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M. Jacques Brotchi (MR). - Le 7 avril dernier, l'Organisation Mondiale de la Santé - OMS - a choisi de faire du phénomène de résistance aux antibiotiques et autres anti-infectieux son thème européen de la Journée mondiale de la santé 2011.
Comme l'a souligné mon collègue Alain Destexhe dans une question parlementaire au parlement de la Communauté française, le 13 mai 2011, la résistance aux antibiotiques est un problème général, aussi bien dans les pays en développement que chez nous. Le caractère le plus inquiétant réside dans un double mécanisme : l'absence de nouveaux antibiotiques et la résistance accrue des bactéries aux antibiotiques disponibles.
Chaque année dans l'Union européenne, 25 000 personnes meurent d'une bactérie devenue résistante - et on ne parlait pas encore de l'Escherichia coli. L'année dernière, l'OMS a répertorié 440 000 cas de tuberculose résistant aux antibiotiques considérés jusqu'alors comme classiquement actifs dans plus de 69 pays. La menace ne concerne pas seulement les affections classiques, mais également des maladies plus graves comme le VIH, la syphilis et donc la tuberculose.
Par ailleurs, nous souffrons de désinformation. Selon l'Eurobaromètre, 60 pour cent des Européens ignorent que les antibiotiques sont inefficaces contre les virus. Or, la plupart des infections hivernales - rhumes, grippes, laryngites, etc. - sont d'origine virale.
Si, en Belgique, la consommation d'antibiotiques a baissé entre 2000 et 2005, notamment en partie grâce aux campagnes de sensibilisation sur l'usage raisonné de ces médicaments, les dernières données de l'INAMI font apparaître que leur consommation est à nouveau en progression.
La lutte contre la résistance aux antibiotiques requiert une vaste approche intersectorielle et un engagement déterminé et résolu au niveau national.
Par ailleurs, l'OMS rappelle que la résistance aux antibiotiques accroît les coûts des soins de santé. En effet, l'allongement de la durée des maladies et le recours à des traitements plus complexes alourdissent le fardeau financier des familles et de la société. Rien que dans l'Union européenne, le coût total de la résistance aux antibiotiques pour la société est estimé à 1,5 milliard d'euros.
L'OMS recommande à chaque pays d'adopter un plan national de sensibilisation des populations aux problèmes de résistance aux antimicrobiens.
Madame la ministre, quel a été le rôle du gouvernement à cet égard, depuis 2005 ?
Que compte-t-il faire pour assurer un meilleur suivi de l'usage des antibiotiques ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Il ne me sera pas possible, dans le cadre d'une demande d'explications, de vous citer tous les projets et initiatives de BAPCOC. Je puis en tout cas vous assurer qu'un travail remarquable est réalisé en la matière, au point d'être cité en exemple dans les milieux européens.
Depuis 2000, une campagne multimédia annuelle a été développée pour le grand public, les médecins et les pharmaciens, en vue de promouvoir un usage raisonnable des antibiotiques dans la pratique ambulatoire. De nombreuses informations sont disponibles à ce sujet sur le site www.usagecorrectantibiotiques.be. Le groupe de travail évalue en ce moment la possibilité de diffuser cette campagne via de nouveaux médias - transports en commun, presse de rue, notamment - sans que cela représente un surcoût par rapport aux éditions précédentes.
Dans tous les hôpitaux aigus, des groupes stratégiques de gestion de l'antibiothérapie ont été créés. L'analyse des rapports annuels de ces groupes a été publiée dans la revue scientifique renommée Journal of Antimicrobial Chemotherapy.
Des directives pratiques cliniques sur des infections spécifiques et courantes - mal de gorge aigu, gastro-entérite aiguë, etc. - ont été établies et publiées. Elles sont également disponibles sur internet et sont régulièrement mises à jour en fonction des dernières recommandations scientifiques.
Une nouvelle mise à jour du Guide belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire a été publiée en 2008. Ce guide est également disponible sur internet ; sa version actualisée est en cours de finalisation et sera publiée début 2012. Il est disponible sur simple demande et rencontre un franc succès auprès des médecins traitants et futurs médecins traitants.
Depuis 2004, quatre campagnes - la dernière date de 2010-2011 - ont été mises en oeuvre à destination des prestataires de soins et de leurs patients, en vue de promouvoir l'hygiène des mains. Ces campagnes sont lancées tous les deux ans dans les hôpitaux et visent à prévenir la survenance d'infections nosocomiales en évitant la transmission des germes. Le matériel de ces campagnes est également disponible sur l'internet à l'adresse www.handhygienedesmains.be.
Différentes études, telles qu'une enquête de prévalence de portage de germes résistants chez les résidents de maisons de repos et de soins - MRS -, ont été réalisées en 2005. À ce jour, une nouvelle étude dans les MRS est en cours, visant à estimer la prévalence du portage de MRSA et de germes ESBL, notamment.
Dans le cadre de deux projets européens, trois études de prévalence de l'usage des antibiotiques en maison de repos ont été organisées, en 2009 et 2010. Les MRS belges ont participé en grand nombre - la participation belge représentait environ un tiers des MRS européennes observées. Ces études montrent qu'une partie non négligeable des antibiotiques en MRS est utilisée pour prévenir les infections urinaires. Les résultats de ces études sont pris en compte lors de l'adaptation du formulaire thérapeutique MRS, disponible dans chaque établissement. L'association des médecins coordinateurs en MRS mettent sur pied une étude spécifique pour éclaircir ces questions.
En 2013, une nouvelle étude européenne de prévalence mesurant la consommation des antibiotiques et les infections en MRS sera organisée, étude à laquelle les MRS belges seront invitées.
En 2010, un projet spécifiquement ciblé pour permettre de bien comprendre l'évolution de la consommation des antibiotiques a démarré. Les premières analyses de l'ISP - Institut scientifique de Santé publique - en collaboration avec l'INAMI, l'Agence intermutualiste et la BAPCOC ont permis de confirmer une baisse du nombre de prescriptions d'antibiotiques d'environ 30% depuis le début des campagnes de sensibilisation. Des résultats plus affinés sont attendus à l'automne.
Je tiens également à attirer votre attention sur l'évolution favorable de la résistance microbienne en Belgique. Ainsi le pourcentage de pneumonies à streptocoques résistants à la pénicilline a diminué entre 2002 et 2009 de 14% à moins de 1%.
Depuis 2003, nous observons également une évolution très favorable du problème MRSA - staphylocoques résistants à la méticilline - dans les hôpitaux. La moyenne des taux d'incidence de MRSA nosocomial a chuté de 4,3 cas pour 1 000 patients admis en 2003 à 2,2 cas pour 1000 patients en 2009. La moyenne des taux de résistance a diminué également de 31% en 2003 à 24% en 2009.
Malgré les résultats obtenus, les efforts s'intensifient avec le lancement de nouvelles initiatives qui s'ajoutent aux projets déjà en cours.
Pour la première fois en 2011, des études de prévalence relatives aux infections nosocomiales et à l'usage des antibiotiques dans les hôpitaux ont été lancées, conformément à l'initiative européenne de l'European Center for Disease prevention and Control - ECDC.
Cette année, la promotion du care bundle Ventilator-associated Pneumonia ou VAP care bundle a débuté ; il s'agit d'un ensemble de recommandations visant à éviter, dans les unités de soins intensifs, la survenance de pneumonies associées à une respiration assistée.
Pour le secteur vétérinaire, une initiative est également à l'étude visant à mettre en place un observatoire de l'utilisation des antibiotiques. Ce projet est très important vu les interactions entre l'homme et l'animal. Ce point sera d'ailleurs soumis sous peu au Conseil des ministres.
M. Jacques Brotchi (MR). - Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse particulièrement détaillée. Je me réjouis notamment de la diminution du taux de résistance aux antibiotiques et du nombre de campagnes menées.
Certes, la sensibilisation des médecins est utile - la campagne en faveur du lavage des mains a porté ses fruits dans la lutte contre les infections nosocomiales - mais il faudrait encore, me semble-t-il, s'adresser au grand public, notamment pour l'inciter à ne plus réclamer à tort des antibiotiques totalement inefficaces dans toutes les infections virales.