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M. François Bellot (MR). - La Commission européenne a adressé le 17 juin dernier six recommandations concrètes à la Belgique, dans le cadre du nouveau semestre européen de coordination ou de gouvernance économique.
La Commission nous recommande notamment de réduire les dépenses liées au vieillissement, en s'attaquant aux préretraites et en liant l'âge légal de la pension à l'espérance de vie.
Lorsqu'on regarde les pyramides d'âges aujourd'hui - la ministre Laruelle l'a rappelé dans la presse mardi - on constate que de 2,5 à 3 travailleurs financent la pension d'un retraité. En 2040, on passera à 1,5 travailleur pour 1 retraité. Même une augmentation de la masse des travailleurs actifs par la création de 50, 60 et même 70 000 emplois ne suffirait pas. Il faut donc trouver des solutions.
Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, est d'avis qu'il faudra tôt ou tard relever l'âge légal de la pension à 67 ans et que le combat de ceux qui y sont opposés est d'arrière-garde, annonce-t-il ! M. Van Rompuy ajoute que cela ne doit pas intervenir de façon brutale, en une fois. Il est en effet possible de le faire progressivement, sur dix ou quinze ans, comme cela a été fait par le passé avec l'âge légal de la pension des femmes ou comme cela vient d'être programmé aux Pays-Bas.
Des études de type prospectif ont-elles été réalisées chez nous afin d'évaluer les différents scénarios ? Sachant que l'âge moyen de départ à la pension est de 59 ans dans notre pays, comment interpréter cette recommandation de l'Europe de relever l'âge légal de la pension ? Est-ce une mesure purement financière ou un signe que l'âge effectif de départ à la pension doit être relevé ?
Nous avons entendu à plusieurs reprises la ministre de l'Emploi sur la limite d'âge de la pension. Quelle est votre position sur la recommandation de l'Europe ? Avez-vous des alternatives crédibles à proposer pour donner suite à celle-ci et que pensez vous de la solution suédoise qui maintient les pensions par répartition (les actifs paient les pensions actuelles) à hauteur de 80-85% et y ajoute 15 à 20% de pension par capitalisation (le travailleur cotise pour sa pension future) ?
M. Michel Daerden, ministre des Pensions et des Grandes villes. - La Commission européenne nous a effectivement adressé six recommandations concrètes. La deuxième recommandation, que j'ai encore relue tout à l'heure, est dans le droit fil de votre remarque et porte sur la réduction des dépenses liées au vieillissement par une réforme des préretraites et la liaison de l'âge légal de la retraite à l'espérance de vie.
Quant à cette recommandation en particulier, nous avons réagi en disant que nous pouvions comprendre la logique de la liaison de l'âge de la retraite à l'espérance de vie mais qu'il ne doit pas s'agir de l'âge légal de la retraite mais de l'âge effectif. C'est un élément très important et, je le pense, la thèse qui a été retenue et qui sera plaidée.
Vous aurez évidemment bien compris qu'il s'agit là d'une différence fondamentale dans le raisonnement.
Cela veut donc dire que l'on maintient l'âge légal à 65 ans mais que l'on met tout en oeuvre pour faire en sorte d'augmenter l'âge moyen de départ à la pension. Les chiffres que vous avez cités me paraissent corrects. Je cite souvent, de manière approximative, l'âge de 60 ans mais vous avez raison, selon les secteurs, l'âge moyen de départ est souvent inférieur à la soixantaine.
Je suis intimement convaincu que l'augmentation de l'âge moyen de départ est la seule voie à suivre. Il faut faire en sorte de relever de deux ou trois ans l'âge effectif de la retraite. Cette thèse fait d'ailleurs l'objet d'un large consensus. Reste à savoir comment réaliser cet objectif voire cette nécessité. J'ai plaidé ici dernièrement pour la piste du bonus-malus. Ce n'est pas la panacée mais c'est une piste qui est de nature à influencer l'âge de la retraite. On ne peut pas non plus nier tout le problème des prépensions qui devra à tout prix être remis sur le métier. La ministre de l'Emploi en est parfaitement consciente. Comme moi, elle dit qu'il faut faire en sorte d'améliorer le taux d'activité pour la tranche des 55-64 ans. Comment peut-on imaginer être à 35% de taux d'activité alors que nos voisins ont au minimum 10% de plus et que les pays scandinaves atteignent le double ? Manifestement, il se pose un problème.
Il faut aussi organiser une concertation avec les employeurs sur le rôle de l'entreprise, sur l'acceptation par l'entreprise des travailleurs de plus de 55 ans.
À titre personnel, j'apprécie assez le modèle suédois que vous avez évoqué. Je l'ai examiné à plusieurs reprises et je pense que c'est un modèle intéressant. Cependant, sa mise en oeuvre implique que l'on définisse au préalable un certain nombre de paramètres, entre autres les périodes que l'on est prêt à assimiler et le niveau. J'ajoute que je n'ai pas d'objection contre la capitalisation, à tout le moins partielle.
Voilà comment se pose le problème. Actuellement je tente de régler la question de l'ONSSAPL - Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales -, plus précisément celle des pensions des fonctionnaires des pouvoirs locaux.
Il sera difficile de régler l'ensemble de la problématique dans le cadre des affaires courantes mais j'estime qu'il n'est pas impossible de faire progresser le dossier. C'est en tout cas ma volonté.
M. François Bellot (MR). - Les recommandations couvrent la période 2011-2012. Elles ne portent donc pas sur les cinq ou dix prochaines années. Des spécialistes affirment, dans une série d'articles, que plus on tardera à trouver une solution sur l'âge effectif du départ à la retraite, plus on retardera les choix et plus on accentuera le phénomène d'épée de Damoclès pour les jeunes générations, qui seront pensionnées en 2030-2040.
Vous avez cité un certain nombre de pistes, monsieur le ministre, et je crois aussi que le prochain gouvernement devra aborder cette question dès la prochaine déclaration gouvernementale.
En matière de prépensions, nous connaissons tous le problème de la pénibilité. Nous devrons toutefois avoir le courage de dire qu'il faut procéder à la révision d'un certain nombre de mécanismes dans ce cadre avant d'accroître l'âge légal de la pension, qui concerne tout le monde de manière uniforme.
Une des mesures pouvant être avancées est celle de la suppression des plafonds en matière de revenus du travail après l'âge légal de la retraite. Cela permettrait aux personnes dont la santé le permet de poursuivre leur carrière au-delà de l'âge légal de 65 ans.
M. Michel Daerden, ministre des Pensions et des Grandes villes. - Comme je l'ai encore répété en commission voici quelques jours, je suis favorable à une extension du travail autorisé après l'âge de la retraite. Je ne souhaite pas un déplafonnement total, mais un relèvement du plafond.
Il me semble toutefois difficile de ne pas aborder le problème de manière globale. En effet, la solution passera obligatoirement par un compromis.
Je sais à quel point la famille libérale est favorable à l'accroissement du travail autorisé, ce qui ne me pose aucun problème. À titre personnel, je ne suis pas non plus opposé à un deuxième pilier de pension. Il faudra bien entendu trouver un équilibre entre les différentes familles politiques pour essayer de trouver une solution durable.
Ces pistes me semblent intéressantes.