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23 SEPTEMBRE 2011
Le lundi 20 juin 2011, la Commission européenne a annoncé son intention de diminuer drastiquement le montant du budget de l'Union européenne pour 2012 consacré au programme de distribution de denrées alimentaires aux personnes précarisées vivant au sein l'Union européenne. Ce budget diminuera effectivement de 500 à 113,5 millions d'euros pour l'année 2012.
En effet, suite à un recours de l'Allemagne, soutenu par la Suède, le Tribunal de première instance de l'Union européenne dans l'affaire T-576/08 a déclaré illégale l'utilisation de fonds de la Politique agricole commune (PAC), pour ce qu'elle considère être un programme d'aide sociale. Tirant les conséquences de cette décision, la Commission européenne a donc proposé un budget divisé par cinq pour ce programme en 2012, mettant ainsi en péril son existence.
Cette décision est inacceptable à plusieurs égards.
D'abord, elle touche directement de nombreux Européens fragilisés: 13 millions de personnes dépendent actuellement de ce programme d'aide alimentaire qui existe depuis 1987. Plus généralement, 80 millions d'européens vivent sous le seuil de pauvreté tandis que 43 millions d'individus sont concernés par la pauvreté alimentaire. Le nombre de personnes qui recourent à l'aide alimentaire augmente d'ailleurs en Europe et singulièrement en Belgique où le chiffre est en constante progression depuis quinze ans pour atteindre aujourd'hui 150 000 personnes.
Ensuite, cette décision met à mal une part de l'économie sociale belge et européenne qui uvre quotidiennement à l'amélioration du sort de citoyens belges et européens qui sont victimes de l'exclusion et souffrent de pauvreté et de sous-alimentation. Cette décision privera en effet près de 240 banques alimentaires européennes et des organisations belges mobilisées dans le secteur de l'aide alimentaire devraient perdre plusieurs millions d'euros et être empêchées, par conséquent, de fournir des denrées de première nécessité aux personnes précarisées.
Enfin, cette décision est incompréhensible eu égard aux objectifs clairs fixés par l'Union européenne en matière de réduction de la pauvreté dans le cadre de la stratégie UE 2020 et de l'« Année européenne de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale » en 2010. Elle constitue aussi une marche-arrière inacceptable par rapport aux avancées enregistrées dans ce domaine pendant la Présidence belge du Conseil de l'Union européenne, au second semestre de l'année 2010.
Dans ce contexte, le parlement européen a réagi fermement à la décision qui a été prise par la Commission européenne puisqu'il a adopté, ce 7 juillet 2011, une résolution sur le Programme d'aide alimentaire aux plus démunis de l'Union à une très large majorité.
À cet égard, il est essentiel que le gouvernement belge s'inscrive dans cette démarche et défende les valeurs de solidarité et de justice sociale au niveau européen.
Dans ce cadre, il convient qu'il plaide auprès des institutions de l'Union européenne, en particulier de la Commission européenne, pour qu'elles préservent cette aide alimentaire aux personnes précarisées et ce, d'une part, en apportant une solution à long terme dans la prochaine programmation financière de l'Union (2014-2020) et, d'autre part, en se consacrant pleinement à cette question à court terme, puisque deux hivers précèderont encore cette nouvelle programmation.
Olga ZRIHEN. | |
Marie ARENA. | |
Hassan BOUSETTA. | |
Philippe MAHOUX. |
Le Sénat,
A. vu la résolution du Parlement européen du 7 juillet 2011 sur le régime de distribution de denrées alimentaires au profit des personnes les plus démunies de l'Union;
B. vu l'article 27 du règlement (CE) nº 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique)(1) et le règlement (CE) nº 983/2008 de la Commission du 3 octobre 2008 relatif à l'adoption d'un plan portant attribution aux États membres de ressources imputables à l'exercice 2009 pour la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d'intervention au bénéfice des personnes les plus démunies de la Communauté(2);
C. vu la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) nº 1290/2005 et (CE) nº 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l'Union, présentée par la Commission (COM(2010)0486);
D. vu l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance de l'Union européenne dans l'affaire T-576/08;
E. vu le règlement d'exécution (UE) nº 562/2011 de la Commission du 10 juin 2011 relatif à l'adoption du plan portant attribution aux États membres de ressources imputables sur l'exercice budgétaire 2012 pour la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d'intervention au bénéfice des personnes les plus démunies de l'Union européenne et dérogeant à certaines dispositions du règlement (UE) nº 807/2010(3);
F. vu la position du Parlement européen du 26 mars 2009 sur la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) nº 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune et (CE) nº 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») pour ce qui est de la distribution de denrées alimentaires au profit des personnes les plus démunies de la Communauté(4);
G. vu la déclaration du Parlement européen, en date du 4 avril 2006, sur ce régime, sa résolution du 22 mai 2008, sa résolution législative du 26 mars 2009 et la proposition de la Commission COM(2010) 486;
H. vu la recommandation 92/441/CEE du Conseil portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale;
I. considérant que, selon les estimations de la Commission européenne, 43 millions de personnes seraient menacées par la pauvreté alimentaire au sein de l'Union européenne;
J. considérant que la crise économique et financière ainsi que la flambée des prix des denrées alimentaires exposent davantage de personnes à la pauvreté alimentaire;
K. considérant que, selon les estimations de la Commission, 80 millions de personnes dans l'Union européenne seraient menacées par la pauvreté et que la crise économique et financière risque d'exposer un nombre grandissant de personnes à la pauvreté; considérant que l'une des cinq priorités de la stratégie Europe 2020 est de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale dans l'Union européenne;
L. considérant que le régime de distribution de denrées alimentaires au profit des personnes les plus démunies de l'Union européenne, institué en 1987 dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), fournit actuellement une aide alimentaire à treize millions de personnes qui souffrent de la pauvreté dans dix-neuf États membres de l'Union et fait appel à quelque 240 banques alimentaires et associations caritatives dans les chaînes de distribution;
M. considérant que les stocks d'intervention de l'Union ont largement diminué;
N. considérant que la dépendance accrue du régime à l'égard des achats sur le marché découle de la réforme de la PAC et, partant, des niveaux réduits des stocks d'intervention, sources d'approvisionnement traditionnelles du régime;
O. considérant que le Tribunal de première instance de l'Union européenne a décidé de l'annulation de l'article 2 du règlement (CE) nº 983/2008 relatif à l'achat de denrées alimentaires supplémentaires sur le marché;
P. considérant qu'à la suite de l'arrêt du Tribunal, la proposition de la Commission pour 2012 implique une réduction radicale des financements, dont le montant passe de 500 millions d'euros en 2011 à 113 millions d'euros en 2012;
Q. considérant qu'une nouvelle période de financement débutera en 2014 pour la PAC et les régimes y afférents, tout comme pour les Fonds structurels, en ce compris le Fonds social européen (FSE),
Demande au gouvernement, à l'égard de l'ensemble des institutions européennes:
1. de souligner que l'arrêt brutal d'un régime d'aide existant et opérationnel, sans notification préalable ni préparation, a des incidences considérables sur les citoyens les plus vulnérables de l'Union et ne constitue pas une pratique de financement fiable;
2. d'inviter, par conséquent, la Commission et le Conseil à élaborer une solution transitoire pour les deux dernières années de la période de financement (2012 et 2013) afin d'éviter une réduction immédiate et abrupte de l'aide alimentaire à la suite de la diminution des financements, dont le montant passe de 500 millions à 113 millions d'euros, de telle sorte que les personnes tributaires de l'aide alimentaire ne souffrent pas de la pauvreté alimentaire;
3. d'inviter, par conséquent, la Commission et le Conseil à trouver un moyen de poursuivre le régime de distribution pour les deux dernières années de l'actuelle période de financement (2012 et 2013) et pour la période de financement 2014-2020 à venir, en l'adossant à une base juridique qui ne puisse être contestée par la Cour de justice de l'Union européenne et en conservant le plafond annuel de 500 millions d'euros, de telle sorte que les personnes tributaires de l'aide alimentaire ne souffrent pas de la pauvreté alimentaire;
4. d'appeler, à long terme, tous les acteurs concernés à évaluer minutieusement l'adéquation du régime d'aide alimentaire en tant qu'élément de la PAC dans le cadre de la nouvelle période de financement à compter de 2014;
5. de rappeler que les programmes en faveur des personnes démunies doivent être mis en uvre à la lumière de la procédure engagée devant le Tribunal, comme l'a d'ailleurs fait remarquer, à juste titre, la Commission dans l'état prévisionnel qu'elle a établi pour l'exercice 2012; de faire observer que, dans son arrêt relatif à l'affaire T-576/08 du 13 avril 2011, le Tribunal a décidé que seule la fourniture de denrées alimentaires provenant de stocks d'intervention est couverte par ce programme, à l'inverse des dépenses générées par l'achat de denrées alimentaires sur le marché; de considérer qu'en raison de l'arrêt du Tribunal, l'article 2 du règlement nº 983/2008 ne peut servir de base juridique pour la distribution de denrées alimentaires aux plus démunis;
6. de souligner que le droit à la sécurité alimentaire est un droit élémentaire et fondamental, qui relève des droits de l'homme, et qu'il est assuré lorsque toute personne dispose, à tout moment, d'un accès physique et économiquement envisageable à une nourriture adaptée, sûre et nutritive lui permettant de satisfaire ses besoins et préférences alimentaires nécessaires pour mener une vie saine et active; de souligner qu'un régime nutritionnel carencé est préjudiciable à la santé;
7. de faire ressortir qu'un régime nutritionnel sain et de qualité est particulièrement important pour les enfants car il contribue à leur développement et à leur éducation;
8. de se féliciter de l'initiative de la Commission européenne et des agences du système des Nations unies visant à constituer un front commun contre l'insécurité alimentaire et la malnutrition partout dans le monde;
9. de rappeler que, dans le souci d'accroître la sécurité alimentaire et de créer une production et des systèmes d'approvisionnement durables, il reste essentiel de limiter autant que possible les déchets alimentaires;
10. de souligner qu'il importe, eu égard notamment à la crise économique, financière et sociale actuelle, de fournir une aide aux membres les plus vulnérables et les plus démunis de la société, à l'échelle européenne;
11. de rappeler que l'une des cinq priorités de la stratégie Europe 2020 est de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale dans l'Union européenne;
12. de souligner que pour lutter contre la pauvreté, il faut une politique intégrée qui associe des revenus décents, des conditions de vie et de travail convenables ainsi qu'un accès à tous les droits fondamentaux, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux ou culturels;
13. de reconnaître que la pauvreté entraîne souvent comme effets secondaires la malnutrition et la pauvreté alimentaire.
14 juillet 2011.
Olga ZRIHEN. | |
Marie ARENA. | |
Hassan BOUSETTA. | |
Philippe MAHOUX. |