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13 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend, avec quelques modifications techniques, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 12 octobre 2007 (doc. Sénat, nº 4-269/1 - 2007/2008).
Les étrangers détenus en centres fermés n'ont commis d'autres « crimes » que de résider illégalement en Belgique, à la recherche d'un avenir meilleur. Depuis plusieurs années, des associations et des personnes soucieuses du respect des droits de l'homme exigent que des mesures soient prises afin de rendre la détention et l'éloignement des étrangers plus conforme à la dignité humaine.
Il y a quelques mois, des ONG flamandes et francophones ont rendu public un rapport sur l'état des lieux de la détention des étrangers dans les six centres fermés gérés par l'Office des étrangers. Ce rapport a été dressé suite aux centaines de témoignages qu'elles ont pu recueillir au fil des années de visite.
Le constat est inquiétant. Il est malheureusement confirmé par une série de plaintes et de dénonciations de mauvais traitements dans les centres fermés. Par ailleurs, la presse s'est récemment fait l'écho, via les témoignages de gardiens et d'une infirmière, de différents cas de maltraitances ou de dysfonctionnements dans le centre fermé de Vottem.
L'état des lieux des ONG pointe quelques chiffres qui appellent notamment un débat sur l'opportunité de certaines détentions:
— 25 % à 30 % des détentions se concluraient par des libérations, dont certaines ordonnées par la Justice, ce qui pose la question de la justification de certaines décisions de l'Office des étrangers. À cet égard, le récent arrêt du Conseil d'État dans l'affaire d'une petite fille de dix-neuf mois, retenue quinze jours en centre fermé avec sa maman, est assez interpellant, lorsque la haute juridiction administrative ordonne la libération au motif que « le risque de préjudice grave ne peut être accepté dans l'exécution d'une décision prise avec trop de légèreté »;
— les durées de détention ne cesseraient d'augmenter depuis 2002 (de vingt-six à trente-trois jours), ainsi que le nombre d'enfants retenus;
— le nombre d'isolements disciplinaires serait en augmentation, ce qui est le corollaire d'une augmentation de la violence et des actes de désespoir dans les centres fermés; le dernier cas d'agression au Centre 127bis est révélateur d'un malaise palpable au sein de ces établissements.
La Belgique est tenue par le respect d'obligations internationales prohibant, de manière absolue, les traitements inhumains et dégradants. Pour les auteurs de la présente proposition de loi, il est inadmissible de retrouver dans les centres fermés une série de personnes qui, entre autres au vu de leurs problèmes physiques et psychiques, ne devraient jamais se retrouver dans ce type d'environnement. La proposition de loi a ainsi pour objet d'interdire la détention dans les centres fermés de différentes catégories de personnes particulièrement vulnérables.
La proposition de loi vise par ailleurs à introduire des changements importants dans les modes de fonctionnement des centres fermés, afin d'augmenter considérablement les conditions de détention. Les conditions d'accueil dans les centres de détention administrative doivent en effet être conformes à la dignité humaine. C'est l'objectif de la directive européenne 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres.
Cette directive a été partiellement transposée pour l'accueil dans les centres ouverts relevant de FEDASIL. Un projet de loi de Christian Dupont, ministre de l'Égalité des chances et de l'Intégration sociale de l'époque, sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers a été adopté par les chambres et a été publié au Moniteur belge. La nouvelle loi interdit aussi la détention administrative des mineurs non accompagnés.
Ce texte ne transpose que partiellement la directive européenne. Comme le signale l'avis du Conseil d'État relatif à l'avant-projet de loi en question:
« Les dispositions de la directive 2003/9/ CE qui traitent des demandeurs d'asile « placés en rétention » ne sont pas transposées.
Une telle façon de procéder ne peut être admise. Dès lors que la directive 2003/9/CE n'exclut pas de son champ d'application les demandeurs d'asile « placés en rétention », mais qu'elle prend au contraire leur situation en considération pour ne fixer, dans un certain nombre de circonstances, que des exigences minimales en matière d'accueil, il convient de s'assurer que les conditions d'accueil qui leur sont applicables répondent dès à présent aux exigences de la directive. Si tel ne devait pas être le cas à ce jour, il conviendrait d'y remédier dans les meilleurs délais. »
Ainsi, l'article 13.2 de cette directive dispose que:
« Les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs.
Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes ayant des besoins particuliers (mineurs, handicapés, personnes âgées, femmes enceintes, parents isolés, personnes ayant subi des violences), ainsi que dans le cas de personnes placées en rétention. »
Selon cette directive, les États membres doivent garantir à tout demandeur d'asile — en ce compris celui placé en rétention — des conditions d'accueil matérielles et des soins médicaux et psychologiques, afin de lui assurer un niveau de vie adéquat pour sa santé, ainsi que celle de sa famille. De plus, les États membres doivent considérer avec une attention particulière la situation des personnes vulnérables que sont les mineurs, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés et les victimes de violences.
Actuellement, les conditions et les modalités d'accueil des demandeurs d'asile en détention sont régies par l'arrêté royal du 2 août 2002 (1) . Aucune évaluation globale des conditions d'accueil dans les centres fermés n'a été réalisée jusqu'à présent. L'article 135 de cet arrêté royal prévoit, quant à lui, que chaque centre doit établir un rapport annuel transmis au ministre.
La proposition de loi vise à répondre à l'ensemble de ces objections et critiques.
Traditionnellement, les conditions d'accès au territoire, au séjour et à l'établissement des étrangers, sont régies par le principe de la souveraineté territoriale. Chaque État est maître de refuser l'entrée de son territoire à une personne étrangère, de l'en tenir éloignée et de l'en expulser. En Belgique, ce principe est mis en œuvre par la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après dénommée loi de 1980) qui attribuent au gouvernement, et plus particulièrement au ministre de l'Intérieur, un pouvoir de police spécial sur les étrangers.
Ce pouvoir de police spécial lui permet de prendre des mesures individuelles d'éloignement du territoire et des mesures de sûreté. Bien que ce pouvoir ait été atténué par des traités internationaux multilatéraux ou bilatéraux, il n'en reste pas moins un pouvoir discrétionnaire, qui doit être strictement encadré afin d'éviter l'arbitraire.
Comme le soulignent de nombreux spécialistes du droit des étrangers, ce pouvoir n'est pas absolu. En vertu de l'article 128 de la Constitution selon lequel « tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi », les autorités administratives n'ont pas le droit de prendre n'importe quelles mesures de sûreté.
Celles-ci doivent être déterminées par la loi, dans le respect des droits et libertés individuelles reconnus par les conventions internationales, et au premier chef par la Convention de Genève sur les réfugiés, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après dénommée CEDH) et par le droit européen en général.
Deux conséquences importantes sont à tirer du respect des obligations internationales découlant de la CEDH:
— d'une part, le respect du principe de proportionnalité, selon lequel une mesure d'éloignement et une mesure de sûreté, par définition, ne peuvent être prises qu'en cas de nécessité. Par conséquent, l'autorité administrative doit en particulier vérifier si une autre mesure moins contraignante et tout aussi efficace n'est pas susceptible d'être prise;
— d'autre part, l'existence de voies de recours effectives, efficaces et équitables contre l'acte administratif imposant une mesure de sûreté.
Les mesures de sûreté pouvant être imposées à l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement consistent en des actes matériels d'exécution, qui permettent le recours à la force publique, pour donner exécution forcée à l'acte administratif, mais aussi en des mesures temporaires de privation de liberté, nécessaires à l'exécution forcée de l'éloignement.
Il ressort de la loi de 1980 et des obligations internationales concernant les droits individuels que ces mesures de privation de liberté doivent être exceptionnelles et temporaires, ce qui implique que la privation de liberté ne peut excéder le temps strictement nécessaire à l'exécution de l'acte administratif d'éloignement du territoire.
Comme l'a jugé à de nombreuses reprises la Cour européenne des droits de l'homme, si les États ont le droit de contrôler souverainement l'entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire, ils doivent exercer ce droit en conformité avec les dispositions de la CEDH.
Son article 5 précise que
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:
(...)
f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. »
Cette arrestation et cette détention doivent respecter des garanties procédurale prévues par les paragraphes 2, 4 et 5 de cette disposition.
D'autres articles doivent également être respectés: l'article 6 sur les conditions du recours juridictionnel équitable; l'article 8 sur le droit au respect de la vie privée; et l'article 3 qui énonce de manière absolue et sans tempérament que:
« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peine ou traitement inhumain et dégradants. »
Si la détention, en tant que telle, ne constitue pas un sévice, les conditions matérielles de celles-ci doivent être conformes à la dignité humaine, comme le précise l'article 10-1 du Pacte international sur les droits civils et politiques, qui précise que:
« Toute personne privée de liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. »
Malheureusement, la Belgique a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour traitement inhumain et dégradant lors d'une détention administrative d'un étranger. Il s'agit de l'affaire de Tabitha, du nom de la jeune fille congolaise de cinq ans qui avait été détenue plusieurs semaines en centre fermé.
Selon cet arrêt, la Cour européenne des droits de l'homme considère l'emprisonnement et l'expulsion de Tabitha comme un « traitement inhumain et dégradant », selon l'article 3 de la CEDH, aussi bien vis-à-vis de Tabitha elle-même que vis-à-vis de sa mère.
La Cour considère que:
« Pareille détention fait preuve d'un manque d'humanité et atteint le seuil requis pour être qualifié de traitement inhumain. »
Elle ajoute que:
« le refoulement de la seconde requérante, dans de telles conditions, lui a nécessairement causé un sentiment d'extrême angoisse et fait preuve d'un manque flagrant d'humanité envers sa personne, eu égard à son âge et à sa situation de mineure non accompagnée de sorte qu'il atteint le seuil requis pour être qualifié de traitement inhumain. »
La présente proposition de loi vise ainsi à transposer — anticipativement — la future directive européenne relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Le projet de directive, tel qu'approuvé par la Commission européenne, précise que l'objectif est:
« de définir des règles communes claires, transparentes et équitables en matière de retour, d'éloignement, de recours à des mesures coercitives, de garde temporaire et de réadmission, qui prennent pleinement en compte le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales des intéressés. »
Plus particulièrement, en ce qui concerne la détention administrative:
« limiter le recours aux mesures coercitives, en le subordonnant au respect du principe de proportionnalité et en définissant des garanties minimales applicables à la procédure de retour forcé (...) en limitant le recours à la garde temporaire et en définissant des garanties minimales pour le déroulement de la garde temporaire. »
En outre, la future directive européenne prévoit:
« un droit de recours juridictionnel effectif contre les décisions de retour et d'éloignement. Ce recours juridictionnel aura un effet suspensif ou conférera au ressortissant d'un pays tiers le droit de demander le sursis à l'exécution de la décision de retour ou d'éloignement, auquel cas l'exécution de la décision sera reportée jusqu'à ce qu'elle soit confirmée ou jusqu'à ce qu'elle ne soit plus susceptible d'un recours suspensif. »
Enfin, il y a aussi lieu de rappeler que notre pays est tenu de respecter l'article 37 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui prévoit que:
« l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant ne doit n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible. »
La présente proposition de loi réorganise le titre IIIbis de la loi de 1980, en le subdivisant en cinq chapitres distincts:
— un chapitre premier contenant les dispositions générales;
— un chapitre 2 concernant les articles traitant des mesures privatives de libertés de l'étranger (arrestation, détention administrative et mesures alternatives);
— un chapitre 3 relatif aux conditions d'exécution des mesures d'éloignement;
— un chapitre 4 instituant une commission de contrôle de la détention et de l'éloignement;
— un chapitre 5 prévoyant un rapport d'évaluation des mesures de détentions et d'éloignement du territoire.
1. L'arrestation administrative
En vertu de l'article 21 de la loi sur la fonction de police, les services de police sont chargés de la mission de contrôler la législation relative aux étrangers. Afin d'effectuer cette mission, les autorités de police administrative sont compétentes pour réaliser certains contrôles d'identité, en vertu de l'article 34, § 3, de cette loi. Dans ce cadre, l'article 74/7 de la loi de 1980 permet aux fonctionnaires de police de saisir un étranger qui n'est pas porteur des pièces d'identité ou des documents prévus par la loi et de le soumettre à une mesure d'arrestation administrative, dans l'attente d'une décision du ministre ou de son délégué.
La présente proposition vise à améliorer les conditions de l'arrestation administrative en trois points:
A. Le délai maximal de l'arrestation administrative
Il passe de vingt-quatre heures à douze heures, à l'instar de la procédure ordinaire prévue par l'article 31 de la loi sur la fonction de police. Il n'y a pas de raison objective à appliquer un délai plus long. L'arrestation administrative prévue par l'article 74/7 actuel de la loi de 1980 a pour objectif de vérifier l'identité des intéressés et, le cas échéant, de signaler les personnes en séjour illégal à l'Office des étrangers.
Compte tenu des moyens de communication et d'information actuels dont disposent les services de police et l'Office des étrangers, pareille vérification peut être faite rapidement.
En cas d'absence de document d'identité et d'illégalité du séjour, l'Office des étrangers peut ordonner une mise en détention administrative et prolonger la privation de liberté. Cette décision est alors régie par des dispositions légales spécifiques.
B. Les conditions de l'arrestation administrative
À l'instar de ce qui a été fait pour l'arrestation administrative « de droit commun », visée par la loi sur la fonction de police, les conditions de cette privation de liberté seront mieux précisées, afin que l'arrestation soit conforme aux droits et libertés fondamentales.
Il est clairement renvoyé aux dispositions de la loi sur la fonction de police. L'arrestation administrative des étrangers ne doit plus être une mesure d'exception.
C. Intervention de personnes de confiance
Il est prévu que l'étranger arrêté puisse demander que son consulat, ou une personne de confiance, soit averti de son arrestation. En ce qui concerne les mineurs, leur tuteur ou la personne chargée de leur surveillance sera d'office informé de la mesure privative de liberté.
2. La détention administrative
La présente proposition de loi vise à limiter et à encadrer strictement les conditions et les modalités de la détention administrative des étrangers, dans le respect des droits et des libertés.
Elle comporte plusieurs innovations.
A. La détention administrative comme mesure d'ultime recours et le contrôle judiciaire de la détention
La détention administrative devient une mesure subsidiaire d'ultime recours. Elle ne sera possible que si trois conditions sont réunies:
— si elle est nécessaire pour garantir l'éloignement effectif du territoire;
— lorsqu'il y a des motifs sérieux de penser qu'il existe un risque de fuite;
— et qu'il n'existe pas d'autres mesures alternatives suffisantes pour prévenir ce risque.
Le ministre de l'Intérieur devra donc toujours d'abord envisager une des mesures de sûreté prévues à l'article 74/7/5, c'est-à-dire une des mesures suivantes:
— l'obligation pour l'étranger de se présenter régulièrement à la police locale;
— l'injonction de demeurer en sa résidence;
— ou de limiter ses déplacements.
S'il estime que ces mesures de sûreté sont insuffisantes pour garantir l'éloignement effectif de l'étranger, il pourra alors le mettre en centre de détention.
B. La sous-section 3 traite du contrôle judiciaire de la détention
Pour les auteurs de cette proposition de loi, la détention doit être systématiquement contrôlée par le juge judiciaire.
En vertu des articles 12 de la Constitution, et 5 et 6 de la CEDH, la présente proposition de loi soumet la décision initiale du ministre de l'Intérieur de placer l'étranger en détention au contrôle de la chambre du conseil.
Le contrôle juridictionnel sera de plein contentieux. Le juge pourra estimer que la détention de l'étranger n'est pas indispensable pour garantir son éloignement effectif du territoire et qu'il y a lieu soit de le libérer soit de lui ordonner des mesures moins coercitives. Le contrôle juridictionnel aura automatiquement lieu de mois en mois.
L'article 74/7/8 détermine les garanties dont dispose l'étranger devant la chambre du conseil. Il fixe la procédure. Dans son dernier alinéa, l'article en projet dispose très clairement que l'étranger visé par la décision de mise en liberté doit être libéré en dehors des zones internationales de transit des aéroports et des ports du Royaume.
Les signataires veulent ainsi mettre fin à la pratique administrative actuelle de « libération » des étrangers dans la zone de transit de l'aéroport de Zaventem. Le placement de l'étranger libéré par la décision judiciaire dans cet espace est considéré comme une détention arbitraire.
C. La limitation de la durée de la détention administrative
La durée de détention ne pourra pas dépasser deux mois. Ce délai peut être moindre lorsque cela est fixé par la loi, par exemple en application de l'article 51/5 de la loi de 1980. L'on vise ici la détention provisoire du demandeur d'asile lors de la procédure d'examen de l'État responsable de sa demande d'asile. Il peut aussi être allongé s'il y a des raisons d'ordre public justifiant la prorogation de la mesure privative de liberté à six mois. Il convient de rappeler que la détention ne peut être justifiée que pour garantir l'éloignement effectif de l'étranger en séjour illégal. Cette disposition ne pourrait pas être utilisée à d'autres fins.
D. L'interdiction de la détention des personnes vulnérables
La présente proposition vise à interdire la détention administrative de certaines catégories d'étrangers particulièrement vulnérables: les enfants, les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies graves ou de troubles psychologiques graves. Compte tenu de leur état, la place de ces personnes n'est pas en centres fermés.
L'état médical ou psychologique des personnes est déterminé soit par un médecin soit par un psychologue. Une procédure en révision est prévue. Toutefois, afin de s'assurer de leur éloignement effectif, le ministre de l'Intérieur peut décider:
— soit de les placer dans une structure médicale, psychologique ou sociale adaptée à leur situation, qui n'est pas un centre fermé, au sens de la loi de 1980;
— soit de leur appliquer une des mesures moins coercitives prévues par la présente proposition de loi (voir ci-dessous).
E. Instauration de mesures alternatives
Des mesures alternatives à la détention administrative sont déterminées par la présente proposition de loi. Celles-ci sont destinées à garantir l'éloignement effectif de l'étranger. Le ministre de l'Intérieur a le choix, selon le cas d'espèce, d'ordonner à l'étranger:
— de se présenter régulièrement à la police locale du lieu de sa résidence;
— de demeurer en un lieu déterminé;
— de limiter ses déplacements.
Ces mesures peuvent être ordonnées, séparément ou cumulativement.
Un droit de recours est prévu par l'article 74/7/6 pour l'étranger, auprès du Conseil du contentieux des étrangers.
F. Garantie des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine
La sous-section 4 détermine les conditions de détention administrative. Étant une mesure privative de liberté, la détention administrative ne peut pas constituer une mesure inhumaine et dégradante au sens de l'article 3 de la CEDH. Il incombe dès lors à l'État de veiller à ce que l'étranger détenu soit traité dignement, dans le respect de ses droits fondamentaux.
Il est bien stipulé que les médecins, les paramédicaux, les psychologues et les travailleurs sociaux sont strictement soumis à des règles de déontologie garantissant leur indépendance vis-à-vis de la direction des centres de détention. Il va de soi que les dispositions plus précises de l'actuel arrêté royal du 2 août 2002 (2) ne sont pas abrogées par les dispositions de la présente proposition de loi, sauf lorsqu'elles sont contraires à ces dernières.
Toutefois, dès que la présente proposition sera adoptée, il appartiendra au Roi de prendre un nouvel arrêté royal adaptant le texte réglementaire à la nouvelle loi, afin d'éviter toute confusion sur le plan juridique.
3. L'éloignement des étrangers
En ce qui concerne les mesures d'éloignement des étrangers, il a paru essentiel aux auteurs, au regard de certaines situations particulièrement dramatiques, de prévoir une série de dispositions qui permettent d'assurer au maximum que la mesure d'éloignement se fasse avec toutes les garanties pour le respect des droits de l'homme.
La présente proposition prévoit explicitement qu'aucun éloignement par la contrainte ne peut avoir lieu avant que l'autorité ait proposé à l'étranger concerné un rapatriement sur base volontaire.
Le texte établit ensuite que l'étranger concerné et la personne qui l'assiste soient prévenus quarante-huit heures avant l'exécution effective de l'ordre de quitter le territoire, et ce afin d'éviter tout effet de surprise préjudiciable aux intérêts de l'étranger.
Il est également prévu que le ministre autorise certains services publics et associations, qui assurent la défense du droit des étrangers, à assister à l'exécution de l'éloignement, afin de l'entourer de toutes les garanties nécessaires.
En vue de lutter contre le recours à la violence lors d'expulsions ou de tentatives d'expulsion, le texte prévoit que l'étranger fait l'objet d'un examen médical avant et après la mise en œuvre de la décision d'éloignement. Actuellement, des examens médicaux sont souvent réalisés suite aux expulsions « à risque », mais la volonté des auteurs est de garantir une transparence maximale et de systématiser les examens médicaux à toutes les expulsions et tentatives d'expulsion.
Il convient encore de souligner que ce type de mesure profitera à toutes les parties. En effet, comme le soulignait le Conseil de l'Europe dans ses principes directeurs, « une telle mesure pourrait être aussi de nature à protéger les membres du personnel chargés des escortes contre toutes les allégations non fondées (3) . »
Le texte prévoit aussi, lors de l'exécution de chaque décision d'éloignement, que les autorités compétentes sont chargées de rédiger un procès-verbal devant mentionner les faits et les conditions dans lesquelles l'éloignement ou la tentative d'éloignement s'est déroulée.
Le but de telles mesures est de recentrer le débat, concernant certaines violences qui ont parfois lieu lors des expulsions, sur le droit des personnes qui en sont victimes.
La proposition offre, dès lors, la possibilité à l'étranger d'introduire un recours devant la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement contre tout usage abusif ou disproportionné de la violence ou du non-respect des droits garantis par le présent chapitre.
Il faut savoir que, à l'heure actuelle, des possibilités de porter plainte existent mais sont rarement utilisées. En effet, la personne expulsée ne dispose bien souvent pas de telles informations quant aux voies de recours existantes. Un autre facteur important est la situation de vulnérabilité de la personne détenue, qui a tendance à croire que le dépôt d'une plainte jouera en sa défaveur ou bien qu'elle n'aboutira pas. Il arrive que des plaintes déposées par les personnes expulsées ne soient pas toujours traitées avec diligence. Elles restent par ailleurs bien souvent sans suite, du fait du départ forcé de l'intéressé vers son pays d'origine.
Les auteurs souhaitent dès lors offrir à l'étranger la possibilité de porter plainte devant un organe indépendant, externe et impartial qu'est la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement. Celle-ci sera donc compétente pour connaître des conditions dans lesquelles les expulsions ont lieu. Il est en outre essentiel de conférer à ce recours un caractère suspensif de la mesure d'éloignement.
Parallèlement, un travail d'information optimale à destination des détenus devra être fourni par les centres. Il est essentiel de leur communiquer des informations précises quant aux possibilités de porter plainte en cas d'abus des forces de l'ordre et de leur expliquer que le dépôt d'une plainte n'accélérera pas le processus d'expulsion.
4. L'institution d'une commission de contrôle de la détention et de l'éloignement
Il s'agit, dans la présente proposition, d'une commission instituée par la loi, disposant de prérogatives quasi juridictionnelles, et indépendante des autorités administratives qu'elle contrôle.
5. Évaluation qualitative bi-annuelle des politiques d'éloignement et de détention administrative
La présente proposition de loi prévoit une évaluation qualitative des politiques d'éloignement et de détention. Un débat devra avoir lieu au Parlement à ce sujet.
Philippe MOUREAUX Olga ZRIHEN Philippe MAHOUX Caroline DÉSIR. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution, à l'exception des articles 74/7/8, 74/7/9 et 74/7/10 qui règlent une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
Dans le titre IIIter de la loi du 15 décembre 1980 relative à l'accès au territoire, au séjour, à l'établissement et à l'éloignement des étrangers « Dispositions particulières relatives à certains étrangers », est créé un chapitre premier, intitulé « Dispositions générales » et comprenant les actuels articles 74/5 et 74/6.
Art. 3
Les articles 74/5, § 3, et 74/6,§ 2, de la loi précitée sont abrogés.
Art. 4
Au titre IIIter précité de la même loi, est créé un chapitre II, comprenant un article 74/7, remplaçant l'actuel article 74/7, ainsi que les articles 74/7/1 à 74/7/19, rédigé comme suit:
« Chapitre II. Dispositions relatives à l'arrestation administrative, à la détention administrative et aux mesures moins coercitives.
Section première
De l'arrestation administrative
Art. 74/7. — Les fonctionnaires de police peuvent saisir un étranger qui n'est pas porteur des pièces d'identité ou des documents prévus par la loi et le soumettre à une mesure d'arrestation administrative, dans l'attente d'une décision du ministre ou de son délégué. Le ministre ou son délégué en est immédiatement informé.
La durée de la privation de liberté ne peut dépasser douze heures.
L'étranger qui fait l'objet de l'arrestation administrative peut demander que son consulat, son conseil, et une personne de confiance, en soient avertis. Lorsque l'étranger est mineur d'âge, la personne chargée de sa surveillance ou le tuteur, au sens du chapitre VI du titre XIII de la loi-programme du 24 décembre 2002 relatif à la tutelle des mineurs étrangers non accompagnés, en est d'office averti.
Les articles 33 à 34 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police sont d'application.
Section 2
De la détention administrative
Sous-section première
Dispositions générales
Art. 74/7/1 — § 1er. En application des dispositions du présent chapitre, des mesures nécessaires peuvent être prises afin d'assurer que l'étranger ne quitte pas, sans l'autorisation requise, le lieu où il est détenu en application des articles 7, alinéa 3, et 27, § 3, mis à disposition du gouvernement, en application de l'article 25, alinéa 4, et 57/32, ou maintenu dans un lieu déterminé en application des articles 51/5, 74/5, § 1er, et 74/6, §§ 1er et 1erbis.
La détention, la mise à la disposition du gouvernement et le maintien ne constituent pas des sanctions mais des moyens d'exécution d'une mesure effective d'éloignement du territoire.
§ 2. Au sens du présent chapitre, on entend par:
1º détention administrative: les décisions administratives visées au paragraphe 1er;
2º centre de détention administrative: tous les lieux aménagés afin d'être utilisés comme un des lieux visé au paragraphe 1er, à l'exception des établissements pénitentiaires.
§ 3. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le régime et les règles de fonctionnement relatifs aux centres de détention administrative et au transfèrement de l'étranger visé au présent article. Le ministre de l'Intérieur établit, après avis de la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement, un règlement d'ordre intérieur particulier à chaque centre.
Sous-section 2
De la décision initiale de mise en détention administrative
Art. 74/7/2 — Dans les cas prévus à l'article 74/7/4, le ministre ou son délégué ne peut mettre un étranger en détention administrative que s'il estime celle-ci nécessaire pour garantir son éloignement effectif du territoire et lorsqu'il a des motifs sérieux de penser qu'il existe un risque de fuite et qu'il serait insuffisant d'appliquer des mesures moins coercitives destinées à prévenir ce risque.
Art. 74/7/3 — Sauf disposition légale plus favorable, la durée totale du maintien en détention administrative ne peut pas excéder deux mois.
En cas de menaces particulièrement graves à l'ordre public ou à la sécurité nationale, la détention de l'étranger peut être prolongée après l'expiration du délai visé à l'alinéa précédent, sans toutefois que la durée totale de la détention puisse de ce fait dépasser six mois.
Art. 74/7/4 — § 1er. Les familles avec mineurs d'âge, les femmes enceintes de plus de douze semaines et les personnes souffrant de maladies graves ou de troubles psychologiques graves qui se trouvent sur le territoire ne peuvent faire l'objet d'une mesure de détention.
§ 2. La grossesse et la gravité de la maladie ou du trouble psychologique sont constatées par le fonctionnaire — médecin ou le fonctionnaire — psychologue visé à l'article 74/7/14 de la présente loi. Il peut demander l'avis d'experts.
Lorsque le médecin ou le psychologue décide que l'étranger ne souffre pas de maladie grave ou de troubles psychologiques graves, l'étranger peut demander la révision de cette décision auprès de la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement. Dans l'exercice de cette compétence, la Commission s'adjoint deux experts.
Les experts visés aux alinéas 1er et 2 sont nommés par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
§ 3. Les personnes visées au paragraphe 1er peuvent être placées dans une structure médicale, psychologique ou sociale adaptée à leur état physique ou psychologique, la plus proche de leur éventuel précédent lieu de résidence, ou faire l'objet d'une mesure moins coercitive.
Lorsque ces personnes n'ont pas accès au territoire, en application de l'article 3 ou de l'article 52, § 1er, la structure visée à l'alinéa précédent est, dans ce cas, assimilée à un lieu déterminé situé aux frontières, au sens de l'article 74/5, § 2.
Art. 74/7/5 — Lorsque le ministre ou son délégué décide de ne pas prendre une mesure de détention, ou dans les cas visés à l'article 74/7/4, il peut, s'il l'estime nécessaire pour garantir l'éloignement effectif de l'étranger, ordonner à l'étranger:
1º de se présenter régulièrement à la police locale de son lieu habituel de résidence;
2º de demeurer en sa résidence, après remise à la police locale de l'original de son passeport;
3º de limiter ses déplacements.
Le Roi détermine, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, les conditions et modalités de ces mesures administratives.
Art. 74/7/6 — L'étranger qui fait l'objet d'une mesure moins coercitive, prise en application de l'article 74/7/5, peut introduire un recours contre cette mesure, en déposant une requête auprès du Conseil du contentieux des étrangers.
Le recours est envoyé par lettre recommandée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision initiale. Le recours n'est pas suspensif.
L'intéressé peut introduire la même demande de trois mois en trois mois.
Sous-section 3
Du contrôle judiciaire de la détention
Art. 74/7/7 — La décision de détention prise par le ministre ou par son délégué doit être confirmée dans un délai de vingt-quatre heures, à compter du début de la détention, par la chambre du conseil du tribunal correctionnel du ressort duquel se situe le lieu de détention administrative.
Tant qu'il n'est pas mis fin à la détention, la chambre du conseil est appelée à statuer, de mois en mois, sur le maintien de la détention.
La chambre du conseil peut décider d'appliquer des mesures moins coercitives, telles que prévues par la présente loi.
Art. 74/7/8 — La chambre du conseil statue, après avoir entendu l'intéressé ou son conseil et le ministre ou son délégué en leurs moyens, ainsi que le ministère public en son avis.
Il est procédé conformément aux dispositions légales relatives à la détention préventive, sauf celles relatives au mandat d'arrêt, au juge d'instruction, à l'interdiction de communiquer et à l'ordonnance de prise de corps.
L'étranger ou son conseil peuvent consulter le dossier au greffe du tribunal compétent pendant les deux jours ouvrables qui précèdent l'audience. Le greffier en donnera avis à l'étranger et à son conseil.
Si la chambre du conseil n'a pas statué dans le délai fixé, l'étranger est mis en liberté. Si la chambre du conseil décide de ne pas maintenir la détention, l'étranger est remis en liberté dès que la décision est coulée en force de chose jugée.
L'étranger visé par la décision de mise en liberté doit être libéré en dehors des zones internationales de transit des aéroports et ports du Royaume.
Art. 74/7/9 — Les ordonnances de la chambre du conseil sont susceptibles d'appel de la part de l'étranger, du ministère public, du ministre ou de son délégué.
La chambre des mises en accusation doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine.
Sous-section 4
Des conditions de la détention administrative
Art. 74/7/10 — § 1er. Toute décision de détention est inscrite dans le registre des privations de liberté. Ce registre est le compte-rendu du déroulement chronologique de la détention, de son début jusqu'à sa fin ou jusqu'au moment du transfert de la personne concernée aux autorités ou aux services compétents.
Lors de la notification de la décision de détention administrative, l'étranger est informé de ses droits dans la langue qu'il comprend. La notification précise:
1º les motifs qui sous-tendent la détention;
2º la durée maximale de celle-ci;
3º les conditions de détention et la possibilité de recourir à des mesures de contrainte.
Cette notification est confirmée par écrit dans le registre des privations de liberté.
Le contenu et la forme du registre des privations de liberté, ainsi que les conditions de conservation des données sont déterminés par le Roi.
§ 2. L'étranger peut demander que son consulat, son conseil ou une personne de confiance en soit averti.
Art. 74/7/11 — § 1er. Durant sa détention, l'étranger a droit à des conditions de détention devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine.
L'étranger a droit:
1º au respect de sa vie privée et familiale;
2º à participer à l'organisation de la vie communautaire au sein du centre de détention;
3º à communiquer et à recevoir des membres de sa famille, des amis, son conseil, les représentants du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les associations ayant pour objet l'accueil des étrangers et la défense de leurs droits;
4º au respect de ses convictions.
Ses droits à la communication et aux visites sont protégés et ne peuvent être limités que pour des raisons impératives de sauvegarde de l'ordre public et de la sécurité nationale, déterminées par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
§ 2. Les étrangers détenus ayant fait état de leur volonté de participer à un culte reconnu bénéficient à leur demande d'une assistance morale et religieuse des ministres de ce culte.
Les occupants qui désirent bénéficier d'un soutien moral peuvent faire appel à un conseiller représentant une pensée non confessionnelle.
§ 3. L'aide matérielle est organisée dans le respect du principe de neutralité envers les convictions philosophiques et religieuses de l'étranger.
Art. 74/7/12 — § 1er. Il est veillé à la bonne et complète compréhension des règles de fonctionnement et du règlement d'ordre intérieur du centre de détention par l'étranger. À cette fin, le directeur du centre de détention ou son délégué délivre à l'étranger une brochure d'information rédigée, dans la mesure du possible, dans une langue qu'il comprend et décrivant notamment ses droits et obligations, ainsi que les coordonnées des instances compétentes et des associations pouvant leur prodiguer une assistance médicale, sociale et juridique. L'étranger est notamment informé de son droit de porter plainte auprès de la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement des étrangers ou de son droit d'accéder à son dossier médical.
§ 2. Le centre de détention veille à ce que l'étranger ait accès à des services d'interprétariat et de traduction, dans le cadre de l'exercice de ses droits et obligations.
L'étranger a droit à une assistance juridique. Le directeur du centre veille à ce que l'étranger ait la possibilité de faire appel à cette aide juridique.
Art. 74/7/13 — § 1er. L'étranger est traité par le personnel du centre d'une manière correcte et respectueuse, en ayant égard à sa vie privée, et sans aucune discrimination. Le personnel du centre n'a, avec les étrangers détenus, que les contacts légitimes pour exercer sa mission de service. Une attitude professionnelle est exigée de manière permanente.
§ 2. Lorsque le directeur du centre constate qu'il existe à l'égard d'un étranger détenu de sérieux éléments de nature à justifier la mise en liberté ou le sursis au départ de celui-ci, il doit soumettre ces éléments pour décision au ministre ou à la personne désignée par celui-ci.
Les membres du personnel qui pensent avoir constaté la présence de tels éléments doivent en informer le directeur du centre sans délai.
Art. 74/7/14 — Chaque centre de détention garantit à l'étranger l'accès effectif à un accompagnement médical, psychologique et social.
Cet accompagnement est délivré, respectivement, sous la responsabilité d'un médecin, d'un psychologue et d'un travailleur social, qui conservent leur indépendance professionnelle envers le ministre de l'Intérieur, son délégué et le directeur de la structure de rétention.
Dès son admission, l'état de santé et l'état psychologique de l'étranger sont examinés en vue de déterminer s'il peut être maintenu en détention et s'il doit bénéficier d'un traitement approprié.
Art. 74/7/15 — Les associations ayant pour objet l'accueil des étrangers et la défense de leurs droits et les membres du personnel des centres de détention sont soumis à un code de déontologie arrêté par le Roi.
En ce qui concerne les membres du personnel des centres de détention, le code visé à l'alinéa précédent fait partie du règlement du travail.
Le code de déontologie visé à l'alinéa 1er garantit, notamment, le respect du principe de non-discrimination et des droits fondamentaux de l'étranger. Il contient également des règles relatives à l'objet et aux missions du travail au sein du centre de détention, à la nature des relations entre les membres du personnel et l'étranger, ainsi qu'au respect du devoir de confidentialité.
Art. 74/7/16 — Afin de garantir et, si nécessaire, de rétablir l'ordre et la tranquillité dans le centre de détention, des mesures d'ordre intérieur peuvent être prises.
Le Roi fixe les mesures d'ordre pouvant être prises à l'encontre d'un étranger détenu, les règles de procédure applicables, ainsi que l'autorité habilitée à les prendre.
Art. 74/7/17 — L'étranger peut être soumis à une fouille de sécurité, afin de s'assurer que l'intéressé ne porte pas une arme ou un objet dangereux pour sa propre intégrité physique ou celle de tiers, ou pour l'ordre public, dans chacun des cas suivants:
1º lors de son arrivée au centre de détention;
2º après qu'il ait reçu une visite;
3º préalablement à son transfèrement.
Lors de son arrivée dans le centre de détention, la personne rendant visite à un étranger détenu peut également être soumise à cette fouille de sécurité.
La fouille de sécurité s'effectue par la palpation du corps et des vêtements de la personne fouillée, ainsi que par le contrôle de ses bagages. Elle ne peut durer plus longtemps que le temps nécessaire à cette fin. Elle est effectuée par un délégué du ministre, du même sexe que la personne fouillée.
Le Roi détermine les moyens, méthodes et procédures de la fouille et de la contrainte physique, ainsi que les agents habilités à les utiliser et leurs conditions de formation.
Art. 74/7/18 — L'étranger détenu peut s'adresser à la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement en cas de plainte ou de réclamation portant sur:
1º les conditions de vie au sein du centre de détention;
2º l'application du règlement d'ordre intérieur.
La commission répond à cette plainte dans les dix jours, après avoir entendu l'intéressé et le directeur du centre.
Le Roi détermine les règles de procédure applicables au traitement des plaintes.
Art. 74/7/19 — Les autorités suivantes ont toujours accès aux centres de détention:
1º les membres de la Chambre des représentants et du Sénat;
2º le gouverneur de province compétent pour le territoire sur lequel est situé le centre;
3º le bourgmestre compétent pour le territoire sur lequel est situé le centre.
Les personnes ou institutions suivantes et leurs membres ont accès au centre dans le cadre de l'exercice de leur mission:
1º le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés;
2º la Commission européenne pour les droits de l'homme;
3º le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants;
4º le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme;
5º la Commission permanente de recours des réfugiés;
6º le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides;
7º le Kinderrechtencommissaris et le Délégué général aux droits de l'enfant;
8º le Comité des Nations unies contre la torture;
9º les associations ayant pour objet l'accueil des étrangers et la défense de leurs droits.
Le ministre ou son délégué peut donner le droit de visiter un ou plusieurs centres à d'autres institutions, organisations ou personnes que celles visées aux paragraphes précédents, pour la durée et aux conditions qu'il détermine. »
Art. 5
Dans le titre IIIter précité de la loi précitée, est créé un chapitre III, comprenant les articles 74/8 à 74/8/4, rédigé comme suit:
« Chapitre III. Dispositions relatives à l'éloignement des étrangers.
Art. 74/8 — Préalablement à l'exécution de toute mesure de renvoi ou d'expulsion, le ministre ou son délégué propose à l'étranger un programme de retour sur base volontaire dans son pays d'origine ou dans un pays tiers.
Ce programme ainsi que le cadre dans lequel il s'opère sont définis par le Roi. Il consiste, notamment, en des modules de formation adaptés, ainsi que la prise en charge des frais de voyage et, le cas échéant, d'un accompagnement à la réinsertion dans l'État d'origine ou dans un État tiers.
Art. 74/8/1 — Tout étranger qui a fait l'objet d'une mesure de renvoi ou d'expulsion et, le cas échéant, la personne qui l'assiste, sont prévenus au minimum deux jours avant l'exécution de la décision.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les services publics et les personnes morales de droit privé chargés de l'assistance et de l'accompagnement des étrangers qui peuvent être présents pendant l'exécution de la mesure d'éloignement.
Art. 74/8/2 — L'étranger fait l'objet d'un examen médical avec certificat avant et après la mise en œuvre de la décision d'éloignement. L'examen médical a lieu au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant l'éloignement ou la tentative d'éloignement.
Art. 74/8/3 — Lors de l'exécution de chaque décision d'éloignement, les autorités compétentes rédigent un procès-verbal mentionnant les faits et les conditions dans lesquelles l'éloignement ou la tentative d'éloignement a eu lieu.
Il est consigné dans un registre des éloignements.
Art. 74/8/4 — L'étranger qui a fait l'objet d'une tentative d'éloignement peut former un recours devant la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement contre tout usage abusif ou disproportionné de la violence ou du non respect des droits garantis par le présent chapitre, sans préjudice des autres voies de recours judiciaires ou disciplinaires.
Le recours devant la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement suspend la mesure d'éloignement.
Les règles de procédure applicables au traitement des plaintes sont déterminées par le Roi. »
Art. 6
Dans le titre IIIter précité de la loi précitée, il est créé un chapitre IV, comprenant l'article 74/9, rédigé comme suit:
« Chapitre IV. La Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement des étrangers.
Art. 74/9 — Il est créé une Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement des étrangers chargée de:
1º contrôler les conditions de détention des étrangers, en ce compris dans les cellules d'isolement des aéroports de Belgique;
2º connaître des réclamations des étrangers détenus concernant leurs conditions de détention et d'éloignement;
3º connaître des recours visés à la présente loi;
4º donner des avis et émettre des propositions sur les matières visées à la présente loi.
Cette commission fédérale est composée de trois membres, à savoir:
1º un magistrat qui la préside;
2º un avocat ou un juriste spécialisé en droit des étrangers;
3º un représentant des associations qui ont pour objet l'accueil des étrangers et la défense de leurs droits.
Ils sont désignés par le Roi.
Art. 74/9/1 — La Commission dispose d'un secrétariat permanent.
Le Roi détermine les règles de fonctionnement de la Commission et de son secrétariat permanent.
Art. 74/9/2 — L'introduction d'une plainte suspend les mesures d'éloignement du territoire qui ont été prises à l'encontre de l'étranger détenu.
Art. 74/9/3 — La Commission établit chaque année un rapport annuel qui est transmis au ministre. »
Art. 7
Dans le titre IIIter précité de la loi précitée, il est créé un chapitre V, comprenant l'article 74/10, rédigé comme suit:
« Chapitre V. Le Rapport bi-annuel d'évaluation de la détention et de l'éloignement des étrangers.
Art. 74/10 — Tous les deux ans, le gouvernement dépose devant les Chambres législatives un rapport d'évaluation sur la détention et l'éloignement des étrangers.
Ce rapport indique et commente:
1º le nombre mensuel de personnes détenues dans chaque centre de détention et leur classification en fonction du sexe, de l'âge, de la nationalité et de la situation familiale;
2º la durée moyenne, minimale et maximale, de détention, par centre de détention et par étranger détenu;
3º le nombre de consultations médicales, d'hospitalisations, de tentatives de suicides et de mises en isolement médical;
4º le nombre de personnes mises en cellule d'isolement, ainsi que la durée moyenne, minimale et maximale de l'isolement;
5º le nombre de plaintes déposées auprès de la Commission de contrôle de la détention et de l'éloignement,
6º le nombre d'éloignements (rapatriements, refoulement, reconduites à la frontière), avec une classification en fonction de la nationalité;
7º le nombre de libérations, avec une classification en fonction de la nationalité;
8º les moyens, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour détenir et éloigner les étrangers illégaux.
Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, le Collège des médiateurs fédéraux, ainsi que la Commission fédérale de contrôle de la détention des étrangers joignent leurs observations au rapport d'évaluation. »
20 juillet 2010.
Philippe MOUREAUX Olga ZRIHEN Philippe MAHOUX Caroline DÉSIR. |
(1) Arrêté royal du 2 août 2002 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux situés sur le territoire belge, gérés par l'Office des étrangers, où un étranger est détenu, mis à la disposition du gouvernement ou maintenu, en application des dispositions citées dans l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étranger.
(2) Arrêté royal précité du 2 août 2002 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux situés sur le territoire belge, gérés par l'Office des étrangers, où un étranger est détenu, mis à la disposition du gouvernement ou maintenu, en application des dispositions citées dans l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
(3) CPT/Inf/E (2002) 1, Rev. 2006. Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) créé par la Convention du Conseil de l'Europe de 1987.