5-1164/2

5-1164/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

30 SEPTEMBRE 2011


Projet de loi portant assentiment à l'Accord de Stabilisation et d'Association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Serbie, d'autre part, et à l'Acte final, faits à Luxembourg le 29 avril 2008


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

MME ZRIHEN ET M. MAHOUX


I. INTRODUCTION

La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport au cours de ses réunions des 13 juillet et 30 septembre 2011.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Il y a un lien direct entre le lancement de la procédure de ratification de cet Accord de Stabilisation et d'Association avec la Serbie et la présidence de l'Union européenne. En effet, pendant sa présidence, notre pays a obtenu une ouverture de la part des Pays-Bas permettant d'entamer l'octroi à la Serbie du statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne, moyennant une coopération pleine et entière de la Serbie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Les récentes arrestations, dont celle de Ratko Mladic, démontrent la poursuite de cette coopération. Ceci étant, la Belgique défend également comme principe que l'ouverture à l'octroi d'une candidature à l'adhésion doit être précédée d'une mise en œuvre d'un accord de Stabilisation et d'Association.

L'octroi de la candidature à l'adhésion découle d'un engagement de l'Union européenne lors du Sommet de Thessalonique en 2003. La Commission européenne donnera son avis sur l'octroi de la candidature en octobre 2011. Le Conseil des Affaires générales devra ensuite se prononcer le 5 décembre 2011. Afin de permettre à la Belgique de défendre le principe qu'un octroi de statut de pays candidat doit être précédé d'une ratification de l'Accord, pour laquelle aujourd'hui les conditions sont réunies, il serait logique que la Belgique procède elle-même à cette ratification.

La Belgique doit donc à tout prix éviter d'être parmi les derniers États membres de l'Union à ratifier cet accord. Bien que nous soyons en affaires courantes, la ratification par la Belgique de l'Accord de Stabilisation et d'Association est dès lors indispensable pour confirmer le sérieux de notre approche. À ce stade, il reste actuellement neuf États membres qui doivent finaliser la ratification.

Cet Accord de Stabilisation et d'Association est le cinquième des six accords de ce type entre l'Union européenne et un pays des Balkans. Des accords analogues ont déjà été signés avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) et avec la République de Croatie en 2001, avec la République d'Albanie en juin 2006, la République du Monténégro le 15 octobre 2007 et la Bosnie-Herzégovine le 16 juin 2008. L'accord avec l'ARYM est entré en vigueur le 1er avril 2004, celui avec la Croatie le 1er février 2005, celui avec l'Albanie le 1er avril 2009 et celui avec le Monténégro le 1er mai 2010. L'accord avec la Bosnie-Herzégovine est en cours de ratification. L'Accord intérimaire avec la Bosnie-Herzégovine sur le commerce et les mesures d'accompagnement est entré en vigueur le 1er juillet 2008.

L'Accord de Stabilisation et d'Association met en place le cadre contractuel qui régira les relations entre l'UE et la Serbie jusqu'à l'adhésion de celle-ci à l'Union européenne. Il couvre des domaines tels que le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, le dialogue politique, la coopération régionale, les quatre libertés communautaires, avec la mise en œuvre d'une zone de libre échange sur une période de maximum 10 ans pour tous les produits industriels et la plupart des produits agricoles et de la pêche, l'harmonisation de la législation serbe avec l'acquis communautaire, en ce compris dans les domaines de la concurrence, des droits de propriété intellectuelle et des marchés publics. Il englobe également le principe d'une coopération élargie dans tous les domaines des politiques européennes, y compris dans les domaines de la justice, des libertés et de la sécurité.

L'Accord sera mis en œuvre progressivement sur une période de six ans au maximum. Son application fera l'objet d'une évaluation intermédiaire trois ans après l'entrée en vigueur, laquelle est fixée au premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les parties se seront mutuellement notifié l'accomplissement des procédures d'approbation respectives.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Vanlouwe souhaiterait savoir si la procédure de ratification de cet Accord de Stabilisation et d'Association a déjà été entamée aussi au niveau des parlements fédérés.

Mme Zrihen fait observer que la signature du ministre des Affaires étrangères de la Belgique d'un accord international engage les différentes communautés et régions de notre pays, et souhaite connaître l'impact que cela pourrait avoir sur leur fonctionnement.

Le ministre des Affaires étrangères répond que les gouvernements de la Région wallonne et de la Communauté française se sont déjà prononcés sur l'Accord le 16 juin 2011. Le gouvernement flamand a examiné le dossier le 27 juin 2011 et le Parlement flamand se prononcera au début de l'année parlementaire. Entre-temps, le Parlement bruxellois, qui est la dernière institution à devoir encore donner son assentiment, a lui aussi entamé la procédure.

M. Vanlouwe demande par ailleurs pourquoi la Conférence interministérielle « Politique étrangère » (CIPE) n'a pas été convoquée en 2010 et ne l'a pas encore été non plus en 2011.

Le ministre des Affaires étrangères confirme que la CIPE, en tant qu'instrument du Comité de concertation, ne s'est pas réunie durant la période d'affaires courantes. Il va sans dire que le groupe de travail « Traités mixtes » a, quant à lui, poursuivi ses travaux. Les autorités belges ont d'ailleurs collaboré de manière informelle mais intensive avec les autorités régionales, y compris durant la présidence belge de l'UE (second semestre de 2010). Dès que le nouveau gouvernement entrera en fonction, la CIPE sera de nouveau convoquée.

Selon M. Laeremans, la Belgique ne saurait jouer un rôle de pionnier dans ce dossier simplement parce qu'elle entretient de bonnes relations avec la Serbie ou parce que ce pays a bien collaboré avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L'intervenant se demande par ailleurs s'il est judicieux de mener des pourparlers d'adhésion avec l'Albanie étant donné que la corruption règne en maître dans ce pays et que l'État de droit n'y est guère respecté. Un élargissement de l'Union mené dans la précipitation, comme ce fut le cas avec la Roumanie et la Bulgarie, n'est pas souhaitable pour les autres pays des Balkans. Enfin, l'intervenant plaide en faveur de l'organisation d'un certain nombre d'auditions afin de connaître toutes les retombées de ce dossier sur les relations communautaires dans le pays et sur la problématique des minorités.

Selon M. De Bruyn, la Serbie n'est certainement pas un État modèle, mais cela est vrai aussi pour de nombreux autres pays, dont la Belgique. Il préconise une approche constructive de l'élargissement de l'UE et pense qu'aujourd'hui, les conditions sont réunies pour que le Sénat donne son assentiment à l'Accord de Stabilisation et d'Association avec la Serbie.

Le ministre des Affaires étrangères souligne que dans le cadre de la politique de bon voisinage avec la Serbie et compte tenu du fait que celle-ci a collaboré avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, l'Accord de Stabilisation et d'Association a toute son utilité. Si elle ne joue certainement pas un rôle de pionnier en l'espèce, la Belgique n'entend pas non plus être la dernière à ratifier cet accord.

Actuellement, la Serbie adopte une attitude pro-européenne. L'Union européenne, qui prône un processus d'élargissement gradué fondé sur les mérites propres de chaque pays, devrait mettre ce climat favorable à profit.

M. Mahoux estime que les réserves émises à l'octroi du statut de candidat à l'adhésion de la Serbie par les Pays-Bas et la Belgique étaient nécessaires. L'orateur voudrait savoir si des problèmes subsistent concernant la coopération de la Serbie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L'intervenant se réfère à un rapport du Conseil de l'Europe qui porte sur la problématique du trafic d'organes.

Mme Arena souhaite savoir s'il y eu des avancées en ce qui concerne le dialogue avec le Kosovo.

Le ministre des Affaires étrangères explique qu'il n'est pas possible de prévoir au niveau de l'Union européenne une conditionnalité formelle concernant la reconnaissance du Kosovo étant donné qu'il y a cinq pays européens qui n'ont pas reconnu ce pays, dont Chypre, pour qui une telle démarche est exclue. L'Union européenne ne peut que demander à la Serbie de faire preuve de souplesse et pragmatisme dans ses rapports avec le Kosovo.

Il est évident que dans toute étape que l'Union européenne franchit, la conditionnalité n'est en rien affaiblie. La ratification devrait justement permettre de mieux cibler la coopération, notamment en matière judiciaire, avec les autorités serbes pour faciliter sa coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L'arrestation de Ratko Mladic, intervenue le 26 mai 2011, constitue une indication majeure qu'il n'y aura plus d'entraves politiques de la part des autorités serbes au renforcement de la coopération. Il demeure cependant une série de problèmes d'ordre technique qui font que le débat sur la candidature à l'adhésion de la Serbie reste entièrement ouvert. Pour le parlement des Pays-Bas, comme pour la Belgique, le règlement de ces problèmes reste une condition sine qua non à ladite candidature.

IV. VOTES

Les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble du projet de loi, sont adoptés par 8 voix contre 1.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs, Le président,
Philippe MAHOUX. Olga ZRIHEN. Karl VANLOUWE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi (voir le doc. Sénat, nº 5-1164/1 - 2010/-2011).