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M. Jacques Brotchi (MR). - On a pu lire, dans La Libre Belgique de vendredi dernier, que le Conseil supérieur de la santé (CSS) venait de publier un avis sur la problématique du chlore dans les piscines. Ce rapport concluait : « Il n'existe actuellement pas d'indication suffisante pour établir un lien entre l'exposition aux composés chlorés et l'apparition d'asthme, et dès lors déconseiller la natation aux enfants ».
On peut toutefois lire, à la fin du rapport, que « certains experts liés à cet avis ont déclaré avoir des intérêts susceptibles d'amener une mise en doute de leur indépendance ». Je m'interroge dès lors sur la valeur de cet avis qui vous a été rendu, madame la ministre.
Une étude réalisée par l'unité de toxicologie industrielle et de médecine du travail de l'UCL nous apprend que le risque de développer de l'asthme serait huit fois plus élevé chez les bébés nageurs, que le risque de développer une bronchiolite serait quatre fois plus élevé, que l'exposition au chlore présent dans les piscines en serait responsable, que le chlore attaquerait la barrière protectrice des poumons et que ces derniers ne sont en effet pas totalement développés avant l'âge de six ans. Cette activité ne serait donc pas sans risques pour les tout-petits.
Des techniques alternatives permettent d'assurer la désinfection. Le chlore est en effet utilisé pour des raisons sanitaires, afin d'éviter la propagation de maladies. Le cuivre-argent ou l'ozone peuvent constituer des produits de substitution. Une autre solution consisterait à s'assurer que l'air soit renouvelé six à huit fois par heure dans les piscines au chlore mais cela demande une certaine organisation et un investissement considérable.
Dans son rapport, le CSS considère que la natation comporte plus d'avantages que d'inconvénients et dès lors ne voit pas de raison de déconseiller la natation aux enfants. Toutefois, la question spécifique des bébés nageurs n'a pas été évoquée. Vous ne l'avez d'ailleurs pas posée.
Que pensez-vous de l'avis du Conseil supérieur de la santé ? Ses statuts prévoient qu'il doit émettre des avis impartiaux et indépendants. De plus, ils contiennent vingt-sept pages consacrées à une procédure de gestion des conflits d'intérêts potentiels. Ce Conseil fonctionne d'ailleurs bien. Il faut toutefois regretter qu'un rapport relayé par la presse sème le trouble dans la population et soulève des questions quant à l'impartialité et à l'indépendance du CSS. Que comptez-vous faire pour que tout ceci ne se reproduise pas ?
Ne conviendrait-il pas d'interroger le CSS sur la question spécifique des bébés nageurs ? Ne faudrait-il pas réglementer la pratique des bébés nageurs dans les piscines au chlore, sensibiliser davantage les parents voire interdire l'accès des bébés nageurs aux piscines au chlore en vertu du principe de précaution ? Sur cette question, il faut travailler avec les Communautés.
Enfin, ne serait-il pas opportun d'aborder ce point lors de la conférence interministérielle ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Vous avez soulevé plusieurs problèmes, en commençant par celui, important et délicat, de l'indépendance des experts du Conseil supérieur de la santé (CSS). Vous avez probablement lu les conclusions du CSS dans l'avis qu'il a rendu sur ce sujet ; permettez-moi de le reprendre in extenso : « Nous tenons à indiquer que certains experts liés à cet avis ont déclaré avoir des intérêts susceptibles d'amener une mise en doute de leur indépendance. Selon la procédure prévue dans cette matière, ces intérêts ont été évalués et considérés comme pouvant entraîner un risque de conflit d'intérêts. Néanmoins, compte tenu de l'expertise disponible en Belgique et des délais à respecter, il a été jugé que leur participation à l'élaboration de l'avis était nécessaire. Le Collège, organe décisionnel final du CSS, a été dûment informé de cette situation et a porté une attention particulière à cette problématique. »
J'aurais trouvé plus inquiétant qu'une telle déclaration n'y figure pas. Il me semble néanmoins que le CSS aurait pu être plus explicite sur la nature de ce conflit d'intérêts.
J'ai demandé au CSS toutes les informations utiles. Il apparaît que ce conflit d'intérêts concernait un professeur, ne figurant d'ailleurs pas dans la majorité du CSS qui a rendu l'avis ; il a été le co-organisateur et le co-président d'un forum international qui s'est tenu du 21 au 23 août 2007 à Louvain. L'initiative de ce forum venait de l'organisation européenne des producteurs de chlore Euro Chlor et le coût de ce forum a été pris en charge par la Research Foundation for Health and Environmental Effects avec le soutien du World Chlorine Council and participating organizations et la National Swimming Pool Foundation. Le professeur n'a pas reçu d'honoraires personnels, mais l'Unité de recherche de toxicologie pulmonaire, dont il est le chef, a reçu une indemnité de 5 000 euros. Le programme et le choix des orateurs et des participants ont été déterminés sans ingérence des sponsors. La publication scientifique de ce forum est parue dans une revue internationale révisée par d'autres experts scientifiques en la matière.
Le professeur a informé le Collège de la présence d'un éventuel conflit d'intérêts le concernant, ce qui me semble très correct. Après avoir analysé la question, le Collège s'est porté garant de l'impartialité de l'avis, lequel est le résultat du travail collectif de cinq experts.
Vous évoquez - du moins dans la version écrite de votre question - une éventuelle prolongation du délai qui aurait pu éviter cette situation. Je pense que le CSS a disposé d'un délai suffisant puisque ma demande d'avis lui a été envoyée le 7 octobre 2009 ; j'ai d'ailleurs dû lui adresser des rappels, à la suite des questions à la Chambre.
Par ailleurs, en décembre 2010, le CSS a renforcé et formalisé ses procédures en matière de conflits d'intérêts. Vous êtes personnellement au courant de cette nouvelle procédure et vous savez donc que la règle générale précise qu'un expert en conflit d'intérêts ne participe ni au débat, ni à l'élaboration de l'avis, et que vu la taille de notre pays, le nombre d'experts disponibles et le caractère très spécifique de certaines matières, différentes procédures particulières sont prévues afin de garantir l'impartialité tout en permettant de disposer d'une expertise de qualité.
Dès lors que la procédure visant à assurer l'impartialité des avis a été renforcée, il n'est pas nécessaire de revoir la composition du Conseil supérieur pour l'instant. Pour rappel, ce Conseil compte 200 experts scientifiques, nommés par un arrêté du 21 mars 2008. En outre, ces experts sont assistés par des experts supplémentaires invités en fonction des avis à rendre.
Pour conclure sur ce volet spécifique, vous me permettrez de reprendre les propos du Professeur Van Laethem sur l'indépendance des experts et sur le vaccin pandémique, repris dans Le Soir du 23 novembre dernier :
« (...) je ne fais pas mystère de ces missions de consultance, puisque je les publie lors de mes interventions. II faut clairement expliquer de quoi il s'agit : comme expert en virologie, je suis consulté par les firmes qui développent des vaccins afin de donner un avis sur l'utilité ou la qualité d'un composant. De même, il est courant que des essais cliniques soient pratiqués dans mon hôpital et il est normal que les firmes nous rémunèrent pour ce service rendu. (...) Et si, en tant que virologue, je reste à l'écart de l'innovation vaccinologique, mon expertise ne vaudra plus grand-chose. (...) Mais il y a une différence entre être rémunéré ponctuellement pour une mission précise et être employé par une firme. Il faut mieux déclarer clairement ce type de lien et tenter d'en faire abstraction le plus possible, avec honnêteté, quand on rend par ailleurs un avis à la puissance publique. Je pense sincèrement qu'il est extrêmement difficile de trouver des experts qui n'aient absolument aucun lien avec l'industrie. Celui-ci doit être pesé et on doit évaluer s'il affecte le jugement. »
En tant que scientifique vous-même, professeur Brotchi, spécialisé et expert renommé dans un domaine très pointu comme la neurochirurgie, vous connaissez sans doute mieux que quiconque la problématique des conflits d'intérêts, vécue par de nombreux experts.
Pour en revenir à l'utilisation de chlore dans les piscines, le Conseil a conclu qu'une relation entre la fréquentation d'une piscine et l'asthme chez l'enfant n'est pas confirmée, mais qu'elle ne peut pas être exclue non plus.
Le rapport conclut par ailleurs qu'il faut également prendre en considération le bénéfice que constitue l'effort physique d'une séance de natation, et constate une meilleure tolérance à la natation des personnes asthmatiques par rapport à d'autres sports.
Le Conseil supérieur de la santé recommande également la réalisation d'études complémentaires. En effet, à ce jour, aucune étude n'a corroboré les résultats de l'étude du professeur Bernard qui établissent le lien de causalité entre l'utilisation du chlore dans les piscines et les risques respiratoires pour les enfants. Des études longitudinales, expérimentales et une étude comparative sur la concentration en chlore dans les piscines des pays voisins doivent être réalisées sur la base des recommandations de l'OMS.
C'est pourquoi, par respect du principe de précaution, j'ai pris différentes mesures suite à la publication de cet avis.
Il me semblait tout d'abord indispensable de faire parvenir cet avis à mes collègues communautaires et régionaux concernés : les ministres de l'Environnement, de l'Enseignement, du Sport et de la Santé. Je suis bien évidemment disposée, s'ils le souhaitent, à échanger nos réflexions sur cette problématique.
J'ai également demandé aux services de la DG5 Environnement du SPF Santé publique de réaliser l'étude comparative préconisée par le Conseil supérieur de la santé sur la concentration en chlore dans les piscines des pays voisins.
Enfin, j'ai demandé au Conseil de me fournir de plus amples informations sur sa recommandation relative aux études complémentaires à réaliser. Sur la base de ces précisions, nous pourrons entamer les discussions avec les autorités fédérales en charge de la politique scientifique pour la réalisation de ces études.
II n'existe pas de réglementation spécifique concernant les cours pour bébés nageurs, cette activité pouvant avoir lieu dans des piscines tant publiques que privées. Si une éventuelle initiative devait être prise, elle serait du ressort des communautés qui, pour rappel, disposent de l'avis du Conseil.
Je suis bien entendu disposée à inscrire ce point à l'ordre du jour d'une prochaine conférence interministérielle Santé.
M. Jacques Brotchi (MR). - Je remercie la ministre de sa réponse détaillée et précise.
Pour la question du conflit d'intérêts, la transparence me paraît bien entendu indispensable, de même que la communication. On a quand même jeté le trouble dans les esprits alors que, je suis d'accord avec vous, madame la ministre, tous les médecins experts ont une mission de consultance pour rester au courant, sans quoi ils perdent leur expertise.
Je vous remercie aussi de votre réponse concernant le chlore. Des décisions qui vont dans le sens que je souhaite sont annoncées, et je me réjouis de voir cette évolution. Un certain nombre de volets relevant des communautés, je crois que c'est ensemble que vous devez avancer.
De voorzitter. - Ik herinner eraan dat elke senator over drie minuten beschikt om zijn vraag te stellen. De spreektijd voor het antwoord bedraagt eveneens drie minuten. De senator heeft dan nog recht op een repliek van een minuut. Het Bureau heeft me gevraagd die spreektijden te doen naleven.
Laten we ons dus houden aan drie minuten voor de vraag en drie minuten voor het antwoord en één minuut voor de reactie.