5-31COM

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Commission des Affaires sociales

Annales

MARDI 8 FÉVRIER 2011 - SÉANCE DU MATIN

(Suite)

Demande d'explications de Mme Dominique Tilmans à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «l'organisation de la garde médicale en province de Luxembourg et dans l'arrondissement de Dinant» (nº 5-403)

Mme Dominique Tilmans (MR). - Les problèmes de garde médicale se posent partout en Belgique, mais mes questions concernent le sud du pays. Des médecins généralistes de la province de Luxembourg et de l'arrondissement de Dinant ont tenu, le 15 janvier dernier, un fort intéressant colloque portant sur l'organisation de la garde. Ils ont fait appel au professeur Brijs, qui a réalisé un audit et qui a établi des projections et émis plusieurs hypothèses.

Ce rapport tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme et annonce des chiffres inquiétants. Comme vous le savez, la pénurie de médecins généralistes pose gravement problème. Partant du principe d'une garde jusqu'à l'âge de 65 ans - mais nous savons que la plupart des médecins généralistes ne travaillent plus jusque-là - il ressort que d'ici à 2020, la province de Luxembourg et l'arrondissement de Dinant auront perdu 30 à 40% des actifs actuels, selon les zones. Or, le nombre de patients par médecin généraliste aura, quant à lui, augmenté de 67% !

Plusieurs solutions sont envisagées pour remédier à la pénurie de médecins généralistes. Le gommage des frontières des zones de garde et la création de sept postes de garde permettant de travailler à l'échelle de la province de Luxembourg, en englobant l'arrondissement de Dinant, semblent être la solution la plus adéquate. Elle permettrait de limiter l'intervalle d'intervention du médecin généraliste, mais j'attire votre attention sur le fait que cet intervalle varie de 12 à 29 minutes - à savoir une demi-heure pour l'aller, mais aussi une demi-heure pour le retour, plus le temps de prestation, ce qui pourrait représenter une heure et demie au total.

J'aimerais vous poser plusieurs questions, madame la ministre.

Tout d'abord, la suppression des frontières des zones de garde est-elle envisageable afin de mieux répondre à la réalité de terrain en province de Luxembourg et dans l'arrondissement de Dinant ?

Ensuite, peut-on envisager une expérience pilote de suppression des frontières de garde médicale sur les deux territoires ?

Enfin, serait-il possible de prévoir des budgets pour le lancement d'une expérience pilote, à savoir la création de six postes de garde - il y en a déjà un à Bastogne -, sachant que l'accord médico-mutualiste a libéré cette année neuf millions d'euros pour l'investissement de nouveaux projets ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Nous avons si souvent abordé ce problème ! Vous connaissez toutes les mesures que j'ai prises pour tenter de diminuer la pénurie des médecins généralistes. Je les évoquais encore toute à l'heure dans ma réponse à d'autres intervenants. Dans certaines zones rurales et particulièrement dans la province du Luxembourg et dans l'arrondissement de Dinant, le problème est considérable.

Par le biais des fonds Impulseo, nous mettons tout en oeuvre pour tenter d'attirer les médecins dans ces régions - moyens financiers, aides administratives, logements, prêts sans intérêts - mais ils ne viennent pas. Dans ces conditions, on imagine bien la difficulté d'organiser les gardes puisque cet exercice est déjà difficile dans les régions sans pénurie de médecins. Je comprends véritablement l'ampleur du problème.

Cela dit, la situation de vieillissement de la population médicale n'est pas spécifique à la province du Luxembourg, puisque le cadastre des généralistes montrait, déjà en 2009, que 30% des généralistes belges étaient âgés de 55 ans. C'est d'ailleurs pour cela que je ne suis pas favorable au numerus clausus. Je sais que la question est polémique mais nous sommes et serons plus encore à l'avenir en manque constant de médecins. Ce métier sera de plus en plus frappé de pénurie ; il nécessite une planification. Nous avions assoupli quelque peu les dispositions sous la précédente législature mais c'est toujours insuffisant. C'est d'autant plus dommageable dans des régions comme la vôtre, madame Tilmans.

Je ne rappellerai pas toutes les mesures que j'ai prises. Je vous renvoie aux réponses que j'ai déjà données à cet égard.

En ce qui concerne les gardes, la solution la plus souvent prônée par les acteurs de terrain est la collaboration entre différents cercles, la mise en place de postes de garde et d'un dispatching central.

J'ai lancé le projet pilote 1733 qui semble prometteur. Il fonctionne actuellement dans le Hainaut et à Bruges et sera élargi à la province du Luxembourg. En pratique, la personne qui appelle se trouve en communication avec le service 100 et son personnel formé spécifiquement à cette tâche. Ces agents peuvent dire rapidement si le patient a besoin d'une ambulance - auquel cas on évite d'appeler le généraliste -, s'il peut attendre le lendemain, moyennant quelques conseils, etc. Cela donne de bons résultats dans les zones qui en bénéficient. J'espère que cela apportera aussi une amélioration en province du Luxembourg.

Le système des postes de garde avancés est également intéressant. Il permet de diminuer significativement le nombre de visites à domicile. Pour les nouveaux postes, le budget a été porté, en deux ans, de 1,2 million à 2,1 millions, afin de rencontrer l'ensemble des demandes de terrain.

Vous l'avez souligné, l'accord médico-mutualiste a libéré neuf millions d'euros pour financer de nouveaux projets. Le financement de ceux-ci se fera en fonction des caractéristiques de terrain, notamment de la population médicale générale et des difficultés liées aux pénuries.

Une autre solution réside dans la collaboration ou la fusion de cercles de médecins généralistes situés dans des zones contiguës, ce qui permet d'organiser les gardes en commun. Les demandes en ce sens peuvent être introduites auprès de mon administration, pour en étudier les modalités pratiques, notamment le soutien financier.

Mme Dominique Tilmans (MR). - Nous sommes tous conscients que la garde est vraiment le problème majeur. Vous avez certes déjà pris de nombreuses mesures pour améliorer cette garde mais nous voyons bien qu'il reste beaucoup à faire et que les mesures financières ne sont pas tout. Ce qui pèse surtout aux médecins généralistes, c'est la multiplication des gardes.

Quant aux postes de garde avancés, il est proposé d'en instaurer sept. Il en existe déjà un à Bastogne. Vous avez parlé de la fusion des cercles alors que je proposais de supprimer la frontière entre zones de garde.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Cela revient au même. Ce sont les cercles qui organisent les gardes et si l'on regroupe deux cercles ensemble, par exemple, le territoire couvert par la garde sera automatiquement plus grand. Avec bien sûr les difficultés qui sont inhérentes à un territoire plus étendu. Le médecin de garde pourra être amené à parcourir une très longue distance pour se rendre chez le patient, surtout dans une région comme le Luxembourg.

Mme Dominique Tilmans (MR). - Effectivement, le déplacement pourrait prendre jusqu'à trente minutes par trajet. L'intervention du médecin de garde pourrait donc le rendre indisponible pendant près d'une heure trente. Dans les zones éloignées d'un poste de garde ou d'un hôpital, les personnes qui feront un infarctus pourraient avoir de moindres chances de s'en sortir.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Ces personnes peuvent aussi s'adresser à l'aide médicale urgente. Dans ce genre de cas, on peut faire appel à un hélicoptère, par exemple.

Mme Dominique Tilmans (MR). - Soit, mais à Corbion par exemple, un village situé à 25 minutes de Libramont, s'il n'y a plus de généraliste sur place pour pratiquer un massage cardiaque, les conséquences risquent d'être graves.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - La solution serait peut-être d'élargir les quotas uniquement aux médecins prêts à s'installer dans ces régions. Mais cela nécessite des concertations qui ne sont pas possibles en affaires courantes.

Mme Dominique Tilmans (MR). - Imaginez-vous possible de soutenir une expérience pilote, avec sept postes de garde dans la province de Luxembourg ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Oui, mais il faut voir les dossiers.