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16 NOVEMBRE 2010
La présente proposition de loi spéciale reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 15 octobre 2009 (doc. Sénat, nº 4-1459/1 - 2009/2010).
La Belgique, soucieuse de respecter au mieux les différentes sensibilités politiques et communautaires, opta dès 1899 pour un système électoral dit de représentation proportionnelle ou système Dhondt.
Ce système, à l'inverse d'un système majoritaire, permet la représentation de partis politiques, autres que ceux qui ont récolté une majorité de voix au sein des assemblées législatives. Ce système assure une représentativité maximale de la volonté des électeurs en tenant compte de manière effective, de toutes les voix émises par la population appelée à s'exprimer à l'occasion d'élections législatives. Il s'agit de sortir une vérité arithmétique des urnes et de la transposer dans la composition des différentes assemblées législatives afin que celles-ci reflètent le plus fidèlement possible les nuances et les diversités d'opinion qui caractérisent la Nation.
Malheureusement ce système peut, dans certains cas, produire l'effet inverse de ce qu'il vise à réaliser. En effet, dans certains arrondissements faiblement peuplés, le régime de la représentation proportionnelle favorise souvent les deux premiers partis, au détriment des autres, alors que ceux-ci ont également récolté un nombre de voix souvent même très important.
Le système prévu pour représenter toutes les sensibilités politiques n'atteint dés lors pas son but dans ces arrondissements.
Le recours à la technique de l'apparentement, prévu pour tenir compte des voix restantes après attribution des sièges ne permet pas de palier cette situation et va même dans certains cas, que nous examinerons ci-dessous, jusqu'à renforcer cette inadéquation. L'apparentement a été pensé pour améliorer le principe de proportionnalité en additionnant les voix restantes par arrondissement après la première dévolution des sièges. Les voix non attribuées lors de la première dévolution sont additionnées et c'est sur base de cette somme qu'a lieu un « second tour » au profit des listes ayant récolté la somme de voix la plus élevée.
Dans les arrondissements peu peuplés, la technique de l'apparentement ne permet d'attribuer les sièges restants qu'aux listes qui ont dépassé le seuil électoral naturel. Or, plus le niveau de population est faible, plus le seuil électoral naturel est élevé. Il en résulte donc que seules les listes ayant dépassé ce seuil, et en conséquence ayant déjà récolté un ou plusieurs sièges, pourront prétendre aux sièges dévolus par le système de l'apparentement.
Cette situation va donc précisément à l'encontre de la philosophie même de la représentation proportionnelle en excluant des partis qui ont eux-mêmes réalisé un excellent score électoral alors que dans un autre arrondissement plus peuplé, ils auraient pu prétendre à un ou plusieurs sièges. Inévitablement donc le siège récolté par la technique de l'apparentement ne profite, dans les petits arrondissements, qu'au premier voire au deuxième parti.
Cette situation bien connue en Province de Luxembourg trouve également un écho en Flandre.
Un recours avait d'ailleurs été introduit par le parti Groen ! auprès de la Cour constitutionnelle, à l'encontre du décret de la région flamande du 2 juin 2006 modifiant le décret provincial du 9 décembre 2005, pour violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Groen ! estimait que le recours à de petites circonscriptions électorales est défavorable aux petits partis et visait l'annulation de l'article 2 du décret de la région flamande, espérant pouvoir bénéficier à l'occasion de prochaines élections d'une réglementation plus favorable. Les requérants postulaient que la disposition attaquée crée de grandes différences quant au nombre d'arrondissements administratifs et de districts électoraux selon la province, différences pour lesquelles il n'existe aucune justification objective et raisonnable.
Saisie donc au motif que la disposition en cause influence « défavorablement le vote des électeurs comme la candidature des candidats », la Cour se prononça en faveur des requérants et reconnut que « bien que chaque répartition en circonscriptions électorales mène à des différences quant au seuil électoral naturel, les différences découlant de la disposition attaquée ne peuvent être considérées comme restant dans les limites du raisonnable ».
La Cour déclare également que: « le système de la représentation proportionnelle ne peut être appliqué utilement que si, dans les circonscriptions électorales, un nombre minimum de représentants peuvent être élus » et « qu'un district électoral où quatre mandats sont à répartir est compatible avec le système de la représentation proportionnelle utilisé aux élections provinciales mais que tel n'est pas le cas pour les districts ou seuls deux ou trois mandats sont à répartir et où le seuil électoral naturel est, pour cette raison, déraisonnablement élevé (1) . »
Si l'on peut regretter que la Cour n'aborde que rapidement le mécanisme de l'apparentement en ce qu'il permet de palier l'effet « discriminant » de la faible densité de population dans un district compris lui-même dans un arrondissement bénéficiant d'une forte population et ne s'attarde pas sur le fait que l'apparentement n'a pas cet effet en ce qui concerne les petits districts compris dans un arrondissement administratif faiblement peuplé, l'enseignement dégagé par la Cour est cependant clair et appelle une réaction législative de notre part.
À l'occasion d'un rapport comparatif sur les quorums et autres aspects des systèmes électoraux restreignant l'accès au Parlement, la Commission européenne a également reconnu que « la mise en place de circonscriptions de petite taille permet aussi bien que la fixation d'un seuil formel, de priver les petits partis ou nouveaux partis d'une représentation exacte, voire de toute représentation (2) ».
Pour ces raisons, nous proposons d'instaurer un minimum de quatre élus par circonscription électorale pour les élections régionales afin d'assurer un plein effet au mécanisme de représentation proportionnel et de favoriser une équité électorale plus effective.
Dominique TILMANS François BELLOT Gérard DEPREZ. |
Article 1er
La présente loi spéciale règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 26 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, remplacé par la loi spéciale du 16 juillet 1993, il est inséré un paragraphe § 2/1 rédigé comme suit:
« § 2/1. Chaque circonscription élit au minimum quatre membres. »
14 octobre 2010.
Dominique TILMANS François BELLOT Gérard DEPREZ. |
(1) Cour constitutionnelle, arrêt no 149/2007 du 5 décembre 2007.
(2) Commission européenne de la démocratie par le droit (Commission de Venise) « Rapport comparatif sur les quorums et autres aspects des systèmes électoraux restreignant l'accès au parlement » no 485/2008.