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M. Jacques Brotchi (MR). - Voici quelques années déjà, j'avais déposé au Sénat une proposition de résolution réclamant un cadastre de l'activité des médecins.
Nous avons été très heureux, madame la ministre, lorsque le cadastre de l'activité des médecins généralistes a été réalisé, ce qui nous a permis de faire un certain nombre de mises au point.
Entre-temps, il s'est passé beaucoup de choses, notamment à la Communauté française où l'abolition du numerus clausus a entraîné une arrivée massive de jeunes en première année de médecine, jeunes qui, pour la partie francophone du pays, sont aujourd'hui un peu plus de 3 300 pour l'ensemble de nos universités. Ces jeunes sortiront en 2017, année pour laquelle, comme vous le savez, il n'y aura que 492 numéros INAMI pour la partie francophone du pays.
S'agissant ici d'une compétence communautaire, j'interpelle régulièrement votre collègue M. Marcourt à ce sujet. Nous essayons de faire le lien entre la Communauté française et le fédéral sur cette matière. Dans ses réponses, le ministre Marcourt a plutôt tendance à renvoyer la balle au fédéral.
Nous avons effectivement besoin de toute urgence de ce cadastre des médecins spécialistes. Madame la ministre, je vous ai interrogée en son temps sur le sujet et vous nous aviez annoncé ce cadastre pour fin 2009 début 2010. Nous allons vraiment devoir planifier les choses. Vous avez déjà pris un certain nombre de mesures pour des spécialités dont la pénurie est avérée - médecine d'urgence, gériatrie, pédiatrie, etc. Un cadastre complet nous permettrait, d'une part, de mieux gérer la situation actuelle, et d'autre part, de conseiller nos jeunes qui commencent des études, sachant quels sont les besoins et quelles spécialisations n'offrent guère de perspective.
Par rapport à la pyramide des âges, vous avez mis en évidence qu'un tiers des médecins généralistes actifs avait plus de cinquante-cinq ans. Il serait intéressant d'avoir une idée de la projection chez les différents spécialistes, de manière à pouvoir travailler de concert au fédéral et dans les entités fédérées en matière de soins de santé.
Mes questions sont les suivantes :
Quand disposerons-nous du cadastre complet des médecins spécialistes, qui était annoncé pour le début de cette année ?
La ministre est-elle déjà en possession de données partielles portant sur certaines spécialisations ?
Dans l'affirmative, quelles tendances se dégagent de ces données ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Le cadastre des professionnels de la santé est un des outils qui nous permet de mieux appréhender le problème de la planification et d'évaluer les besoins réels des professionnels de la santé.
J'ai, depuis le début de mon mandat, demandé à l'administration d'accélérer son développement. Je rappelle que le cadastre répertorie les coordonnées générales des professionnels de la santé, leurs titres professionnels, les données concernant leur accès à l'exercice de la médecine et des informations sur leurs activités professionnelles. Il mentionne également l'adresse professionnelle des généralistes et l'adresse privée des spécialistes.
Le cadastre à proprement parler existe depuis longtemps mais sa version informatique permettant une gestion dynamique et le recoupement avec d'autres données, celles de l'INAMI notamment, n'a été finalisée qu'en 2009. Depuis lors, les données sont à jour pour plus de 99% des médecins, sages-femmes, aides-soignants, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers et dentistes.
Les médecins spécialistes agréés sont répertoriés avec précision. À la fin de l'année 2009, il y avait 24 568 spécialistes : 2 103 anesthésistes, 1 648 chirurgiens, 1 041 orthopédistes, 1 005 psychiatres, 1 888 internistes, 1 036 cardiologues, 1 629 pédiatres, 1 488 gynécologues, 1 117 ophtalmologues et 1 641 radiologues, entre autres.
Nous possédons par ailleurs des données régionales permettant d'évaluer la répartition géographique mais elles sont difficiles à interpréter étant basées sur le domicile et non sur le lieu de travail. Quoi qu'il en soit, la pyramide des âges montre que presque 40% des spécialistes sont âgés de plus de cinquante-cinq ans.
Au mois de septembre, mes services ont commencé, en commençant par les infirmiers, à intégrer et à transférer systématiquement des données automatisées depuis et vers les partenaires prévus par la loi : les caisses de pensions, les ordres, l'ONSS, l'OSSOM, les Communautés et, surtout, l'INAMI. Pour les spécialistes, le croisement des données avec celles de l'INAMI est prévu au cours de l'année 2011. Il devrait permettre une analyse plus fine de la situation.
Ces chiffres bruts étant difficilement interprétables dans le cadre d'une réflexion sur la planification, il faut réaliser un travail complémentaire pour exploiter les données.
Pour les généralistes, nous avons pu déterminer sur la base des données du cadastre et de l'INAMI que parmi les 15 118 médecins agréés, seuls 9 259 répondaient aux critères d'agrément et exerçaient dès lors pleinement la médecine générale. Une enquête complémentaire auprès des généralistes ne répondant pas aux critères a confirmé ces données.
Pour les spécialistes, une enquête a été réalisée à la fin de l'année 2009 auprès d'un échantillon aléatoire de 3 000 médecins afin donner une valeur statistique aux résultats. Il apparaît que plus de 90% des spécialistes répertoriés dans le cadastre exercent toujours la médecine en Belgique.
Sur la base de cet élément et des résultats du croisement des données qui sera réalisé en 2011, la commission de planification pourra avancer des propositions concrètes en vue de maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande.
À titre individuel, je me suis prononcée à de multiples reprises contre le numerus clausus en fin d'études. Par contre, je suis favorable à une réelle planification des professionnels de la santé pour que nous puissions disposer d'un nombre suffisant de spécialistes dans chaque spécialité.
M. Jacques Brotchi (MR). - Les données de la Santé publique et celles de l'INAMI n'étant pas toujours les mêmes, il est effectivement nécessaire de les recouper. Par ailleurs, au-delà du nombre de médecins, il faut mesurer leur activité en tenant compte de paramètres tels que la pyramide des âges, la féminisation, etc. Je lirai donc ce document avec plaisir dès sa publication.
Je suis heureux de vous entendre dire que vous êtes contre le numerus clausus, mais il s'agit, en l'occurrence, des quotas établis en fin d'études. Je suppose que nous sommes bien d'accord là-dessus.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Dans des métiers comme ceux de la santé, une planification est évidemment nécessaire en vue d'une offre médicale adéquate, quelle que soit la spécialité.
L'existence du numerus clausus dans notre pays incite, entre autres, les médecins roumains - à l'échelon européen, on prévoit d'ici à 2020 une pénurie de 1 à 2 millions de professionnels de la santé - à rejoindre la Belgique, ce qui provoque d'ailleurs une pénurie dans leur propre pays.
En d'autres termes, et je profite du régime des affaires courantes pour émettre un avis individuel, je ne suis pas favorable au numerus clausus, mais je suis évidemment en faveur d'une bonne planification.
M. Jacques Brotchi (MR). - Je vous remercie beaucoup pour ces précisions.
La planification est évidemment essentielle, pour les jeunes qui entreprennent ces études, pour les patients et pour l'organisation en général. Il existe, comme vous l'avez dit, une pénurie à l'échelon européen et nous devrions nous concerter avec nos voisins, précisément pour permettre à des jeunes qui en ont envie de mener des études de médecine, mais en toute connaissance de cause, en ayant la capacité de se projeter dans l'avenir, voire d'envisager une expatriation en cas de saturation. Cette planification est essentielle, mais elle doit commencer par le début, c'est-à-dire par l'établissement d'un cadastre.