5-98COM

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Commission des Finances et des Affaires économiques

Annales

MARDI 8 NOVEMBRE 2011 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de M. François Bellot au secrétaire d'État à la Mobilité sur «la saturation du réseau routier belge et la formation de nombreuses files structurelles» (nº 5-1339)

M. François Bellot (MR). - Le centre de recherche Transport & Mobility Leuven analyse la mobilité et étudie les effets des mesures prévues par les pouvoirs publics avant qu'elles ne soient mises en pratique. Il a évalué que le coût supplémentaire des travaux réalisés sur le viaduc de Vilvorde était de l'ordre de 250 000 euros par jour pour les transporteur routiers.

Cette évaluation résulte d'une estimation du nombre de camions à vingt mille par jour, avec une perte de temps d'un quart d'heure, soit cinq mille heures par jour à cinquante euros de l'heure, ce qui donne au total 250 000 euros quotidiennement. Plus la perte de temps dans les files est réduite, plus faibles sont les répercussions économiques, c'est une évidence.

Il y a bien entendu une différence entre les files accidentelles et les files structurelles.

Les files accidentelles peuvent être limitées dans un réseau routier robuste, armé pour faire face aux perturbations, notamment grâce à une capacité de réserve et des options de repli, des itinéraires de déviation et de délestage, par exemple.

Les files structurelles apparaissent quotidiennement à des endroits où le trafic est supérieur à la capacité disponible.

Sur notre réseau, de nombreuses files structurelles se créent et s'amplifient. Pour les réduire, il n'y a que deux possibilités : soit augmenter la capacité, soit réduire le trafic.

À certains endroits, il est possible d'accroître la capacité avec des interventions relativement simples, comme la réorganisation des manoeuvres d'entrecroisement et des bandes de présélection ou une gestion plus intelligente des feux. Cela relève des entités fédérées.

La limitation du trafic ou la maîtrise de la demande peut se faire au moyen d'une perception kilométrique intelligente, dans laquelle le tarif dépend de la localisation et de la tranche horaire.

Monsieur le secrétaire d'État, l'importance des files structurelles s'accroît chaque année. Quelles mesures avez-vous prises en concertation avec les représentants des entités fédérées pour que les pouvoirs publics s'attaquent à ce phénomène ? Quelles stratégies estimez-vous devoir mettre en place dans les prochaines années compte tenu de la volonté de limiter la croissance du trafic routier tout en sachant que l'évolution naturelle tend vers un accroissement de ce trafic ?

M. Etienne Schouppe, secrétaire d'État à la Mobilité, adjoint au premier ministre. - La gestion des infrastructures routières, y compris leur construction, leur maintenance et leur tarification, est une compétence dévolue aux Régions. L'État fédéral ne peut donc agir directement sur l'augmentation de capacité de la route ou sur une réduction de la demande aux heures de pointe via un péage de congestion, par exemple.

Toutefois, le pouvoir fédéral a, en concertation avec les Régions, permis l'aboutissement de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures - la directive « eurovignette » - qui autorise dorénavant une modulation des tarifs d'utilisation de certaines infrastructures pour les poids lourds en fonction de la congestion du trafic.

En ce qui concerne les véhicules légers, les États membres sont libres d'appliquer la tarification qu'ils souhaitent dans la mesure où ils respectent les dispositions générales des traités. La directive « eurovignette » offre donc un outil aux Régions pour lutter contre la congestion routière.

Le développement de systèmes de transport intelligents pour la route permet de fluidifier le trafic et d'augmenter la capacité routière sans avoir recours à des investissements lourds.

À titre d'exemple, je mentionnerai le projet européen Easyway 2 visant à déployer des services d'information et de gestion du trafic routier auquel participent les Régions, les panneaux d'affichage variable, les aménagements de bandes d'arrêt d'urgence pour permettre leur utilisation en période de pointe pour tout type de trafic ou uniquement pour les transports publics, les bus des TEC sur l'autoroute E411, par exemple.

À l'échelon fédéral, la finalisation du projet Réseau Express Régional permettra un report modal de la voiture vers le transport public et donc une réduction de la congestion routière. L'augmentation de l'offre de places assises dans les trains circulant sur les grandes lignes pourra également limiter cette congestion en améliorant la qualité de l'offre de transport public.

M. François Bellot (MR). - Les files accidentelles deviennent vraiment très préoccupantes. À la moindre collision, les usagers sont bloqués pendant des heures et les files s'étendent rapidement sur des kilomètres, même pour des accidents sans lésions corporelles. Pourquoi la Belgique ne s'inspirerait-elle pas des systèmes en vigueur en France et en Grande-Bretagne ? Dans ces deux pays, après avoir pris les clichés de circonstance, les dépanneurs disposent d'une heure pour tout dégager, au besoin en utilisant des bulldozers.

Récemment, à la suite d'un accident survenu sur le ring, il a fallu six heures pour rétablir la situation.

Il y avait quarante-cinq kilomètres de files directes et deux cents kilomètres de files indirectes.

Je crois que l'assistance à la conduite devrait être plus développée. Il y a quelques années, je me suis rendu au Portugal en qualité de membre de la commission de l'Infrastructure de la Chambre. J'ai été impressionné par les dispositifs mis en place dans ce pays pour l'assistance à la conduite, pour la tarification et pour l'assistance individuelle, par le biais du système MTS, qui existe aussi en Allemagne. En Belgique, nous ne sommes pas couverts par ce système. Je ne sais pas pourquoi. Il permet aux GPS installés à bord des véhicules de corriger automatiquement l'itinéraire initial en fonction des événements qui se déroulent sur la route. Si j'ai bien compris, le fonctionnement est basé sur l'interaction entre le sol, le satellite et les sociétés gérant le système. Pourquoi la Belgique ne suit-elle pas l'exemple du Portugal en adhérant aussi au système MTS ?

Le transfert modal entre la route et le chemin de fer est un voeu pieux. Sans le frein que représente l'augmentation substantielle du prix de l'énergie, la situation serait encore plus alarmante. En 2009, une étude a montré que, dans les régions d'Anvers et de Bruxelles notamment, nous allions vers une congestion du trafic pendant plus de la moitié de la journée de travail, du lundi au vendredi.

Il faudrait vraiment que les Régions réagissent, éventuellement avec l'appui de l'État fédéral. Si ce n'est pas le cas, notre économie en pâtira. En outre, cette situation déplorable a des effets négatifs pour la santé des personnes. Tous les jours, trop de gens, beaucoup trop de gens, sont excessivement stressés.

Pour toutes ces raisons, je plaide en faveur d'une approche volontariste, en tout cas en ce qui concerne l'assistance à la conduite et la tarification pour les poids lourds. Cette approche doit être pluridimensionnelle. À quoi bon en effet taxer les poids lourds si les recettes ne sont pas affectées à l'amélioration des conditions de roulage des automobilistes ?

M. Etienne Schouppe, secrétaire d'État à la Mobilité, adjoint au premier ministre. - Monsieur Bellot, c'est à juste titre que vous faites une distinction entre problèmes structurels et problèmes ponctuels.

L'assistance à la conduite devrait devenir une réalité dans notre pays dans quelques années puisque les Régions ont admis le principe. Certains espèrent que ce sera le cas dès 2013 mais je ne suis pas aussi optimiste. L'application intelligente passera par le recours aux satellites, l'installation d'un modem dans les voitures et la diffusion automatique des informations à l'ensemble des usagers. L'obligation imposée aux poids lourds par l'Union européenne est un bon point de départ mais la gestion efficace des problèmes structurels exigera de prendre l'ensemble des véhicules en considération.

Le recours à un satellite, quel qu'il soit, sera une condition sine qua non. Personnellement, je préconise le système européen Galileo dont l'application n'interviendra probablement pas avant 2014.

Les Allemands ont certes perfectionné leur système au fil du temps mais il présente toujours un inconvénient majeur : il faut absolument avoir des « ponts » à toutes les entrées et sorties des grands axes routiers, faute de quoi les camionneurs utilisent les routes secondaires pour ne pas avoir à s'acquitter de la taxe, ce qui expose les villages implantés le long des routes nationales à d'importantes nuisances.

À mon avis, un bon système doit reposer sur une technologie permettant d'exercer une surveillance générale de tous les véhicules, sur l'ensemble du réseau.

S'agissant de l'affectation du produit des taxes, les Régions sont souveraines. Certaines l'utiliseront pour équilibrer leurs comptes, d'autres l'emploieront pour améliorer la gestion du trafic sur le plan structurel. Je ne puis me prononcer à cet égard mais je suis d'avis qu'une meilleure gestion et une meilleure utilisation des infrastructures routières ne pourraient qu'aider les Régions et les communes.

En ce qui concerne les files ponctuelles, souvent dues à des accidents, la prise de position de Touring Secours, qui estime qu'il faut dégager la route le plus rapidement possible, même quand il y a des blessés ou des morts, a provoqué un tollé général. Touring Secours a commis une petite erreur, même si cela donne à réfléchir, car il me semble que lorsqu'il y a des blessés - graves ou légers - ou des morts, les services compétents doivent pouvoir procéder aux constations permettant d'établir les responsabilités. Mais je suis d'avis que la police pourrait intervenir plus rapidement quand il n'y a que de petits dégâts matériels. En tout cas, l'introduction de l'assistance à la conduite permettra d'avertir plus rapidement les conducteurs et de leur conseiller des itinéraires alternatifs.

M. François Bellot (MR). - En cas d'accident, il faut effectivement établir les responsabilités. Cependant, il n'est pas normal de devoir attendre des heures après l'appel lancé par la police de la route avant de voir arriver sur les lieux l'expert désigné par le parquet. Par ailleurs, quand un poids lourd est sur le flanc, il faudrait que les moyens appropriés soient déployés immédiatement. Quand un camion transportant des céréales se retourne sur le ring de Bruxelles, sans qu'il y ait de blessé, ce ne sont pas des riverains qui doivent intervenir avec des pelles et des seaux. Les moyens sont trop souvent inappropriés.

La plupart du temps, la police se contente d'appeler le premier dépanneur sur sa liste. La police fédérale ne possède même pas d'inventaire des moyens dont disposent les différents dépanneurs.

L'adoption de quelques mesures simples, pratiques, permettraient un gain considérable de temps. Il n'est même pas nécessaire de légiférer. Un peu de bons sens suffirait.

(La séance est levée à 11 h 35.)