5-1023/1

5-1023/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

11 MAI 2011


Proposition de loi étendant la protection pénale des personnes vulnérables contre la maltraitance et la malmenance

(Déposée par Mmes Sabine de Bethune et Christine Defraigne et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi est basée sur les textes de trois propositions de loi qui ont été introduites sous cette législature (doc. Sénat, nº 5-146/1, 5-156/1 en 5-191/1, SE 2010).

La présente proposition vise à donner une impulsion à l'élaboration d'une politique judiciaire fédérale en ce qui concerne la maltraitance et la malmenance des personnes âgées et des personnes vulnérables. La prévention de toutes les formes de violence à l'égard des personnes et l'aide accordée en la matière relèvent de la compétence des communautés.

L'aspect judiciaire nécessite une adaptation du Code pénal. À l'heure actuelle, cette matière se trouve dans l'angle mort de la politique fédérale de sécurité intégrale (cf. note cadre de politique fédérale Sécurité, mars 2004).

Cette problématique est également désignée comme une priorité pour les services de police dans le Plan national de sécurité 2008-2011 (p. 19).

La présente proposition de loi intervient à quatre niveaux:

1. Elle multiplie les exceptions au secret professionnel. Depuis la loi du 28 novembre 2000, qui a inséré l'article 458bis dans le Code pénal, il est possible, grâce à l'assouplissement de la notion du secret professionnel, de signaler certains faits graves commis sur des mineurs d'âge. La présente proposition de loi vise à étendre la possibilité de signalement à d'autres catégories de personnes qui souffrent d'une diminution de leur autonomie pour des raisons physiques et/ou psychiques et qui sont, dès lors, moins aptes à se défendre contre les atteintes à l'intégrité physique et mentale visées dans l'article en question.

2. Elle prévoit un alourdissement des peines frappant les individus qui ont commis des faits contre des personnes qui sont particulièrement vulnérables en raison de leur âge, d'une maladie, d'un état de grossesse ou d'une déficience, ou d'une infirmité physique ou mentale.

3. Elle supprime l'impunité pénale qui existe dans les situations de délits contre les propriétés (vols, extorsions, abus de confiance, escroquerie, tromperie), lorsque les faits ont été commis au sein de la famille sur une personne vulnérable.

4. Elle permet à des associations qui prennent en charge, parfois depuis longtemps, la prévention, le conseil et la résolution de conflits au sein de la famille ou d'institutions d'hébergement, ou à l'extérieur de celles-ci, d'ester en justice moyennant une collaboration permanente avec les maisons de justice et un agrément par les pouvoirs publics.

1. Le problème de la maltraitance et de la malmenance des personnes âgées

Depuis le début des années 80, le problème de la vulnérabilité spécifique des personnes âgées à la maltraitance et à la malmenance a de plus en plus souvent été mis en lumière aux niveaux national et international.

1.1. Résultats des études

L'étude belge intitulée « La violence et les sentiments d'insécurité chez les personnes âgées » a été élaborée en 1988 par Sybille Opdebeeck, Anneleen Vandenberk et le professeur Frans Lammertyn, à la demande de Mme Miet Smet, ministre de l'époque. L'étude a montré qu'une personne âgée sur huit (de plus de soixante-cinq ans, cohabitante ou isolée) était confrontée à l'une ou l'autre forme de violence psychique, physique ou sexuelle. Si l'on ajoute à cela les cas d'abus financier, on arrive à une proportion d'une personne âgée sur cinq. Il s'est avéré que les femmes étaient un peu plus vulnérables à la maltraitance et à la malmenance que les hommes.

Une deuxième étude importante, qui a fortement contribué à ce que le problème jouisse d'une attention accrue, fut l'étude néerlandaise réalisée en 1996 par H.C. Comijs et intitulée « Agressie tegen en benadeling van ouderen. Een onderzoek naar ouderenmishandeling ».

La définition qui est utilisée dans cette dernière étude pour cerner le problème a servi à établir la définition qui est devenue usuelle en Flandre dans divers documents préparatoires (source: « De uitbouw van een centraal meldpunt ouderenmishandeling », document du CAW Zuid-Oost-Vlaanderen, 2003, p. 12):

« On entend par maltraitance d'une personne âgée (de 55 ans ou plus), l'accomplissement d'actes ou le non-accomplissement d'actes par une personne qui entretient avec elle une relation personnelle et/ou professionnelle, qui entraînerait, selon toute probabilité, de manière répétitive, pour la première, des dommages corporels et/ou des dommages psychiques et/ou des dommages matériels, et, partant, une forme de dépendance partielle ou totale. » (traduction).

Comme le problème du maltraitement des personnes âgées couvre aussi d'autres aspects que la maltraitance physique ou psychique, nous avons choisi de parler en l'espèce de maltraitance et de malmenance.

Le maltraitement peut résulter aussi bien d'une maltraitance (poser des actes) que d'une malmenance (omettre de poser des actes). La protection de la dignité de la personne âgée doit toujours être la préoccupation centrale, et la manière dont celle-ci et/ou la personne qui signale une situation ressent les choses doit être le critère de référence. La maltraitance et la malmenance ne supposent pas nécessairement l'existence d'une intention malveillante. L'incapacité, l'ignorance ou l'impuissance peuvent être des causes sous-jacentes. Il peut aussi y avoir une certaine dépendance par rapport au responsable de la maltraitance ou de la malmenance.

C'est dans cette optique que les auteurs de la proposition ont opté pour l'utilisation des termes « maltraitance » et « malmenance ».

Lorsque l'état de dépendance de la personne âgée s'aggrave, le risque de maltraitance ou de malmenance s'aggrave lui aussi. En règle générale, on part du principe que toute personne qui devient tributaire de l'aide d'autrui et qui doit renoncer à une partie de son indépendance est vulnérable à la maltraitance et à la malmenance. Parallèlement, toute personne qui se retrouve en position soignante vis-à-vis d'une personne âgée peut commettre des faits qui dépassent les limites autorisées.

C'est pourquoi nous utiliserons par ailleurs dans notre proposition le terme « personne vulnérable » et que les mesures que nous prévoirons dans la cadre de celle-ci ne seront pas applicables seulement aux personnes âgées. Le risque qu'encourt la personne vulnérable dépend de son degré de dépendance d'autrui ou de la mesure dans laquelle son autonomie est réduite. La définition du terme « personne vulnérable » figure au point 3.1. C'est en raison de sa vulnérabilité qu'une personne doit bénéficier d'une protection particulière.

Dans ce contexte, l'âge avancé ne constitue qu'un risque de maltraitance ou de malmenance parmi d'autres. Il faut aussi souligner que l'âge avancé n'est pas une cause de dépendance accrue pour tout le monde. Le vieillissement entraîne inévitablement des dégradations à divers points de vue, comme en matière de santé, sur le plan physique ou au niveau mental. Mais, comme le dit le professeur Marcoen (KU Leuven) (« Succesvol ouder worden in de familiecontext », contribution à la journée d'études « Het gezin vandaag en in de toekomst », groupe CD&V du Sénat, rapport 2004), la plupart des personnes âgées disposent de suffisamment de ressort pour compenser ces dégradations si possible. Elles parviennent ainsi à maintenir leur activité physique et mentale et leur propre bien-être à un niveau aussi élevé que possible. Elles y arrivent grâce à des efforts personnels ou à des moyens extérieurs (comme l'aide de la médecine en cas de dégradation physique, les exercices d'entraînement de la mémoire en cas de diminution mentale, les contacts sociaux en cas de décès du conjoint, ...). Une bonne condition fonctionnelle leur permet de continuer à prendre soins d'elles-mêmes dans une mesure suffisante et de conserver leur indépendance aussi longtemps que possible.

1.2. Données récentes recueillies par le point de contact « maltraitance des personnes âgées »

Les mesures qui devraient permettre de mener une politique cohérente en matière de maltraitance et de malmenance des personnes âgées en sont encore au stade de projets dans notre pays. La création du point de contact « maltraitance des personnes âgées » pour le Sud-Est de la Flandre sous l'impulsion du conseil des seniors de la commune de Zottegem (voir également: www.meldpuntouderenmishandeling.be), fut l'une des principales initiatives que l'on a prises pour donner forme à cette politique. Ce point de contact est attaché à la maison sociale Pandora du Centrum Algemeen Welzijnswerk Zuid-Oost Vlaanderen et est accessible aux victimes, aux membres de leur famille, à leurs connaissances et à toutes les personnes qui, pour des raisons professionnelles ou autres, entrent en contact avec des personnes âgées et qui sont confrontées à des cas de maltraitance et de malmenance de personnes âgées ou qui soupçonnent l'existence de tels cas.

Depuis décembre 2002, le numéro de téléphone de ce point de contact (09/360 33 66) sert de numéro d'appel central pour le signalement de cas de maltraitance et de malmenance de personnes âgées en Flandre et à Bruxelles. La création d'un point de contact central pour la Flandre et de points de contact provinciaux et régionaux est en projet. Le numéro d'appel central pour le signalement de cas de maltraitance et de malmenance de personnes âgées (078/15 15 70) est opérationnel depuis le 1er mai 2004.

Les données chiffrées du point de contact « maltraitance des personnes âgées » pour le Sud-Est de la Flandre ne permettent pas, à l'heure actuelle, de faire une extrapolation correcte pour l'ensemble de la Flandre. Grâce au point de contact central à créer et aux points de contact provinciaux et régionaux qui seront reliés à celui-ci, on pourra disposer à l'avenir de données plus exactes et on pourra dès lors se faire une idée plus précise de la nature et de l'ampleur du phénomène en question en Flandre.

Depuis la création du point de contact en 2001, on constate que le nombre de signalements augmente fortement d'une année à l'autre: de 119 signalements pour l'exercice 2001-2002, l'on est passé à 247 pour l'exercice 2002-2003 et à 503 pour l'année 2009. Cette hausse s'explique non seulement par la notoriété croissante du point de contact, mais aussi par le fait que le problème de la maltraitance est de moins en moins tabou. Elle indique également que la problématique est et demeure une réalité.

La plupart des signalements concernent des abus financiers et/ou matériels (De Standaard, 21 mars 2004).

Dans bien des cas, la maltraitance et la malmenance prennent des formes diverses. Il semblerait que les femmes soient plus nombreuses à en être victimes, mais le risque de subir l'une ou l'autre forme de maltraitance et de malmenance augmente en règle générale à mesure que la personne âgée devient plus dépendante d'autrui. Le groupe des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans court le plus de risques.

Dans bien des cas, il y a déjà eu maltraitance ou malmenance grave avant même que l'on ne se résolve à signaler les choses. Des études plus poussées confirmeront sans doute les soupçons selon lesquels les personnes âgées sont le plus souvent victimes de violences psychiques. La maltraitance et la malmenance des personnes âgées est toutefois un phénomène complexe et qui se présente souvent sous des formes diverses au même moment.

Le point de contact souligne également que la grande majorité des cas de maltraitance et de malmenance de personnes âgées ne sont jamais dénoncés. Comme pour d'autres types de violence familiale, la partie cachée du phénomène est relativement importante. Selon le point de contact, les principales raisons en sont les suivantes:

1. la population, les travailleurs sociaux, les prestataires de services, les services de police et les services judiciaires méconnaissent le phénomène de la maltraitance et de la malmenance des personnes âgées;

2. la sensibilisation nécessaire à la détection des cas de maltraitance et de malmenance est insuffisante;

3. la maltraitance et la malmenance des personnes âgées sont des sujets tabous, surtout quand les auteurs sont des membres de la famille des victimes;

4. la victime a le sentiment d'être tenue par une obligation de loyauté envers l'auteur;

5. la victime dépend souvent de l'auteur et est souvent isolée;

6. la victime craint des représailles;

7. les personnes concernées ignorent si l'on peut effectivement trouver une solution par le biais des services d'aide;

8. les médecins, le personnel paramédical et les travailleurs sociaux sont liés par le secret professionnel.

Cette dernière raison peut expliquer pourquoi on n'a enregistré, en 2003-2004, que deux signalements par un médecin de famille.

1.3. Le contexte international

La prise de mesures en vue de protéger les personnes âgées contre les abus et la maltraitance ou la malmenance s'inscrit dans le cadre de la défense des droits de l'homme. Il appartient à la collectivité de prendre les mesures adéquates pour garantir les droits de chaque personne.

La question de la maltraitance ou de la malmenance des personnes âgées a été un thème important de la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement des Nations unies, qui s'est tenue à Madrid en 2002, et constitue un point essentiel du « Plan d'action international sur le vieillissement, 2002 » des Nations unies. Selon les Nations unies, la maltraitance et la malmenance des personnes âgées prennent souvent la forme d'une violation invisible de leurs droits et entraînent un coût humain et financier énorme.

Comme il n'existe pas de statistiques globales sur la maltraitance et la malmenance, les Nations unies ont fait rédiger un rapport préparatoire à cette deuxième Assemblée mondiale, qui devait présenter les résultats des études qui ont été réalisées au cours des vingt dernières années. Dans ce rapport, intitulé « Maltraitance des personnes âgées: évaluation du problème et propositions d'action à l'échelle mondiale », la maltraitance des personnes âgées est définie comme suit:

« Acte unique ou répété, ou omission dans le cadre de toute relation où la confiance est présumée, qui cause souffrance ou détresse à une personne âgée. »

Cette définition a été reprise par l'INPEA (International Network for the Prevention of Elder Abuse, www.inpea.net), une organisation qui s'efforce de dresser le tableau du phénomène de la maltraitance et de la malmenance des personnes âgées, en vue de développer les stratégies d'intervention adéquates.

Cette définition figure également dans le Rapport de 2002 sur la santé dans le monde de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui attire l'attention sur les risques sanitaires de cette forme encore souvent invisible de violence et qui se réfère aux conclusions du Rapport mondial sur la violence et la santé que l'OMS a publié en octobre 2002. Selon l'OMS, de 4 à 6 % des personnes âgées qui résident à domicile sont victimes de maltraitance et de malmenance (www.who.int/violence_injury_prevention).

La maltraitance et la malmenance des personnes âgées est un phénomène mondial qui peut prendre des formes diverses et qui a pour dénominateur commun le fait qu'il existe toujours un lien entre la dépendance accrue de la personne âgée et le risque de maltraitance et de malmenance, surtout par des membres de sa famille, des amis ou des connaissances.

Le rapport des Nations unies distingue les catégories suivantes de maltraitance des personnes âgées: la maltraitance physique, la maltraitance psychologique ou la cruauté mentale, l'exploitation financière et la négligence. Il cite aussi d'autres formes d'abus, comme le fait de ne pas apporter de soins à une personne qui souffre de négligence de soi, qui subit des sévices sexuels, qui est proie à la maltraitance conjugale et qui fait l'objet de maltraitance pharmaceutique.

Dans son rapport, l'ONU insiste sur la nécessité de faire effectuer des études plus approfondies pour être mieux informé sur les expériences des intéressés eux-mêmes ainsi que sur la nature et l'ampleur du problème. Le rapport prône également l'adoption d'une démarche globale pour s'attaquer à la problématique et recommande d'instituer des points de contact pour pouvoir assurer une aide adéquate; il conseille enfin de prendre, là où c'est nécessaire, des initiatives légales, par exemple en vue d'incriminer la maltraitance et la malmenance des personnes âgées et d'étendre les possibilités de signalement par les travailleurs sociaux professionnels.

2. Nécessité d'une politique cohérente en matière de violence intrafamiliale

2.1. L'absence du volet fédéral

Sur le plan fédéral, aucune mesure spécifique n'a été prise à ce jour en ce qui concerne la protection des personnes âgées contre les diverses formes de maltraitance et de malmenance.

La « note-cadre sécurité intégrale » proposée récemment par le gouvernement (mars 2004) contient un volet consacré à la politique en matière de violence intrafamiliale, mais les personnes âgées n'y sont pas mentionnées en tant que groupe cible spécifique.

La question du secret professionnel concernant des personnes majeures en situation vulnérable a été abordée au cours de la discussion de la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs. On a décidé à juste titre de prévoir dans cette loi une exception au secret professionnel applicable seulement en ce qui concerne les mineurs. Dès lors, on n'a pas retenu l'amendement qu'avait déposé le député CD&V Jo Vandeurzen en vue d'étendre à toutes les personnes particulièrement vulnérables le bénéfice de la protection offerte par la possibilité de signalement.

Bien que le gouvernement ait lui aussi déposé, au cours de ces discussions, un amendement assouplissant dans une plus large mesure le principe du secret professionnel, cette problématique n'a plus jamais été inscrite à l'agenda politique jusqu'à présent.

La présente proposition reprend cette option eu égard à l'évolution de la jurisprudence et compte tenu de l'augmentation continuelle du nombre de cas de maltraitance de personnes âgées ou handicapées par des membres de leur famille ou par des tiers, et elle prévoit un alourdissement des peines à infliger aux individus qui ont commis certains faits graves contre des personnes particulièrement vulnérables.

Elle prévoit également un alourdissement et une extension des peines ainsi qu'une nouvelle incrimination pour certains faits graves commis contre ces personnes, et accorde un droit d'ester en justice aux institutions ou associations spécialisées.

2.2. Les initiatives existantes au niveau flamand

Comme cela a déjà été signalé, la Flandre travaille, dans le cadre de projets de soins à domicile, à la mise en place d'un point de contact central « maltraitance des personnes âgées » (numéro d'appel central à partir du 1er mai 2004: 078/15 15 70), auquel sont reliés plusieurs points de contact provinciaux et régionaux. En vue d'approfondir l'ancrage structurel de l'initiative en question et d'étoffer encore l'offre coordonnée en matière d'assistance en Flandre, on a décidé de continuer à subventionner le projet en cours (arrêté ministériel du 4 mars 2004, Moniteur belge du 26 mars 2004). Lesdits points de contact travailleront en étroite collaboration avec les instances compétentes, afin de pouvoir offrir une assistance appropriée.

Concrètement, le point de contact enregistrera le signalement et jouera avant tout un rôle de conseiller pour les victimes, pour les dispensateurs de soins et pour les personnes qui dispensent les soins de proximité. Il interviendra si nécessaire et il transmettra à la police les dossiers relatifs à des cas de maltraitance grave.

Le « rusthuisinfofoon » (infophone maisons de repos) (078/15 25 25) est le point de contact qui permet actuellement de faire face au problème des personnes âgées vivant en maisons de repos. L'ancienne députée flamande CD&V Sonja Becq, entre autres, œuvrait à la mise en place, à terme, d'un point de contact central unique pour le signalement de cas de maltraitance et de malmenance de personnes âgées dans le secteur des soins à domicile et des maisons de repos.

En matière d'assistance, l'organisation « Familiehulp » (service d'aide aux familles et de soins à domicile) a joué elle aussi, depuis 1997, un rôle de pionnier pour pouvoir attirer davantage l'attention sur le problème, notamment par le biais de la mise sur pied d'une formation spécifique pour les soignants à domicile.

2.3. L'importance d'une politique globale en matière de violence intrafamiliale

Aujourd'hui, notre pays manque cruellement d'une politique globale de lutte contre la violence intrafamiliale. Diverses initiatives qui se sont révélées nécessaires pour lutter contre la maltraitance des enfants, la violence à l'égard des personnes âgées ou des parents, la violence entre enfants ou la violence entre conjoints ont prouvé leur efficacité. Toutefois, une politique globale est nécessaire pour que l'on puisse se faire une idée exacte de la nature et de l'ampleur du problème, harmoniser les diverses initiatives en matière d'assistance, de formation, de police et de justice, en se basant sur une vision intégrée de la violence intrafamiliale, et créer un cadre structurel pour les nombreuses initiatives tributaires d'une politique de subvention, de manière que l'on puisse conserver et développer l'expertise accumulée. Pour les besoins de cette politique globale, il faudrait regrouper les diverses compétences qui existent aux niveaux communautaire et fédéral.

Abstraction faite des mesures de prévention et d'assistance nécessaires et du rôle que la police et la Justice ont à jouer en la matière, il importe de prendre les mesures judiciaires nécessaires pour combattre les diverses formes de violence intrafamiliale. La présente proposition de loi vise à apporter une réponse au problème spécifique de la maltraitance et de la malmenance des personnes âgées, dans le cadre du volet judiciaire fédéral concernant cette matière.

Enfin, il faut, dans le cadre d'une politique globale en matière de violence intrafamiliale, accorder une attention suffisante à d'autres facteurs sociaux qui peuvent influencer le risque de survenance de situations de violence. Ainsi, la députée CD&V flamande de l'époque, Sonja Becq, souligne, dans sa proposition de résolution visant à prévenir et à traiter la maltraitance des personnes âgées (déposée en avril 2004), qu'il y a lieu d'accorder plus d'attention aux domaines cités ci-après et d'y consacrer plus de moyens: accueil de jour suffisant et de qualité, formation de dispensateurs de soins, de médecins et de toute une série de personnes qui prodiguent des soins à des personnes âgées, renforcement de la personnalité des personnes âgées elles-mêmes, aide aux dispensateurs de soins de proximité, développement de l'offre de services professionnels à domicile, ... On peut y ajouter qu'il importe d'adopter des réglementations prévoyant des congés d'assistance appropriées et satisfaisantes, de développer un soutien éducatif pour les (jeunes) parents, de promouvoir le logement et de lutter contre la pauvreté.

En tant que parti de la famille (cf. CD&V-thuisplan 2004), le CD&V défend également cette vision et cette approche intégrées de la violence intrafamiliale. De fait, la responsabilité de la lutte contre la violence intrafamiliale incombe à la société, et il faut dès lors que les responsables politiques accordent toute l'attention requise à cette lutte.

Le « Gezinsbond » a également demandé, dans une note de politique, que l'on œuvre davantage à développer une approche globale du problème de la violence intrafamiliale (« Geweld in het gezin », Gezinsbeleid in Vlaanderen, 32 (4), déc.-jan.-fév. 2004).

3. Proposition

3.1. Cadre: la protection des personnes vulnérables

La proposition de loi prévoit une mesure garantissant la protection de toutes les personnes vulnérables contre les maltraitances et les malmenances éventuelles. Comme on l'a déjà indiqué ci-dessus, la dépendance d'une personne ou la position de faiblesse dans laquelle elle se trouve constitue un facteur de risque de maltraitance, et toutes les personnes qui se trouvent dans une position soignante risquent d'avoir un jour un comportement dépassant les limites acceptables.

Par « personne vulnérable », on entend toute personne qui est particulièrement vulnérable, en raison, soit de leur âge, soit d'un état de grossesse, soit d'une maladie ou d'une déficience ou d'une infirmité physique ou mentale. L'on tient déjà compte de circonstances aggravantes justifiant un alourdissement des peines en ce qui concerne toute une série de crimes et, plus précisément, pour ce qui est du viol, de l'attentat à la pudeur (article 376 du Code pénal), de la prostitution (article 380, § 3, 2º, du Code pénal), de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (article 417ter, 1º, b), et article 417quater, 1º, b), du Code pénal) (voir également le point 3.4.2, 2 a) de la présente proposition).

La présente proposition de loi est donc applicable à toutes les personnes qui se trouvent dans une position de faiblesse en raison de leur âge, d'une maladie, d'une grossesse, d'un handicap physique ou mental ou d'une perte d'autonomie due à l'âge.

3.2. Comparaison avec la législation française

La législation française prévoit elle aussi un alourdissement des peines pour protéger les catégories de personnes particulièrement vulnérables dont il est question en l'espèce, contre des faits comparables, mais aussi contre d'autres faits.

La loi française garantit depuis longtemps la protection de la personne souffrant d'une particulière vulnérabilité, en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, en cas de torture et d'actes de barbarie (article 222-3, 2º du Code pénal), en cas d'actes de violence (article 222-8, 2º, article 222-10, 2º, article 222-12, 2º, article 222-13, 2º, article 222-14 du Code pénal, selon les conséquences pour la victime), en cas de viol (article 222- 24, 3º du Code pénal), en cas de violence sexuelle autre que le viol (article 222-29, 2º du Code pénal), en cas d'abandon (223-3 du Code pénal) et en cas de vol (article 311-4, 5º du Code pénal).

Cet alourdissement des peines a également été rendu applicable dans les cas de brimades humiliantes (bizutage) dans le milieu scolaire et socio-éducatif (article 225-16-2 du Code pénal, inséré par la loi nº 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, JO, 18 juin 1998, p. 9255).

Par la suite, il a également été rendu applicable dans les cas d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse (article 223-15-2 du Code pénal), par la loi nº 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales (JO 13 juin 2001, p. 9337).

Il a été rendu applicable aussi dans les cas de prostitution (article 225-12-1 du Code pénal), de traite des êtres humains (article 225-4-2, 2º du Code pénal) et d'exploitation de la mendicité (article 225-12-6, 2º) (loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) (JO, 19 mars 2003, p. 4761).

Il a été rendu applicable enfin dans les cas d'abus de confiance (article 314-2, 4º du Code pénal), par la loi nº 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (JO, 10 mars 2004, p. 4567).

3.3. Mesures proposées

Les mesures que prévoit la présente proposition de loi en vue de protéger les personnes vulnérables contre la maltraitance et la malmenance et d'incriminer certains faits de maltraitance et de malmenance doivent permettre d'intervenir de quatre manières:

1. L'extension des exceptions au secret professionnel. En effet, du fait qu'ils sont tenus au respect du secret professionnel, les médecins, les titulaires de professions paramédicales et les dispensateurs de soins doivent franchir un seuil pour dénoncer auprès des instances compétentes les situations de maltraitance et de malmenance auxquelles ils se voient confrontés.

L'insertion de l'article 458bis dans le Code pénal (par la loi du 28 novembre 2000) a rendu possible, malgré le secret professionnel, le signalement de certains faits graves commis sur des mineurs. La présente proposition de loi vise à étendre cette possibilité de signalement à d'autres catégories de personnes qui, pour des raisons physiques et/ou psychiques, souffrent d'une diminution d'autonomie et sont, dès lors, moins aptes à se défendre contre les atteintes à l'intégrité physique et mentale visées dans l'article en question.

2. L'alourdissement des peines pour des faits commis sur une personne qui est particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'un état de grossesse, d'une déficience ou d'une infirmité physique ou mentale.

3. La suppression de l'impunité pénale qui existe dans les situations de crimes et délits contre les propriétés (vols, extorsions, abus de confiance, escroquerie, tromperie), lorsque les faits ont été commis au sein de la famille sur une personne vulnérable. Ainsi que l'ont révélé des chiffres du point de contact pour la maltraitance des personnes âgées, les cas d'abus financier constituent une grosse part des cas de maltraitance dénoncés. Il s'avère que les personnes âgées sont particulièrement vulnérables à cet égard.

4. L'introduction de la possibilité d'ester en justice pour les associations qui prennent en charge, parfois depuis longtemps, la prévention, le conseil et la résolution de conflits au sein de la famille ou d'institutions d'hébergement, ou à l'extérieur de celles-ci, moyennant une collaboration permanente avec les maisons de justice et un agrément par les pouvoirs publics.

3.4. Précisions concernant les mesures proposées

3.4.1. Évolution de la jurisprudence relative au secret professionnel

1. Aperçu de la jurisprudence: généralités

Pour l'interprétation de la notion de secret professionnel visée à l'article 458 du Code pénal, la jurisprudence a toujours tenu compte de la situation difficile dans laquelle se trouvent les dépositaires de secrets en question lorsqu'ils ont connaissance de faits qu'il serait préférable de signaler sous certaines conditions aux instances compétentes, dans l'intérêt de la personne concernée.

C'est ainsi que la Cour de cassation a estimé en 1987 (Cass., 13 mai 1987, Arr. Cass., 1986-87, 1203) que l'état de nécessité allégué par une personne poursuivie pour violation du secret professionnel ne peut être écarté, dès lors que, eu égard à la valeur respective des devoirs en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour autrui, cette personne a pu estimer qu'il ne lui était pas possible de sauvegarder autrement qu'en violant ce secret, un intérêt plus impérieux qu'elle avait le devoir ou qu'elle était en droit de sauvegarder avant tous les autres (décision sur la base de l'article 71 du Code pénal, relatif aux causes de justification, et de l'article 458 du même Code).

En 1988, la même cour (Cass., 9 février 1988, Arr. Cass., 1987-88, 720) a estimé que, si l'article 458 du Code pénal interdit au médecin, sauf cause de justification, de divulguer des faits, couverts par le secret professionnel, qui peuvent donner lieu à des poursuites pénales à charge du patient, cette interdiction ne saurait être étendue à des faits dont le patient a été la victime.

La cour d'appel de Bruxelles a jugé qu'un médecin a le droit et même le devoir de rompre le secret professionnel auquel il est tenu lorsque l'intérêt du patient l'exige (Bruxelles, 24 février 1988, JT, 1988, 1028).

Dans un autre cas, la Cour de cassation a également jugé que, dès lors qu'il n'est pas un secret absolu mais qu'il tend à protéger le patient, le secret médical ne peut avoir pour effet de priver le malade mental de la protection découlant des dispositions de l'article 901 du Code civil selon lesquelles il faut être sain d'esprit pour faire une donation entre vifs ou un testament et de ne pas protéger celui-ci de ses propres actes (Cass., 7 mars 2002, JT, 2001-2002, nº 35, 921).

Récemment encore, le tribunal correctionnel d'Ypres a confirmé la jurisprudence de la Cour de cassation de 1988 en jugeant qu'un médecin ne viole le secret professionnel que si les informations sur des faits punissables qu'il communique à la police entraînent effectivement des poursuites contre le patient lui-même. Comme les poursuites étaient exercées, dans le cas cité, non pas contre la patiente en question, mais contre le conjoint de celle-ci, qui la maltraitait, il n'y avait pas de violation du secret professionnel (Corr., Ypres, 16 février 2004).

D'une manière générale, la doctrine a toujours suivi le point de vue défendu dans le cadre de la jurisprudence.

2. Spécifiquement: le rapport entre l'obligation de venir en aide (article 422bis du Code pénal) et le droit de communication (article 458bis du Code pénal)

a) l'obligation de venir en aide (article 422bis du Code pénal)

L'article 422bis, alinéa 1er, du Code pénal prévoit que sera puni celui qui s'abstient de venir en aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention.

L'alinéa 2 de cet article dispose que le délit requiert que l'abstenant pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. Lorsqu'il n'a pas constaté personnellement le péril, il ne pourra être puni lorsque les circonstances dans lesquelles il a été invité à intervenir pouvaient lui faire croire au manque de sérieux de l'appel ou à l'existence de risques.

Enfin, le dernier alinéa, inséré par la loi du 13 avril 1995, prévoit un alourdissement de la peine lorsque la personne exposée à un péril grave est mineure d'âge.

On peut déduire de cet article et de la jurisprudence citée que les éléments suivants sont constitutifs de l'« abstention coupable »:

1. L'existence d'un « péril grave » (cette notion est plus large que celle de « danger de mort »)

— Le qualificatif « grave » renvoie au fait que l'intégrité de la personne, la liberté et l'honorabilité de l'individu sont menacées à ce point qu'il y a un danger grave pour sa santé physique ou psychique.

— Le « péril » doit être réel et non supposé. La gravité du péril doit être évaluée sur la base de critères objectifs et non pas en fonction du sentiment personnel de la personne à qui l'aide est demandée.

— La cause du péril n'est pas l'élément déterminant et l'obligation de venir en aide subsiste par conséquent lorsque la personne à assister est elle-même à l'origine du péril (notamment en cas de suicide).

— La nature du péril imminent doit être appréciée au moment où l'aide est refusée. Il importe par conséquent que le moment où le péril survient et celui où l'aide est refusée coïncident. Il doit en outre être question d'un péril actuel et non pas du signalement de faits passés.

2. L'aspect moral

L'aspect moral est apprécié en fonction de deux éléments, à savoir la prise de conscience d'un péril grave et la volonté de s'abstenir de toute aide.

— Prise de conscience: la personne qui est tenue d'intervenir doit avoir perçu un péril et doit avoir pris conscience de la gravité de celui-ci. Il ne suffit pas que cette personne ait pressenti le péril. Elle doit en avoir constaté la réalité. Il n'est pas nécessaire que la personne dont l'aide a été demandée ait constaté les faits de visu. Il suffit qu'elle ait été informée du fait qu'un péril grave menaçait la personne à aider, soit par des appels à l'aide, soit par la vue des conséquences de la situation, soit par le récit de celui qui a fait la demande d'aide. Pour qu'il y ait obligation de procurer de l'aide, il n'est toutefois pas nécessaire que l'intéressé connaisse tous les détails de la situation périlleuse. Il suffit que l'abstenant ait pris conscience de l'extrême gravité des conséquences pour la victime et qu'il n'ait normalement en aucun cas pu imaginer pouvoir s'être trompé à leur sujet. Les circonstances factuelles seront par conséquent toujours déterminantes, surtout lorsque la personne dont on sollicite l'aide n'a pas constaté elle-même le péril et n'a été informée de son existence que par des tiers.

Le juge pénal devra mentionner, dans son jugement, les éléments qui lui ont permis de conclure que l'abstenant a vraiment eu conscience de l'existence d'un péril. Certaines condamnations ont aussi été prononcées pour négligence, lorsque, par sa propre faute, le prévenu n'a pas constaté le péril, alors qu'il aurait dû le percevoir.

— Volonté: il y a un refus délibéré de venir en aide, ou une négligence telle que le péril grave n'a pas été constaté.

3. Abstention de venir en aide

Le degré d'aide est évalué en fonction de critères subjectifs, qui tiennent compte des moyens et des aptitudes de celui qui doit intervenir. Cela explique d'emblée pourquoi la barre est placée plus haut pour les professionnels de l'aide tels que les médecins, les agents de police, les pompiers, etc. Le premier devoir consiste à procurer l'aide nécessaire. L'aide doit être procurée de la manière qui semble la plus appropriée au moment en question, par exemple en informant les instances spécialisées. Le fait que cette aide soit considérée a posteriori comme ratée, inefficace ou maladroite ne peut pas être considéré comme une abstention coupable (par exemple, le fait pour un médecin d'avoir posé un diagnostic erroné n'est pas une abstention coupable). En revanche, un simulacre d'aide est assimilable à une abstention de venir en aide. Celui qui n'est pas à même d'apporter personnellement une aide efficace, n'en est pas moins tenu de solliciter l'aide d'un tiers. L'intéressé doit s'assurer qu'une suite est donnée à son appel à l'aide.

4. Absence de péril grave pour soi-même ou pour autrui

La loi ne réclame aucun héroïsme, mais elle est plus exigeante, par exemple vis-à-vis d'un agent de police ou d'un médecin que vis-à-vis d'un simple citoyen. Le respect du secret professionnel ne peut pas être invoqué à l'appui d'un refus de venir en aide. A fortiori, le respect du secret lié à la fonction ne peut pas non plus être invoqué à l'appui d'un refus de venir en aide. Le péril qui pourrait résulter de l'aide est également évalué en fonction de critères subjectifs.

b) Le droit d'informer (article 458bis du Code pénal)

L'article 458bis, sous sa forme actuelle tel qu'inséré par l'article 33 de la loi du 28 novembre 2000, traite du droit (et non pas de l'obligation) d'informer le procureur du Roi que certaines infractions ont été commises sur des mineurs et prévoit par conséquent une possibilité de passer outre à l'obligation de respecter le secret professionnel dans les cas suivants:

— lorsque la victime est mineure d'âge;

— lorsqu'il est question de l'une des infractions suivantes: attentat à la pudeur et viol, homicide volontaire et coups et blessures volontaires, mutilation des organes génitaux de la femme, délaissement ou abandon dans le besoin et privation d'aliments ou de soins;

— lorsqu'il est question d'un cas où une possibilité d'informer vient s'ajouter à l'obligation de venir en aide dans des situations d'urgence telles que prévues à l'article 422bis du Code pénal;

— lorsque la victime a été examinée par le déclarant ou lui a fait des confidences;

— lorsqu'il existe un péril grave et imminent pour l'intégrité physique ou mentale de l'intéressé;

— lorsque l'intéressé n'est pas à même de protéger son intégrité lui-même ou avec l'aide d'autrui.

c) Le rapport entre les articles 422bis et 458bis du Code pénal et le secret professionnel

Bien que les deux articles supposent donc l'existence d'un péril grave et imminent, ils diffèrent fondamentalement sur un point, à savoir la question de l'imminence de ce péril. La levée du secret professionnel dans le cadre de l'application de l'article 422bis du Code pénal suppose qu'il existe un état d'urgence, dans lequel l'abstention de venir immédiatement en aide peut avoir objectivement des conséquences graves. Par ailleurs, l'article 458bis fournit une solution pour les cas dans lesquels il n'y a pas d'état d'urgence dû au fait que certaines infractions ont été commises contre des mineurs qui n'étaient pas à même de protéger personnellement leur intégrité ni de la protéger avec l'aide d'autrui. On peut parler aussi d'une extension de l'obligation prévue par l'article 422bis du Code pénal, en ce sens que l'on peut, outre prendre des mesures d'urgence, comme celle qui consiste à informer sans délai une instance spécialisée dans l'accueil et dans le traitement avec divulgation de secrets professionnels, informer le procureur du Roi.

En cas d'urgence, le dépositaire du secret est obligé de passer outre à l'obligation de respecter le secret professionnel ou le secret lié à la fonction. L'application de la loi pénale, qui impose le respect du secret, est alors subordonnée à l'obligation de sauvegarder un autre bien juridique d'importance supérieure. Un état d'urgence est une chose exceptionnelle et les conditions qui doivent être remplies pour que l'on puisse parler d'état d'urgence sont décrites avec précision dans le cadre de la jurisprudence: le bien juridique protégé doit être de valeur supérieure ou au moins égale à celle du bien juridique violé (c'est ainsi que la protection de l'intégrité physique ou sexuelle sévèrement menacée prime le respect du secret professionnel); la préservation du bien juridique doit être immédiate et indispensable; le bien juridique ne peut pas être préservé par un autre moyen et il ne peut l'être dès lors que par la violation du secret professionnel (voir à ce propos notamment Cass. 13 mai 1987, Arr. Cass. 1987-88, 1203; Cass., 28 avril 1999, Arr. Cass. 1999, 581; Mons, 9 avril 2001, JT, 2002, nº 6056, 409, Adriaens, D., « Enkele beschouwingen over het beroepsgeheim in de sociale sector », OCMW-Visies, 1999, 2, 29-44, III).

En cas de maltraitance d'enfants, on est confronté à un exemple-type d'état d'urgence tel que décrit ci-dessus. Cet état d'urgence a ceci de particulier que les dépositaires du secret peuvent entretenir une relation de confiance tant avec l'enfant qu'avec les parents (dont certains sont maltraitants). Cette situation est singulière d'un point de vue juridique dans la mesure où tant la victime que l'auteur des faits sont en contact avec le dépositaire du secret. Dans les cas d'urgence, le dépositaire du secret professionnel ne pourra toutefois pas se prévaloir de l'obligation de respecter celui-ci pour s'abstenir. Lorsqu'en présence d'un péril imminent et grave, le dépositaire du secret aura estimé devoir outrepasser l'obligation de respecter le secret professionnel en dénonçant les faits en question à la police ou à la Justice, il ne pourra en aucun cas être poursuivi pour violation du secret professionnel. On considère, en l'espèce, que l'obligation de protéger l'enfant doit primer l'obligation de respecter le secret.

À l'occasion de la discussion au parlement de la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs, qui a inséré un article 458bis dans le Code pénal, et compte tenu du fait que M. Vandenberghe, parmi d'autres, a mis en doute, au Sénat, l'interaction entre les deux articles (voir doc. Sénat, nº 2-280/12, amendement nº 79), le gouvernement a déclaré en particulier, à propos du rapport entre les deux articles précités (doc. Chambre, nº 50-695/9, p. 6), que:

« Les conditions en question visent non pas à déresponsabiliser le dépositaire du secret professionnel, mais au contraire à lui laisser au maximum la responsabilité de l'aide appropriée qu'on peut exiger de lui en vertu de l'article 422bis du Code pénal. S'il ne peut garantir de manière suffisante l'intégrité physique ou mentale de la victime, il peut s'adresser, en vertu de son droit de s'exprimer, non pas à un vague service, mais au procureur du Roi. »

À propos d'un conflit éventuel entre les articles 422bis et 458bis du Code pénal, le représentant du gouvernement a fait la déclaration suivante, au cours de la discussion (doc. 50-695/9, p. 35):

« Il faut s'efforcer de parvenir à un subtil équilibre. Le prestataire d'aide ne doit pas faire de dénonciation aussi longtemps qu'il estime pouvoir aider la victime de manière suffisante. Dès qu'il est dépassé par le problème, il peut user de son droit de parole. La disposition en question complète parfaitement l'article 422bis du Code pénal. L'aide à la victime reste prioritaire, mais la possibilité existe, pour le prestataire d'aide, de faire appel à une personne qui est davantage à même de résoudre le problème (secret professionnel partagé). Si l'aide à la victime échoue, il faut faire appel au pouvoir judiciaire. La possibilité a été envisagée, au Sénat, d'étendre le champ d'application de cette exception au secret professionnel en faveur de toutes les personnes qui doivent être protégées en raison de leur faiblesse. La commission a toutefois préféré ne pas étendre ce champ d'application à d'autres catégories que celle des mineurs, étant donné que le projet de loi concerne la protection pénale de ceux-ci. À cet égard, l'intervenant renvoie aussi à l'article 61 du code de déontologie des médecins, qui prévoit déjà que le médecin doit informer les autorités judiciaires des abus commis sur des mineurs. »

d) La pratique: code de déontologie de l'Ordre des médecins

— En ce qui concerne la protection des mineurs:

L'article 61 du code de déontologie de l'Ordre des médecins (tel que modifié le 16 novembre 2002) reflète, en son paragraphe 1er, le contenu de l'article 458bis et des travaux préparatoires:

« § 1er. Si un médecin soupçonne qu'un enfant est maltraité, est abusé sexuellement ou subit des effets graves d'une négligence, il doit opter pour une approche pluridisciplinaire de la situation, par exemple en faisant appel à une structure conçue spécifiquement pour gérer cette problématique.

Lorsqu'un médecin constate qu'un enfant est en danger grave, il doit sans délai prendre les mesures nécessaires pour le protéger. Si ce danger est imminent et s'il n'y a pas d'autre moyen pour protéger l'enfant, le médecin peut communiquer ses constatations au procureur du Roi.

Les parents ou le tuteur de l'enfant seront informés des constatations du médecin et des initiatives que celui-ci compte prendre sauf si cette information peut nuire à l'intérêt de l'enfant.

Avant de prendre toute initiative, le médecin doit en parler au préalable avec l'enfant dans la mesure où les capacités de discernement de celui-ci le permettent. »

— En ce qui concerne la protection des personnes vulnérables:

Le paragraphe 2 de cet article préfigure partiellement la solution qui a été inscrite dans la présente proposition de loi, notamment en ce qui concerne la protection des personnes vulnérables qui courent un grave danger:

« § 2. Lorsqu'un médecin soupçonne qu'un patient incapable de se défendre en raison d'une maladie, d'un handicap, ou de son âge, est maltraité, exploité ou subit des effets graves d'une négligence, il parlera de ses constatations avec le patient si les capacités de discernement de celui-ci le permettent. Le médecin incitera le patient à prendre lui-même les initiatives nécessaires, notamment à informer ses proches parents.

Si cette discussion avec le patient s'avère impossible, le médecin traitant peut se concerter avec un confrère compétent en la matière à propos du diagnostic et de la suite à apporter à la situation.

Si le patient est en danger grave et s'il n'y a pas d'autre moyen pour le protéger, le médecin peut avertir le procureur du Roi de ses constatations.

Le médecin informera les proches du patient de ses constatations et des initiatives qu'il compte prendre pour le protéger, si cela ne nuit pas aux intérêts du patient. »

Le code de déontologie médicale offre par conséquent une certaine protection aux personnes majeures vulnérables en prévoyant une exception à l'obligation de respecter le secret professionnel en cas de péril grave et l'absence d'autres solutions.

L'exception que prévoit le code constitue un premier pas vers une protection de certaines catégories de personnes majeures vulnérables. Certes, il s'agit en l'occurrence d'une possibilité et non pas d'une obligation d'informer, dont l'analogie avec ce que prévoit la disposition de l'article 458bis du Code pénal est frappante. La règle en question ne garantit cependant pas au médecin une sécurité juridique absolue: dans la mesure où il est question d'une possibilité d'informer, il est inconcevable que l'on vise en l'espèce l'obligation de venir en aide prévue à l'article 422bis du Code pénal. En dehors de cette obligation, il n'y a toutefois aucun élément juridique qui fonde un droit d'informer en ce qui concerne certaines catégories de personnes majeures.

Cette règle déontologique mérite assurément d'être suivie, mais on ne dispose toujours d'aucun fondement légal clair. Un des objectifs de la présente proposition de loi est dès lors de supprimer l'insécurité juridique qui peut résulter de cette lacune en étendant le champ d'application de l'article 458bis du Code pénal.

3.4.2. Nécessité d'une protection plus générale des personnes dépendantes ou des personnes à autonomie réduite

1. L'élargissement des exceptions à l'obligation du secret professionnel concernant certaines catégories de personnes vulnérables non mineures

La présente proposition de loi tend à couler dans un texte de loi la jurisprudence constante et les règles déontologiques précitées et à prévoir ainsi une exception plus étendue, quoique limitée, au principe du secret professionnel lorsqu'il est question de personnes qui ne sont pas des mineurs d'âge (comp. avec l'article 434-3 du Code pénal français (Evrard, E., « Le tabou de la maltraitance des personnes âgées », Journal des Procès, 2000, nº 392, p. 18)). Cela sera certainement tout bénéfice pour la sécurité juridique.

Lorsqu'un certain nombre de conditions strictes sont réunies, la présente proposition accorde au dépositaire du secret professionnel le droit de s'exprimer; il est alors délié de son devoir de discrétion. Ceci permet d'offrir une plus grande sécurité juridique au dépositaire du secret professionnel qui, dans la situation actuelle, est confronté à une série de dilemmes juridiques (conflit d'intérêts auteur/victime, recours incertain à la construction de l'état de nécessité, qui, en cas d'application généralisée, risque de vider le principe du secret professionnel de toute sa substance).

Les auteurs de la présente proposition souhaitent également étendre le champ d'application personnel de cette mesure spécifique de protection des mineurs aux catégories de personnes qui sont particulièrement vulnérables en raison de leur état physique ou mental et qui sont par conséquent exposées davantage au risque d'être victimes des infractions visées dans la proposition.

Dans la pratique, les intérêts, les droits et les souhaits de la victime interviendront également pour une part importante dans la prise de décision du dépositaire du secret professionnel. Il appartient au dépositaire du secret professionnel d'apprécier dans quelle mesure il en tiendra compte dans une situation concrète. C'est la raison pour laquelle ceci n'est pas inscrit comme condition explicite dans le texte de la proposition.

La manière dont le dépositaire du secret professionnel est entré en possession de ces éléments peut être très diversifiée. Il peut avoir constaté les faits lui-même, les faits peuvent lui avoir été communiqués par une tierce personne, après quoi il les aura évalués quant à leur véracité et à leur gravité, ou encore, les faits peuvent lui avoir été communiqués confidentiellement par la victime elle-même.

Mais il appartient donc au dépositaire du secret professionnel d'évaluer, sur la base d'éléments tangibles et en dehors de tout état de nécessité ou en prenant des mesures dans le cadre d'un tel état de nécessité, s'il y a lieu ou non de porter les faits à la connaissance des autorités judiciaires. Le recours aux autorités judiciaires vise à faire cesser la situation illicite et à soustraire ainsi l'intéressé à l'état de danger pour pouvoir réagir ensuite de manière appropriée aussi bien à l'égard de l'auteur qu'à l'égard de la victime. Compte tenu de la nature des situations visées (actes de violence, délits sexuels, négligences et privation de soins) ainsi que de l'importance qu'accorde le législateur à la nécessité d'y apporter une réponse appropriée en se conformant dans toute la mesure du possible au principe du respect du secret professionnel, il appartient au ministère public de prendre dans ces cas les mesures qui s'imposent. À l'occasion de la communication des faits aux autorités judiciaires, le dépositaire du secret professionnel ne transmettra que les données qui sont nécessaires pour pouvoir prendre les mesures appropriées.

2. L'alourdissement et l'extension des peines à infliger aux auteurs de certains délits qui ont été commis contre des personnes vulnérables et l'instauration de nouvelles incriminations

a) Alourdissement de peine

À côté du fait qu'elle confère aux personnes qui sont tenues au respect du secret professionnel le droit de signaler les abus, la proposition prévoit un alourdissement des peines dans certains cas précis où les faits en cause ont été commis envers une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale. Cela signifie que les faits ont déjà été incriminés et qu'ils sont punis plus lourdement en raison de leur caractère particulièrement répréhensible et en vue d'améliorer la protection des personnes particulièrement vulnérables.

Sont visés notamment:

— le fait d'empêcher le libre exercice d'un culte ou la libre profession d'une philosophie (article 142 du Code pénal);

— le fait d'exercer des menaces d'attentat ou d'émettre de fausses informations relatives à un attentat (article 330bis nouveau);

— la prise d'otage (article 347bis, § 2, alinéa 2);

— le viol et l'attentat à la pudeur (articles 376 et 380 du Code pénal);

— l'homicide volontaire et les lésions corporelles volontaires (article 405bis du Code pénal);

— l'homicide volontaire et les lésions corporelles volontaires occasionnées par des descendants (article 405ter du Code pénal);

— l'homicide volontaire et les lésions corporelles volontaires occasionnées par des parents collatéraux jusqu'au quatrième degré (article 410 du Code pénal);

— la torture et les traitements inhumains (article 417ter et article 417quater du Code pénal);

— le délaissement ou l'abandon d'enfants dans le besoin (article 423 du Code pénal);

— la privation d'aliments ou de soins au point de compromettre la santé ou d'entraîner la mort (articles 425 et 426 du Code pénal);

— l'enlèvement et le recel (articles 428 et 429 du Code pénal);

— la restitution du mineur enlevé ou recelé dans les cinq jours de l'enlèvement (article 430 du Code pénal);

— l'exploitation de la mendicité (article 433quater du Code pénal);

— la traite d'être humains (article 433septies du Code pénal);

— l'abus de personnes vulnérables par la vente, la location ou la mise à disposition de biens dans le but de réaliser un profit anormal (article 433decies du Code pénal);

— l'arrestation ou la détention sans mandat délivré par l'autorité ou prescrit, sauf dans les cas où la loi autorise l'arrestation ou la détention (article 434 du Code pénal);

— le vol sans violence ou menace (article 467 du Code pénal);

— le vol commis avec violence ou menace et l'extorsion (article 471 du Code pénal);

— l'abus de confiance (article 493 du Code pénal);

— l'escroquerie et la tromperie (article 496 du Code pénal);

— le trafic d'être humains (article 77quater de la loi du 15 décembre 1980).

La proposition prévoit aussi un alourdissement spécifique de la peine pour l'homicide volontaire et les lésions corporelles volontaires causées à des parents collatéraux jusqu'au quatrième degré, et ce, par le biais d'une adaptation de l'article 410 du Code pénal qui ne prévoit qu'un alourdissement spécifique de la peine à infliger à l'auteur de faits similaires commis contre un père, une mère ou d'autres ascendants.

En alourdissant lesdites peines, les auteurs de la présente proposition entendent assurer une protection supplémentaire à certaines catégories de personnes vulnérables qui risquent plus que d'autres d'être victimes des délits en question, et ce, en raison de leur situation de dépendance, laquelle rend ces délits particulièrement abjects.

Ce motif d'alourdissement des peines existait déjà pour les auteurs de plusieurs délits tels que le viol et l'attentat à la pudeur (article 376 du Code pénal), la prostitution (article 380, § 3, 2º, du Code pénal), ainsi que la torture et les traitements inhumains ou dégradants (article 417quater, 1º, b)), lorsque les victimes faisaient partie de groupes particulièrement vulnérables.

Les faits qui seront punis plus sévèrement désormais correspondent à ceux que M. Evrard, avocat à Bruxelles et membre de la commission « Vieillissement et droit » du barreau francophone de Bruxelles a mentionnés à titre principal (Evrard, E., « Le tabou de la maltraitance des personnes âgées », Journal des Procès, 2000, nº 392, p. 16 et 18).

Toutefois, la présente proposition de loi, qui entend assurer la protection des personnes âgées, entend en outre assurer une protection supplémentaire à toutes les personnes qui sont particulièrement vulnérables en raison de certaines circonstances. M. Evrard met d'ailleurs lui-même le doigt sur le problème que l'on rencontrerait au cas où la législation ne s'appliquerait qu'aux « personnes âgées »: qu'en serait-il d'une personne qui serait juste en dessous de la limite de soixante-cinq ans au moment de la fixation de celle-ci ? (Evrard, E., « Le tabou de la maltraitance des personnes âgées », Journal des Procès, 2000, nº 392, p. 18).

b) Nouvelles incriminations

Divers articles ont été adaptés en vue de supprimer l'impunité pénale qui existe dans les situations de crimes et délits contre les propriétés (vols, extorsions, abus de confiance, escroquerie, tromperie) lorsque les faits ont été commis au sein de la famille sur une personne particulièrement vulnérable.

Ici aussi, le caractère particulièrement abject de ces faits, eu égard au lien de dépendance et de confiance spécifique existant dans ce type de relations intrafamilales, justifie la suppression de l'impunité (Evrard, E., « Le tabou de la maltraitance des personnes âgées », Journal des Procès, 2000, nº 392, p. 16).

Les auteurs prévoient également l'incrimination de toute personne qui, ayant connaissance d'abus ou de privation envers une personne particulièrement vulnérable, et ce plus de trente jours, manque d'en avertir les autorités compétentes ou un service d'aide (nouvel article 420bis du Code Pénal).

3. Instauration d'un droit d'ester en justice pour les associations et organismes d'utilité publique

Les personnes vulnérables, notamment en raison de leur âge ou de la fragilité de leur situation, renoncent souvent à dénoncer les maltraitances ou malmenances et les violences exercées sur leur personne ou sur leurs biens, par crainte de représailles et de peur d'être définitivement abandonnées ou dépouillées. De plus, il se peut que, mentalement ou physiquement, l'intéressé(e) ne soit pas en état de les dénoncer. À cela s'ajoute que les délits en question sont commis de manière récurrente, parce que leur auteur connaît la victime ou est proche de celle-ci et ne rencontre aucune défense efficace. L'auteur se sent donc relativement en sécurité (Evrard, E., « Le tabou de la maltraitance des personnes âgées », Journal des Procès, 2000, nº 392, p. 14). C'est d'ailleurs ce qui ressort aussi du rapport d'activité de l'ASBL bruxelloise Infor-Home pour la période 1990-1998.

C'est pourquoi la présente proposition entend instaurer un droit d'ester en justice pour les associations et les organismes d'utilité publique ou, plus précisément, pour les associations qui prennent en charge, depuis longtemps, la prévention, le conseil et la résolution de conflits au sein de la famille ou d'institutions d'hébergement, dans des cas de maltraitance et de malmenance dont elles auraient connaissance et qui feraient l'objet des qualifications pénales visées par la présente proposition de loi. Ce droit d'ester en justice existe déjà, par exemple dans les situations de violence entre partenaires (loi du 24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple (Moniteur belge du 6 février 1998), article 7).

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Alourdissement des peines

Ces articles contiennent plusieurs dispositions visant à alourdir la peine lorsque les faits en question sont commis envers une personne qui est particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'une déficience ou d'une infirmité physique ou mentale.

Les articles qui contiennent déjà un alourdissement de peine, sont adaptés si nécessaire pour obtenir une définition claire du concept de « personnes particulièrement vulnérables » (articles 417ter, 417quater, 433quater et 433septies du Code Pénal et article 77quater de la loi du 15 décembre 1980 concernant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers).

Les cas visés sont les suivants:

— article 2: alourdissement de la peine en cas d'entrave à la liberté d'exercer un culte ou de pratiquer une quelconque philosophie non confessionnelle, par une adaptation de l'article 142 du Code pénal;

— article 3: alourdissement de la peine en cas de menace d'attentat ou de diffusion de fausses informations relatives à des menaces d'un mal inexistant, par l'insertion d'un article 330bis nouveau;

— article 4: alourdissement de la peine en cas de prise d'otages, par une adaptation de l'article 347bis du Code pénal;

— article 5: alourdissement de la peine en cas de viol à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout de ce concept à l'article 376 du Code pénal;

— article 6: alourdissement de la peine en cas de prostitution lorsque la personne abusée est particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout de ce concept à l'article 376 du Code pénal;

— article 7: alourdissement de la peine en cas d'homicide volontaire ou de lésions corporelles volontaires en général, par une adaptation de l'article 405bis du Code pénal;

— articles 8 et 9: alourdissement de la peine en cas d'homicide volontaire ou de lésions corporelles volontaires commis par un parent ou collatéral jusqu'au quatrième degré, par une adaptation respective des articles 405ter et 410 du Code pénal;

— article 10: alourdissement de la peine en cas de torture à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout du concept existant à l'article 417ter du Code pénal;

— article 11: alourdissement de la peine en cas de traitement inhumain à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout de ce concept à l'article 417quater du Code pénal;

— article 14: alourdissement de la peine en cas de délaissement ou d'abandon dans un état de besoin, par une adaptation de l'article 423, § 1er, du Code pénal;

— article 16: alourdissement de la peine en cas de privation d'aliments ou de soins, par une adaptation de l'article 425, § 1er, du Code pénal;

— article 17: alourdissement de la peine en cas de privation d'aliments ou de soins menaçant la santé ou causant la mort, par une adaptation respective de l'article 426, §§ 1er et 2, du Code pénal;

— article 19: alourdissement de la peine en cas d'enlèvement, par l'adaptation de l'article 428, §§ 2 et 4, du Code pénal;

— article 20: alourdissement de la peine en cas de détention de la personne enlevée, par l'adaptation de l'article 429 du Code pénal;

— article 21: alourdissement de la peine en cas de restitution volontaire de la personne enlevée dans les cinq jours, par une adaptation de l'article 430 du Code pénal tel qu'il s'applique aux mineurs;

— article 22: alourdissement de la peine en cas d'exploitation de la mendicité à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout de ce concept à l'article 433quater du Code pénal;

— article 23: alourdissement de la peine en cas de traite d'être humain à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout de ce concept à l'article 433septies du Code pénal;

— article 24: alourdissement de la peine en cas d'abus, en vendant, en louant ou en mettant à disposition des biens en vue de réaliser un profit anormal envers des personnes particulièrement vulnérables en raison de leur âge, d'un état de grossesse, d'une maladie, ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, par ajout de ce concept à l'article 433decies du Code pénal;

— article 25: alourdissement de la peine en cas d'arrestation ou de détention non justifiée d'une personne particulièrement vulnérable, par adaptation de l'article 434 du Code pénal;

— article 29: alourdissement de la peine en cas de vol sans violence ou menace à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable, par ajout dans l'article 467 du Code pénal;

— article 30: alourdissement de la peine en cas de vol avec violence ou menace et extorsion à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable, par ajout dans l'article 471 du Code pénal;

— article 31: alourdissement de la peine en cas d'abus de confiance, par une adaptation de l'article 493 du Code pénal;

— article 32: alourdissement de la peine minimum en cas d'escroquerie et de tromperie, par une adaptation de l'article 496 du Code pénal.

— article 33: alourdissement de la peine en cas de traite illégale d'êtres humains à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, par ajout du concept à l'article 77quater de la loi du 15 décembre 1980 concernant l'accès au territoire, au séjour, à l'établissement et à l'éloignement des étrangers.

Les peines alourdies sont les suivantes:

— soit celles qui sont infligées à celui qui commet le même crime ou la même infraction sur un mineur d'âge (articles 347bis, § 2, 376, 405bis, 405ter, 423, 425, 426, 428, 429, 430 et 493 du Code pénal);

— soit celles qui sont infligées aux auteurs de certaines infractions (articles 142, 330bis, 496 du Code pénal), lorsqu'il y a des circonstances aggravantes.

Article 27: levée du secret professionnel

L'article 27 de la proposition prévoit un assouplissement de l'obligation de respecter le secret professionnel pour les personnes qui sont dépositaires de secrets de par leur état ou leur profession, lorsqu'il est question de faits graves commis sur des personnes vulnérables, à l'instar de ce qu'a fait la loi du 28 novembre 2000 pour les mineurs.

Le champ d'application matériel de l'article se limite aux infractions qui sont énumérées à l'article 458bis, lesquelles doivent en outre présenter un caractère grave et imminent. Il faut absolument prévoir cette restriction pour éviter que le principe du respect du secret professionnel soit entièrement vidé de sa substance. Le caractère imminent découle de la nécessité immédiate d'intervenir dans la situation. Le caractère grave résulte de l'ampleur et de la nature dérangeante des faits. Tout dépend bien sûr d'une évaluation personnelle que le dépositaire du secret professionnel doit faire en tenant compte de tous les éléments dont il dispose à ce moment-là à propos de la situation concrète. C'est ainsi que le dépositaire du secret professionnel peut être confronté à un moment donné à une situation de maltraitance d'une personne âgée qui ne présente pas immédiatement un caractère grave et imminent, mais qui perdure pendant un certain temps sans qu'aucune avancée ou du moins, aucune avancée significative, ne soit enregistrée au niveau des structures d'assistance bénévoles. Après avoir évalué la situation de manière approfondie, le dépositaire du secret professionnel peut conclure que la situation présente un caractère grave et imminent, parce qu'elle perdure, et qu'il doit par conséquent faire usage de son droit de s'exprimer, précisément afin de briser cette spirale négative.

Il convient de souligner qu'il est question en l'espèce d'un droit de parler et absolument pas d'une obligation de parler. L'introduction du droit de s'exprimer emporte pour le dépositaire du secret professionnel, qu'il conserve toute la marge de manoeuvre nécessaire et qu'il reste investi de toute la responsabilité nécessaire pour pouvoir veiller seul ou avec l'aide de tiers à ce que le mineur ou la personne particulièrement vulnérable en raison d'une déficience ou d'une infirmité physique ou mentale, et qui aurait été victime d'une des infractions visées dans la proposition, bénéficie d'une aide en application de l'article 422bis du Code pénal.

Les auteurs estiment effectivement qu'il faut offrir au dépositaire du secret professionnel la possibilité de dénoncer les faits aux autorités judiciaires lorsqu'il constate en âme et conscience que personne, ni lui ni aucune autre personne à laquelle il pourrait faire appel, ne serait en mesure de préserver suffisamment l'intéressé d'un nouveau péril.

Pour la formulation du texte ajouté, l'auteur s'est largement basé sur une description existante, à savoir celle qui prévoit une circonstance aggravante pour certaines infractions, telles que le viol (article 376, alinéa 3, du Code pénal), la prostitution (article 380, § 3, 2º, du Code pénal), ou la torture et les traitements inhumains ou dégradants (article 417quater, 1º, b)).

Article 28: poursuite pénale de membres de la famille

Ces articles suppriment l'impunité pénale en cas de crimes et délits contre les propriétés (vols, extorsions, abus de confiance, escroquerie, tromperie) qui ont été commis au sein de la famille envers une personne vulnérable. En effet, une conception ancienne de l'intérêt de la famille ne justifiait que les réparations civiles. Vu l'évolution de la famille, il semble cependant que la répression pénale des actes en question peut se justifier, en particulier lorsqu'il est question de faits commis entre ascendants et descendants et que la victime est particulièrement vulnérable.

À cet effet, l'article 28 modifie l'article 462 du Code pénal en ce qui concerne le vol.

Les articles 492 (abus de confiance) et 504 du Code pénal (escroquerie et tromperie) renvoient, en ce qui concerne respectivement l'abus de confiance et l'escroquerie, à l'article 462, si bien que le nouveau régime proposé est applicable aussi aux membres de la famille pour ce qui est des infractions en question.

Article 26 et article 34: droit d'ester en justice des associations et établissements d'utilité publique

La disposition de l'article 34, qui existe déjà dans le cadre limité de la loi du 24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple (Moniteur belge du 6 février 1998, article 7), tend à permettre aux associations qui prennent en charge, parfois depuis longtemps, la prévention, le conseil et la résolution de conflits au sein de la famille ou d'institutions d'hébergement, d'ester en justice dans des cas de maltraitance dont elles auraient connaissance et qui feraient l'objet des qualifications pénales visées par la présente loi.

Cette disposition est nécessaire dans la mesure où les personnes en situation de vulnérabilité, notamment en raison de leur âge, renoncent souvent à dénoncer les maltraitances ou les violences envers leur personne ou leurs biens, par crainte de représailles et par crainte d'être définitivement abandonnées ou dépouillées.

Comme le but ne saurait être de favoriser une augmentation incontrôlée du nombre d'ASBL ayant le droit d'ester en justice dans les cas en question, les auteurs de la proposition imposent des conditions supplémentaires spécifiques, plus précisément une collaboration avec les maisons de justice et un agrément par arrêté royal.

L'article 26 confère à ces associations, et ce, avec l'assentiment de l'intéressé, un droit d'ester en justice en cas de harcèlement, un délit sur plainte qui ne peut faire l'objet, jusqu'à ce jour, de poursuites de la part du parquet que si la victime lui demande personnellement d'en engager.

Sabine de BETHUNE.
Christine DEFRAIGNE.
Francis DELPÉRÉE.
Guy SWENNEN.
Martine TAELMAN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Chapitre Ier — Modifications du Code pénal

Art. 2

L'article 142 du Code pénal, modifié par la loi du 26 juin 2000, est complété par un alinéa rédigé comme suit:

« Si l'infraction a été commise au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, l'auteur sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de vingt-six euros à cinq cents euros. »

Art. 3

L'article 330bis du même Code, abrogé par la loi du 4 juillet 1972, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 330bis. — Dans les cas prévus aux articles 327 à 330, le minimum des peines portées par ces articles est doublé lorsque le fait d'exercer des menaces d'attentat ou d'émettre de fausses informations relatives à un attentat est commis envers une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 4

À l'article 347bis, § 2, du même Code, inséré par la loi du 2 juillet 1975 et remplacé par la loi du 28 novembre 2000, l'alinéa 2 est remplacé par l'alinéa suivant:

« La peine sera la réclusion à perpétuité si la personne prise comme otage est un mineur ou une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 5

Au troisième alinéa de l'article 376 du même Code, modifié par la loi du 4 juillet 1989 et par la loi du 28 novembre 2000, les mots « de son âge » sont insérés entre les mots « en raison « et les mots « d'un état de grossesse ».

Art. 6

À l'article 380, § 3, 2º, du même Code, les mots « de son âge » sont insérés entre les mots « ou précaire » et les mots « d'un état de grossesse ».

Art. 7

Dans la phrase liminaire de l'article 405bis du même Code, inséré par la loi du 28 novembre 2000, remplacer les mots « qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien » par les mots « particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale ».

Art. 8

Dans l'article 405ter du même Code, inséré par la loi du 28 novembre 2000, les modifications suivantes sont apportées:

A) les mots « qui en raison de son état physique ou mental, n'était plus à même de pourvoir à son entretien, » sont remplacés par les mots « particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale »;

B) les mots « ses descendants, » sont insérés entre le mot « ascendants, » et les mots « toute autre personne ayant »;

C) remplacer les mots « l'incapable » par les mots « la personne vulnérable ».

Art. 9

Dans l'article 410, alinéa 1er, du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000 et modifié par la loi du 28 janvier 2003, les mots « ou des collatéraux jusqu'au quatrième degré » sont introduits entre les mots « autres ascendants » et les mots « ,le minimum de la peine ».

Art. 10

Dans l'article 417ter du même Code, inséré par la loi du 14 juin 2002 et modifié par la loi du 18 mai 2006, les modifications suivantes sont apportées:

A) à l'alinéa 2, 1º, point b), les mots « de son âge » sont insérés entre les mots « en raison « et les mots « d'un état de grossesse »;

B) à l'alinéa 3, 1º, les mots « ou envers une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien, » sont remplacés par les mots « ou envers une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale »;

C) à l'alinéa 3, 1º, les mots « descendants, » sont insérés entre les mots « ascendants, » et les mots « toute autre personne ayant »;

Art. 11

À l'article 417quater du même Code, inséré par la loi du 14 juin 2002, les modifications suivantes sont apportées:

A) à l'alinéa 2, 1º, point b), les mots « de son âge » sont insérés entre les mots « en raison « et les mots « d'un état de grossesse »;

B) à l'alinéa 3, 1º, les mots « ou envers une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien » sont remplacés par les mots « ou envers une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale »;

C) à l'alinéa 3, 1º, les mots « descendants, » sont insérés entre les mots « ascendants, » et les mots « toute autre personne ayant ».

Art. 12

L'article 420bis du même Code, abrogé par la loi du 20 juillet 2005, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 420bis. — Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de cinquante euros à cinq cents euros, ou d'une de ces peines seulement, sans préjudice, s'il y a lieu, de l'application de dispositions pénales plus sévères, quiconque ayant connaissance, pendant trente jours, d'un cas d'abandon, de mauvais traitement ou de privation, à l'encontre d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une déficience ou d'une infirmité physique ou mentale, n'aura pas prévenu les autorités compétentes ou un service d'aide. »

Art. 13

Dans l'intitulé du livre II, titre VIII, chapitre III, du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, les mots « aux incapables » sont remplacés par les mots « aux personnes vulnérables » et dans l'intitulé de la section 1re du même chapitre, inséré par la loi du 28 novembre 2000, les mots « d'incapables » sont remplacés par les mots « de personnes vulnérables ».

Art. 14

Dans l'article 423, § 1er, du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, les mots « hors d'état de se protéger elle-même en raison de son état physique ou mental » sont remplacés par les mots « particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale ».

Art. 15

Dans l'intitulé du livre II, titre VIII, chapitre III, section II, du même Code, inséré par la loi du 28 novembre 2000, les mots « des incapables » sont remplacés par les mots « des personnes vulnérables ».

Art. 16

Dans l'article 425, § 1er, du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, les mots « une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien » sont remplacés par les mots « une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale ».

Art. 17

Dans l'article 426 du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, les modifications suivantes sont apportées:

A) dans le paragraphe 1er, les mots « en raison de son état physique ou mental » sont remplacés par les mots « particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale »;

B) dans le paragraphe 2, les mots « du mineur ou de la personne hors d'état de pourvoir à son entretien en raison de son état physique ou mental » sont remplacés par les mots « d'une personne visée au paragraphe 1er ».

Art. 18

L'intitulé du livre II, titre VIII, chapitre III, section IV, du même Code, inséré par la loi du 28 novembre 2000, est complété par les mots: « et de personnes vulnérables ».

Art. 19

Dans l'article 428 du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000 et modifié par la loi du 14 juin 2002, les modifications suivantes sont apportées:

A) dans le paragraphe 2, les mots « ou toute personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale » sont insérés entre les mots « douze ans » et les mots « sera puni »;

B) dans le paragraphe 4, les mots « ou de la personne visée au paragraphe 2, enlevée, » sont insérés entre les mots « du mineur enlevé » et les mots « a causé ».

Art. 20

L'article 429 du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, est complété par les mots « ou une personne vulnérable, visée à l'article 428, § 2, qu'il sait avoir été enlevé ».

Art. 21

À l'article 430 du même Code, remplacé par la loi du 28 novembre 2000, les modifications suivantes sont apportées:

A) les mots « l'article 428,§§ 3 à 5 » sont remplacés par les mots « l'article 428, §§ 4 et 5 ».

B) les mots « ou une personne vulnérable enlevée » sont insérés après les mots « le mineur enlevé ». 

Art. 22

Dans l'article 433quater, 2º, du même Code, inséré par la loi du 10 août 2005, les mots « de son âge » sont insérés entre les mots « de sa situation sociale précaire, » et les mots « d'un état de grossesse ».

Art. 23

Dans l'article 433septies, 2º, du même Code, inséré par la loi du 10 août 2005, les mots « de son âge, » sont insérés entre les mots « de sa situation sociale précaire, » et les mots « d'un état de grossesse ».

Art. 24

À l'article 433decies du même Code, inséré par la loi du 10 août 2005, les mots « ou en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, » sont insérés entre les mots « situation sociale précaire, » et les mots « , en vendant ».

Art. 25

L'article 434 du même Code, est complété par l'alinéa suivant:

« Les peines prévues à l'alinéa 1er peuvent être doublées si les auteurs ont détenu ou fait détenir, dans les conditions évoquées à l'alinéa 1er, toute personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 26

À l'article 442bis du même Code, l'alinéa 2 est complété par les mots:

« , ou s'il s'agit d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, sur la plainte des établissements d'utilité publique ou les associations visées à l'article 34 de la loi du ... étendant la protection pénale des personnes vulnérables contre la maltraitance et la malmenance. »

Art. 27

Dans l'article 458bis du même Code, inséré par la loi du 28 novembre 2000, entre le mot « mineur » et le mot « , peut » sont insérés les mots: « ou sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale ».

Art. 28

À l'article 462 du même Code, l'alinéa 1er est complété par ce qui suit:

« , sauf si ces vols ont été commis au détriment d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 29

Dans l'article 467 du même Code, modifié par la loi du 23 janvier 2003, l'énumération est complétée par la phrase suivante:

« S'il a été facilité au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 30

Dans l'article 471 du même Code, remplacé par la loi du 11 décembre 2001, l'énumération est complétée par le membre de phrase suivant:

« si l'infraction a été facilitée au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale. »

Art. 31

Dans l'article 493, alinéa 1er, du même Code, modifié par l'arrêté royal nº 148 du 18 mars 1935, sont insérés entre les mots « d'un mineur » et les mots « pour lui faire souscrire », les mots « ou de toute personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale ».

Art. 32

Dans l'article 496 du même Code, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2:

« Si les faits visés à l'alinéa précédent ont été commis au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, l'auteur sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de vingt-six euros à trois mille euros. »

Chapitre II — Modification de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers

Art. 33

Dans l'article 77quater, 2º, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, inséré par la loi du 10 août 2005, les mots « de son âge, » sont insérés entre les mots « de sa situation sociale précaire, » et les mots « d'un état de grossesse ».

Chapitre III — Disposition finale

Art. 34

Tout établissement d'utilité publique et toute association jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par statut de prévenir la violence ou la maltraitance au sein de la famille ou d'institutions d'hébergement ou en dehors, à l'encontre de toute personne particulièrement vulnérable en raison de l'âge, d'une maladie ou d'une déficience ou infirmité physique ou mentale, par la diffusion d'informations ou par une assistance, peut, avec l'accord de la victime ou de son représentant, ester en justice dans les procédures auxquelles donnerait lieu l'application des articles 142, 330bis, 347bis, 376, 380, 405bis, 405ter, 410, 423, 425, 426, 428 à 430, 433quater, 433septies, 433decies, 434, 442bis, 458bis, 462, 467, 471, 493 et 496 du Code pénal et l'article 77quater de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Ce droit d'ester en justice ne peut toutefois être exercé que si ces établissements et associations coopèrent sur une base permanente avec les maisons de justice et qu'ils sont agréés par le Roi. Le Roi fixe les modalités de cet agrément.

La victime peut renoncer, à tout moment, par elle-même ou son représentant, à l'accord visé à l'alinéa 1er, ce qui a pour effet de mettre fin à la possibilité, pour l'établissement d'utilité publique ou l'association concernée, de continuer à ester en justice dans ces procédures.

10 mai 2011.

Sabine de BETHUNE.
Christine DEFRAIGNE.
Francis DELPÉRÉE.
Guy SWENNEN.
Martine TAELMAN.