5-1213/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

12 SEPTEMBRE 2011


Proposition de loi modifiant l'article 433quinquies, § 1er, du Code pénal, visant à qualifier l'exploitation personnelle de la mendicité de forme de traite des êtres humains

(Déposée par M. Bert Anciaux)


DÉVELOPPEMENTS


La mendicité dans nos villes qui autrefois était relativement exceptionnelle est devenue, en quelques années, normale voire banale. Bien que la mendicité ait toujours existé, nous semblions en mesure de la bannir des rues de nos villes à l'époque où notre État-providence prenait forme et évoluait vers un système efficace. Depuis quelques années cependant, les personnes pratiquant la mendicité sont de plus en plus nombreuses et envahissent presque insidieusement mais indéniablement l'espace public, en particulier dans les grandes villes. Les alentours des gares, les carrefours fréquentés et, par excellence, les centres commerciaux constituent leurs terrains d'action prédilection. Cette recrudescence de la mendicité s'avère être étroitement liée à la traite des êtres humains.

Dans une première phase, des personnes vulnérables provenant souvent des anciens pays de l'Est sont transportées dans les villes d'Europe de l'Ouest. Elles échouent ensuite dans différentes formes de mendicité forcée. Des mères accompagnées de jeunes enfants, des personnes atteintes de handicaps physiques frappants, etc. sont déposées systématiquement selon un mode d'organisation stricte à des endroits stratégiques où on vient également les chercher le soir. Les organisateurs s'emparent des aumônes que ces personnes ont reçues.

Dans Fenomeenanalyse van mensenhandel (Die Keure) Stef Janssens affirme ce qui suit: « Dans une série de dossiers d'exploitation sexuelle, nous avons pu constater le problème de mendicité organisée dans le cadre de la traite des êtres humains. Il s'agit de dossiers où nous retrouvons principalement des réseaux roms. Ils ne viennent pas uniquement de Roumanie. Ils vivent en clans et disposent de leur propre système culturel de vie fermé. Selon la police, il est difficile d'enquêter parce que cette communauté est très inaccessible et difficilement approchable. »

Ces pratiques indiquent sans équivoque une forme explicite de traite des êtres humains. Toutefois, la formulation actuelle de la législation relative à la traite des êtres humains ne permet pas de considérer en tant que traite des êtres humains le simple fait de recruter la victime afin d'exploiter personnellement sa mendicité (cf. rapport « Traite des êtres humains » au nom de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives du Sénat, doc. Sénat nº 4-1631/1, pp. 66-67).

La loi du 10 août 2005 modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil a inséré un nouvel article 433quinquies dans le Code pénal. Cet article définit la notion de traite des êtres humains qui se distingue de celle de trafic d'êtres humains, définie à l'article 77bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Ces modifications légales ont permis à la Belgique de satisfaire à diverses dispositions du droit international.

Conformément à l'article 433quinquies, § 1er, 2º, constitue l'infraction de traite des êtres humains le fait de recruter, de transporter, de transférer, d'héberger, d'accueillir une personne, de passer ou de transférer le contrôle exercé sur elle, afin de permettre la commission contre cette personne de l'infraction prévue à l'article 433ter. En vertu de cet article 433, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinq cents à vingt-cinq mille euros: 1º quiconque aura embauché, entraîné, détourné ou retenu une personne en vue de la livrer à la mendicité, l'aura incitée à mendier ou à continuer de le faire, ou l'aura mise à disposition d'un mendiant afin qu'il s'en serve pour susciter la commisération publique, 2º quiconque aura, de quelque manière que ce soit, exploité la mendicité d'autrui.

Au cours de son audition du 24 février 2010 devant le groupe de travail « Traite des êtres humains » au Sénat, M. Charles-Eric Clesse, premier substitut à l'auditorat du travail de Charleroi, a affirmé qu'il ne peut être question de traite des êtres humains que s'il s'agit d'un des comportements incriminés afin de « permettre » la commission de l'infraction. En revanche, le fait de recruter la victime en vue d'exploiter personnellement sa mendicité ne semble pas, selon la formulation actuelle du texte de loi, relever de la traite des êtres humains.

Aussi la présente proposition vise-t-elle à élargir le champ d'application de l'article 433quinquies, § 1er, 2º, afin que soit également considéré de manière explicite comme traite des êtres humains le fait de recruter une victime en vue d'exploiter personnellement sa mendicité. De cette manière, la capacité d'action des pouvoirs publics contre la traite et le trafic des êtres humains sera renforcée et la lutte contre ce phénomène gagnera en efficacité.

Bert ANCIAUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 433quinquies, § 1er, du Code pénal, inséré par la loi du 10 août 2005, le 2º est remplacé par les mots suivants: « de commettre ou de permettre la commission de l'infraction prévue à l'article 433ter contre cette personne ».

7 juin 2010.

Bert ANCIAUX.