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26 JANVIER 2011
La présente proposition de révision de la Constitution reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 18 juillet 2007 (doc. Sénat, nº 4-81/1 - SE 2007).
Lors de la réforme de l'État de 1993, l'autonomie constitutive a été accordée à la Communauté flamande, à la Région wallonne et à la Communauté française. La majorité de l'époque n'a par contre pas jugé utile d'accorder également ce pouvoir d'auto-organisation à la Communauté germanophone.
Cette décision est assez incompréhensible, comme en témoignent les réactions d'une série de professeurs de droit public. À titre d'exemple, on peut citer Marc Uyttendaele qui écrit à ce sujet: « L'autonomie constitutive sur le plan institutionnel consacre l'abandon de la logique d'uniformité institutionnelle qui avait trouvé à s'appliquer depuis 1970. Respecte-t-elle le principe d'égalité ? Il est permis d'en douter... On n'aperçoit pas les raisons pour lesquelles elle [la Communauté germanophone] est privée d'un droit à l'auto-organisation. »
Karel Rimanque abonde dans le même sens:
« De omstandigheid dat zij [de Duitstalige Gemeenschap] kleiner is qua bevolking en territoriale bevoegdheidssfeer dan de andere gemeenschappen kan op zich deze ongelijke behandeling niet verantwoorden. Aan een gemeenschap waaraan wel uitgebreide verdragsbevoegdheid werd toegekend, de door de bijzondere wet omschreven bescheiden institutionele autonomie onthouden, is o.i. niet bijzonder consistent. Wanneer de algemene, zij het relatieve criteria voor de toepassing van het gelijkheidsbeginsel op dit onderscheid worden toegepast, kan men moeilijk tot een andere conclusie komen, dan de vaststelling dat een redelijke verantwoording niet kan worden aangetoond. »
Dans de nombreuses prises de position qui ont d'ailleurs été toutes adoptées à l'unanimité, le Parlement de la Communauté germanophone s'est rallié à ce point de vue estimant que le refus d'accorder ce pouvoir d'auto-organisation constitue un traitement inégal, injustifiable et peu conforme à la structure fédérale de l'État, telle quelle est consacrée par la Constitution (cf. par exemple la note du 26 octobre 1998 et la résolution du 17 février 2003).
Il faut en outre attirer l'attention sur le fait que la Communauté germanophone ne dispose pas des mêmes possibilités que les autres communautés pour influer le cours des choses au niveau fédéral. Sur le plan politique, cette situation découle tout naturellement de la taille réduite de la Communauté germanophone et du poids politique limité que cela implique. Il est en conséquence d'autant plus regrettable que, sur le plan institutionnel, la Communauté germanophone ne soit représentée au Parlement fédéral de manière garantie que par le seul sénateur que le Parlement élit en son sein. Étant de ce fait d'une certaine manière isolé, celui-ci éprouvera sans doute des difficultés pour mettre en marche le processus législatif indispensable pour apporter des changements relatifs à l'organisation des organes de la Communauté germanophone.
Si on estime par exemple du côté de la Communauté germanophone qu'un changement en matière de composition ou de fonctionnement de ses organes devrait intervenir, elle risque d'être doublement pénalisée quant à la réalisation de ce projet. D'abord parce que son Conseil ne dispose pas de l'autonomie constitutive qui lui permettrait d'agir de manière autonome et libre; ensuite parce que les moyens de persuader le pouvoir fédéral du bien-fondé du changement souhaité sont limités.
Enfin, il ne faut pas négliger les effets néfastes que le maintien du refus d'accorder l'autonomie constitutive pourrait engendrer. En effet, le fait de ne pas attribuer ce pouvoir pourrait facilement être perçu comme signe de méfiance à l'égard d'une minorité et de ses organes qui, depuis maintenant trente ans, ont prouvé qu'ils exercent de manière raisonnable et modérée l'autonomie accordée.
Il est donc judicieux de mettre fin à cette situation injustifiable.
Le 10 avril 2003, les Chambres avaient déjà déclaré ouvert à révision les articles 118, § 2, et 123, § 2, de la Constitution, permettant ainsi la mise en uvre de l'accord sur le renouveau politique du 26 avril 2002 où la majorité avait pris l'engagement de mettre fin à cette carence institutionnelle.
La présente proposition concrétise donc cette volonté.
La Constitution a chargé le législateur ordinaire de déterminer l'élection, la composition et le fonctionnement du Parlement de la Communauté germanophone (cf. les articles 115, § 1er, alinéa 2, et 118, § 1er, de la Constitution ainsi que la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone qui a été prise en exécution de ces dispositions). La Constitution en a fait de même pour ce qui concerne la composition et le fonctionnement du gouvernement de la Communauté germanophone (cf. les articles 121, § 1er, alinéa 2, et 123, § 1er, de la Constitution ainsi que la loi du 31 décembre 1983 précitée).
Il est dès lors tout à fait cohérent et logique que c'est au législateur ordinaire qu'il revient de désigner les matières relatives à l'élection, à la composition et au fonctionnement du Parlement, d'une part, et relatives à la composition et au fonctionnement du gouvernement, d'autre part, qui pourront être réglées par le Parlement en vertu de l'autonomie constitutive.
Pour assurer le parallélisme avec ce qui est prévu pour les autres entités fédérées, on pourra, après modification de la Constitution, introduire une disposition dans la loi du 31 décembre 1983 précitée qui fait référence aux dispositions de la loi spéciale réglant l'autonomie constitutive.
Par ailleurs, l'exigence d'une majorité renforcée pour pouvoir adopter des décrets en exécution de l'autonomie constitutive est maintenue.
En outre, il y a lieu de se référer à ce qui a été précisé dans le cadre de la révision de la Constitution, adoptée par le Sénat le 27 avril 2007 et publiée au Moniteur belge le 2 mai 2007:
« ... le gouvernement entend déclarer ouverts à révision plusieurs articles liés à une réforme en profondeur des institutions politiques de notre pays, et visant également à adapter les institutions à la structure fédérale de l'État, partant de l'accord du 26 avril 2002;
... il est proposé par ailleurs d'adapter également des dispositions relatives aux entités fédérées, ...
En vue d'attribuer l'autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté germanophone, étant bien entendu qu'en ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, elle devra être exercée avec une majorité des deux tiers et une majorité au sein de chaque groupe linguistiques (les articles 118, § 2 et 123, § 2). »
»Dominique TILMANS Gérard DEPREZ Jacques BROTCHI. |
Article unique
L'article 123, § 2, de la Constitution, est complété par l'alinéa suivant:
« La loi désigne les matières relatives à la composition et au fonctionnement du gouvernement de la Communauté germanophone, qui sont réglées par décret par son Parlement. Ce décret est adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Parlement soit présente. »
12 octobre 2010.
Dominique TILMANS Gérard DEPREZ Jacques BROTCHI. |