458bis du Code pénal les infractions relevant de la violence entre partenaires. Cet article a trait au secret professionnel du médecin et à la possibilité qu'il a de lever celui-ci.

Mme Faes s'abstiendra lors du vote relatif à l'amendement nº 9. Elle estime en effet qu'il ne faut pas, dans le cadre d'une législation relative à la violence entre partenaires, toucher au secret professionnel des catégories de prestataires de services visées dans la loi. À force d'étendre le champ d'application de l'article 458bis à de nouvelles catégories, on finira par vider le secret professionnel de toute substance. Les prestataires visés ne souhaitent d'ailleurs pas que l'on élargisse de manière systématique la portée de l'article 458bis.

Mme Lijnen renvoie à la discussion relative à la législation concernant les personnes vulnérables, au cours de laquelle la question du secret professionnel fut très largement abordée. La disposition en discussion ne vise à élargir la portée de l'article que de manière très limitée. Il ne faut pas oublier que les victimes d'actes de violence de la part de leur partenaire sont dans la majorité des cas très isolées et que le médecin généraliste est leur seule personne de confiance. Il est donc logique de donner à celui-ci la liberté de lever le secret professionnel et ce, en concertation avec la victime.

M. Torfs pense qu'il serait peut-être judicieux de faire référence aussi à la déontologie des professions concernées. Il ne faudrait pas créer de contradiction entre la réglementation en discussion et les codes de déontologie existants.

M. Mahoux pense qu'il n'est pas opportun de faire référence dans la loi à la déontologie.

Sur le fond, l'intervenant se déclare réservé par rapport à l'extension de la dérogation au secret professionnel. C'est une piste toujours glissante. Il ne faudrait pas en arriver à une situation dans laquelle le secret professionnel n'offre plus de garantie en faveur des personnes qui se confient. Le secret professionnel est un élément tout à fait fondamental du colloque singulier.

Une dérogation est prévue notamment à l'égard des personnes vulnérables. L'auteur de l'amendement considère que toute personne victime de violences entre partenaires est automatiquement considérée comme une personne vulnérable. L'intervenant est cependant réservé quant à l'extension de la levée du secret professionnel telle que proposée à l'amendement nº 9. Il s'abstiendra lors du vote de cet amendement.

Mme Khattabi souhaite également s'abstenir lors du vote de l'amendement.

Mme Defraigne peut souscrire aux réserves exprimées par Mme Faes. Elle aussi s'abstiendra lors du vote sur l'amendement nº 9.

M. Mahoux précise que les remarques exprimées par différents membres font suite aux auditions. Le secret professionnel est une garantie protégeant les clients des médecins, avocats, etc. Lorsque le détenteur du secret ne le respecte pas, il commet un délit. Or, dans toute une série de cas, on considère que le détenteur du secret ne commet pas de délit lorsqu'il informe le procureur du Roi de certains faits. C'est comme si le détenteur est délivré de son secret de manière automatique dans ces hypothèses.

Mme Defraigne reconnaît que le secret professionnel est la raison d'être du colloque singulier entre le client et le dépositaire du secret. On a tendance à grignoter le secret professionnel sans avoir une approche globale et cohérente de cette notion. Il ne faudrait pas finir par inverser la tendance en prévoyant une sorte d'obligation de délation dans le chef du professionnel qui, s'il ne dénonce pas, se rendrait coupable d'une infraction. L'équilibre à trouver est délicat. Il faut que les textes soient cohérents.

Mme Taelman peut difficilement se rallier aux réserves qui ont été formulées. Il est exact que la disposition à l'examen ne change en rien le secret professionnel existant et qui figure dans les codes déontologiques de toutes les catégories professionnelles concernées. L'article 458bis est effectivement en vigueur depuis longtemps déjà. Le seul changement en l'espèce est que l'infraction relative à la violence entre partenaires est jointe à la liste des infractions auxquelles l'article 458bis fait référence. Cet ajout semble justifié à l'intervenante vu que chaque jour voit son lot de violence entre partenaires. Cette violence est un problème gigantesque. La discussion qui a lieu actuellement porte sur le fond de l'article 458bis et non sur la modification qui est l'objet du texte à l'examen.

Mme de Bethune souligne que la discussion concerne l'extension du droit de signalement, lequel a été récemment étendu aux situations impliquant des personnes vulnérables. La question est de savoir s'il est justifié d'étendre également le droit de signalement aux situations de violence entre partenaires. Dans l'affirmative, la raison invoquée peut être, d'une part, la fréquence élevée de la violence entre partenaires, et, d'autre part, l'assimilation des victimes de faits de violence de la part de leur partenaire à des personnes vulnérables. Les partenaires dépendent souvent l'un de l'autre sur le plan financier et aussi parce qu'ils ont des enfants. Le libre arbitre n'est pas facile dans une relation de couple qui rend ses membres vulnérables. C'est là un choix politique.

Mme Faes indique qu'une extension du droit de signalement comporte aussi, dans une certaine mesure, une limitation du secret professionnel. L'intervenante maintient son point de vue.

M. Torfs estime que la question n'est pas de savoir si, en l'espèce, une exception au secret professionnel est possible. Des exceptions sont possibles et existent déjà. Il est par contre crucial que le droit de signalement ne fasse pas redouter à la victime de se rendre auprès d'une personne de confiance. Si la victime hésite à ce faire parce qu'en agissant de la sorte elle perd le contrôle sur ce qui sera fait des informations qu'elle aura fournies, il y a réellement un problème.

M. Laeremans a des réserves quant au raisonnement qui a été formulé par Mme de Bethune et selon lequel un partenaire qui est victime de violence au sein du couple serait automatiquement considéré comme une personne vulnérable, ce qui est assez exagéré, affaiblira et mettra à mal la notion de personne vulnérable. Cela reviendrait à dire que tous, dans la société, peuvent être considérés comme des personnes vulnérables. Un partenaire adulte normal dispose d'autres moyens de faire cesser la violence.

L'intervenant renvoie aussi à la justification de l'amendement dans laquelle il est indiqué qu'une personne qui est agressive envers son partenaire est également agressive envers ses enfants et d'autres membres de la famille. L'intervenant trouve cela exagéré. La violence entre partenaires n'est pas toujours la conséquence de l'agressivité d'un des deux partenaires, mais peut aussi découler du comportement agressif de chaque partenaire envers l'autre. Ils ne sont pas agressifs envers leurs enfants pour autant.

L'intervenant pense avoir compris que le médecin se concerte avec son patient avant de lever le secret professionnel. Où cela figure-t-il dans le texte ?

Mme Taelman répète que le texte à l'examen ne change rien au système actuellement prévu dans l'article 458bis. Seule l'infraction de la violence entre partenaires est ajoutée à la liste des infractions auxquelles il y est fait référence. L'intervenante souligne que des faits de violence entre partenaires, pouvant donner lieu à des infractions graves, sont commis tous les jours. Il semble dès lors nécessaire à l'intervenante d'insérer cette catégorie d'infractions dans l'article 458bis. Si l'on veut prévenir des drames familiaux, uniquement en donnant la possibilité d'intervenir, et non en rendant cette intervention obligatoire, cet ajout est nécessaire.

Mme Defraigne s'interroge sur les conséquences pénales pour le dépositaire du secret professionnel. L'article 458bis du Code pénal prévoit que le dépositaire du secret peut dénoncer certains faits au parquet. Le fait que cela soit une faculté (peut) pose question en matière d'incrimination pénale. Le médecin s'exposera-t-il à une sanction quand il aura dénoncé les faits ou au contraire quand il n'aura pas dénoncé les faits au parquet ?

M. Mahoux cite l'exemple suivant. Un pédiatre est témoin de violences par rapport aux enfants et aux familles. Il est dès lors délivré de l'obligation du secret professionnel et tombe sous le coup de la règle générale de non-assistance à personne en danger s'il ne fait rien. C'est une situation très délicate pour le médecin concerné qui, s'il ne dénonce pas les faits, n'est plus protégé par le secret professionnel.

L'intervenant pense que l'on devrait, dans l'amendement, faire référence à l'état de vulnérabilité de la personne plutôt que d'opérer un renvoi à l'article 410 du Code pénal. On pourrait préciser dans l'article 458bis que la personne est vulnérable en raison d'une situation intrafamiliale de violence entre partenaires. On donnerait de la sorte un exemple supplémentaire de vulnérabilité sans élargir l'extension de la délivrance du secret professionnel.

Mme Taelman pense que le texte de l'amendement à l'examen est clair. Si l'on définit la disposition en fonction du caractère vulnérable ou non de la personne concernée, on obligera la catégorie professionnelle visée à se livrer à des interprétations. À partir de quand une personne peut-elle être considérée comme vulnérable ? Si l'on procède de la sorte, on mettra davantage la balle dans le camp des prestataires de soins et on rendra les choses encore plus compliquées.

M. Laeremans renvoie au texte actuel de l'article 458bis. L'intéressé peut prendre contact avec le procureur du Roi, à condition qu'il ait examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-ci. Que se passera-t-il si la victime d'actes de violence commis par son partenaire demande expressément à son médecin de garder les faits confidentiels et de ne pas les porter à la connaissance de la justice ? Le médecin en question pourra-t-il malgré tout informer le parquet ? Ce serait aller trop loin. On ne peut quand même pas traiter un adulte responsable et autonome comme un enfant.

Mme Turan demande ce qui se passera si le médecin qui dispose d'un droit de signalement n'informe pas le parquet, éventuellement à la demande de la victime, et que des faits très graves sont commis a posteriori. Ce médecin pourra-t-il être poursuivi pour n'avoir pas fait usage de son droit de signalement ? Il faut éviter de faire endosser aux prestataires de soins toutes sortes de responsabilités supplémentaires.

L'intervenante persiste à se demander si l'on ne pourrait pas faire relever la violence entre partenaires de la protection des personnes vulnérables. Il faudra alors déterminer quelles conséquences il y a lieu d'attacher à ce type d'infraction.

Mme de Bethune répond que la violence entre partenaires ne relève pas automatiquement des infractions à l'égard de personnes vulnérables, à moins que le partenaire ne soit, par exemple, une femme enceinte, une personne mineure ou une personne handicapée. Il pourrait effectivement être intéressant d'élargir la définition de la vulnérabilité. L'intervenante renvoie aux développements où il est question de faits de violence et d'un possible lien de dépendance.

M. Torfs estime qu'il faut de toute façon objectiver la notion de « personne vulnérable ». On ne peut pas s'en remettre pour cela aux éventuelles infractions commises. On ne peut donc pas considérer qu'un partenaire devient vulnérable dès qu'un acte de violence est commis à son encontre. Ce serait une erreur conceptuelle.

Amendement nº 11

Mme Lijnen et consorts déposent l'amendement nº 11 visant à remplacer l'article 3 par ce qui suit: « Dans l'article 458bis du Code pénal, inséré par la loi du 28 novembre 2000 et remplacé par la loi du 30 novembre 2011, les mots « de la violence entre partenaires, » sont insérés après les mots « d'un état de grossesse, ». »

M. Mahoux renvoie aux discussions antérieures. De nombreux membres voulaient s'assurer que la proposition de loi à l'examen ne constitue pas une exception trop importante à la règle du secret professionnel visée à l'article 458bis du Code pénal. L'amendement nº 11 inclut la violence entre partenaires comme exemple de vulnérabilité. De la sorte, on n'étend pas le champ de l'exception au secret professionnel. L'ajout des mots « de la violence entre partenaires » explicite ce que peut être une situation de vulnérabilité. On protège de la sorte la règle du secret professionnel tout en assurant une avancée en matière de lutte contre les violences entre partenaires.

L'intervenant souligne que ce n'est pas parce qu'il y a violence entre partenaires qu'il y a automatiquement vulnérabilité. Il n'y a pas de lien automatique entre les deux phénomènes. C'est la vulnérabilité qui est la condition essentielle pour dispenser le dépositaire du secret professionnel.

Mme Lijnen pense qu'il faut surtout tenir compte de la situation de vulnérabilité dans laquelle les victimes d'actes de violence de la part de leur partenaire se trouvent. Telle est d'ailleurs la finalité de l'amendement nº 11, qui donne la possibilité à tous les groupes professionnels concernés de lever le secret professionnel et de porter l'infraction à la connaissance du procureur du Roi, à condition que le praticien lui-même le veuille et qu'il y ait eu concertation à ce sujet avec le patient.

Article 4

Mmes Lijnen et Taelman déposent l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 5-30/3) qui vise à supprimer cet article.

Articles 5 à 8

Mme Lijnen renvoie aux amendements nos 2, 3, 4 et 5 qui visent à supprimer respectivement les articles 5, 6, 7 et 8. Ces amendements visent à distraire le volet policier de la proposition de loi en discussion.

VI. VOTES

L'amendement nº 10 est adopté par 8 voix contre 3.

L'article 1er est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

Les amendements nos 1 et 9 sont retirés.

L'amendement nº 11 est adopté par 9 voix contre 3.

L'amendement nº 8 est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.

Les amendements nos 2, 3, 4 et 5 sont successivement adoptés par 9 voix contre 2 et 1 abstention.

L'ensemble de la proposition de loi amendé est adopté par 9 voix contre 3.

Le présent rapport a été approuvé à la majorité des 9 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Inge FAES. Alain COURTOIS.