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12 SEPTEMBRE 2011
La traite des êtres humains est un fléau extrêmement difficile à combattre, qui continue de sévir avec acuité. On estime que chaque année, des centaines de milliers de personnes sont acheminées vers l'Union européenne (UE) ou transportées au sein de ses frontières par des trafiquants d'êtres humains. De plus en plus de pays intensifient leur politique de lutte contre ce phénomène.
La traite des êtres humains doit être considérée comme une forme d'esclavage moderne, visant à la réalisation de gains rapides dans des secteurs très diversifiés. L'exploitation sexuelle, dans le cadre de la prostitution essentiellement, est une facette bien connue du phénomène. L'exploitation économique en est une autre, au moins aussi répandue, qui se décline sous de multiples formes à travers le travail illégal, entre autres dans le secteur de la construction et l'horeca, ou le travail domestique clandestin. La persistance de la traite des êtres humains tient au fait que ce sombre trafic s'avère rapporter gros et, de fait, il constitue une activité criminelle extrêmement lucrative, moins que les ventes d'armes mais plus que le trafic de drogue.
Malgré les efforts déployés par notre pays depuis des années pour combattre la traite des êtres humains, le phénomène n'est pas sur le point d'être jugulé, loin s'en faut. Il faut en permanence faire face à de nouveaux défis appelant chaque fois des mesures adéquates. C'est pourquoi l'actuel groupe de travail « Traite des êtres humains » du Sénat, tout comme son prédécesseur, se concentre sur la création d'instruments les plus structurels et les plus efficaces possible, afin que des avancées effectives puissent être réalisées dans la lutte contre ce phénomène.
Récemment, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une directive concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes (directive 2011/36/UE du 5 avril 2011). L'article 7 de cette directive porte sur la saisie et la confiscation et dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que leurs autorités compétentes soient habilitées à saisir et à confisquer les instruments et produits des infractions visées aux articles 2 et 3 ». La directive a un caractère contraignant et s'appuie sur une définition plus large de la traite des êtres humains que la réglementation précédente. Elle requiert néanmoins une adaptation de notre législation. Il est possible de doter la Justice d'un plus vaste arsenal d'instruments pour lutter contre la traite des êtres humains. La « confiscation spéciale » est l'un d'entre eux, mais elle ne peut pas être pleinement utilisée à l'heure actuelle.
La confiscation spéciale est réglée par les articles 42 et suivants du Code pénal. L'article 42 dispose que la confiscation spéciale s'applique premièrement aux choses formant l'objet de l'infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, quand la propriété en appartient au condamné, deuxièmement aux choses qui ont été produites par l'infraction et, troisièmement aux avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis.
Dans son arrêt du 27 mai 2009 (nº P.09.0240.F), la Cour de cassation a estimé que cette confiscation spéciale ne pouvait être mise en uvre pour des biens immeubles que si le législateur le prévoyait explicitement. La Cour a commenté sa position comme suit: « Les articles 42, 1º, et 43 [du Code pénal] n'autorisent pas la confiscation d'un immeuble ayant servi à commettre l'infraction. Lorsque le législateur entend comminer une telle peine, il l'indique par une disposition spécifique, tel l'article 433terdecies, alinéa 2, dudit code. Ni l'article 380, § 1er, 3º, ni aucune autre disposition ne prévoient la confiscation de l'immeuble loué aux fins de la prostitution dans le but de réaliser un profit anormal. »
Si le législateur veut maintenir la possibilité d'effectuer une confiscation de biens immeubles, il doit la prévoir explicitement dans les dispositions de la loi.
C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à inscrire explicitement dans la loi la possibilité de procéder à une confiscation de biens immeubles dans le cadre d'une lutte adéquate et efficace contre la traite des êtres humains, en insérant un passage en ce sens dans l'article 433novies du Code pénal.
Bert ANCIAUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 433novies du Code pénal, inséré par la loi du 10 août 2005 et modifié par la loi du 14 avril 2009, les mots « tant de biens meubles que de bien immeubles, » sont insérés entre les mots « La confiscation spéciale prévue à l'article 42, 1º, » et les mots « est appliquée ».
9 juin 2011.
Bert ANCIAUX. |