5-1071/1 | 5-1071/1 |
1er JUIN 2011
Conformément à l'article 12 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, une personne inculpée d'infractions terroristes ou de certaines infractions violentes graves telles que le meurtre ne peut être poursuivie que si elle est trouvée en Belgique. Dans la pratique, les poursuites s'avèrent dès lors souvent impossibles. Conformément à l'article 12, le parquet fédéral n'est pas habilité à ouvrir une information. Un mandat d'arrêt international ou une demande d'extradition ne peuvent pas non plus être requis auprès du juge d'instruction. Enfin, il est également impossible de saisir un juge pénal en vue de réprimer de tels agissements. Si l'inculpé n'est pas trouvé en Belgique, les poursuites effectives dépendent donc du pays où les infractions ont été commises. Dans la pratique, il s'avère dès lors que les poursuites restent lettre morte étant donné que les inculpés séjournent souvent dans des pays qui n'assurent pas efficacement le maintien de l'ordre et le respect des règles de droit. En outre, les autorités locales du pays où l'infraction a été commise sont rarement disposées à collaborer sans une demande officielle émanant d'une instance judiciaire belge.
Les conséquences de cette impunité sont très importantes. Les familles de victimes décédées demeurent dans l'ignorance des circonstances précises dans lesquelles certains faits se sont produits. De même, la victime et sa famille restent souvent frustrées en raison de l'absence de sanctions effectives, alors que l'identité et le domicile de l'auteur sont connus. Étant donné l'impossibilité d'ouvrir une instruction ou une information, il manque également des informations qui pourraient s'avérer capitales pour la sécurité de l'État ou celle d'autres Belges à l'étranger. C'est particulièrement important pour la protection des militaires et services de police belges qui effectuent des missions à l'étranger. Dans ce dernier cas, des poursuites menant à une condamnation revêtent également une grande importance, dans la mesure où elles permettent à la victime ou aux membres de sa famille de faire appel au Fonds d'aide aux victimes (Fonds d'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels).
La présente proposition de loi vise à obvier à ces conséquences. Il est inacceptable que des infractions terroristes ou des infractions violentes graves commises à l'étranger demeurent impunies, d'autant plus que lorsque le législateur a intégré les infractions terroristes dans le Code pénal, c'était précisément pour pouvoir sanctionner la commission de ces infractions à l'étranger (voir par exemple les articles 6, 1ºter, et 10ter, 4º du titre préliminaire du Code de procédure pénale). Pour permettre des sanctions et des poursuites effectives, il convient d'adapter l'exigence posée par l'article 12 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui prévoit qu'une personne inculpée ne peut être poursuivie en Belgique que si elle est trouvée en Belgique. La présente proposition de loi vise dès lors à abroger l'exigence visée à l'article 12 du titre préliminaire du Code de procédure pénale pour deux catégories d'infractions: d'abord pour les infractions terroristes visées aux articles 137, 140 et 141 du Code pénal, et ensuite pour certaines infractions violentes graves, à savoir la prise d'otages (article 347bis du Code pénal), le meurtre, l'assassinat, le parricide, l'infanticide et l'empoisonnement (articles 393 à 397 du Code pénal), ainsi que le meurtre commis pour faciliter le vol ou l'extorsion (article 475 du Code pénal).
Article 2
Cet article instaure dans l'article 10, 5º, du titre préliminaire du Code de procédure pénale un filtre semblable à celui qui existe déjà pour les cas visés aux articles 10, 1ºbis, et 12bis, qui concernent, d'une part, les poursuites de violations graves du droit international humanitaire et, d'autre part, les poursuites d'infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une règle de droit international conventionnelle ou coutumière ou une règle de droit dérivé de l'Union européenne liant la Belgique, lorsque cette règle lui impose, de quelque manière que ce soit, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites.
Le but de ce filtre est d'éviter que le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction entraîne la saisine systématique du juge d'instruction alors qu'elle est souvent inutile. En l'absence d'un tel filtre, on court le risque que le juge d'instruction soit requis d'instruire des causes manifestement non fondées, ce qui lui occasionnerait une surcharge de travail inutile. La solution réside dans le filtre déjà instauré, avec succès, pour les articles 10, 1ºbis, et 12bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Article 3
Cet article instaure un filtre semblable à celui qui existe déjà pour l'article 10, 5º, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et ce pour les mêmes raisons que celles exposées ci-avant, dans le cadre de l'article 2.
Article 4
Le texte actuel de l'article 12 du Code de procédure pénale prévoit comme règle générale que la poursuite des infractions commises à l'étranger et punissables en Belgique ne peut avoir lieu que si l'inculpé est trouvé en Belgique. Cet article est actuellement rédigé comme suit:
« Sauf dans les cas prévus à l'article 6, 1º, 1ºbis et 2º, à l'article 10, 1º, 1ºbis et 2º, et à l'article 12bis, ainsi qu'à l'article 10bis, la poursuite des infractions dont il s'agit dans le présent chapitre n'aura lieu que si l'inculpé est trouvé en Belgique.
Toutefois, lorsque l'infraction a été commise en temps de guerre, la poursuite pourra avoir lieu, si l'inculpé est Belge, dans tous les cas, même s'il n'est pas trouvé en Belgique, et, si l'inculpé est étranger, en plus des cas prévus à l'alinéa 1er, s'il est trouvé en pays ennemi ou si son extradition peut être obtenue. »
Les exceptions à la condition prévoyant que l'inculpé doit être trouvé en Belgique se rapportent aux infractions suivantes:
1. en cas d'infraction commise par un Belge ou une personne ayant sa résidence principale en Belgique;
a) article 6, 1º: crime ou délit contre la sûreté de l'État;
b) article 6, 1ºbis: violation grave du droit international humanitaire;
c) article 6, 2º: crime ou délit contre la foi publique ou crime ou délit de faux-monnayage;
2. en cas d'infraction commise par un étranger (qui n'a donc pas sa résidence principale en Belgique);
a) article 10, 1º: crime ou délit contre la sûreté de l'État;
b) article 10, 1ºbis: violation grave du droit international humanitaire;
c) article 10, 2º: crime ou délit contre la foi publique ou crime ou délit de faux-monnayage;
3. article 12bis: infractions visées par des règles de droit international ou européen;
4. article 10bis: infractions commises par des personnes soumises aux lois militaires.
La présente proposition de loi étend ces exceptions à deux catégories d'infractions. D'une part, les infractions terroristes visées aux articles 137, 140 et 141 du Code pénal seraient ajoutées. D'autre part, le champ d'application serait également étendu à un nombre limité d'infractions violentes les plus graves, telles que la prise d'otages (article 347bis du Code pénal), le meurtre, l'assassinat, le parricide, l'infanticide et l'empoisonnement (articles 393 à 397 du Code pénal) et le meurtre commis pour faciliter le vol ou l'extorsion (article 475 du Code pénal).
À cette fin, l'article 12 du titre préliminaire du Code de procédure pénale est modifié de la manière suivante:
— en ce qui concerne les infractions terroristes, les articles 6, 1ºter et 10ter, 4º, sont ajoutés aux exceptions. L'article 6, 1ºter concerne toutes les infractions terroristes commises par des Belges et des personnes ayant leur résidence principale en Belgique. L'article 10ter, 4º, fait référence aux infractions terroristes commises contre des Belges ou contre des institutions ou organismes de l'Union européenne;
— en ce qui concerne les infractions violentes graves, l'article 10, 5º, est complété par la qualification prévoyant que l'inculpé qui n'est pas trouvé en Belgique ne peut être poursuivi que dans les cas visés aux articles 347bis, 393 à 397 et 475 du Code pénal. L'article 10, 5º, prévoit que les crimes commis par un étranger contre un ressortissant belge à l'étranger peuvent être poursuivis en Belgique si le fait est punissable, en vertu de la législation du pays où il a été commis, d'une peine dont le maximum dépasse cinq ans de privation de liberté.
Pour ce qui concerne l'ajout de l'article 10, 5º, l'on a choisi de limiter ce champ d'application aux infractions les plus lourdes représentant une atteinte grave à l'intégrité physique de ressortissants belges à l'étranger. Il ne serait ni raisonnable ni opportun d'étendre le champ d'application à tous les cas d'infractions commises contre des ressortissants belges à l'étranger. La capacité d'enquête en pâtirait, alors que le but poursuivi, en l'occurrence permettre des poursuites effectives, ne pourrait être atteint.
Enfin, la présente proposition de loi modifie la structure de l'article 12 du titre préliminaire du Code de procédure pénale afin d'en améliorer la lisibilité. Pour éviter d'ajouter plusieurs qualifications aux divers articles visés, les auteurs ont opté pour une liste énumérant les exceptions de manière synoptique.
Frank BOOGAERTS. Karl VANLOUWE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 10, 5º, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, modifié en dernier lieu par la loi du 22 mai 2006, est complété par les alinéas suivants rédigés comme suit:
« Si l'inculpé n'est pas trouvé en Belgique, les poursuites, en ce compris l'instruction, pour les infractions visées aux articles 347bis, 393 à 397, et 475 du Code pénal, ne peuvent être engagées qu'à la requête du procureur fédéral ou du procureur du Roi, qui apprécie les plaintes éventuelles.
Saisi d'une plainte en application des alinéas précédents, le procureur fédéral ou le procureur du Roi requiert le juge d'instruction d'instruire cette plainte sauf si:
1º la plainte est manifestement non fondée; ou
2º les faits relevés dans la plainte ne correspondent pas à une qualification des infractions visées aux articles 347bis, 393 à 397 et 475 du Code pénal; ou
3º une action publique recevable ne peut résulter de cette plainte; ou
4º des circonstances concrètes de l'affaire, il ressort que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et dans le respect des obligations internationales de la Belgique, cette affaire devrait être portée soit devant les juridictions internationales, soit devant la juridiction du lieu où les faits ont été commis, soit devant la juridiction de l'État dont l'auteur est ressortissant ou celle du lieu où il peut être trouvé, et pour autant que cette juridiction présente les qualités d'indépendance, d'impartialité et d'équité, tel que cela peut notamment ressortir des engagements internationaux pertinents liant la Belgique et cet État.
Si le procureur fédéral ou le procureur du Roi est d'avis qu'une ou plusieurs des conditions énoncées à l'alinéa 3, 1º, 2º et 3º, sont remplies, il prend devant la chambre des mises en accusation des réquisitions tendant à faire déclarer, selon les cas, qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou que l'action publique n'est pas recevable. Le procureur fédéral ou le procureur du Roi est seul entendu.
Lorsque la chambre des mises en accusation constate qu'aucune des conditions énoncées à l'alinéa 3, 1º, 2º et 3º, n'est remplie, elle désigne le juge d'instruction territorialement compétent et indique les faits sur lesquels portera l'instruction. Il est ensuite procédé conformément au droit commun.
Le procureur fédéral ou le procureur du Roi a le droit de former un pourvoi en cassation contre les arrêts rendus en application des alinéas 4 et 5. Dans tous les cas, ce pourvoi sera formé dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt.
Dans le cas prévu à l'alinéa 3, 4º, le procureur fédéral classe l'affaire sans suite et notifie sa décision au ministre de la Justice. Cette décision de classement sans suite n'est susceptible d'aucun recours. »
Art. 3
L'article 10ter, 4º, du même titre, inséré par la loi du 13 avril 1995 et modifié en dernier lieu par la loi du 10 août 2005, est complété par les alinéas suivants rédigés comme suit:
« Si l'inculpé n'est pas trouvé en Belgique, les poursuites, en ce compris l'instruction, ne peuvent être engagées, lorsque l'infraction a été commise par un étranger, qu'à la requête du procureur fédéral ou du procureur du Roi, qui apprécie les plaintes éventuelles.
Saisi d'une plainte en application des alinéas précédents, le procureur fédéral ou le procureur du Roi requiert le juge d'instruction d'instruire cette plainte sauf si:
1º la plainte est manifestement non fondée; ou
2º les faits relevés dans la plainte ne correspondent pas à une qualification des infractions visées aux articles 137, 140 et 141 du Code pénal; ou
3º une action publique recevable ne peut résulter de cette plainte; ou
4º des circonstances concrètes de l'affaire, il ressort que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et dans le respect des obligations internationales de la Belgique, cette affaire devrait être portée soit devant les juridictions internationales, soit devant la juridiction du lieu où les faits ont été commis, soit devant la juridiction de l'État dont l'auteur est ressortissant ou celle du lieu où il peut être trouvé, et pour autant que cette juridiction présente les qualités d'indépendance, d'impartialité et d'équité, tel que cela peut notamment ressortir des engagements internationaux pertinents liant la Belgique et cet État.
Si le procureur fédéral ou le procureur du Roi est d'avis qu'une ou plusieurs des conditions énoncées à l'alinéa 3, 1º, 2º et 3º, sont remplies, il prend devant la chambre des mises en accusation des réquisitions tendant à faire déclarer, selon les cas, qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou que l'action publique n'est pas recevable.Le procureur fédéral ou le procureur du Roi est seul entendu.
Lorsque la chambre des mises en accusation constate qu'aucune des conditions énoncées à l'alinéa 3, 1º, 2º et 3º, n'est remplie, elle désigne le juge d'instruction territorialement compétent et indique les faits sur lesquels portera l'instruction. Il est ensuite procédé conformément au droit commun.
Le procureur fédéral ou le procureur du Roi a le droit de former un pourvoi en cassation contre les arrêts rendus en application des alinéas 4 et 5. Dans tous les cas, ce pourvoi sera formé dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt.
Dans le cas prévu à l'alinéa 3, 4º, le procureur fédéral classe l'affaire sans suite et notifie sa décision au ministre de la Justice. Cette décision de classement sans suite n'est susceptible d'aucun recours. »
Art. 4
Dans l'article 12 du même titre, modifié en dernier lieu par la loi du 5 août 2003, l'alinéa 1er est remplacé par ce qui suit:
« La poursuite des infractions dont il s'agit dans le présent chapitre n'aura lieu que si l'inculpé est trouvé en Belgique, sauf dans les cas visés aux articles suivants:
1º l'article 6, 1º, 1ºbis, 1ºter, et 2º;
2º l'article 10, 1º, 1ºbis, 1ºter, et 2º;
3º l'article 10, 5º, en ce qui concerne les infractions visées aux articles 347bis, 393 à 397, et 475 du Code pénal;
4º l'article 10bis;
5º l'article 10ter, 4º;
6º l'article 12bis. »
12 avril 2011.
Frank BOOGAERTS. Karl VANLOUWE. |