5-35COM

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Commission des Finances et des Affaires économiques

Annales

MERCREDI 9 FÉVRIER 2011 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Fabienne Winckel au ministre du Climat et de l'Énergie sur «l'évolution du marché des quotas de carbone» (nº 5-458)

Mme Fabienne Winckel (PS). - Ma demande d'explications s'inscrit à la suite de celle que ma collègue, Mme Arena, vous a adressée en décembre dernier. Cette question résulte d'un rapport que la Commission européenne a publié le 19 janvier 2011, sur la stratégie thématique pour la prévention et le recyclage des déchets.

La notion d'abus de marché dans le cadre des droits à polluer, au sens strict de la directive SEQE, concerne les opérations d'initiés et les manipulations du marché.

Des incidents n'entrant pas dans cette catégorie sont survenus en 2009 et 2010 sur le marché européen du carbone. Même si ces incidents ne constituent pas des abus de marché au sens de la directive, ils ont tout de même suscité une réflexion en faveur d'une régulation plus stricte du marché européen du carbone.

Des cas de fraudes à la TVA ont été détectés sur le marché du carbone. La Commission a donc, par la suite, travaillé en étroite collaboration avec les États membres pour lutter contre ce problème et une nouvelle directive concernant l'application du mécanisme d'autoliquidation sur les échanges de quotas d'émission est entrée en vigueur en avril 2010.

Une autre forme de fraude appelée « hameçonnage », pratique qui consiste à essayer d'accéder sans autorisation aux comptes d'intervenants sur le marché, a également poussé la Commission à adopter rapidement des mesures en coopération avec les États membres.

En effet, début 2010, le marché européen des droits à polluer a essuyé une cyberattaque de pirates qui ont volé des droits de polluer pour les revendre immédiatement. Dans ce cas, l'entreprise volée et l'entreprise acheteuse sont toutes deux lésées.

Parmi les pays touchés par cette attaque figurent l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne, la Belgique, le Danemark, l'Italie ou encore la Grèce.

À la suite à cette attaque, les registres carbones dans treize États membres ont été suspendus, sans que l'ensemble des échanges aient été stoppés.

Afin de lutter contre un blanchiment de capitaux, un financement du terrorisme ou toute autre activité criminelle, les plates-formes d'enchères ont également l'obligation d'avertir les autorités de surveillance si elles décèlent ou soupçonnent un abus de marché.

Actuellement, la négociation au comptant des quotas d'émission n'est pas régulée au niveau de l'Union européenne. Quelques États membres ont cependant décidé individuellement d'étendre les règles de la négociation d'instruments financiers aux quotas d'émission échangés sur des marchés au comptant relevant de leur juridiction. Par exemple, l'Allemagne applique les règles des marchés réglementés aux échanges de produits de base et de droits d'émission qui ont lieu sur une place boursière. La France a adopté une législation envisageant de soumettre le marché au comptant du carbone aux règles actuelles relatives aux marchés réglementés.

Enfin, les quotas d'émission peuvent aussi être achetés aux enchères dans certains États membres. Cette procédure est encore peu utilisée, mais devrait devenir le principal mode d'allocation des quotas du SEQE dès 2013. La mise aux enchères devrait être introduite progressivement, l'objectif étant qu'elle devienne l'unique mode d'allocation à partir de 2027.

Monsieur le ministre, les fraudes à la TVA et le hameçonnage ne devraient-ils pas être ajoutés à la liste des abus de marché de la directive ?

Quelles dispositions la Belgique a-t-elle prises en coopération avec l'Union européenne à la suite du hameçonnage détecté en 2010 ?

Les autorités de surveillance belges ont-elles été alertées en 2010 par les plates-formes d'enchères, pour cause de suspicion de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de toute autre activité criminelle dans le chef d'un des acteurs du marché ?

La généralisation des enchères ne risque-t-elle pas d'inciter les acteurs du marché à s'entendre et à fausser ainsi les prix ? Certains acteurs, les petits émetteurs et les PME, ne seront-ils pas fragilisés par ce mécanisme ?

Les services de surveillance nationaux se communiquent-ils les informations concernant les acteurs frauduleux détectés ?

Un système d'alerte immédiate et généralisé à tous les acteurs du marché carbone - entreprises, acteurs financiers, service de surveillances des États membres - existe-t-il pour signaler les codes de traçabilité de titres carbone volés ?

M. Paul Magnette, ministre du Climat et de l'Énergie. - La fraude à la TVA sur les quotas d'émission n'est plus possible en Belgique depuis le 18 janvier 2010, date de la publication d'un arrêté royal en vertu duquel l'obligation de remboursement de la TVA incombe à l'acheteur plutôt qu'au vendeur. Cette mesure devrait être rendue obligatoire au niveau européen pour exclure toute fraude à la TVA sur les quotas d'émission en Europe.

La Belgique a pris toute une série de mesures pour combattre le hameçonnage. L'administrateur du registre a fourni de nouveaux mots de passe à tous les utilisateurs immédiatement après un vol commis en janvier 2010. À la même période, la Belgique a fait adapter le règlement européen sur le registre afin que les données des utilisateurs ne se retrouvent plus sur internet. En 2010 toujours, un consultant indépendant a réalisé un audit sur la sécurité du registre belge. Nous avons aussitôt activé les mesures correctrices préconisées. L'accès au registre est sécurisé au moyen de la carte d'identité électronique belge depuis le mois de novembre 2010. Pour les acheteurs étrangers, une procédure du double contrôle a été définie. Le risque de vol de mots de passe est donc devenu minime en Belgique.

La Commission européenne demande que chaque autorité nationale fasse procéder à de nouveaux tests indépendants. Nous l'avons fait et sommes en train de le faire à nouveau.

D'autres actions contre les activités criminelles ont été entreprises en collaboration avec la cellule antifraude et l'inspection spéciale des impôts du ministère des Finances via la modification de l'arrêté royal relatif à la gestion du registre.

Le règlement européen pour la mise aux enchères des quotas d'émission prévoit suffisamment de mécanismes pour contrer les abus et les manipulations des prix et pour garantir l'accès aux petits acheteurs. Les ventes aux enchères, par exemple, se tiendront dans un marché régulé avec une offre fermée et un mécanisme des prix uniforme, où l'identité de l'enchérisseur ou de son client sera connue. Par ailleurs, une instance européenne de surveillance des enchères contrôlera le système en collaboration avec l'autorité nationale.

Les registres des différents pays, dont la Belgique, échangent des informations de leur propre initiative et collaborent étroitement avec les tribunaux et les services de police. Grâce à leurs registres centraux, les autorités nationales ont en effet une vue sur toutes les transactions internationales et sur les quotas d'émission.

Je suis pleinement confiant dans le fait que le registre belge sera prochainement reconnecté. J'entends au demeurant confirmer que les récentes attaques ne concernaient pas le registre belge, contrairement aux rumeurs qui ont circulé.

De façon plus structurelle, je suis demandeur d'un renforcement de la collaboration entre les autorités nationales et la Commission européenne.

Mme Fabienne Winckel (PS). - Je remercie le ministre. Je suis rassurée par ses réponses, d'autant qu'il a pris les mesures qui s'imposaient pour lutter contre la fraude et l'hameçonnage.

(La séance est levée à 15 h 30.)