5-905/1

5-905/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

28 MARS 2011


Proposition de loi complétant l'article 171 du Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d'établir une imposition distincte sur certains revenus professionnels d'artistes

(Déposée par M. François Bellot et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 17 juillet 2008 (doc. Sénat, nº 4-885/1 - 2007/2008).

On connaît les difficultés — voire même l'impossibilité — d'établir un statut unique de l'artiste.

L'écrivain ou le compositeur qui édite ses œuvres à intervalles relativement espacés après avoir pris le temps de la conception, le musicien interprète attaché à un orchestre symphonique, l'artiste de music hall qui se produit de scène en scène, le comédien auquel il est fait appel pour interpréter tel ou tel rôle, le peintre ou le sculpteur qui s'efforce de vendre ses œuvres en ateliers ou d'expositions en expositions, peuvent se voir attribuer la même épithète d'artiste; il est pourtant bien évident que ce vocable, s'il recouvre une même vocation, concerne aussi des activités excessivement diversifiées qui s'exercent dans des conditions pouvant être éloignées l'une de l'autre. Ces situations pratiques différentes, surtout si l'on tient compte du fait qu'elles peuvent être exercées à titre professionnel, à titre d'activité accessoire ou même à titre de simple passe-temps engendrent donc des conséquences sociales et fiscales très diversifiées elles aussi.

Ceci rappelé, il n'empêche que des inéquités ou des inégalités spécifiquement liées à l'activité artistique peuvent être décelées tant sur le plan social que sur le plan fiscal.

Le but de la présente proposition est précisément de corriger, sur le plan fiscal, l'une des ces inéquités qui peuvent frapper certaines catégories d'artistes. Les peintres, les sculpteurs, les écrivains, les créateurs d'œuvres musicales et audiovisuelles, ..., peuvent ainsi entrer dans une catégorie d'artistes susceptibles d'être pénalisés sur le plan fiscal en raison de la manière dont ils exercent leur profession.

Un livre ne s'écrit généralement pas sur un coin de table, lors d'un week-end désoeuvré; une œuvre musicale lyrique ne se conçoit pas davantage dans la rapidité ou la précipitation. Un ouvrage littéraire bien documenté, une composition musicale bien charpentée nécessitent des mois, voire des années de réflexion. Entre le moment où l'écrivain imagine la première ébauche de la trame de son ouvrage et la date de publication de celui-ci; entre le moment où le compositeur conçoit la première note de sa symphonie et le moment où les derniers arrangements musicaux seront achevés, il peut s'être écoulé beaucoup de temps.

Dans d'autres types d'activités artistiques, le problème résulte de la nécessité de produire une quantité relativement importante d'œuvres; les peintres, sculpteurs et autres artistes plasticiens ne peuvent évidemment envisager d'expositions sérieuses que dans la mesure où ils ont du « stock » suffisant pour donner de l'ampleur à leur exposition. Ici encore, le travail qui débouchera finalement sur ladite exposition aura nécessité des mois, voire des années de préparation.

En pratique, cette situation se traduit par une irrégularité des revenus. La période de conception et d'élaboration de l'œuvre avant commercialisation de celle-ci se traduit généralement par des revenus peu élevés. Par contre, si la commercialisation débouche sur le succès, l'exploitation économique de l'œuvre entraînera dans le chef de l'artiste contribuable une importante rentrée de revenus. Bref, l'artiste se trouve confronté au caractère irrégulier de ses revenus et, sur le plan fiscal, s'en trouve pénalisé.

La répartition irrégulière des revenus dans le temps liée au fait que l'imposition sur le revenu est établie selon un système progressif par tranche est manifestement défavorable aux artistes concernés. Ceux-ci paieront en effet toujours plus que le contribuable qui, sur une même période de temps considérée, aurait bénéficié du même revenu total mais réparti d'une manière plus égale dans le temps.

Par ailleurs, le caractère d'annualité de l'impôt fait que celui-ci n'envisage la réalité économique du contribuable que pour la seule année concernée. La législation fiscale ne tient pas compte du fait qu'un revenu important généré au cours d'une période imposable déterminée peut être économiquement parlant le résultat d'un travail à long terme qui s'est étalé sur plusieurs périodes imposables successives.

C'est à cette situation que la présente proposition s'efforce d'apporter remède. Pour ce faire, il n'apparaît pas nécessaire de faire œuvre d'originalité fiscale. Le Code des impôts sur les revenus, tel qu'il se présente actuellement, envisage en effet déjà la possibilité d'établir des impositions distinctes en faisant en sorte que certains revenus imposables soient distraits de la globalité de la masse imposable pour être soumis à un taux d'imposition spécifique. C'est l'article 171 du Code qui organise ces impositions distinctes. C'est donc dans le cadre de cette disposition que la présente proposition de loi entend remédier à l'un des inconvénients fiscaux engendrés par le caractère irrégulier des revenus dont bénéficient certains artistes.

Les principes sur lesquels s'articule la réforme envisagée sont les suivants.

La proposition ne concerne que les revenus des artistes issus d'une activité se situant en dehors de tout contrat de travail.

Si l'artiste possède des ressources professionnelles résultant d'un contrat de travail, alors seuls les revenus issus de ces activités d'indépendants complémentaires bénéficieront de cette taxation distincte.

Le taux d'imposition distinct envisagé est celui de 33 %. Ce taux correspond au taux d'imposition mis en place en 2007 pour les sportifs rémunérés.

L'artiste contribuable doit faire une demande expresse d'application d'imposition distincte auprès de l'administration fiscale. Le système n'est donc pas automatique.

Cette non-automaticité permettra par exemple à l'artiste de ne pas faire appliquer ce régime particulier pour une exposition que l'on pourrait qualifier « d'intermédiaire », à savoir d'ampleur plus réduite et dont le temps de préparation fut moins important, et de profiter de cette taxation distincte pour une exposition plus conséquente ayant nécessité une période de travail plus longue et dès lors des rentrées financières moins importantes et plus irrégulières.

La présente proposition entend encourager l'éclosion de nouveaux talents et non assurer un bénéfice fiscal aux artistes dont la notoriété n'est plus à faire.

L'application de l'imposition distincte ne pourra dès lors être sollicitée par l'artiste contribuable qu'un maximum de deux fois.

François BELLOT
Gérard DEPREZ
Richard MILLER.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 171, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992, dernièrement modifié par la loi du 25 avril 2007, est complété par un j), rédigé comme suit:

« j) les revenus professionnels payés aux artistes peintres et plasticiens, écrivains et aux créateurs d'œuvres musicales et audiovisuelles, en dehors d'un contrat de travail.

L'application de ce taux est subordonnée à la demande expresse du contribuable et peut être sollicité par ce dernier un maximum de deux fois. »

Art. 3

La présente loi est d'application à partir de l'exercice d'imposition 2009.

17 mars 2011.

François BELLOT
Gérard DEPREZ
Richard MILLER.