5-1013/1

5-1013/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

9 MAI 2011


Proposition de loi complétant le Code d'instruction criminelle en vue de réglementer la procédure de dépistage d'une maladie contagieuse grave transmise lors de la commission d'une infraction

(Déposée par Mme Sabine de Bethune et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend, en l'adaptant, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 25 mai 2009 (doc. Sénat, nº 4-1339/1 - 2008/2009).

1. OBJECTIF

Les victimes d'infractions violentes telles que le viol ou les coups et blessures graves courent le risque d'être contaminées par une maladie grave comme le sida — par transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) — ou l'hépatite B ou C.

Non seulement elles doivent surmonter émotionnellement l'épreuve qu'elles ont subie, mais elles doivent aussi, bien souvent, faire face à la douloureuse interrogation de savoir si elles n'ont pas été contaminées par une maladie contagieuse grave. Étant donné qu'en général, le résultat des tests médicaux de dépistage de certaines affections sexuellement transmissibles ou d'autres maladies contagieuses n'est connu que plusieurs mois après la contamination, les victimes mais aussi leur conjoint et leur famille, par exemple, sont confrontés à une pénible incertitude.

Une solution serait de prévoir la possibilité de soumettre l'auteur présumé de l'infraction à des analyses de sang ou de matériel cellulaire afin de déterminer s'il est infecté par une maladie contagieuse grave et ainsi permettre à la victime d'être fixée plus rapidement quant à une éventuelle transmission de la maladie et, le cas échéant, de commencer un traitement préventif.

À ce jour, il n'existe toutefois aucune base légale permettant de faire procéder à de telles analyses. Or, les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et de l'article 22 de la Constitution sont claires : on ne peut limiter le droit à la protection de la vie privée qu'en s'appuyant sur une base légale (1) .

C'est notamment dans cette optique qu'il convient de lire l'arrêt rendu le 25 mars 1994 par la cour d'appel d'Anvers, qui a débouté la victime d'un viol qui demandait qu'un test de dépistage VIH soit effectué. La cour a indiqué que la législation, dans son état actuel, ne permettait pas de soumettre un prévenu à un test de dépistage VIH ni de l'obliger à en effectuer un. En outre, elle a estimé que tant que la victime ne s'était pas soumise elle-même à un test de dépistage VIH, il n'y avait aucune certitude scientifique quant au fait qu'elle ait été contaminée ou non par le prévenu. (2)

Dans plusieurs pays de l'Union européenne (UE), dont les Pays-Bas et la Suède, les autorités judiciaires ont la possibilité de faire analyser du matériel cellulaire de l'auteur présumé d'une infraction afin de vérifier s'il est atteint d'une maladie contagieuse grave qui aurait pu être transmise à la victime lors de la commission de l'infraction.

Aux Pays-Bas, cette possibilité est régie par la loi du 12 novembre 2009 modifiant le Code d'instruction criminelle en vue de réglementer la procédure de dépistage d'une maladie contagieuse grave transmise lors de la commission d'une infraction (traduction) (loi publiée le 20 novembre 2009 au Staatsblad van het Koninkrijk der Nederlanden, le journal officiel des Pays-Bas).

La loi néerlandaise peut servir de base d'élaboration d'un régime similaire dans notre pays.

La présente proposition de loi permet d'imposer à un suspect ou à un tiers l'obligation de se soumettre à des analyses de matériel cellulaire en vue de déterminer s'il est porteur d'un virus susceptible d'avoir été transmis à la victime lors de la commission d'une infraction.

Le régime visé, qui autorise l'analyse de matériel cellulaire d'un suspect, d'un tiers ou de la victime, sert plusieurs objectifs et intérêts. Il permet à la victime d'être fixée sur la possibilité d'une contamination et de commencer éventuellement un traitement médical. Il vise aussi à éviter, le cas échéant, la contamination d'une autre personne. Par ailleurs, le test peut contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre d'une procédure pénale, en établissant notamment si c'est bien l'auteur des faits qui a contaminé la victime, le cas échéant. Enfin, il permet de mieux cerner les conséquences de l'infraction et, partant, d'en préciser la qualification finale.

2. INTÉRÊTS POUR LA VICTIME

La proposition de loi présente de multiples intérêts pour la victime. Outre le fait d'avoir subi une agression, la victime continue d'appréhender les conséquences éventuelles de cette agression et se demande en particulier si elle ne va pas en garder des séquelles sous la forme d'une contamination par une maladie contagieuse grave.

Concrètement, les intérêts de la présente proposition de loi pour la victime sont les suivants :

a) L'intérêt sanitaire

Prophylaxie post-exposition

Bien souvent, dans l'intérêt de la victime, il est important que les risques de contamination auxquels elle a été exposée soient évalués très rapidement et efficacement, de manière qu'elle puisse bénéficier, au besoin, d'une médication préventive visant à empêcher toute contamination. Pour la victime, il est donc capital que l'analyse sanguine soit réalisée dans les meilleurs délais et que son résultat lui soit communiqué au plus vite afin qu'elle puisse bénéficier d'une éventuelle prophylaxie post-exposition (dénommée ci-après « PPE »). Dans la pratique, cela sera surtout vrai lorsque le suspect aura été arrêté très peu de temps après avoir commis l'infraction et qu'il s'agissait d'un contact violent ou sexuel non désiré au cours duquel la victime a pu être contaminée par le VIH. Il n'est pas aisé de prendre la décision d'administrer une médication PPE vu ses effets secondaires non négligeables. Le traitement PPE doit être entamé dans les septante-deux heures qui suivent l'incident. En cas de contamination potentielle par le virus de l'hépatite B, un traitement par immunoglobulines ne peut être administré que dans les sept jours au plus tard après l'exposition au virus. En ce qui concerne l'hépatite C, il n'existe pas d'immunoglobuline.

Il est essentiel que le traitement soit entamé dans les délais prévus, faute de quoi la médication préventive ne serait plus efficace.

Un test négatif n'est pas sûr à 100 %, compte tenu de la fenêtre sérologique. Dans le cadre de l'évaluation du risque, il faudra également prendre en compte les circonstances concrètes qui laissent présumer l'existence d'un tel risque (par exemple, lorsque le suspect est un héroïnomane qui emploie des seringues usagées ou une personne qui a des relations sexuelles sans protection avec de nombreux partenaires différents).

Commencement d'un autre traitement médical et intérêt pour la santé des tiers

Néanmoins, même si les délais ont été dépassés, la victime et sa famille ont intérêt à savoir à quoi s'en tenir quant à l'éventualité d'une contamination, afin de déterminer clairement s'il est utile de subir des examens médicaux supplémentaires ou d'entamer un traitement médical particulier visant à limiter les risques pour la santé ou les conséquences d'une contamination avérée. En outre, il y a aussi un intérêt pour la santé du partenaire de la victime.

b) L'intérêt psychologique

Il est important pour la victime d'être fixée avec plus de certitude sur le statut médical du suspect. Si le test réalisé sur le suspect aboutit à un résultat négatif, cela pourra avoir un effet rassurant pour la victime, du moins en partie, vu les limites inhérentes à ces tests. D'autre part, un test positif motivera la victime à se soumettre à un traitement prophylactique, parfois lourd, en vue de limiter les risques pour sa santé.

c) L'intérêt d'un dépistage et de poursuites adéquates

À l'heure actuelle, la victime d'une infraction violente ou sexuelle n'a la possibilité de demander la coopération du suspect à l'analyse sanguine que dans le cadre d'une procédure civile en référé. De surcroît, elle n'a pas la certitude que le juge accédera à sa demande, vu l'absence de base légale en la matière (cf. arrêt précité du 25 mars 1994 de la cour d'appel d'Anvers).

Selon les auteurs de la présente proposition de loi, le fait que la victime doive prendre elle-même l'initiative à cet égard, généralement très peu de temps après avoir vécu une expérience souvent traumatisante, est inopportun et inutilement contraignant.

L'on pourrait supposer que toutes les victimes qui ont déclaré des infractions comportant un risque de contamination ont intérêt à ce que la recherche de la vérité soit la plus complète possible, pour que l'auteur des faits puisse être poursuivi et jugé comme il se doit. On pourrait dès lors également demander à la victime de collaborer à l'enquête en fournissant du matériel cellulaire en vue d'une analyse. Les auteurs de la proposition estiment cependant qu'il n'est pas opportun d'obliger la victime à collaborer de la sorte, car, en tant que victime d'une infraction, celle-ci doit conserver le droit de décider elle-même d'autoriser ou non une analyse de son matériel corporel.

Comme la charge de la preuve en matière pénale incombe au ministère public, la victime peut avoir intérêt à ce qu'une éventuelle contamination consécutive à une infraction soit également traitée dans le cadre du procès pénal, de manière à pouvoir bénéficier d'une indemnisation correcte.

Bien qu'une procédure civile doive en principe aboutir à une indemnisation similaire, c'est dans ce cas sur la victime que repose la charge de la preuve, avec tous les frais d'expertise et d'assistance qui en découlent.

3. LIGNES DE FORCE DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi instaure la possibilité de faire analyser un échantillon sanguin prélevé sur un suspect ou, le cas échéant, sur un tiers afin d'établir s'il est porteur d'une maladie contagieuse grave. La loi prévoit les maladies contagieuses suivantes : le virus du sida et les hépatites B et C. Vu qu'il est capital pour la victime que l'on puisse réagir de manière flexible à la menace que représentent les nouvelles maladies contagieuses, le Roi est habilité à compléter cette liste en y ajoutant des maladies supplémentaires auxquelles la réglementation s'appliquera. Le Roi prend son arrêté sur avis du Conseil supérieur de la santé.

Dans la plupart des cas, il s'agira d'un suspect qui est lui-même porteur d'une maladie contagieuse, mais il n'est pas à exclure que celui-ci ait fait usage de matériel corporel contaminé provenant d'un ou plusieurs tiers, sans être lui-même contaminé. Si ces tiers étaient au courant, ils seront passibles de poursuites en tant que complices ou coauteurs des lésions corporelles infligées à la victime.

Les auteurs de la présente proposition soulignent que deux cas de figure doivent être prévus à cet égard : celui où le suspect accepte de se soumettre à une analyse de son plein gré et celui où il refuse de s'y prêter de son plein gré et où il est contraint, sur ordre du juge d'instruction, de coopérer à l'analyse sanguine.

La proposition de loi part du principe que le suspect ou le tiers concerné coopère de son plein gré au prélèvement de matériel cellulaire sur requête du procureur du Roi ou du juge d'instruction. Cet accord est acté dans un procès-verbal.

Lorsque le suspect ou le tiers refuse de se soumettre à l'analyse, le juge d'instruction peut l'y contraindre par la force. En application du régime existant défini à l'article 28septies du Code d'instruction criminelle (procédure dite de la mini-instruction), le procureur du Roi peut requérir du juge d'instruction l'accomplissement de ce devoir d'enquête. L'intervention du juge d'instruction étant requise en pareil cas, il est suffisamment tenu compte du caractère intrusif de la mesure qui peut constituer une atteinte à l'intégrité physique de l'intéressé.

Le prélèvement de matériel cellulaire prendra en règle générale la forme d'un prélèvement sanguin; il s'agit donc d'un acte médical qui ne pourra être posé que par un médecin. Au besoin, il pourra être fait usage de moyens de coercition pour mettre cette mesure à exécution.

Si du matériel cellulaire est découvert sur le lieu de l'infraction, il peut également être analysé.

Sur ordre du juge d'instruction, le matériel cellulaire est analysé par un laboratoire agréé par arrêté royal afin de déterminer si l'intéressé est porteur d'une des maladies visées. L'expert procède à l'analyse sur-le-champ et communique le résultat au juge d'instruction dans les vingt-quatre heures qui suivent la réception de l'échantillon sanguin.

Le juge d'instruction communique le résultat de l'analyse au procureur du Roi, au suspect, s'il est connu, au tiers et à la victime, s'ils en ont fait la demande. Le suspect et le tiers peuvent faire savoir au préalable qu'ils ne désirent pas être informés du résultat de l'analyse. Ils ont, en principe, le droit de ne pas être confrontés aux résultats d'une analyse qu'ils n'avaient pas demandée ou à laquelle ils n'avaient pas consenti. Si le suspect en sa qualité d'inculpé ou la victime en sa qualité de partie civile demande à consulter le dossier conformément à l'article 61ter du Code d'instruction criminelle, il y a un risque que l'intéressé soit informé du résultat, positif ou non, du test de dépistage sanguin des maladies en question. Ce sera également le cas lors de l'examen de l'affaire au fond par le juge. Le tiers non suspecté peut choisir d'être informé du résultat de l'analyse ou de ne pas l'être.

Le juge d'instruction informe le suspect qu'il a le droit de faire réaliser une contre-expertise. Si le résultat de cette contre-expertise confirme celui de l'analyse demandée par le juge d'instruction, une partie des coûts est mise à la charge du suspect.

Le tiers non suspecté dans l'affaire n'a pas le droit de demander une contre-expertise, dès lors que le constat qu'il est porteur d'une maladie contagieuse n'a aucun effet juridique. Il lui est toutefois loisible d'en faire effectuer une à ses frais.

Comme il est important pour la victime que les tests soient réalisés dans les plus brefs délais afin qu'une prophylaxie post-exposition puisse, le cas échéant, lui être administrée, la proposition de loi prévoit un délai de notification très court pour la décision du juge d'instruction requis.

Si le résultat de l'analyse sanguine est négatif, le procureur du Roi ou le juge d'instruction peut requérir un nouveau prélèvement de matériel cellulaire sur le suspect après une période de trois à six mois à compter du premier test. Si l'intéressé refuse, la réalisation d'un nouveau test ne peut être imposée que par le juge d'instruction, le cas échéant en recourant à la force.

Si le résultat de l'analyse du matériel cellulaire du suspect ou du tiers est positif et qu'il s'avère par la suite que la victime est infectée par la même maladie, le juge d'instruction peut demander à un expert attaché à un laboratoire agréé d'examiner si l'infection a bel et bien été transmise.

Ce régime légal sert plusieurs intérêts. Il peut être utile pour la manifestation de la vérité, pour la possibilité d'administrer une médication adaptée au suspect et à la victime et, enfin, pour que la victime soit fixée concernant la contamination et l'origine de celle-ci.

4. CONFORMITÉ DE LA RÉGLEMENTATION AVEC LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME

Les moyens de contrainte, tels que le prélèvement proposé de matériel cellulaire, restreignent les droits et libertés des personnes auxquelles ils s'appliquent. Les auteurs sont pleinement conscients que la réglementation proposée implique une atteinte à l'intégrité physique du suspect ou du tiers.

La cession non volontaire de matériel cellulaire ou d'un échantillon sanguin implique dans tous les cas une violation de l'intégrité physique du suspect. En outre, si ce dernier ignore qu'il est porteur du virus du sida ou de celui de l'hépatite B ou C, la remise d'un test positif peut le confronter de manière involontaire au résultat d'un examen médical qu'il n'a lui-même pas demandé ni approuvé.

Toutefois, il convient en l'espèce de mettre en balance l'intérêt du suspect, celui de la victime, celui de son entourage et la recherche de la vérité. Les auteurs pensent que dans la situation visée, les intérêts qui priment sont les derniers cités.

En droit belge, l'intégrité physique est protégée par l'article 22 de la Constitution (3) , ainsi que par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH). Les restrictions à ce droit fondamental doivent satisfaire aux conditions énoncées par cet article. Ainsi, l'article 22 de la Constitution exige que la restriction soit fixée par la loi et l'article 8 de la CEDH y ajoute l'obligation que l'ingérence constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Autrement dit, le législateur doit poursuivre un but légitime pour restreindre ces droits fondamentaux.

L'exigence de la nécessité dans une société démocratique impose que l'atteinte ait une nécessité sociale impérieuse et qu'elle soit proportionnelle et contrôlable.

Évaluation des conditions :

— La réglementation légale proposée répond à l'exigence que l'atteinte en question soit fixée par la loi.

— L'atteinte doit s'inscrire dans le cadre d'un but légitime. L'on peut invoquer ici la sauvegarde de la santé de la victime (et aussi, par extension, celle du partenaire de la victime). La victime a un intérêt particulier à limiter les risques pour sa santé et dans ce cadre, l'obligation de céder du matériel cellulaire et de le faire examiner est justifiée pour pouvoir prendre très rapidement une décision aussi fondée que possible quant à l'administration d'un traitement préventif à l'aide de médicaments susceptibles d'entraîner des effets secondaires. En outre, l'obligation de collaborer au test contribue à la recherche, à la poursuite et à la répression de faits punissables.

— La restriction doit être nécessaire dans une société démocratique. Il convient de vérifier ici si la restriction est souhaitable, utile et proportionnelle, et si elle ne pourrait pas raisonnablement être remplacée par des moyens moins intrusifs. Étant donné l'intérêt de la victime, il est nécessaire de faire au plus vite la lumière sur les risques potentiels consécutifs à un acte de violence commis par le suspect. Mais étant donné que durant les premiers jours, les maladies en question ne sont pas détectables dans le sang de la victime, il convient de prendre une décision en vue d'un traitement préventif susceptible d'avoir de sérieux effets secondaires pour la victime, qui, en outre, traverse peut-être une période psychologiquement difficile après l'infraction. Dans la jurisprudence néerlandaise antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 12 novembre 2009, les tribunaux civils ont admis que l'on demande au suspect qu'il limite au maximum les conséquences préjudiciables de l'acte par lequel il a porté atteinte à l'intégrité physique d'autrui. En outre, un tel examen est également utile dans le cadre de la recherche, de la poursuite et de la répression des faits punissables, étant entendu que l'élément de la contamination peut éventuellement donner lieu à une autre qualification pénale.

Le suspect peut-il s'opposer à un examen pratiqué sous la contrainte ?

La doctrine est divisée sur la question de savoir si une exploration corporelle peut-être effectuée manu militari. Certains auteurs déduisent du fait que le législateur prévoit une procédure spécifique pour l'exploration corporelle (article 90bis du Code d'instruction criminelle) qu'il doit être possible de réaliser certaines explorations corporelles sans le consentement du suspect. Si tout devait dépendre du consentement de l'intéressé, une réglementation légale particulière n'aurait aucun sens (4) . Pour l'analyse ADN dans le cadre d'une instruction, l'article 90undecies du Code d'instruction criminelle prévoit de manière formelle la possibilité d'un examen sous la contrainte physique. Un tel examen doit être possible, compte tenu de son intérêt pour la santé de la victime.

De plus, il convient également de se demander si la victime doit pouvoir s'opposer à un examen de matériel cellulaire chez le suspect, en l'occurrence dans le cadre du droit de « ne pas savoir ». Lors de la discussion de la loi néerlandaise du 12 novembre 2009, le gouvernement néerlandais a estimé qu'une telle demande ne pouvait être rencontrée, la décision de demander ou d'imposer un examen revenant au procureur du Roi ou au juge d'instruction. En outre, ce droit d'opposition pourrait mener à des impasses inextricables en cas de pluralité de victimes.

Les auteurs estiment en revanche que si la victime ne souhaite pas connaître le résultat du test subi par le suspect, elle doit pouvoir le demander explicitement. Elle n'est pas non plus tenue de collaborer personnellement à un examen de son propre matériel cellulaire.

Toutefois, le parquet restera libre de décider d'inclure ou non dans l'incrimination la nature de la lésion infligée.

Principe « nemo tenetur»

Dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme, l'on peut également se demander si une obligation de collaboration imposée au suspect est contraire au principe  « nemo tenetur » qui découle des articles 6 et 8 de la CEDH. En vertu de ce principe, le suspect ne peut être tenu ni de collaborer à l'obtention d'éléments à charge, ni de contribuer à sa propre incrimination. Dans son arrêt Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996, la Cour européenne des droits de l'homme a cependant restreint considérablement la portée de ce principe.

Dans cet arrêt, la Cour répète que le droit de se taire et le droit ne pas s'incriminer soi-même sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 de la CEDH (arrêt Saunders, §§ 68-69).

La Cour précise toutefois que ces droits ne s'étendent « pas à l'usage, dans une procédure pénale, de donneées que l'on peut obtenir de l'accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les documents recueillis en vertu d'un mandat, les prélèvements d'haleine, de sang et d'urine ainsi que de tissus corporels en vue d'une analyse de l'ADN ».

Le matériel corporel qui existe indépendamment de la volonté du suspect peut être requis sous la contrainte. L'exercice de la contrainte ne nuit aucunement à la fiabilité de ce matériel corporel, lequel ne peut donc pas être à l'origine d'une erreur judiciaire (5) . Le risque pour la fiabilité est accru lorsque les éléments de preuve dépendent de la volonté du suspect, ce qui est le cas des déclarations orales par exemple.

Dans d'autres affaires, la Cour européenne des droits de l'homme a toutefois montré qu'elle considérait de plus en plus le mode d'obtention des preuves comme relevant, lui aussi, du principe « nemo tenetur ».

Ainsi, les autorités ne peuvent pas réclamer des documents sous la contrainte lorsqu'elles n'ont pas la certitude que ceux-ci existent et que leur remise peut équivaloir à une déclaration de culpabilité (6) . En outre, la Cour examinera également la mesure coercitive au moyen de laquelle la preuve à charge a été recueillie à la lumière du principe « nemo tenetur ».

La Cour a estimé qu'il pouvait y avoir violation du principe en question lorsque le suspect était contraint, de par la nature de la mesure coercitive, de fournir lui-même la preuve l'incriminant directement (7) . Dans l'arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006, la Cour européenne précise les critères qu'elle applique dans le cadre du principe « nemo tenetur ».

Elle indique à ce propos que l'article 6 de la CEDH garantit le droit à un procès équitable, mais ne réglemente pas l'admissibilité des preuves, ce qui relève au premier chef du droit interne. La Cour n'a donc pas à se prononcer, par principe, sur la recevabilité des éléments de preuve, par exemple des éléments de preuve sur la culpabilité du suspect qui ont été obtenus de manière illégale. Elle doit cependant examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble (8) . À cet égard, la Cour contrôle également si les droits de la défense ont été respectés. Le suspect doit ainsi s'être vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation. La qualité de la preuve est également vérifiée en examinant si les circonstances dans lesquelles la preuve a été recueillie font douter de sa fiabilité ou de son exactitude (9) . En outre, l'intérêt général à la poursuite d'une infraction doit être mis en balance avec l'intérêt du suspect à ce que les éléments de preuve à charge soient recueillis légalement. Néanmoins, l'intérêt général ne peut jamais vider de leur substance les droits de la défense, notamment le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (10) .

Dans l'affaire Jalloh, la Cour a ainsi jugé que la violation constatée de l'article 3 de la CEDH en ce qui concerne la collecte des preuves impliquait aussi une violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la CEDH.

Si l'on applique les critères définis dans l'affaire Jalloh à la problématique qui nous occupe, on se rend compte qu'il faudra aussi tenir compte de certaines considérations dans le cadre de la collecte des preuves. Bien qu'il s'agisse en l'occurrence d'une preuve indépendante de la volonté du suspect et que ce dernier soit obligé de consentir au prélèvement du matériel corporel visé, le mode de prélèvement, y compris les techniques et les moyens utilisés, ne peuvent pas constituer une violation de l'article 3 de la CEDH. Même si le caractère obligatoire du prélèvement de matériel corporel ne nuit aucunement à la fiabilité des résultats de l'analyse, il pourrait quand même y avoir violation du principe « nemo tenetur » si la contrainte est de nature à constituer une atteinte grave à l'intégrité mentale et physique du suspect. L'on peut toutefois considérer en général que les méthodes habituellement utilisées pour le prélèvement de matériel sanguin ou cellulaire ne portent pas une atteinte grave à l'intégrité mentale et physique.

En ce qui concerne le principe « nemo tenetur », il est également important de savoir si l'intéressé doit fournir lui-même la preuve l'incriminant directement. L'arrêt Jalloh précise que tel n'est pas le cas pour le prélèvement sanguin, dès lors que la preuve à charge doit encore être révélée par le biais d'un examen médicolégal.

Il faut en outre s'interroger sur la manière dont la preuve à charge sera utilisée ultérieurement au cours du procès pénal. À cet égard, le suspect doit avoir la possibilité de contester l'analyse d'un prélèvement de matériel cellulaire, raison pour laquelle la présente proposition de loi prévoit une contre-expertise.

Les victimes et la mise en balance des intérêts

L'on renvoie ici à l'exposé sur l'intérêt de la victime (voir le point nº 2 ci-dessus).

Enfin, il faut, lors de l'élaboration de la réglementation légale, mettre les droits du suspect en balance avec les intérêts des victimes potentielles et de la société en général.

Les auteurs estiment que l'éventuelle violation de l'intégrité physique du suspect contrebalance l'intérêt qu'a une victime à être fixée sur le risque de contamination et sur la nécessité de prendre des médicaments susceptibles d'avoir de graves effets secondaires. C'est l'intérêt de la santé de la victime qui doit primer dans pareilles situations.

Compte tenu du risque de perdre un temps précieux au cours de la procédure civile, il est important que le procureur du Roi et le juge d'instruction saisi dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire aient la possibilité d'ordonner une telle exploration corporelle, conformément aux règles de procédure prévues par la loi.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article indique la base constitutionnelle de la loi proposée, à savoir l'article 78 de la Constitution.

Article 2

Article 44quater

Cet article donne au procureur du Roi, lorsque certains indices font apparaître un risque de contamination de la victime par le VIH ou par le virus de l'hépatite B ou C, la possibilité de demander à l'auteur présumé d'un acte de violence de se soumettre à un prélèvement de cellules afin d'effectuer une analyse visant à déterminer la présence ou non de l'une de ces maladies contagieuses.

Afin de pouvoir réagir rapidement à l'apparition de nouvelles maladies contagieuses, le Roi est habilité à ajouter d'autres maladies contagieuses graves aux trois précitées, après avis du Conseil supérieur de la santé.

L'analyse peut aussi viser des tiers, si l'on se trouve en présence d'indices démontrant que la contamination lors de l'infraction a été causée par du matériel cellulaire provenant d'un tiers.

Les cellules trouvées sur le lieu de l'infraction ou à l'occasion de celle-ci peuvent aussi être soumises à une analyse.

L'intéressé dont le concours est requis doit donner par écrit son consentement à l'analyse. S'il ne donne pas son consentement, l'intervention du juge d'instruction sera nécessaire.

L'analyse est réalisée à la demande de la victime ou, en cas de viol, à l'initiative du procureur du Roi.

Compte tenu de la nature médicale de l'analyse, elle ne peut être réalisée que par un médecin qui prélève la quantité de sang nécessaire à l'analyse, sauf si un prélèvement sanguin est contre-indiqué pour des raisons médicales particulières, auquel cas l'on demande à l'intéressé de pouvoir lui prélever d'autres cellules.

Article 44quinquies

L'analyse est confiée à un laboratoire désigné par le Roi. Compte tenu de l'urgence, l'expert devra, dès que possible, communiquer le résultat de l'analyse au procureur du Roi qui, à son tour, informera le prévenu et la victime du résultat, dans le mesure où ils en ont fait la demande.

Le suspect peut faire réaliser une contre-expertise dans les deux semaines de la communication du résultat.

En ce qui concerne le règlement des frais de la contre-expertise, l'auteur s'inspire du régime prévu pour la contre-expertise à la suite d'une analyse ADN (cf. article 44ter, § 4, alinéa 4, et article 90undecies, § 4, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle).

Article 44sexies

Le procureur du Roi a la possibilité, dans l'intérêt de la victime ou de l'information, d'effectuer une analyse complémentaire entre les troisième et sixième mois qui suivent l'infraction. Il est nécessaire de prévoir cette possibilité car, pour certaines maladies contagieuses, l'on ne peut contrôler si la personne est contaminée ou pas qu'après plusieurs mois, un délai pendant lequel cette personne peut néanmoins en avoir contaminé d'autres, le cas échéant.

Article 44septies

Si l'analyse a donné un résultat positif, il peut être important, pour la recherche de la vérité et la bonne qualification de l'infraction, de savoir si c'est bien le suspect qui a contaminé la victime. C'est la raison pour laquelle le procureur du Roi peut faire comparer les cellules des deux analyses.

Article 44octies

Étant donné que les cellules sont porteuses d'informations importantes sur la personne et que l'analyse a pour seul but d'examiner si la victime a été contaminée par une maladie contagieuse grave à la suite d'une infraction, les cellules ne peuvent pas être conservées plus longtemps que nécessaire. Elles sont donc détruites dès que toutes les analyses sont terminées. Le procureur du Roi fera savoir quand les analyses seront terminées.

Dans le mois suivant la communication par le procureur du Roi, l'expert informe ce dernier que l'échantillon de cellules prélevé a bel et bien été détruit. Le texte de cet article s'inspire du régime existant relatif à l'analyse ADN de comparaison (art. 44ter, § 5, et 90undecies, § 5, du Code d'instruction criminelle).

Article 3

Cet article ajoute l'analyse en question aux pouvoirs d'investigation du juge d'instruction. Eu égard au caractère potentiellement intrusif pour la vie privée, le procureur du Roi ne peut ordonner de soumettre le suspect à une analyse qu'avec le consentement de celui-ci, comme prévu aux nouveaux articles 44quater à 44octies.

Cet article donne toutefois au juge d'instruction la possibilité d'imposer une telle analyse. Le juge d'instruction ordonne cette mesure d'office, à la demande de la victime ou, conformément aux règles générales de la procédure pénale, à la demande du procureur du Roi.

Article 90duodecies

Cet article reprend la procédure prévue à l'article 44quater, étant entendu que le juge d'instruction peut, contrairement au procureur du Roi, ordonner un prélèvement sanguin effectué par un médecin sans devoir obtenir le consentement du prévenu ou du tiers visé au § 1er.

Si l'analyse est effectuée sous la contrainte, cette contrainte est exercée sous l'ordre d'un officier de police judiciaire.

Articles 90terdecies à 90sexiesdecies

En ce qui concerne ces articles, on se reportera mutatis mutandis au commentaire des articles 44quinquies à 44octies.

Sabine DE BETHUNE.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Francis DELPÉRÉE.
Peter VAN ROMPUY.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré, dans le livre premier, chapitre IV, section II, du Code d'instruction criminelle, les articles 44quater à 44octies rédigés comme suit :

«Art. 44quater. § 1er. Lorsqu'une personne a été victime d'une infraction et que des indices montrent qu'elle pourrait avoir été contaminée par le virus du sida ou celui de l'hépatite B ou C, le procureur du Roi peut demander au suspect de se soumettre à un prélèvement de matériel cellulaire aux fins d'une analyse ayant pour but de déterminer s'il est porteur d'une des maladies précitées. Le procureur du Roi peut également adresser cette demande à un tiers autre que le suspect si pareils indices montrent que le matériel cellulaire par lequel la victime a été contaminée lors de l'infraction provient de ce tiers. Le suspect et le tiers auxquels le procureur du Roi s'est adressé peuvent manifester leur consentement à la demande de se soumettre à un prélèvement de matériel cellulaire uniquement par écrit.

Le Roi peut, après avoir recueilli l'avis du Conseil supérieur de la santé, compléter par arrêté délibéré en Conseil des ministres la liste des maladies citées à l'alinéa précédent par d'autres maladies contagieuses graves.

§ 2. La victime de l'infraction visée au paragraphe précédent peut demander au procureur du Roi de faire effectuer l'analyse. Le procureur du Roi informe la victime de sa décision motivée dans les plus brefs délais, et au plus tard dans les douze heures de la demande.

Par dérogation à l'alinéa premier, le procureur du Roi procède d'office, conformément à la procédure prévue au paragraphe précédent en présence d'indices sérieux laissant présumer que le suspect a commis une infraction visée aux articles 375 à 377 du Code pénal.

§ 3. L'analyse visée au paragraphe 1er est effectuée par le prélèvement, par un médecin, d'un échantillon sanguin, sauf si le prélèvement sanguin s'avère contre-indiqué pour des raisons médicales particulières. Dans ce cas, le procureur du Roi peut demander à l'intéressé de se soumettre d'une autre manière à un prélèvement de matériel cellulaire.

§ 4. Le médecin prélève la quantité de matériel cellulaire nécessaire pour l'analyse visée au paragraphe 1er.

§ 5. Le procureur du Roi peut soumettre du matériel cellulaire prélevé à l'occasion d'une infraction visée au paragraphe 1er à l'analyse visée au même paragraphe.

§ 6. Il est demandé à la personne dont un échantillon de matériel cellulaire est examiné, pour autant que son identité soit connue, ainsi qu'à la victime, si elles souhaitent être informées des résultats de l'analyse.

Art. 44quinquies. § 1er. L'analyse visée à l'article 44quater est effectuée dans un laboratoire désigné par le Roi. L'expert attaché au laboratoire remet dans les plus brefs délais un rapport motivé au procureur du Roi.

Si les personnes visées à l'article 44quater, § 6, l'ont demandé, le procureur du Roi leur communique dans les plus brefs délais le résultat des analyses effectuées.

§ 2. Le procureur du Roi informe le suspect de son droit de faire procéder à une contre-expertise.

Dans les deux semaines de la communication du résultat de l'analyse, le suspect peut demander au procureur du Roi de nommer un autre expert attaché à un laboratoire désigné par le Roi, qui sera chargé d'effectuer cette contre-expertise conformément aux dispositions du paragraphe 1er.

Les frais de la contre-expertise, qui sont limités à un montant fixé par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, sont à charge de la personne qui l'a demandée. Si la contre-expertise ne confirme pas le résultat de la première analyse, le montant avancé par l'intéressé lui est remboursé par l'État.

Art. 44sexies. Si le résultat de l'analyse visée à l'article 44quater, § 1er, est négatif, le procureur du Roi pourra, dans l'intérêt de la victime ou de l'instruction, demander au suspect de se soumettre à un nouveau prélèvement de matériel cellulaire à l'expiration d'une période de trois à six mois.

Art. 44septies. Si le résultat des analyses visées aux articles 44quater à 44sexies est positif, et qu'il s'avère par la suite que la victime est contaminée par la même maladie, le procureur du Roi peut charger le laboratoire désigné conformément à l'article 44quinquies d'analyser le matériel cellulaire conservé afin de déterminer si l'infection a effectivement été transmise. Le laboratoire rédige un rapport motivé sur l'analyse précitée.

Le suspect a le droit de demander une contre-expertise, conformément à l'article 44quinquies, § 2.

Art. 44octies. Sous réserve de l'application de l'article précédent, l'expert détruit le matériel cellulaire prélevé dès qu'il est informé, par le juge d'instruction, soit de l'absence d'une contre-expertise, soit du fait que le résultat de la contre-expertise a été porté à la connaissance de l'intéressé.

Dans le mois suivant la notification visée à l'alinéa 1er, l'expert informe le juge d'instruction de la destruction du matériel cellulaire. »

Art. 3

Dans la sous-section 2 du livre premier, chapitre VI, section II du même Code, il est inséré un § 8 intitulé « De l'examen de la possibilité de transmission d'une maladie contagieuse grave lors de la commission d'une infraction » et contenant les articles 90duodecies à 90sexiesdecies rédigés comme suit :

« Art. 90duodecies. § 1er. En cas d'infraction dans le cadre de laquelle des indices montrent qu'une victime pourrait avoir été contaminée par le virus du sida ou par celui de l'hépatite B ou C, le juge d'instruction ordonne au suspect, d'office ou à la demande de la victime, de se soumettre à un prélèvement de matériel cellulaire en vue d'une analyse ayant pour but de déterminer s'il est porteur d'une des maladies précitées. Le juge d'instruction peut également ordonner que cette analyse soit réalisée sur une personne autre que le suspect si des indices montrent qu'à l'occasion de la commission de l'infraction, la victime aurait pu être contaminée par du matériel cellulaire provenant de cette autre personne.

Le Roi peut, après avoir recueilli l'avis du Conseil supérieur de la santé, compléter par arrêté délibéré en Conseil des ministres la liste des maladies citées à l'alinéa précédent par d'autres maladies contagieuses graves.

§ 2. La victime de l'infraction visée au paragraphe 1er peut demander au juge d'instruction de faire procéder à l'analyse. Le juge d'instruction informe la victime de sa décision motivée dans les plus brefs délais et au plus tard dans les douze heures de la demande.

§ 3. L'analyse visée au paragraphe 1er est effectuée par le prélèvement, par un médecin, d'un échantillon sanguin, sauf si le prélèvement sanguin s'avère contre-indiqué pour des raisons médicales particulières. Dans ce cas, le juge d'instruction peut ordonner à l'intéressé de se soumettre à une autre forme de prélèvement de matériel cellulaire.

Si la mesure doit être exécutée sous la contrainte physique, celle-ci est exercée par des fonctionnaires de police sous l'ordre de l'officier de police judiciaire.

§ 4. Le médecin prélève la quantité de matériel cellulaire nécessaire pour l'analyse visée au paragraphe 1er.

§ 5. Le juge d'instruction peut soumettre le matériel cellulaire découvert sur le lieu d'une infraction visée au paragraphe 1er à l'analyse visée au même paragraphe.

§ 6. Il est demandé à la personne dont un échantillon de matériel cellulaire est examiné, pour autant que son identité soit connue, ainsi qu'à la victime, si elles souhaitent être informées des résultats de l'analyse.

Art. 90terdecies. § 1er. L'analyse visée à l'article 90duodecies est effectuée dans un laboratoire désigné par le Roi. L'expert attaché au laboratoire remet un rapport motivé au juge d'instruction dans les plus brefs délais.

Si les personnes visées à l'article 90duodecies, § 6, en ont fait la demande, le juge d'instruction leur communique le résultat des analyses effectuées dans les plus brefs délais.

§ 2. Le juge d'instruction informe le suspect qu'il a la possibilité de faire réaliser une contre-expertise.

Dans les deux semaines de la communication du résultat de l'analyse, le suspect peut demander au juge d'instruction de nommer un autre expert attaché à un laboratoire désigné par le Roi, qui sera chargé d'effectuer cette contre-expertise conformément aux dispositions du paragraphe 1er.

Les frais de la contre-expertise, qui sont limités au montant fixé par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, sont à charge de la personne qui a demandé la contre-expertise. Si la contre-expertise ne confirme pas le résultat de la première analyse, le montant avancé par l'intéressé lui est remboursé par l'État.

Art. 90quaterdecies. Si le résultat de l'analyse visée à l'article 90duodecies, § 1er, est négatif, le juge d'instruction peut, dans l'intérêt de la victime ou de l'instruction, ordonner au suspect, après une période de trois à six mois, de se soumettre à un nouveau prélèvement de matériel cellulaire.

Art. 90quinquiesdecies. Si le résultat de l'analyse visée aux articles 90duodecies à 90quaterdecies est positif et qu'il s'avère par la suite que la victime a été contaminée par la même maladie, le juge d'instruction peut charger le laboratoire désigné conformément à l'article 90terdecies d'analyser le matériel cellulaire conservé afin de déterminer si l'infection a effectivement été transmise. Le laboratoire rédige un rapport motivé sur l'analyse précitée.

Le suspect a le droit de demander une contre-expertise, conformément à l'article 90terdecies, § 2.

Art. 90sexiesdecies. Sous réserve de l'application de l'article précédent, l'expert détruit le matériel cellulaire prélevé dès que le juge d'instruction l'informe soit de l'absence de contre-expertise, soit de la notification du résultat de la contre-expertise à l'intéressé.

Dans le mois suivant la notification visée à l'alinéa 1er, l'expert informe le juge d'instruction de la destruction du matériel cellulaire. »

28 février 2011.

Sabine DE BETHUNE.
Dirk CLAES.
Christine DEFRAIGNE.
Francis DELPÉRÉE.
Peter VAN ROMPUY.

(1) Pour plus de détails sur cette question, voir P. De Hert, « Gedetineerden en grondrechten vervat in artikel 8 EVRM », in E. Brems e.a. (ed.), Vrijheden en vrijheidsbeneming: mensenrechten van gedetineerden, Antwerpen, Intersentia, 2005, 185-186.

(2) Anvers, 25 mars 1994, Limb. Rechtsl. 1995, 43. Le jugement a quo allait dans le même sens : Corr. Tongres, 23 décembre 1993, Limb. Rechtsl. 1995, 62.

(3) En ce qui concerne l'information, l'on peut également se référer en l'espèce à l'article 28bis, § 3, du Code d'instruction criminelle, qui prescrit que « sauf les exceptions prévues par la loi, les actes d'information ne peuvent [...] comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels. (...) ».

(4) C. Desmet, « Het menselijk lichaam als bewijsmiddel in strafzaken », T. Gez. 2006-2007, 98.

(5) J. Schrover, « Verplichte HIV-test versus het nemo-tenetur-beginsel », Ars Aequi, 2009, 298-305.

(6) CEDH, Funke c. France, 25 février 1993 et J.B. c. Suisse, 3 mai 2001.

(7) CEDH, Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006.

(8) CEDH, Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, §§ 94-95.

(9) CEDH, Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, § 96.

(10) CEDH, Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, § 97.