5-193/1 (Sénat) 53-0553/001 (Chambre)

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Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

8 OCTOBRE 2010


Présidence belge de l'Union européenne: situation actuelle


RAPPORT

FAIT AU NOM DU COMITÉ D'AVIS FÉDÉRAL CHARGÉ DES QUESTIONS EUROPÉENNES, DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE DU SÉNAT ET DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS PAR

MM. VANLOUWE (S), MAHOUX (S) ET DE CROO (CH)


I. INTRODUCTION

Au printemps 2010, plusieurs auditions ont été organisées dans le cadre de la préparation de la présidence belge du Conseil de l'Union européenne, du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010.

Pour le gouvernement fédéral belge, le moment est donc venu de procéder à une évaluation intermédiaire de cette présidence. Il a été proposé que chaque ministre qui préside un Conseil rende compte de ses activités aux commissions permanentes compétentes de la Chambre et du Sénat, ainsi qu'au Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes.

Une première réunion s'est tenue le mardi 28 septembre 2010, en présence de M. Vanackere, ministre des Affaires étrangères.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. STEVEN VANACKERE, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A. Introduction générale

Le 1er octobre 2010 marque précisément la mi-parcours de la présidence belge de l'Union européenne. Le moment est donc propice à la réalisation d'un bilan intermédiaire, déjà très prometteur. Il est vrai qu'au cours de ces trois premiers mois de présidence, nous avons déjà engrangé quelques beaux résultats. L'intervenant songe notamment à l'accord sur la surveillance financière qui a été approuvé le mois dernier à l'initiative de son collègue des Finances, M. Didier Reynders, mais aussi à l'accord SWIFT et à l'accord sur la décision de constituer le Service européen d'action extérieure. Mais plusieurs dossiers épineux nous attendent encore durant la seconde moitié de notre présidence. L'intervenant pense entre autres à la problématique du brevet européen, qui fait actuellement l'objet d'intenses négociations auxquelles son département participe activement.

M. Vanackere préside personnellement deux Conseils, à savoir le Conseil Affaires générales et le Conseil Affaires étrangères dans sa formation réunissant les ministres du Commerce, et il va de soi qu'il prend également part, au nom de la Belgique, au Conseil Affaires étrangères proprement dit. Avant de faire le point sur six dossiers abordés dans les Conseils qu'il préside, l'intervenant souhaite formuler quelques observations générales sur la collaboration avec les institutions et acteurs européens sous notre présidence.

À chaque renouvellement de la présidence, la tradition veut que l'on organise des rencontres officielles afin de présenter la présidence entrante de l'UE à la Commission européenne et aux présidents des groupes politiques du Parlement européen. Pour les présidents belges des différents conseils spécialisés (ministres fédéraux et régionaux), ces rencontres ont été l'occasion rêvée de mettre quelques dossiers prioritaires sur la table et de plaider pour une coopération étroite et constructive avec les deux institutions. La Commission européenne, mais aussi le Parlement européen, ont tenu des propos élogieux sur le contenu de notre programme et, en particulier, sur l'intention de la Belgique de respecter la lettre et l'esprit du Traité de Lisbonne.

On ne saurait suffisamment souligner le rôle clé du Parlement européen dans le processus législatif grâce à l'extension de la procédure de codécision prévue par le Traité de Lisbonne. Il fut manifeste dans le dossier SWIFT, ainsi que, par exemple, dans le cadre des négociations sur le Service européen d'action extérieure, le futur service diplomatique européen. C'est pourquoi l'ensemble de mes collègues fédéraux et régionaux, présidents de conseil sont encouragés à rester en contact étroit avec le Parlement également dans les mois qui viennent. À cet égard, l'orateur tient d'ailleurs à souligner aussi les efforts d'Olivier Chastel, secrétaire d'État aux Affaires européennes, qui — au nom de la Présidence belge — est quasi chaque semaine en contact avec le Parlement, que ce soit ici à Bruxelles ou à Strasbourg.

La collaboration est en outre également excellente avec le président Van Rompuy et la Haute représentante Ashton. En sa qualité de président du Conseil des Affaires générales, l'orateur assure la préparation des Conseils européens en concertation avec Herman Van Rompuy. Un Conseil européen s'est tenu le 16 septembre 2010 en présence des ministres des Affaires étrangères, puisque les relations avec nos partenaires stratégiques figuraient à l'ordre du jour. Deux autres Conseils européens auront lieu pendant notre présidence, aux mois d'octobre et de décembre.

Pendant sa présidence, la Belgique met également tout en œuvre pour aider Catherine Ashton en attendant que le Service européen d'action extérieure soit mis sur pied. Concrètement, cela signifie que la Belgique assume la responsabilité de la présidence à Bruxelles des groupes de travail, mais aussi à l'extérieur de l'UE — par le biais des postes diplomatiques belges — dans les pays où il n'y a pas encore de délégation de l'Union européenne ou dans ceux où la délégation locale de l'Union européenne n'a pas encore de chef de délégation résident. L'orateur essaie d'apporter sa pierre à cet édifice. C'est ainsi qu'il a organisé les 10 et 11 septembre 2010, le Conseil informel des ministres des Affaires étrangères (également appelé le « Gymnich »), dont il a assuré la présidence conjointe à la demande de la Haute Représentante. Il a également remplacé Mme Ashton à diverses reprises en Belgique et à l'étranger. Tel fut notamment le cas le 19 août 2010, à l'occasion de l'allocution que Catherine Ashton m'a demandé de prononcer au nom de l'Union européenne devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York à l'occasion des inondations catastrophiques qui ont frappé le Pakistan.

En ce qui concerne la Commission européenne, l'orateur souligne notamment la bonne collaboration avec Mme Georgieva, la Commissaire compétente pour la Coopération internationale, l'Aide humanitaire et la Réaction aux crises. Au cours des derniers mois, il a insisté auprès d'elle et de Mme Catherine Ashton pour que soit mise rapidement sur pied une initiative de la Commission visant à formuler des propositions en vue d'une réaction mieux coordonnée de l'UE aux grandes catastrophes naturelles et à celles provoquées par l'homme. L'expérience des catastrophes en Haïti et au Pakistan nous a en effet appris que beaucoup reste à faire dans ce domaine. Au début du mois de novembre 2010, la Commission publiera un avis à ce sujet, qui sera examiné dans les semaines qui suivront par le Conseil Affaires générales présidé par le ministre.

Au cours de son exposé, l'intervenant se concentrera essentiellement sur les Conseils qu'il préside. Toutefois, il souhaite d'abord présenter brièvement un certain nombre de thèmes qui, ces derniers mois, étaient à l'ordre du jour du Conseil Affaires étrangères présidé par Mme Catherine Ashton:

— En juillet 2010, les ministres des Affaires étrangères se sont penchés entre autres sur la situation au Soudan dans la perspective du référendum qui y sera organisé en janvier 2011 sur l'éventuelle sécession du sud du pays. Le Conseil a ensuite discuté de la situation dans les Balkans occidentaux et du processus de paix au Moyen-Orient, et il a approuvé la décision relative à la transposition de la résolution 1929 du Conseil de sécurité des Nations unies concernant les sanctions contre l'Iran.

— Le thème central du Gymnich des 10 et 11 septembre 2010 a été les relations entre l'UE et ses partenaires stratégiques, dont la Chine en particulier, tant en ce qui concerne la méthodologie des rencontres avec ces pays que leur contenu: les thèmes sur lesquels il faudrait travailler, nos leviers et instruments, etc. Cette discussion a fait office de préparation au Conseil européen du 16 septembre 2010, consacré au même thème. En outre, cette rencontre informelle des ministres des Affaires étrangères fut également l'occasion de discuter de la politique de l'UE à l'égard du Pakistan et de la Turquie, et d'organiser le traditionnel petit-déjeuner de travail avec les pays candidats à l'adhésion.

B. Chantiers des Conseils Affaires générales et Affaires étrangères

L'intervenant souhaite faire un rapide tour d'horizon de la situation actuelle et des perspectives dans six dossiers et thèmes importants. En premier lieu, il se penchera sur les deux questions institutionnelles qui donnent immédiatement effet à deux réformes importantes du Traité de Lisbonne, à savoir la création du Service européen d'action extérieure et le lancement de l'initiative législative citoyenne. Il abordera ensuite deux dossiers à caractère horizontal: le réexamen du budget de l'Union (« Budget Review ») réalisé par la Commission et la stratégie Europe 2020, un thème qui illustre bien le rôle du Conseil Affaires générales dans la préparation et le suivi des Conseils européens.

Le ministre commentera également la situation de l'élargissement de l'Union, entre autres sur la base des contacts qu'il a eus ces derniers mois avec plusieurs collègues des pays concernés. Enfin, l'intervenant présentera les activités du Conseil Affaires étrangères lorsqu'il évoquera la politique commerciale internationale de l'Union. Dans ce cas, la présidence tournante aura en effet lieu au siège de la présidence.

1. Service européen d'action extérieure (SEAE)

Le Service européen d'action extérieure est l'une des grandes innovations du Traité de Lisbonne. Notre présidence a la lourde responsabilité de faire en sorte que, dans la continuation des efforts consentis sous la présidence espagnole, les instruments législatifs préparatoires à ce Service soient adoptés dans les plus brefs délais par le Conseil et le Parlement européen, afin que l'on puisse clôturer la période transitoire actuelle.

À un moment où l'Union est confrontée à des défis internationaux de taille, il est plus que jamais indispensable de rendre ce service diplomatique européen rapidement opérationnel. Le Conseil européen d'il y a deux semaines a encore indiqué explicitement dans ses conclusions que « le Service européen pour l'action extérieure constituera un instrument de première importance pour soutenir les efforts entrepris afin de renforcer la politique extérieure de l'Union européenne ».

Heureusement, en ce qui concerne le SEAE, nous avons déjà pu enregistrer quelques avancées importantes et les travaux se déroulent comme prévu.

Le Conseil Affaires générales du 26 juillet a adopté sous ma présidence la décision portant sur l'organisation et le fonctionnement du Service. Cette décision, le document de base pour l'établissement du Service, fut le résultat de négociations intenses entre la Haute représentante, le Conseil, la Commission et le Parlement européen.

La mise en place effective du Service européen d'action extérieure requiert toutefois que le Parlement européen adopte encore trois autres instruments plus techniques.

— 1er instrument: la modification du règlement financier qui doit permettre de créer l'autonomie budgétaire pour le Service compte tenu de son caractère sui generis (ni Conseil ni Commission), et permettre aux chefs des délégations de l'Union dans des pays tiers de procéder aux dépenses opérationnelles relevant de la Commission;

— 2e instrument: la modification du statut des fonctionnaires européens qui doit assurer l'autonomie du Service dans la gestion de son personnel avec diverses ressources de recrutement;

— 3e instrument: le projet de budget rectificatif pour 2010: 9 521 000 euros pour permettre le recrutement de cent nouveaux postes en 2010.

Le Conseil a dégagé un accord en son sein sur les trois instruments mais leur adoption requiert aussi l'accord du Parlement européen. La Présidence belge a entamé les concertations avec le Parlement européen sur le règlement Financier et le Statut. Les discussions sur le budget 2010 seront entamées incessamment. Lors du récent Conseil européen, le Président du Parlement européen a lui-même exprimé le souhait que les instruments connexes puissent être adoptés au plus tard en octobre. La pression est donc grande sur l'ensemble des institutions pour finaliser le dossier sans tarder de manière à ce que le Service puisse — comme le souhaitent la présidence et Mme Ashton- être effectivement mis sur pied au 1er décembre 2010.

Par ailleurs, en s'appuyant sur le soutien que lui ont apporté les institutions lors de l'adoption de la décision de base, Mme Ashton a déjà lancé des procédures de recrutement. Vingt-neuf chefs de postes de délégations UE (dont douze proviennent d'États membres) viennent ainsi d'être désignés. D'autres procédures de sélection sont en cours. Les diplomates nationaux recrutés ne le sont toutefois à ce stade que comme agents de la Commission. Ce n'est qu'après adoption des instruments connexes qu'ils pourront être transférés vers le Service.

2. L'initiative citoyenne européenne

Outre le SEAE, il existe un deuxième dossier institutionnel qui découle directement de la mise en œuvre du Traité de Lisbonne: « l'initiative citoyenne ». L'on attend beaucoup de notre présidence dans ce domaine également, car l'initiative citoyenne montre de manière particulièrement visible que le Traité vise à rapprocher les citoyens européens de l'Union en les associant directement à l'élaboration d'initiatives législatives.

Le Traité dispose ce qui suit à ce sujet:

« Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application des traités. »

La nécessité de recueillir un million de signatures est précisée dans le Traité, mais de nombreuses autres dispositions et procédures doivent encore être définies suivant la procédure législative ordinaire.

Sous la Présidence espagnole, le Conseil avait déjà dégagé un compromis sur la délicate question de savoir si la recevabilité d'une initiative législative citoyenne devait être contrôlée au cours de la phase initiale ou seulement après l'obtention d'un nombre considérable de signatures. La proposition de compromis adoptée prévoit de ramener le seuil initial de 300 000 signatures à 100 000 et de rejeter d'emblée les initiatives qui ne relèvent manifestement pas du champ d'application des traités.

Le dossier est actuellement examiné au Parlement européen. Les deux principales difficultés dans les négociations entre la Présidence, la Commission et le Parlement concerneront à nouveau vraisemblablement le moment auquel la recevabilité doit être contrôlée et le nombre de renseignements à communiquer par les citoyens pour soutenir une initiative. Il s'agit ici de trouver le bon équilibre entre l'accessibilité et la collecte d'un nombre de données suffisant pour permettre aux États membres d'effectuer les contrôles voulus.

Le vote au sein des commissions compétentes du Parlement européen est prévu pour novembre, après quoi l'on peut espérer un vote en séance plénière pour le mois de décembre. Nous espérons donc pouvoir encore clôturer cet exercice important au cours de notre présidence. Les parlements nationaux sont d'ailleurs associés également à la discussion. Le 30 septembre 2010 aura lieu une rencontre entre les commissions concernées du Parlement européen et les parlements nationaux sur la question de l'initiative citoyenne.

3. Réexamen du budget

Après ces dossiers institutionnels, l'intervenant souhaite aborder deux dossiers horizontaux qui ont une importance capitale pour la suite et la réussite de notre présidence: le réexamen du budget et le suivi de la stratégie Europe 2020.

Une communication de la Commission sur le réexamen du budget européen est attendue en octobre 2010. Cet exercice global d'évaluation du budget européen était déjà prévu dans l'accord interinstitutionnel qui fixait le cadre financier pluriannuel 2007-2013. La Commission avait alors été invitée « à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'UE, y compris la politique agricole commune, ainsi que les ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et à faire rapport en 2008-2009 ». L'exercice a pris un peu de retard mais la Commission annonce maintenant le document pour octobre 2010.

Cet exercice de réexamen global des dépenses et des ressources européennes doit permettre de préparer les propositions pour le prochain cadre financier 2014-2020, attendues pour début 2011. La Présidence belge prendra cet exercice en charge dès la publication de la communication par la Commission. Le dossier relève du Conseil Affaires générales, mais les travaux devraient également donner lieu à des conclusions lors du Conseil européen en décembre 2010.

L'exercice est suivi avec attention par les États membres. La préparation des perspectives financières a tendance à mettre en avant les intérêts parfois divergents des États-membres en ce qui concerne les dépenses européennes, selon que l'accent soit plutôt mis sur la politique agricole commune, les politiques de cohésion ou encore d'autres politiques financées par l'Union européenne.

Le contexte budgétaire difficile auquel font face tous les États-membres de l'UE ne simplifie pas les choses, dans la mesure où il renforce pour certains la nécessité d'établir des priorités nettes dans les dépenses européennes. Les questions relatives au financement du budget européen, qu'elles concernent la mise à disposition de nouvelles ressources propres ou encore la question des différents rabais aux contributions de certains États-membres, promettent également des débats intensifs. Le Parlement européen estime que le financement actuel du budget est intenable face à la multiplication de nouvelles politiques et de demandes croissantes en matière de dépenses (mise en œuvre d'Europe 2020). Le Commissaire en charge du Budget, M. Lewandowski, semble songer à des ressources propres provenant notamment du marché européen des crédits de carbone (ETS) ou encore de la taxe sur les transactions bancaires. Nous estimons, en tant qu'État membre, que de telles pistes devraient être explorées — la situation actuelle nous paraissant en effet intenable.

Enfin, cet exercice sera également suivi de près par le Parlement européen. En effet, ce dernier, qui insiste depuis plusieurs années sur la nécessité d'augmenter les plafonds globaux, a laissé entendre qu'il était favorable à une révision à mi-parcours ambitieuse qui inclurait une modification des perspectives financières actuelles. Par ailleurs, les nouveaux pouvoirs qui lui ont été accordés dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle tendent à renforcer l'assertivité du Parlement européen dans le domaine budgétaire.

Pour la présidence belge, qui est aussi en charge de mener à bien la procédure budgétaire 2011, il apparait dès lors essentiel d'éviter que le débat sur les prochaines perspectives financières ne vienne contaminer la procédure budgétaire annuelle et n'ait un effet spill-over négatif sur l'approbation du budget 2011. Il sera dès lors primordial pour la présidence belge de trouver un équilibre institutionnel entre Parlement européen, Conseil et Commission en ce qui concerne les dossiers budgétaires à traiter au second semestre 2010.

4. Europe 2020

Le coup d'envoi de la stratégie Europe 2020 a été donné lors du Conseil européen de juin 2010, au cours duquel les chefs d'État et de gouvernement ont arrêté cinq objectifs chiffrés:

—  porter à 75 % le taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans, notamment grâce à une plus grande participation des jeunes, des travailleurs âgés et des travailleurs peu qualifiés, ainsi qu'à une meilleure intégration des migrants légaux;

— porter à 3 % du PIB le niveau cumulé des investissements publics et privés dans le secteur de la recherche et du développement;

—  réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport à 1990, faire passer à 20 % la part des sources d'énergie renouvelables dans notre consommation globale d'énergie et tendre à une augmentation de 20 % de notre efficacité énergétique;

—  réduire à moins de 10 % le taux de décrochage scolaire et porter à 40 % au moins la part de la population (de la catégorie d'âge 30-34 ans) diplômée de l'enseignement tertiaire ou équivalent;

—  favoriser l'inclusion sociale, en particulier en réduisant la pauvreté, en faisant en sorte que 20 millions de personnes au moins cessent d'être confrontées au risque de pauvreté et d'exclusion.

Le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement a également approuvé dix lignes directrices pour la politique économique et de l'emploi, visant à traduire les objectifs en orientations générales.

Maintenant que les objectifs stratégiques ont été entérinés, il faut les mettre en œuvre concrètement, tant au niveau européen qu'au niveau national. La présidence du Conseil est investie d'une responsabilité particulière à cet égard, en collaboration avec la Commission et le Parlement européen.

Au niveau européen, les regards se tournent à présent principalement vers les sept initiatives phares thématiques de la Commission, destinées à mettre en œuvre la stratégie UE 2020. Les initiatives « Une stratégie numérique pour l'Europe » et « Jeunesse en mouvement » ont déjà été présentées. Quatre autres initiatives (celles relatives à l'innovation, à la politique industrielle, aux nouvelles compétences et aux nouveaux emplois, ainsi qu'à la plateforme contre la pauvreté) devraient l'être également d'ici la fin de l'année. Quant à la dernière initiative, consacrée à une utilisation plus efficace de nos ressources, elle est attendue pour le premier semestre de 2011.

Parallèlement à ces initiatives phares, la Commission présentera en octobre 2010 deux autres initiatives importantes dans le cadre de la stratégie UE 2020: le paquet de mesures, issues du rapport Monti, visant à améliorer le fonctionnement du marché unique, ainsi qu'une communication sur la future stratégie commerciale qui donnera forme à la dimension extérieure de cette nouvelle stratégie.

Il incombe à la présidence tournante d'examiner minutieusement toutes ces initiatives au sein des formations compétentes du Conseil et de veiller à ce que le calendrier convenu soit respecté au mieux.

Au niveau national, l'attention se focalise sur la traduction de la stratégie européenne en objectifs de politique nationale. Une étape importante de ce processus concerne les discussions bilatérales qui auront lieu entre la Commission et les États membres du 29 septembre au 7 octobre 2010. Ces contacts, auxquels la Présidence belge sera également associée, visent principalement à préparer les programmes nationaux de réformes, dont un avant-projet devra être déposé d'ici le 12 novembre 2010. Il s'agit en fait d'une mesure transitoire. En effet, à partir de 2010, les programmes nationaux de réformes devront être déposés au printemps, en même temps que les programmes de stabilité et de convergence, dans le cadre du principe du « semestre européen » qui vient d'être adopté.

La concrétisation des diverses initiatives évoquées incombe naturellement aux conseils spécialisés compétents, mais l'intervenant a tenu à les aborder étant donné que le Conseil Affaires générales est compétent pour assurer le suivi des Conseils européens et la cohérence du travail accompli par les diverses formations du Conseil. C'est la raison pour laquelle il a pris l'initiative, en juillet, de s'atteler au suivi du Conseil européen — en particulier en ce qui concerne la stratégie Europe 2020 — en s'appuyant sur un document récapitulatif de la présidence qui présente les futurs travaux des formations du Conseil. Il s'agit également d'éviter les pertes de temps afin que le momentum pour les réformes structurelles puisse être maintenu au maximum. Le document, qui a été accueilli favorablement, sert entre-temps de fil conducteur. L'intervenant se propose de renouveler l'exercice lors du Conseil Affaires générales de fin octobre et d'actualiser le fil conducteur. Pour clore la Présidence belge, le Conseil Affaires générales de décembre procédera à un inventaire global de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie, et l'on préparera le débat du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010, consacré à la R&D et à l'innovation.

L'intervenant insiste sur la nécessité du suivi de la stratégie par le Conseil Affaires générales, car le manque de suivi global et de coordination, tant de la part du Conseil européen que du Conseil Affaires générales, est l'une des principales causes de la non-réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne. C'est pourquoi la Belgique accorde une telle importance à une dimension de gouvernance forte dans la stratégie UE 2020 et au rôle qui incombe à cet égard au Conseil Affaires générales.

5. L'élargissement

L'élargissement sera au cœur des travaux du Conseil Affaires générales de décembre, à l'occasion duquel des conclusions seront adoptées sur l'état de préparation des pays candidats et de ceux qui ont une perspective à adhérer à l'UE. En tant que président de cette formation du Conseil, l'orateur estime qu'il est de son devoir de trouver un consensus entre les États membres, afin d'adopter une position qui encourage ces pays dans la voie de leur rapprochement à l'Union tout en soulignant les efforts qui doivent encore être consentis pour y parvenir.

Nous pouvons d'ores et déjà nous féliciter du lancement formel des négociations d'adhésion avec l'Islande, le 27 juillet dernier. À cette occasion, l'orateur a rencontré son homologue Skarphedinsson auquel il a rappelé la nécessité de remplir l'ensemble de l'acquis, même dans des domaines sensibles pour l'Islande, tels que l'agriculture, la pêche, la protection de la faune marine ou encore les services financiers.

Le ministre a également rencontré à plusieurs reprises ses collègues turc et chypriote, lors de missions à Ankara et à Chypre ainsi que de contacts bilatéraux à Bruxelles. L'objectif principal de ces démarches est d'éviter un blocage du processus de négociation d'adhésion avec la Turquie en décembre. Il va de soi que cela dépendra au premier chef des efforts que la Turquie consentira pour répondre aux obligations qui sont les siennes, ce que je n'ai pas manqué de rappeler à mes différents interlocuteurs.

Des avancées substantielles sont attendues à un double niveau:

— d'une part, afin de permettre la poursuite des négociations en tant que telle et l'ouverture à la négociation d'au moins un chapitre, la Turquie devra faire preuve d'une réelle volonté politique d'aller de l'avant en mettant en œuvre les réformes nécessaires, notamment en matière d'aides d'État;

— d'autre part, il est également attendu qu'elle mette pleinement en œuvre l'Accord d'Union douanière avec l'UE, en ce compris avec la République de Chypre, par la mise-en-œuvre du protocole additionnel au protocole d'Ankara. Cette exigence a été répétée à maintes reprises et a mené l'Union à freiner l'ensemble du processus de négociations depuis 2006 au vu des manquements turcs en la matière.

Lors de la réunion de haut niveau à Sarajevo consacré à l'avenir des Balkans occidentaux et à laquelle l'orateur a participé en mai dernier, la perspective européenne des pays de cette région a été clairement rappelée par l'ensemble des États membres. L'orateur est en faveur d'un tel rapprochement, pour autant qu'il s'inscrive dans le cadre du nouveau consensus sur l'élargissement adopté en 2006 et, aux termes duquel les États membres ont convenu que chaque pays candidat serait évalué sur base de ses mérites propres et en fonction du respect complet des conditions pour l'ouverture et la clôture des négociations, sans fixer la date de clôture des pourparlers. C'est à la lumière de ces principes que l'orateur souhaite aborder les différents dossiers sur la table.

Les négociations avec la Croatie sont entrées dans leur phase finale mais des chapitres importants restent à régler tels que ceux ayant trait à la concurrence ou à l'appareil judiciaire et aux droits fondamentaux, en ce compris la coopération avec le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, qui reste un élément auquel la Belgique attache une importance primordiale. Le processus de négociations avec la Croatie sera poursuivi activement et l'orateur espère qu'à la fin de ce semestre, la Croatie et l'UE auront fait un pas décisif et réalisé des avancées considérables vers la finalisation des négociations. Évidemment, ces avancées dépendront des efforts fournis, et surtout des résultats obtenus par la Croatie, il ne saurait dès lors être question d'avancer une date de clôture des pourparlers.

En novembre 2009, la Commission a recommandé l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Le ministre a vivement encouragé celle-ci et la Grèce, lors de ses rencontres avec ses homologues Antonio Milososki et Dimitri Droutsas, à trouver un terrain d'entente sur la question du nom afin d'aller de l'avant.

L'attitude plus modérée dont la Serbie a su faire preuve ces dernières semaines, suite à l'avis rendu par la Cour internationale de justice sur la proclamation unilatérale d'indépendance du Kosovo et lors du vote d'une résolution sur le Kosovo à l'Assemblée générale des Nations unies il y a quinze jours, doit être saluée. Le ministre a dès lors décidé que la question de l'envoi de la demande d'avis de la Commission sur la candidature serbe à l'Union européenne serait abordée au conseil du mois d'octobre 2010.

Le Conseil de décembre 2010 sera l'occasion de donner une réponse aux candidatures d'adhésion monténégrine et albanaise ainsi que, au lendemain des élections en Bosnie-Herzégovine, de rappeler à celle-ci les avancées concrètes qui sont attendues d'elle pour rendre effectif son rapprochement à l'Union.

Enfin, on ne peut que saluer le travail de la mission d'État de droit de l'Union européenne au Kosovo — EULEX — et du gouvernement kosovar d'y renforcer l'état de droit. Tout comme ce fut déjà le cas l'année dernière, l'orateur souhaite que le Conseil rappelle la perspective européenne de ce pays et invite la Commission à formuler des propositions concrètes en la matière.

6. Politique commerciale

En conclusion de son exposé, l'intervenant abordera une importante responsabilité de la présidence tournante, à savoir la présidence du Conseil des Affaires étrangères sous l'angle de la politique commerciale commune.

La politique commerciale a beaucoup évolué ces dernières années. En effet, parallèlement aux négociations multilatérales de l'OMC entamées en 2001 dans le cadre du cycle de Doha, l'UE a commencé à négocier une nouvelle génération d'accords de libre-échange dans le but de renforcer sa présence sur les marchés émergents en croissance. Ces accords complètent le système commercial multilatéral existant en ce qu'ils portent sur un grand nombre de volets distincts (libéralisation des produits industriels et agricoles ainsi que des services, réglementation, développement durable, droits de propriété intellectuelle, accès aux marchés, etc.), qui sont abordés de manière plus approfondie que ce n'est le cas dans le cycle de Doha.

Diverses négociations sont en cours et la Présidence belge est déjà parvenue à engranger un premier succès majeur. Le 16 septembre 2010, le Conseil présidé par l'intervenant a conclu un accord au sujet de la signature et de l'application à titre provisoire d'un accord de libre-échange entre l'UE et la Corée du Sud.

Il s'agit sans conteste du projet de zone de libre-échange (ZLE) le plus ambitieux que l'UE ait jamais négocié. Non seulement cette zone permettra aux entreprises européennes d'épargner au total 1,6 milliard d'euros de droits de douane sur base annuelle, mais elle contribuera aussi à abaisser sensiblement les barrières commerciales non tarifaires que la Corée du Sud a érigées face à plusieurs de nos secteurs, comme le secteur pharmaceutique, le secteur des cosmétiques, le secteur de l'alimentation, le secteur automobile et le secteur des services. (L'instauration de cette zone de libre-échange se traduira par une réduction immédiate des droits de douane à concurrence de 850 millions d'euros. Ensuite, la baisse se poursuivra de manière progressive (périodes transitoires de trois ou cinq ans, selon la catégorie de produits) pour atteindre le montant de 1,6 milliard d'euros. Il y aura une exemption des droits de douane pour 97 % du volume total du commerce des biens entre l'UE et la Corée du Sud.) En cette période de crise économique, il s'agit là d'un signal politique fort. Précisons aussi qu'entre-temps, les négociations se poursuivent avec le Parlement européen au sujet du règlement relatif à la clause de sauvegarde qui doit protéger nos industries en cas de hausse importante des importations de produits sud-coréens spécifiques.

Durant notre présidence, nous sommes également parvenus, dans le cadre de l'UE-27, à conclure un accord au sujet de l'ouverture de négociations sur un accord de libre-échange avec la Malaisie et un accord avec la Chine sur la protection d'indications géographiques. D'ici la fin de l'année, nous espérons aussi pouvoir enregistrer des avancées dans les négociations ZLE, entre autres avec l'Inde et Singapour.

C. Conclusion

Ces derniers mois, d'importants progrès ont déjà été réalisés dans plusieurs domaines majeurs. Mais il ne faudrait évidemment pas donner l'impression que l'Europe ne se préoccupe que d'elle-même et ne pense qu'à ses propres intérêts. C'est une erreur que nous avons commise à l'approche du sommet de Copenhague sur le climat, lorsque nous nous sommes concentrés trop exclusivement sur nos propres objectifs et pas assez sur ce qui était possible pour nos partenaires. C'est pourquoi, si l'UE veut obtenir des résultats, elle doit se concerter avec ses partenaires, chercher si possible à nouer des alliances de manière à pouvoir jeter préalablement les bases d'un éventuel compromis. Nous aurons amplement l'occasion d'agir dans ce sens dans les mois qui viennent puisque Bruxelles, Lisbonne et Tripoli accueilleront respectivement le sommet ASEM, le sommet UE-USA et le sommet UE-Afrique.

III. ÉCHANGE DE VUES

A. Remarques relatives à la méthode de travail

Mme Olga Zrihen, sénatrice, salue la manière dont le Conseil des Affaires générales se profile actuellement. On peut ainsi avoir une vision précise de l'ensemble des dossiers pendants en Europe. La Hongrie, qui sera notre prochain partenaire dans la présidence trio, adoptera-t-elle la même méthode ?

Mme Gwendolyn Rutten, députée, estime que la présidence belge fait du bon travail et cite, à l'appui, la réglementation relative à la surveillance du secteur financier, l'accord avec la Corée du Sud, etc.

Le ministre des Affaires étrangères répond qu'au sein du Conseil des Affaires générales, il ne fait qu'accomplir la mission qui lui est assignée par le Traité de Lisbonne, à savoir préparer la réunion et assurer le suivi des résultats. Tel est l'angle sous lequel la majorité des États membres conçoivent la Présidence belge. Ils attendent de la Belgique qu'elle définisse des bonnes pratiques que l'Europe post-Lisbonne devra concrétiser.

Dans le contexte actuel, les conseils informels demeurent d'une grande importance car ils donnent l'occasion aux responsables politiques d'échanger des idées plus librement et d'apprendre à mieux se connaître et ce, en l'absence de « Speaking Notes », de points de vue figés, etc. Il faut absolument conserver cette méthode de travail.

B. Service européen d'action extérieure (SEAE)

M. Patrick De Groote, sénateur, aimerait connaître le point de vue du ministre sur les questions suivantes relatives au SEAE:

— Quelle est l'implication des États membres dans la mise sur pied du SEAE, conformément au Traité de Lisbonne ? Va-t-on procéder selon une approche intergouvernementale, et donc sans engagement, ou plutôt suivant une méthode communautaire et contraignante ?

— La structure, les missions et le personnel du SEAE soulèvent bon nombre de questions. Comment le service en question va-t-il se positionner par rapport à la diplomatie nationale ? Des priorités ont-elles été définies pour ce service d'action extérieure ?

— Jusqu'à présent, la politique étrangère européenne était une somme de points de vue nationaux et n'était pas prise très au sérieux. Quelles initiatives seront prises pour favoriser l'unité européenne en la matière et pour parler d'une seule voix ?

Mme Christiane Vienne, députée, demande quand les conclusions du Sommet informel seront finalisées et mises en œuvre concrètement. Elle s'interroge ensuite sur le parcours professionnel des vingt-neuf chefs de poste élus, dont deux Belges. Ces personnes sont-elles issues d'un service diplomatique national ou ont-elles un autre parcours ?

Mme Gwendolyn Rutten, députée, constate que le SEAE représente une nouvelle mission importante pour l'Union européenne. Des moyens financiers supplémentaires sont-ils prévus afin de remplir cette mission ? De plus, la création du SEAE conduira inévitablement à une redéfinition des missions du service diplomatique belge. Peut-on déjà identifier les effets de ce changement sur le plan budgétaire ?

Mme Juliette Boulet, députée, demande des précisions à propos des relations entre Mme Ashton, chef du Service diplomatique européen dépourvu de moyens, et le ministre belge, chef du service diplomatique belge doté de moyens. L'on a appris que le ministre avait déjà remplacé Mme Ashton en mission ou à la présidence d'un conseil informel. Où en sont les relations actuellement ? Il importe également de savoir comment vont collaborer les différents services diplomatiques en Europe, tant sur le plan national qu'au niveau européen, notamment dans le cadre des organisations internationales.

M. Karl Vanlouwe, sénateur, demande si le SEAE est appelé à devenir le prolongement des services diplomatiques nationaux ou s'il doit les remplacer à terme. En outre, le statut de ce service en général, et de Mme Ashton en particulier, n'est pas des plus clair. S'agit-il d'une matière intergouvernementale ou plutôt communautaire, d'autant plus que Mme Ashton est tout de même également vice-présidente de la Commission européenne ?

Le ministre des Affaires étrangères ne pense pas que Mme Ashton ne soit pas assez visible. On ne peut pas comparer les dix mois d'activité de cette dernière et les dix ans d'action de M. Solana. Elle a une mission importante à accomplir et, depuis sa nomination en décembre 2009, elle attend toujours les moyens pour la mener à bien. Par ailleurs, elle ne peut pas être partout à la fois.

En ce qui concerne l'opposition entre l'approche communautaire et la vision intergouvernementale, la Belgique a clairement une vision communautaire. Néanmoins, notre pays assure actuellement la présidence européenne et doit, à ce titre, essayer de rapprocher les différents points de vue. Selon le ministre, un tel consensus ne peut être atteint qu'en laissant l'« ownership » aux États membres. Il ne faut pas donner l'impression que le SEAE sera un 28e service diplomatique, mais plutôt un 27e service « Plus ». Un rôle important sera toujours dévolu à la diplomatie nationale — songeons par exemple à la diplomatie économique — ou aux services consulaires. En revanche, le SEAE devra jouer un rôle central dans les domaines où l'on attend de l'Europe qu'elle parle d'une seule voix.

À l'heure actuelle, l'Union européenne entre dans une nouvelle phase de politique étrangère. Aujourd'hui, Kissinger ne devrait plus se demander quel numéro de téléphone il doit composer. Mais lorsqu'on appelle le numéro unique, on peut encore appuyer sur telle ou telle touche pour entendre les opinions allemande, française, anglaise, etc. L'existence d'un SEAE ne suffit donc pas; il faut encore définir une vision commune qui ne puisse pas être réduite à néant par vingt-sept visions contradictoires.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que pour avoir un véritable appareil diplomatique européen, il faut aussi une concertation et une coopération intensives entre les fonctionnaires. Ce sont eux qui doivent collaborer pour mettre en place un dispositif uniforme. Des formations et des briefings communs peuvent les y aider.

Pour ce qui est des diplomates belges affectés au SEAE, l'un provient des services de la Commission européenne et l'autre est issu du service diplomatique belge.

C. Sommet Asie-Europe

Mme Olga Zrihen, sénatrice, indique qu'au cours de la session de l'ASEP qui s'est tenue du 26 au 28 septembre 2010, l'on a longuement négocié pour aboutir à un texte final qui est révolutionnaire à plusieurs égards. Il est regrettable que ce texte ne puisse pas être présenté, mais seulement déposé, au prochain Sommet de l'ASEM. Est-il possible de faire tout de même une présentation ? Les gouvernements ont-ils des réticences face aux positions prises par leurs parlements ?

Mme Eva Brems, députée, confirme que de nombreuses discussions ont été menées en marge de l'ASEP dans le but d'inclure la notion de droits de l'homme dans la déclaration finale. Cet objectif a été atteint. Ne peut-on pas s'appuyer sur cette initiative pour faire évoluer le Sommet de l'ASEM dans la même direction ?

Le ministre des Affaires étrangères félicite l'ASEP pour le résultat obtenu. La déclaration finale sera soumise en primeur aux participants à l'ASEM. L'on pourra certainement envisager à l'avenir d'intégrer les résultats de l'ASEP dans le programme de l'ASEM, ce que l'agenda ne permet plus de faire actuellement.

D. Situation au Moyen-Orient

Mme Olga Zrihen, sénatrice, qualifie la politique européenne au Moyen-Orient de talon d'Achille de l'action extérieure. L'on parle d'initiatives prises par le Quartet mais globalement, Mme Ashton reste quasi invisible. C'est dommage, car l'absence d'une voix européenne unique multiplie inévitablement les visions européennes.

M. François-Xavier de Donnéa, député, s'enquiert de la position de l'Union européenne sur la non-reconduction par Israël du moratoire sur les constructions dans les régions palestiniennes. Mme Ashton peut-elle prendre position ?

Mme Juliette Boulet, députée, constate que l'Union européenne est de nouveau exclue des pourparlers entre les parties. Les États-Unis ont repris la main. La fin du moratoire sur les constructions en zone palestinienne a aussi complètement bouleversé le climat. Une telle évolution est-elle conciliable avec la lettre que le gouvernement israélien a adressée à ses diplomates en poste dans l'Union européenne, dans laquelle il affirme que le climat est suffisamment favorable pour resserrer les liens économiques et commerciaux avec les pays européens et l'Union européenne ?

M. Richard Miller, sénateur, réclame une solution pacifique pour le Moyen-Orient. Dans cette perspective, il s'interroge sur la situation de l'Union euroméditerranéenne, où le conflit israélien semble avoir bloqué de nombreux dossiers.

Mme Eva Brems, députée, aimerait quand même évoquer aussi la situation en Iran, où la population est accablée par les excès d'un régime juridique islamiste qui impose répression, intimidation et persécutions religieuses. L'Union européenne doit intensifier les pressions sur ce régime et ne plus se contenter d'adopter chaque année une simple résolution au sein des Nations unies.

L'intervenante se demande si l'intervention unilatérale du président français Sarkozy, qui souhaite inviter à Paris les parties impliquées dans le conflit israélo-palestinien, ne fragilise pas l'unité de l'Europe en la matière.

Le ministre des Affaires étrangères dément le manque de présence de Mme Ashton car, comme elle le dit elle-même, elle tient à réaliser des choses sur le terrain sans pour autant apparaître sur les photos. C'est d'ailleurs à la demande d'Israël et de l'Autorité palestinienne que l'Union européenne a été étroitement associée aux discussions.

Il est clair que les États-Unis sont le moteur des négociations. L'Union européenne est censée se porter garante des résultats, les consolider et les exécuter.

L'Union européenne entretient surtout des contacts dans les coulisses, par l'intermédiaire de Mme Ashton et de la présidence belge. Un récent sondage a révélé que la plupart des Israéliens, mais aussi des Palestiniens, considèrent que la création de deux États est la seule solution envisageable. Mais ils pensent aussi que cette piste n'aboutira jamais car elle sera toujours rejetée par l'un des protagonistes. Seule une forte dose de courage politique permettra de surmonter de tels antagonismes.

En ce qui concerne la fin du moratoire sur les constructions, Mme Ashton a déjà condamné cette décision qui l'a contrariée au plus haut point. Elle la qualifie d'énorme pas en arrière. Il incombe aux négociateurs d'intervenir tous azimuts pour tenter d'inverser cette évolution.

La force de l'Union euroméditerranéenne réside dans son caractère jusqu'ici relativement informel. Il faut absolument éviter d'institutionnaliser à outrance cet instrument, car cela ne ferait qu'aggraver le blocage.

E. Élargissement de l'Union européenne

M. François-Xavier de Donnéa, député, indique que l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ouvre la voie à de très nombreuses réformes. Ne vaudrait-il pas mieux ralentir quelque peu le processus d'élargissement afin de laisser le temps à l'Union européenne de s'organiser sur le plan interne ?

M. Bart Laeremans, député, déplore l'absence de critique de la part du gouvernement belge à l'égard de l'adhésion de la Turquie. Ce ne sont pourtant pas les objections qui manquent: la Turquie n'est pas un pays européen, le régime ne semble pas des plus démocratiques, l'influence du gouvernement est considérable, la liberté de culte est sujette à caution, de grands pays comme l'Allemagne et la France sont opposés à l'adhésion et, dans notre pays aussi, les résistances sont énormes.

Mme Gwendolyn Rutten, députée estime au contraire, qu'il faut soutenir le point de vue de la Belgique tant que celui-ci est et reste fondé sur des faits objectifs.

M. Richard Miller, sénateur, est convaincu que la candidature de la Turquie doit être évaluée sur la base de critères purement objectifs et rationnels et que les réactions émotionnelles n'ont pas leur place en l'espèce.

Mme Christiane Vienne, députée, souhaite revenir un instant à l'évaluation des pays qui sont membres de l'Union européenne depuis peu mais qui ont encore un long chemin à parcourir. Ainsi, si un problème se pose à l'heure actuelle en ce qui concerne les Roms, c'est aussi parce que leur intégration en Roumanie soulève des difficultés. Quand procédera-t-on à une évaluation de la politique d'intégration et de ses lacunes ? Le suivi auquel les pays candidats à l'adhésion sont soumis ne doit pas s'arrêter dès que ceux-ci deviennent membres effectifs de l'Union. On ne peut nier par exemple que les énormes difficultés financières auxquelles la Grèce est confrontée actuellement sont imputables en partie à son adhésion (quelque peu) irréfléchie à l'Union européenne.

Le ministre des Affaires étrangères souligne que, dans le cadre des négociations avec la Turquie, il est tenu d'agir comme président et, partant, de jouer le rôle d'« Honest Broker ». Cela signifie que, lorsqu'un État a obtenu le statut de pays candidat à l'adhésion, il y a lieu d'évaluer en toute impartialité s'il répond aux conditions d'adhésion et si l'Union européenne dispose d'une capacité suffisante pour intégrer ce pays. Il faut oser reconnaître que, si la situation de la Turquie est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est à la perspective de l'adhésion qu'elle le doit. En Turquie, tant la majorité que l'opposition sont persuadées que l'évolution positive et les progrès du pays sont dus notamment aux perspectives européennes. La Belgique ne peut donc pas se permettre de prendre l'initiative de fermer la porte et de mettre un coup d'arrêt à l'évolution de la Turquie, d'autant que celle-ci a encore un long chemin à parcourir avant d'être prête pour l'adhésion.

Il est exact que les pays candidats à l'adhésion font souvent l'objet d'une évaluation plus stricte que les États membres effectifs. Cela vaut d'ailleurs aussi pour la Belgique. En ce qui concerne la Roumanie et la Bulgarie, il y a encore plusieurs obstacles à l'adhésion: ces deux pays ne sont pas membres de l'espace Schengen, de nombreux engagements ont été pris à titre provisoire, etc. De plus, des sanctions ont déjà été infligées par le passé, notamment à l'encontre de la Bulgarie et de sa politique en matière de justice.

F. Politique étrangère de l'Union européenne

Mme Christiane Vienne, députée, demande si des accords de libre-échange seront encore conclus avec des pays tiers comme ce sera le cas prochainement avec la Corée du Sud.

Mme Juliette Boulet, députée, a appris que le commissaire De Gucht et son collègue de la coopération au développement ont écrit aux gouvernements nationaux pour leur demander comment ils voient une éventuelle réforme des accords de partenariat économique avec des pays tiers. Quelle est la teneur de cette lettre et comment la Belgique pense-t-elle y réagir avec un gouvernement en affaires courantes ?

M. Richard Miller, sénateur, constate que la mission de police au Congo a été prolongée. Peut-on parler d'une réussite et quelles sont les conditions de cette prolongation ?

Mme Eva Brems, députée, salue les récentes déclarations par lesquelles le ministre a exprimé sa déception quant au manque de protection des droits et de la sécurité du citoyen congolais. La question est toutefois de savoir ce qu'il faudra faire à présent. La Belgique, en tant que présidente de l'UE, ne peut-elle pas accorder une priorité plus importante à ce problème ?

Le ministre pourrait-il clarifier le concept des partenariats stratégiques de l'Union européenne sous tous ses aspects ? Des accords de libre échange sont en cours de négociation avec l'Inde et Singapour, mais ils ne seront pas prêts avant la fin de la présidence belge.

Le ministre des Affaires étrangères souligne que la mission de police au Congo a notamment induit un changement de mentalité chez les autorités congolaises, ce qui a permis de mettre en place une nouvelle législation en matière de police.

La Belgique saisit chaque occasion de mettre le Congo à l'ordre du jour. C'est ainsi que cette question a également été abordée au cours de l'entretien avec le ministre sud-africain des Affaires étrangères. Cette politique a assurément porté ses fruits. La mission de la MONUC a ainsi pu être prolongée et son mandat a été étendu, passant d'une simple mission de maintien de la paix à une véritable mission de consolidation. Des élections ont pu être organisées dans le délai prévu par la Constitution, etc.

En ce qui concerne l'Iran, Il est possible d'en faire plus. Il faut, par exemple, s'efforcer de parler d'une seule voix au sein de la commission des droits de l'homme à Genève, ce qui est évidemment difficile.

Le flou est un peu le propre des partenariats stratégiques. Il est parfois préférable de ne pas révéler les stratégies, sans toutefois faire obstacle à la mise en place d'un véritable partenariat. De plus, on n'en est encore qu' à un stade initial et l'Europe a encore du chemin à faire.

G. Perspectives financières

Mme Christiane Vienne, députée, évoque la taxe Tobin et la taxe carbone déjà mentionnée dans le cadre de la recherche de nouvelles sources de financement. Il faut cependant être conscient que cela ne permettra pas de tout résoudre. Qu'en est-il ?

L'intervenante demande en outre si une décision a déjà été prise concernant les compensations perçues par le Royaume-Uni. Celles-ci sont-elles acquises une fois pour toutes ?

Mme Gwendolyn Rutten, députée, constate que le Traité de Lisbonne a octroyé toute une série de nouvelles compétences à l'Union européenne. Cependant, aucun moyen financier supplémentaire n'a apparemment encore été débloqué. Le premier ministre a récemment plaidé pour plus d'économies. Cela doit aller de pair avec une augmentation des ressources propres en faveur de l'Union européenne, afin qu'elle puisse financer ses nombreuses compétences nouvelles.

Par ailleurs, l'intervenante souhaiterait que l'on dissipe la confusion suscitée par une information parue dans le Financial Times selon laquelle la Belgique ne serait pas partisane de l'imposition de sanctions financières à un État membre qui aurait mené une mauvaise politique budgétaire. Il est clair que l'on doit pouvoir prendre de véritables sanctions financières, qui soient appliquées automatiquement, qui aient un impact suffisant et puissent être graduelles, en allant éventuellement jusqu'à des retenues sur les aides versées dans le cadre des fonds structurels par exemple. Le premier ministre ne semblait pas particulièrement favorable à cette dernière mesure. Quelle est la vision du gouvernement belge ?

Le ministre des Affaires étrangères s'attend, dans les prochains mois, à une discussion épineuse sur les finances. Les perspectives d'avenir (2014-2020) susciteront déjà suffisamment de tension, et il faudra donc éviter que des divergences lors de l'évaluation à mi-parcours ne débouchent sur un blocage et n'empêchent ainsi de boucler le budget pour 2011.

Il est vrai que la taxe Tobin, présentée sur papier comme la panacée, refait régulièrement surface. L'idée est très louable, mais elle ne se concrétisera probablement pas durant la présidence belge.

La vision belge en ce qui concerne le budget des années à venir repose sur l'idée qu'il faut prévoir une base financière plus large pour l'Union européenne, mais de nombreux États membres veulent surtout économiser sur les dépenses. C'est dans ce contexte qu'il faut situer la remarque du premier ministre.

La Belgique est, elle aussi, favorable à un régime de sanctions plus strict. Le soutien en faveur des fonds structurels ne peut pas être remis en cause, car ces fonds répondent à des besoins réels.

H. Observations concernant les affaires intérieures et la justice

M. Bart Laeremans, député, cite un rapport commun d'Europol, Eurojust et Frontex selon lequel 900 000 illégaux entreraient en Europe chaque année. À l'échelle de la Belgique, cela équivaudrait à quelque 63 000 illégaux par an. Des initiatives sont-elles prises pour freiner cet afflux ?

Concernant la problématique des Roms, M. Laeremans affirme que la Commission européenne a été trop dure envers la France. Le gouvernement français applique une politique de retour humaine, et non une politique de déportation. Quel est le point de vue de la Belgique en la matière, sachant qu'à défaut d'aller en France, les Roms pourraient venir dans notre pays ?

M. Richard Miller, sénateur, est convaincu qu'une véritable citoyenneté européenne permettrait de résoudre nombre de problèmes tels que celui des Roms. La présidence belge doit apporter son soutien à cette idée. Quelle est la vision du gouvernement belge à cet égard ?

Le ministre des Affaires étrangères répond que ces questions sont traitées par le Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI). M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice, et Mme Annemie Turtelboom, ministre de l'Intérieur, en sont responsables.

La question des Roms, qui est également à l'ordre du jour du Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI), doit être résolue conformément au programme de Stockholm.

L'observation relative à la citoyenneté européenne est pertinente. En 1950, la finalité de la construction européenne était claire: il s'agissait de créer une véritable Union européenne. À présent, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur ce que l'Union européenne peut faire pour le citoyen en tant que personne. C'est dommage car il faudra changer cette mentalité: le projet européen ne se limite pas à essayer d'améliorer la situation personnelle du citoyen.

I. Objectifs socioéconomiques

Mme Olga Zrihen, sénatrice, se demande si l'instauration d'un brevet européen est toujours une priorité pour le Conseil de la concurrence ainsi que pour l'Europe dans son ensemble.

Mme Gwendolyn Rutten, députée, rappelle qu'au départ, le talon d'Achille de la stratégie de Lisbonne était l'absence de sanction contre les États membres. Ne risque-t-on de reproduire la même situation avec le programme Europe 2020 ? Il est indispensable de vérifier si les objectifs sont respectés.

Le ministre des Affaires étrangères considère le brevet européen comme une de ses priorités absolues. Il s'agit néanmoins d'une discussion particulièrement difficile, ainsi qu'en atteste le fait que le brevet était déjà une priorité de l'ordre du jour de la présidence belge précédente en 2001.

J. Initiative citoyenne

Mme Christiane Vienne, députée, est une fervente partisane de l'initiative citoyenne mais s'interroge quant à sa mise en œuvre dans la pratique. Les États membres sont-ils en mesure de mettre en œuvre la partie de cette initiative qui leur incombe ?

Mme Gwendolyn Rutten, députée, rappelle que l'âge minimum requis pour pouvoir participer à l'initiative citoyenne est fixé à la majorité légale dans chaque État membre, ce qui exclut malheureusement un groupe important de jeunes motivés. L'âge minimum ne pourrait-il pas être fixé de manière générale à seize ans dans toute l'Union européenne ?

Le ministre des Affaires étrangères déclare que les États membres sont responsables du recensement des signatures et de leur validité. En ce qui concerne l'observation de Mme Rutten, il s'agit certainement d'une idée intéressante qui mérite d'être examinée de plus près, mais il importe à présent d'arriver à un accord sur l'initiative citoyenne en sa forme actuelle. Par la suite, l'on pourra éventuellement voir comment l'améliorer.

Les présidents-rapporteurs,
Karl VANLOUWE (S), Philippe MAHOUX (S), Herman DE CROO (Ch).