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M. Gérard Deprez (MR). - Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) vient de publier son rapport annuel 2010 dans lequel il observe une hausse sensible des demandes d'asile introduites dans notre pays, à savoir une hausse de 16% par rapport à l'année 2009.
Les principaux pays d'origine des demandeurs d'asile sont l'Irak et l'Afghanistan, ce qui est compréhensible vu la situation intérieure de ces pays.
Cependant - et cela est plus surprenant -, ils sont devancés par les pays balkaniques dont le nombre de demandes passe de 2 254 en 2009 à 4 163 en 2010, soit une demande d'asile sur cinq. Cette forte augmentation est imputable au régime d'exemption de visas qui a été adopté en décembre 2009 pour les Serbes, les Monténégrins et les Macédoniens et qui a été étendu aux Albanais et aux Bosniens en novembre 2010, sous la présidence belge de l'Union européenne.
Mais le chiffre le plus étonnant du rapport annuel du CGRA est sans nul doute celui qui concerne les demandes d'asile introduites par des personnes originaires de Macédoine et qui, entre 2009 et 2010, est passé de 201 à 1 082. Le nombre de ces demandes a donc été multiplié par cinq en un an à peine.
Malgré la mise en place d'une campagne de dissuasion, cet afflux de réfugiés continue de progresser. Ainsi, d'après les chiffres publiés sur le site de la RTBF, dans le courant du mois de mars, 86 Macédoniens ont introduit une demande d'asile en Belgique, puis 100 en avril et 91 en mai dernier. De plus, il semblerait que la plupart de ces demandes soient abusives puisque, selon le rapport du CGRA, 2% seulement des demandeurs d'asile macédoniens obtiendraient le statut de réfugiés.
Si cette situation devait perdurer, que proposez-vous comme mesures, autres que les déplacements sur place ou les campagnes d'information diverses qui sont, semble-t-il, sans effet sur les citoyens macédoniens ? Confirmez-vous, comme annoncé dans la presse, votre volonté de proposer le rétablissement de l'obligation de visas pour les ressortissants de ce pays et si oui, quand entendez-vous faire cette proposition ?
Avez-vous déjà pris contact avec d'autres pays européens, tels que l'Allemagne, la Suède et la Norvège, qui connaissent un problème similaire à celui de la Belgique, afin de faire pression sur les autorités européennes ? Si oui, quelle est la nature de cette initiative, a-t-elle des chances d'aboutir ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - S'il est exact que les chiffres ont fortement augmenté pour la Serbie et la Macédoine à la suite de la libéralisation des visas, ce n'est pas le cas pour l'Albanie et la Bosnie. La cause doit peut-être être recherchée dans la manière dont les visas ont été libéralisés pour ces deux pays. En effet, étant donné l'expérience vécue avec la Serbie et la Macédoine, nous avons mené sur place en Albanie et en Bosnie, pendant la présidence belge, des campagnes d'informations, avec la commissaire. Plus tôt on s'y prend, meilleurs sont les effets, ce que les chiffres tendent à démontrer. C'est vrai pour la Belgique mais cela se vérifie partout dans l'Union européenne.
Pour ce qui est de la Serbie et de la Macédoine, le problème reste beaucoup trop important. Pour la Serbie, un plan d'action a été déposé par le ministre de l'Intérieur, M. Dačić. Je me suis rendu en Serbie la semaine passée et M. Dačić est venu à la Commission, fin de la semaine dernière. Les chiffres tendent à diminuer, pas encore suffisamment, mais on constate que les mesures sont efficaces. Cette tendance à la baisse est également observée en Suède, par exemple, qui était le pays le plus affecté par l'afflux massif de Serbes.
Pour la Macédoine, les chiffres sont stables. Ils restent donc totalement inacceptables pour nous puisque, comme vous l'avez souligné, le nombre de demandes a été multiplié par cinq. Quant aux chiffres de reconnaissance, s'ils étaient de 2% en 2010, ils sont actuellement de moins de 1%. pour 2011 Les chiffres de demandes ne diminuent donc pas, contrairement aux chiffres de reconnaissance.
Ainsi que je l'avais demandé moi-même sous la présidence belge, la Commission a été amenée à faire un monitoring de la situation en Serbie et en Macédoine. Le rapport a été présenté au dernier conseil JAI, Justice et Affaires intérieures. On se rend compte que la situation en Macédoine s'est détériorée sur quatre points, et non des moindres : la procédure d'asile, la lutte contre la corruption, la lutte contre la criminalité organisée et l'intégration de minorités.
Face à ce constat, la Belgique, soutenue par de nombreux pays de l'Union européenne, notamment la France, a demandé qu'une procédure de suspension soit introduite dans le règlement relatif à la libéralisation des visas, avec un mécanisme de comitologie. Cette procédure a été présentée par la commissaire européenne lors du dernier conseil. Permettez-moi une parenthèse : vu les critères proposés par la commission, la Macédoine est susceptible de tomber sous le coup d'une suspension de la libéralisation des visas.
Étant donné que la Macédoine rentre dans les critères d'une suspension, que le rapport de monitoring est vraiment négatif pour ce pays et que les chiffres ne diminuent pas, je me suis permis de taper du poing sur la table lors du dernier conseil JAI. Nous sommes soutenus par de nombreux pays qui connaissent les mêmes difficultés : Suède, France, Pays-Bas, Luxembourg...
Pour répondre clairement à votre question, les réponses sont la modification du règlement et le message très clair que j'ai adressé hier à mon collègue macédonien et qui a été confirmé ce matin par le conseil des ministres restreint : en l'absence de modification sensible de la situation, que ce soit un plan d'action, des mesures ou un vrai changement avant le prochain conseil JAI, la Belgique, soutenue par d'autres pays, mettra à l'ordre du jour la possibilité de suspension de la libéralisation des visas. Nous n'aurons alors plus d'autre choix que de continuer à nous montrer extrêmement fermes. Les autorités macédoniennes en sont conscientes et semblent bouger. À elles maintenant d'assumer leur obligation de résultat avant le prochain conseil JAI.
M. Gérard Deprez (MR). - Je n'ai pas très bien compris un élément de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez dit que la commissaire compétente avait déposé une proposition de modification du règlement qui introduirait, sur la base de la procédure de comitologie, la possibilité de suspendre l'exemption de visa pour les pays individuellement ou d'une manière générale pour l'ensemble des pays de l'Union.
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - S'il y avait une suspension de la libéralisation des visas, ce serait évidemment pour l'ensemble des pays de l'Union.
Ainsi, tout Macédonien qui voudrait venir sur le territoire européen, où que ce soit dans l'espace Schengen, devrait redemander un visa.
M. Gérard Deprez (MR). - Si je suis bien informé, la modification d'un règlement est une procédure qui risque de prendre du temps. La proposition doit encore être formellement déposée et j'imagine qu'elle nécessite une codécision. Si les flux continuent, que pouvez-vous faire individuellement ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - Si ce nouveau règlement est formellement déposé par la Commission sur la base de son pouvoir d'initiative, il faudra effectivement un peu de temps avant qu'il entre en vigueur. Il prévoit une procédure clarifiée pour suspendre la libéralisation de visa. Nous pouvons évidemment démettre ce que nous avons instauré. Cette libéralisation de visa a été introduite à l'époque par une procédure de codécision. Une même procédure respectant les mêmes modalités pourrait démettre ce qu'elle a instauré. Il y a donc un parallélisme à respecter pour pouvoir aujourd'hui retirer cette libéralisation de visa. Un nouveau règlement permettrait d'instaurer un processus beaucoup plus clair, plus simple et plus rapide pour réaliser ce mécanisme de suspension selon une procédure propre qui n'existe pas pour le moment.