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M. François Bellot (MR). - La loi du 31 mai 2005 modifiant la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnisation en cas de détention préventive inopérante, modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et modifiant certaines dispositions du Code d'instruction criminelle a limité la compétence du procureur du Roi dans le cadre des mandats d'arrêt.
En effet, avant l'adoption de cette loi, lorsque la chambre du conseil décidait, dans les cinq jours de la délivrance par le juge d'instruction du mandat d'arrêt, de maintenir l'inculpé en détention préventive et que, dans la suite de son instruction, le juge d'instruction décidait de lever ce mandat d'arrêt, le procureur du Roi disposait de la possibilité de faire opposition de cette décision devant la chambre du conseil.
Cette modification de 2005 a été justifiée dans l'optique de « renforcer l'autorité et l'indépendance du juge d'instruction ». Et d'ajouter que « le juge d'instruction, qui dirige l'instruction, est le mieux placé pour juger de la nécessité de maintenir la détention préventive ».
Il me revient que certains procureurs souhaiteraient revenir à la situation antérieure et donc retrouver la possibilité de faire opposition d'une décision du juge d'instruction de donner mainlevée du mandat d'arrêt, bien entendu devant la chambre du conseil. C'est donc une forme d'appel d'une décision prise par une personne.
Monsieur le ministre, sans mettre en doute que le juge d'instruction effectue son instruction à charge et à décharge, ne serait-il pas préférable de laisser le procureur du Roi réaliser sa mission qui a une tout autre optique, à savoir défendre les intérêts de la société ? Ne serait-il pas judicieux de conserver deux vues différentes sur des dossiers assez graves puisqu'ils ont conduit à des mandats d'arrêt ?
Par ailleurs, pouvez-vous m'indiquer la fréquence avec laquelle les procureurs du Roi exerçaient ce recours ainsi que la tendance générale de la suite - maintien ou non en détention préventive - donnée à ce recours par la chambre du conseil ?
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - Ce débat est renforcé par celui sur l'arrêt Salduz. L'intervention des avocats devant le juge d'instruction...
M. François Bellot (MR). - Permettez-moi de me référer, sans citer de noms, à l'exemple concret d'une situation assez grave vécue dans ma commune. Les faits ont été traités le 31 décembre 2010. Le juge d'instruction a libéré la personne qui, par la suite, a commis des faits très graves. Le procureur du Roi avait prévenu qu'il était problématique de la laisser en liberté. Comme il n'y a plus de possibilité de recours et d'appel devant la chambre du conseil, ce qui devait arriver arriva. C'est à partir de là que plusieurs bourgmestres ont interpellé leur procureur du Roi.
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - Le débat n'est pas clos. Quoi qu'il en soit, voici ma réponse à votre demande d'explications.
La loi du 31 mai 2005 a en effet modifié considérablement la détention préventive. Ainsi, le juge d'instruction peut également lever l'ordre d'arrestation au cours d'une enquête judiciaire par une ordonnance motivée qu'il communique immédiatement au procureur du Roi, sans qu'il y ait une quelconque voie de recours contre cette décision.
Comme vous l'avez indiqué à juste titre dans votre question, cela pose la problématique, d'une part, de la prise en considération de la sécurité des citoyens et de la société, dont le ministère public assume la responsabilité et, d'autre part, de la prise en considération des droits individuels et libertés par le juge d'instruction.
Il me semble qu'il serait approprié que le ministère public dispose quand même d'une voie de recours pour soulager uniquement les affaires où le prévenu serait libéré tout à fait à tort et pour apporter une correction aux considérations du juge d'instruction qui perdrait de vue le danger que peut représenter une telle libération pour la société.
En 2005, un certain choix politique a été fait. Vous avez la liberté d'introduire une proposition de loi en la matière et de trouver une majorité. Le débat existe et il est renforcé par celui sur l'arrêt Salduz qui se déroulera, demain, en séance plénière du Sénat. Ce qui complique les choses, c'est que l'avocat aura la possibilité de faire ses remarques devant le juge d'instruction mais que le ministère public n'a pas les mêmes armes.
Le Collège de procureurs généraux a déjà repris cette problématique à répétition dans les rapports d'évaluation de la loi. Il indique que des prévenus sont parfois remis en liberté par le juge d'instruction sur ordonnance de la Chambre du conseil et ce, avant que l'appel par le ministère public ou par le prévenu ne soit traité par la Chambre de mise en accusation. Une telle méthode prive la Chambre de mise en accusation de la possibilité de traiter l'appel à fond. Ils sont d'avis qu'il faudrait au moins ne pas donner cette compétence au juge d'instruction durant le délai d'appel, alors que le jugement d'appel doit encore être prononcé.
Le Collège renvoie également à la problématique de la protection du juge d'instruction lui-même.
À une époque où la criminalité est de plus en plus audacieuse et où la violence connaît une réelle escalade, il n'est pas du tout impensable que les juges d'instruction qui sont saisis par de tels faits soient mis sous pression, voire menacés, s'ils n'ordonnent pas la mise en liberté.
Ici également, une voie de recours pour le ministère public permettrait qu'une autre juridiction se penche à nouveau sur les conditions de détention préventive.
Ce débat est en cours au sein du ministère public.
M. François Bellot (MR). - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Ce qui s'est passé correspond exactement à la situation que vous venez d'évoquer.