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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 24 NOVEMBRE 2011 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Questions orales

Question orale de M. Gérard Deprez au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur «la protection du camp Ashraf» (no 5-300)

M. Gérard Deprez (MR). - Le camp Ashraf, situé dans le nord de l'Irak, abrite depuis plus de 25 ans, c'est-à-dire depuis l'époque de Saddam Hussein, quelques milliers de membres de l'opposition iranienne. Ils sont à présent menacés de mort. En effet, depuis 2003, leur sécurité était assurée par les forces américaines mais, depuis janvier 2009, elle est passée sous le contrôle du gouvernement irakien et le nouveau pouvoir lié à Téhéran souhaite se débarrasser du problème.

Le 8 avril 2011, ce camp a été la cible d'un raid meurtrier apparemment mené par les forces irakiennes. Il a fait des dizaines de morts et des centaines de blessés. Cette attaque a soulevé l'indignation internationale et a été condamnée par le Département d'État américain, le Foreign Office britannique, Mme Catherine Ashton, le Congrès américain et plusieurs organisations internationales de défense des droits humains comme Amnesty International. En réponse à cette indignation, le premier ministre irakien a décidé de fermer le camp Ashraf avant la fin de l'année 2011.

Selon certaines informations, le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) aurait la possibilité d'accéder au camp pour interroger individuellement les personnes qui s'y trouvent afin de vérifier si le statut de réfugié peut leur être octroyé. Le gouvernement irakien s'oppose toutefois clairement à ce que le HCR accède au camp. Cette information a été communiquée au parlement européen par l'ambassade d'Irak à Bruxelles.

Estimez-vous que la date fixée par le premier ministre irakien pour la fermeture du camp, à savoir le 31 décembre 2011, est raisonnable sachant que le HCR aurait besoin de temps pour étudier individuellement les dossiers des 3 400 personnes concernées en vue de leur octroyer le statut de réfugié ?

Le gouvernement belge est-il disposé à accepter l'installation sur son sol de certaines de ces personnes lorsqu'elles auront reçu le statut de réfugié ? L'a-t-il déjà fait savoir ? Notre pays est-il intervenu activement au sein du Conseil des ministres européens en vue d'encourager l'adoption d'une attitude commune de l'Union Européenne ?

Estimez-vous que le mandat octroyé par Mme Catherine Ashton à l'ancien ambassadeur de Belgique auprès de l'Union européenne, M. Jean De Ruyt, lui permettra d'intervenir efficacement dans la résolution de ce drame humanitaire ?

Ce qui se passe aujourd'hui ne semble pas aller dans le bon sens. J'ai la conviction que, si les pays européens ne font pas savoir qu'ils sont disposés à accepter ces réfugiés sur leur territoire, le sort de ces derniers sera dramatiquement scellé.

M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - J'ai déjà répondu, le 10 novembre en séance plénière du Sénat et le 8 novembre en commission de la Chambre, à plusieurs questions relatives au camp Ashraf. Je ne répéterai pas toutes les informations fournies à ces occasions. Je ne redirai pas davantage la conviction de la diplomatie belge quant au sérieux de la situation, notre préoccupation et l'engagement que nous souhaitons prendre afin de promouvoir une solution durable. Je me limiterai donc à une réponse à vos quatre questions précises.

La date du 31 décembre 2011 ne me semble ni raisonnable ni réaliste pour finaliser tout le travail nécessaire. J'ai eu l'occasion de le dire également en commission de la Chambre.

Votre question concernant l'installation d'un certain nombre de personnes en Belgique relève de mon collègue le secrétaire d'État à la politique de migration et d'asile, M. Wathelet.

La diplomatie belge est active dans le dossier comme le prouve du reste la nomination de M. Jean De Ruyt en tant qu'envoyé spécial de Mme Ashton. Ce n'est pas un hasard qu'on ait demandé à un Belge d'assumer cette mission. Je referai le point avec mes collègues lors du conseil des Affaires étrangères du 1er décembre prochain qui a ce dossier à son ordre du jour.

Je pars du principe que le mandat de M. Jean De Ruyt lui permettra d'intervenir efficacement. Je précise toutefois que l'UE ne porte aucune responsabilité dans ce dossier sinon la responsabilité morale commune de tout membre de la communauté internationale d'éviter les drames et les pertes inutiles de vies humaines.

M. Gérard Deprez (MR). - Le ministre n'est évidemment pas obligé de répondre aux questions si elles sortent de son champ de compétence. Mais lorsque je lui demande si le gouvernement belge est disposé à accepter l'installation sur son sol d'un certain nombre de ces personnes qui auront le statut de réfugié, peut-être le ministre pourrait-il nous faire part de son opinion personnelle. Par ailleurs j'interrogerai directement M. Wathelet.

Ma conviction est que, si un certain nombre de pays, essentiellement des pays européens, ne font pas savoir clairement qu'ils sont prêts à accueillir ces personnes que nous considérons comme des réfugiés, que la loi internationale considère comme des réfugiés, nous allons les abandonner à leur triste sort dans un État qui a manifestement l'intention de mal les traiter.

M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Dans la mesure où nous sommes tous d'accord que le principe de non-refoulement doit être respecté, il est clair qu'une solution durable impliquera une solidarité internationale. En qui concerne l'attitude de la Belgique, je précise que nous n'avons jamais manqué à notre devoir de solidarité quand il s'agissait de participer à des solutions collectives avec d'autres pays y compris un grand pays non-européen.