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29 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi spéciale a pour objet de rendre impossibles les candidatures multiples lorsque les élections pour le Parlement wallon ou pour le Parlement flamand coïncident avec celles pour les Chambres législatives fédérales ou pour le Parlement européen.
La législation actuelle permet d'être candidat et d'être élu dans plusieurs assemblées en cas d'élections simultanées. Il n'y a que pour l'élection des Chambres législatives fédérales que l'on ne peut être à la fois candidat à la Chambre et au Sénat. En revanche, rien ne s'oppose à ce que l'on soit à la fois candidat aux élections pour les Parlements de Région, d'une part, et aux élections pour les Chambres législatives fédérales ou pour le Parlement européen, d'autre part, lorsque ces élections ont lieu en même temps.
Pourtant, la qualité de membre d'un Parlement de Région est incompatible avec, entre autres, celle de député fédéral, de sénateur et de membre du Parlement européen.
Étant donné qu'une personne élue pour deux ou plusieurs mandats entre lesquels il existe une incompatibilité constitutionnelle ou légale ne peut exercer qu'un mandat, elle doit se faire remplacer pour les autres mandats.
La participation citoyenne est loin d'y trouver son compte. Les électeurs qui ont voté pour un candidat élu dans plus d'une assemblée doivent constater après les élections que l'intéressé ne peut exercer qu'un mandat et qu'il doit se faire remplacer pour le ou les autres mandats par un suppléant pour lequel les électeurs n'ont pas voté. Ceux-ci ont dès lors l'impression d'être trompés.
Qui plus est, la candidature double ou multiple en cas d'élections simultanées crée une discrimination tant pour les électeurs que pour les candidats. Les électeurs sont traités différemment parce qu'il leur est possible d'évaluer la portée de leur vote pour les candidats briguant un mandat dans une seule assemblée mais non pour les candidats briguant un mandat dans plus d'une assemblée. Les candidats à plus d'une assemblée sont traités plus favorablement du fait qu'ils disposent de plus de moyens pour mener leur campagne électorale et parce qu'ils pourront choisir, le cas échéant, quel mandat ils exerceront.
Tel est également l'avis de la Cour constitutionnelle qui, dans son arrêt nº 73/2003 du 26 mai 2003, a annulé la possibilité de double candidature pour la Chambre et le Sénat qui avait été instaurée par l'article 6 de la loi du 13 décembre 2002 portant diverses modifications en matière de législation électorale. La Cour motive cette annulation comme suit:
« La mesure attaquée est de nature à tromper l'électeur puisqu'il ne peut pas apprécier l'effet utile de son vote. En outre, elle avantage sans justification raisonnable les candidats qui peuvent bénéficier de la double candidature. »
Bien que la Cour constitutionnelle ne se soit pas prononcée dans son arrêt sur une double candidature lors d'élections simultanées autres que les élections de la Chambre et du Sénat, il peut cependant en être déduit qu'une double candidature peut entraîner une inégalité de traitement des candidats et placer l'électeur dans une situation où il n'est plus en mesure de voter en connaissance de cause, ce qui a pour effet de diminuer son influence.
Les constitutionnalistes estiment dès lors que les considérations développées par la Cour constitutionnelle dans son arrêt nº 73/2003 s'appliquent tout autant à d'autres élections simultanées que les élections de la Chambre et du Sénat.
Lors de son audition au Parlement flamand sur la proposition de décret spécial visant à instaurer des circonscriptions électorales provinciales pour le Parlement flamand, le professeur P. Van Orshoven a déclaré qu'il était indiqué, vu l'arrêt 73/2003, de supprimer la possibilité de candidatures multiples en cas d'élections simultanées pour des mandats qui sont incompatibles: « Le Parlement fédéral doit aller plus loin. Il doit accepter ce que la Cour constitutionnelle a souligné, à savoir que lorsque le même législateur est habilité à régler la candidature à différentes élections, il viole le principe d'égalité s'il autorise cette candidature simultanée. C'est donc davantage qu'une simple considération d'opportunité. ... Dans l'hypothèse où l'une et l'autre candidatures ressortissent à la compétence fédérale, la Cour constitutionnelle a clairement signifié au législateur fédéral qu'il ne devait plus autoriser pareille situation. » (Doc. Parl. Parlement flamand, 2003-2004, nº 1930/4, 12).
Ce point de vue du professeur Van Orshoven est partagé par le constitutionnaliste Hendrik Vuye dans la note qu'il a transmise à la Commission de la réforme institutionnelle et administrative du Parlement flamand: « L'arrêt 73/2003 (...) a pour conséquence qu'une double candidature — Parlement européen & Parlement flamand — est contraire au principe selon lequel l'électeur doit pouvoir apprécier l'effet utile de son vote. En outre, ces doubles candidatures avantagent certains candidats, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution. » (Doc. Parl. Parlement flamand, 2003-2004, nº 1930/4, 37).
Notre argumentation est la suivante: la Cour constitutionnelle a déduit de la lecture conjointe des incompatibilités — à savoir l'interdiction constitutionnelle ou légale d'exercer simultanément deux mandats parlementaires — et du principe d'égalité, l'interdiction implicite mais effective des candidatures doubles en cas d'élections simultanées pour des mandats incompatibles.
Ce principe s'applique donc également lorsque les élections pour les assemblées régionales coïncident avec celles pour le Parlement fédéral et pour le Parlement européen, eu égard à l'incompatibilité visée à l'article 119 de la Constitution, à celle visée à l'article 42, alinéa 2, de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen et à celle organisée par l'article 24bis, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Notre conclusion n'est pas remise en cause par la prohibition expresse des candidatures simultanées prévue lors des élections fédérales ni par le fait que la Cour constitutionnelle n'ait annulé qu'une exception — temporaire car conçue comme une mesure transitoire —, à cette interdiction.
D'une part, il semble pouvoir se déduire de l'arrêt que l'interdiction d'une candidature simultanée est une conséquence nécessaire de l'incompatibilité existant entre deux mandats qui sont à pourvoir lors d'élections simultanées. D'autre part, la Cour constitutionnelle n'hésite pas à qualifier les lacunes de la législation d'inconstitutionnelles (« en tant que... »).
Cela signifie concrètement que l'article 28bis, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'article 17, § 4, de la loi spéciale relative aux Institutions bruxelloises (« Un candidat ne peut figurer sur plus d'une liste pour la même élection ») et l'article 21, § 5, alinéa 1er, de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen (« Un candidat ne peut figurer sur plus d'une liste ») sont contraires au principe d'égalité dans la mesure où ils n'interdisent pas la candidature simultanée en cas d'élections simultanées, ce qui revient à dire qu'ils contiennent implicitement une telle interdiction.
Nous pouvons poursuivre logiquement notre raisonnement et considérer que nos propositions de loi ne tendent pas à instaurer une interdiction, mais à expliciter une interdiction existante, que la Cour constitutionnelle infère du principe d'égalité. En d'autres termes, nos propositions de loi ne feraient que transformer l'interdiction qualifiée ci-dessus d'« implicite » en interdiction explicite, ce qui est une bonne chose pour la sécurité juridique, mais ne porte naturellement pas préjudice à l'existence de cette interdiction implicite.
Une autre considération importante est le fait qu'une candidature multiple lors d'élections simultanées ne favorise pas la transparence de la politique. Du fait de la candidature multiple et du nombre considérable de « faux candidats », l'électeur éprouve plus de difficultés à suivre les élections. Or, dans une démocratie représentative, les élections sont le moment par excellence de participation à la vie politique.
Force nous est de constater que les nombreuses candidatures multiples tant aux élections législatives fédérales du 18 mai 2003 qu'aux élections des Parlements des entités fédérées et du Parlement européen du 13 juin 2004, ont assurément affaibli le rôle de l'électeur.
Pour ces raisons, la présente proposition prévoit que quiconque se présente aux élections d'un des Parlements de Région ne peut pas être simultanément candidat aux élections des Chambres législatives fédérales ou du Parlement européen, lorsque ces élections ont lieu le même jour.
Elle insère à cet effet, dans l'article 28bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui contient les dispositions relatives à la présentation de candidats pour le Parlement wallon et pour le Parlement flamand, un alinéa interdisant les candidatures multiples lorsque les élections du Parlement wallon et du Parlement flamand coïncident avec celles du Parlement fédéral ou du Parlement européen.
Elle insère une disposition similaire dans la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.
La présente proposition de loi spéciale forme un tout avec la proposition de loi qui insère, pour les élections du Parlement européen, une disposition similaire applicable si ces élections sont organisées le même jour que les élections des Chambres législatives fédérales ou des Parlements de Région.
Dirk CLAES. Jan DURNEZ. |
Article 1er
La présente loi spéciale règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 28bis, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la loi spéciale du 16 juillet 1993, sont apportées les modifications suivantes:
1º l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2:
« Nul ne peut se porter simultanément candidat pour les élections du Parlement wallon ou du Parlement flamand et pour les élections des Chambres législatives fédérales ou du Parlement européen, si ces élections ont lieu le même jour. »;
2º à l'alinéa 3, qui devient l'alinéa 4, le mot « deux » est remplacé par le mot « trois ».
Art. 3
À l'article 17, § 4, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises sont apportées les modifications suivantes:
1º l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2:
« Nul ne peut se porter simultanément candidat pour les élections du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et pour les élections des Chambres législatives fédérales ou du Parlement européen, si ces élections ont lieu le même jour. »;
2º à l'alinéa 2, qui devient l'alinéa 3, les mots « l'interdiction indiquée à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots « l'interdiction indiquée aux deux alinéas précédents ».
14 octobre 2010.
Dirk CLAES. Jan DURNEZ. |