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M. François Bellot (MR). - Le nombre total de demandes d'asile a augmenté de 22% en un an, puisqu'il est passé de 4 765 à 5 824, et a pratiquement doublé en cinq ans. Il s'élevait à 2 960 au premier trimestre 2006, selon les chiffres dévoilés, le mardi 5 février 2011, par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.
Autre constat particulièrement fort : par rapport à 2010, les demandes d'asile de mineurs d'âge non accompagnés ont triplé lors du premier trimestre 2011, passant de 162 à 483, dont 80% concernent des garçons.
Alors que jusqu'à présent, notre pays enregistrait environ cinquante demandes d'asile mensuelles de MENA depuis deux ans, ce chiffre a donc triplé depuis le début 2011 et a même quadruplé en mars.
Selon le CGRA, ces jeunes viennent principalement de Guinée et d'Afghanistan. Les jeunes Guinéennes quittent leur pays, effrayées par les mutilations génitales et par les mariages forcés. Les garçons proviennent surtout d'Afghanistan, sans doute pour éviter d'être enrôlés dans l'armée.
Pourquoi constate-t-on une telle augmentation de MENA provenant de ces pays alors que les raisons susceptibles d'expliquer leur départ ne sont pas neuves ?
Envisagez-vous, pour ces deux pays, une mission similaire à celle que vous avez menée au Kosovo pour décourager ou ralentir ce type d'immigration ?
Comment les autorités belges gèrent-elles cet arrivage massif de mineurs non accompagnés qui, au vu de leur parcours, doivent être particulièrement fragilisés, tant physiquement que psychologiquement ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - Je vous confirme les chiffres cités, monsieur Bellot.
J'aimerais toutefois exprimer une nuance. Les chiffres que vous citez pour le début de cette année concernent les jeunes qui se déclarent mineurs. Pour les années antérieures, il s'agit de personnes reconnues comme telles.
Comme vous le savez, lorsqu'un jeune revendique la qualité de mineur non accompagné, la justice doit d'abord évaluer si cette personne est effectivement mineure. La désignation d'un tuteur, qui fait suite à l'estimation de l'âge, est antérieure à l'évaluation du dossier par les instances d'asile dans le but de déterminer si ces mineurs non accompagnés doivent ou non bénéficier d'une certaine protection. La nécessaire détermination de l'âge des jeunes entraîne des retards dans le traitement des dossiers.
L'Afghanistan et la Guinée sont, avec le Kosovo, les pays d'origine les plus importants. Cela vaut d'ailleurs, non seulement pour les mineurs, mais également pour les adultes.
Vous me demandez si j'envisage une campagne similaire à celle menée au Kosovo. Reconnaissons tout d'abord qu'une telle tâche est plus difficile à effectuer dans des pays comme l'Afghanistan et la Guinée. Ensuite, les personnes originaires des Balkans émigrent généralement pour des raisons économiques et rarement pour bénéficier d'une protection au sens de la Convention de Genève.
Or les personnes qui viennent d'Afghanistan ou de Guinée se voient, dans une large mesure, accorder le statut de réfugiés. Ils ont donc besoin de protection, qu'ils soient majeurs ou mineurs. Le message à diffuser là-bas est moins clair et nettement moins compréhensible pour la population que celui que l'on doit communiquer au Kosovo ou dans les pays des Balkans.
Actuellement, les mineurs non accompagnés constituent la catégorie la plus importante des demandeurs d'asile logés dans des hôtels. Or nous savons que l'hébergement dans les hôtels a un effet particulièrement néfaste, puisqu'il contribue de manière importante, à rendre notre pays « attractif ». De plus, l'augmentation importante du flux migratoire a occasionné un certain retard dans la coordination des dossiers entre la justice, l'intégration sociale, l'ensemble des services qui sont sous ma responsabilité, ainsi que les instances d'asile.
Je souligne aussi que dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne, nous avions ouvert le débat sur cette problématique des mineurs non accompagnés. En effet, il est important que certains éléments comme la protection - particulièrement de certaines catégories vulnérables de mineurs - ou la détermination de l'âge bénéficient d'une approche la plus harmonisée possible entre les États membres, afin d'éviter que les mineurs ne se dirigent vers les pays où ils ont le plus de chance d'être reconnus comme mineurs ou d'être protégés. Lors de la présidence belge, nous avons donc organisé une conférence sur ce thème dont les conclusions sont désormais suivies au sein de l'Union européenne.
Les trois voies à suivre en la matière sont : un traitement plus rapide des dossiers, une meilleure utilisation des bonnes pratiques européennes et une harmonisation accrue des mesures à prendre en faveur des mineurs non accompagnés.
M. François Bellot (MR). - J'entends bien qu'il existe une différence entre déclarer être mineur ou être reconnu comme mineur. Cependant, un triplement des demandes me paraît tout de même inquiétant.
À mon sens, il faut mener une action qui porte à la fois sur la compréhension des réseaux et sur l'information erronée qui consiste à décrire notre pays comme particulièrement accueillant.
M. le secrétaire d'État nous dit que le débat a été porté au niveau européen. Je voudrais tout de même souligner que la Grèce n'accorde aucune reconnaissance, quelle que soit l'origine du demandeur. Le droit européen est pourtant applicable dans ce pays...
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - C'est d'ailleurs pour cette raison que la Grèce vient d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.
M. François Bellot (MR). - J'ai connaissance de cette condamnation mais il n'en demeure pas moins que les autres pays deviennent des destinations de prédilection.
Manifestement, une information dissuasive doit être diffusée. Tous les pays doivent assumer leur propre charge et leur propre solidarité, mais un triplement des demandes en peu de temps dénote un déséquilibre majeur. N'oublions pas que notre gouvernement est constamment confronté à la recherche de centres d'accueil. Plus nous assurons cet accueil, plus l'information relative à nos capacités d'accueil parvient dans les pays d'origine. À mon sens, l'Europe reste inexistante dans ce domaine.