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27 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 7 octobre 2009 (doc. Sénat, nº 4-1448/1 - 2008/2009).
En ne retenant plus la faute comme cause de divorce, la nouvelle loi sur le divorce en vigueur depuis le 1er septembre 2007 désamorce préventivement de nombreux divorces qui s'annoncent conflictuels.
Grâce à différentes lois et au changement des mentalités qui en découle, le régime de résidence et la pension alimentaire allouée en faveur des enfants à la suite d'une séparation constituent de plus en plus rarement une pomme de discorde susceptible d'entraîner d'interminables procédures de divorce conflictuelles.
Il est vrai que dans un nombre de cas relativement limité, la question de la pension alimentaire personnelle est la cause durable et tenace de très longues procédures de divorce conflictuelles. Cette cause de divorces conflictuels se fait de plus en plus rare, car le modèle du ménage à double revenu est aujourd'hui la norme. En outre, la dernière réforme de la procédure de divorce a encore introduit une série de règles qui contribuent à réduire fortement ce type de litiges.
Dans l'état actuel de la législation, le partage des biens, en particulier immobiliers, demeure assurément la cause des divorces conflictuels. La détermination de la valeur du bien immobilier constitue le facteur d'incertitude qui provoque et fait durer la méfiance et, partant, le conflit entre les époux en instance de divorce, mais aussi entre les cohabitants, légaux ou de fait, qui choisissent de se séparer. Ce phénomène est encore amplifié par la précarité financière en ces temps de crise économique. D'une manière très spécifique, l'incertitude qui règne sur le marché de l'immobilier est encore une source supplémentaire de méfiance et de conflits. Actuellement, la loi ne prévoit aucun moyen rapide et objectif d'obtenir une évaluation définitive de la valeur du bien immobilier à partager. C'est ainsi que l'on assiste au phénomène étrange des partenaires en instance de séparation qui, ayant trouvé un accord sur tous les points — en premier lieu sur les enfants et le partage des biens mobiliers — se disputent sur le partage du ou des biens immobiliers, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les points déjà convenus.
Les partenaires en instance de séparation demandent l'avis de leurs amis, de leurs connaissances, voire de leur avocat, qui y vont chacun de leur propre estimation. Dans bien des cas, les partenaires finissent par se rendre chez un agent immobilier ou un notaire qui donne, là encore, son estimation personnelle. Naturellement, eu égard à l'objet de l'évaluation et au manque de paramètres objectifs, cette estimation comporte toujours une part de subjectivité. Lors de la négociation, les partenaires présentent évidemment le montant qui leur est le plus profitable, ce qui entraîne généralement disputes et méfiance. Il arrive parfois également qu'une somme d'argent considérable soit déboursée pour payer les services d'un expert immobilier, expert judiciaire ou non. Le fait est que toutes ces tentatives d'estimation et d'argumentation sont unilatérales et n'ont pas la moindre force contraignante. En plus d'être inutiles, elles compliquent fortement la recherche d'un compromis. Dans certains cas aussi, les partenaires désignent un expert d'un commun accord, ce qui non seulement entraîne également des frais considérables mais ne fait pas non plus avancer les choses, l'évaluation de cet expert n'étant pas contraignante. Cette façon de procéder cause, elle aussi, plus de problèmes qu'elle n'en résout. Parfois aussi, les partenaires concluent un accord au début de leur séparation, en utilisant ou non une ou plusieurs des méthodes précitées, et leur accord vole ensuite en éclats à cause d'une nouvelle estimation.
Il est évident que l'incertitude relative à la détermination de la valeur du bien immobilier a un effet néfaste dans les procédures de divorces potentiellement consensuels et qu'elle est donc souvent à l'origine de divorces conflictuels. La présente proposition de loi a pour but de permettre une procédure accélérée d'estimation ou de détermination de la valeur du ou des biens immobiliers des partenaires en instance de séparation, qu'ils soient mariés ou cohabitants sous quelque forme que ce soit, afin de tuer dans l'oeuf tout conflit à cet égard et, par voie de conséquence, de réduire spectaculairement le nombre de divorces conflictuels. Cela ne signifie pas pour autant qu'un accord sera conclu immédiatement, mais la situation aura au moins le mérite d'être claire, ce qui en soi est de nature à dissiper l'incertitude et à faire disparaître les conflits où chacun campe sur ses positions.
Il est important que cette procédure soit à la fois la plus accessible, la plus simple et la moins onéreuse possible. Il faut aussi que son résultat soit contraignant pour la suite des opérations, même dans le cadre de la liquidation-partage. Il doit donc s'agir d'une estimation définitive. Enfin, il faut veiller à ce que la procédure d'évaluation proprement dite soit contradictoire et de nature à éviter autant que possible d'envenimer le conflit. C'est la raison pour laquelle on prévoit également un délai d'attente avant de pouvoir demander unilatéralement l'estimation, à savoir trois mois à compter du moment où les partenaires en instance de séparation n'habitent plus sous le même toit. En revanche, ceux-ci peuvent recourir d'un commun accord à la procédure d'évaluation accélérée dès l'instant où ils ne partagent plus le même domicile. Ils doivent joindre à leur demande la preuve de la cohabitation antérieure au moyen d'un certificat de domicile. Le but de cette vérification est de garantir que seuls les partenaires en instance de séparation aient recours à la procédure d'évaluation. Selon les conditions définies, la procédure est accessible aux personnes mariées comme aux cohabitants légaux ou de fait.
L'auteur de la présente proposition de loi opte pour une procédure dans le cadre de la justice de paix, comportant un minimum de formalités. Par le biais d'une simple requête, unilatérale ou commune, les partenaires en instance de séparation peuvent demander au juge de paix de désigner un expert. Le juge désigne directement, sans audience, un expert en la matière, à charge pour celui-ci de transmettre au greffe de la justice de paix, dans un délai d'un mois, un rapport d'estimation dont le coût et les modalités sont fixés par arrêté royal, étant entendu que le coût doit être le moins élevé possible. Le but n'est pas de fournir un rapport volumineux basé sur des points de référence, comme le font assez habituellement certains experts lorsqu'ils évaluent des biens mobiliers. En effet, dans l'optique de la nouvelle procédure proposée, les experts en question seront régulièrement chargés de réaliser ce type d'évaluations et seront donc censés se baser sur des points de référence fixes. Une note justificative de quelques pages sera suffisante, et ce pour un coût réduit compte tenu du fait que les experts seront amenés à traiter un grand volume d'estimations. Une fois que le (greffe du) juge de paix aura reçu le projet de rapport, il le transmettra aux parties, qui disposeront d'un délai d'un mois pour transmettre leur observations par écrit. Le juge de paix statuera ensuite par ordonnance, sans audience, et enverra sa décision aux parties. Cette décision n'est pas susceptible de recours. La présente proposition de loi opte, d'une part, pour la procédure en justice de paix en raison de son accessibilité et, d'autre part, pour la piste judiciaire, fût-ce à un degré minimal, pour donner plus de poids et de fiabilité à l'estimation en accordant un droit de contrôle au juge de paix.
Guy SWENNEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans la partie IV, livre IV, chapitre XI, du Code judiciaire, la section IV, abrogée par la loi du 27 avril 2007, est rétablie dans la formulation suivante:
« Section IV. — Requêtes en détermination accélérée de la valeur des biens immobiliers en indivision entre partenaires. »
Art. 3
Dans la section IV, insérée par l'article 2, l'article 1309 est rétabli dans la formulation suivante:
« Art. 1309. — § 1er. À la demande de l'une ou des deux parties, le juge de paix du dernier lieu de résidence commun des parties détermine la valeur des biens immobiliers que les parties possèdent en indivision.
§ 2. Les parties peuvent déposer la requête en commun dès leur inscription à une adresse séparée. Si une seule des parties souhaite déposer la requête, celle-ci ne peut l'être qu'après une durée de trois mois à compter de l'inscription à une adresse séparée.
§ 3. Il est joint à la requête une attestation d'inscription séparée de chaque partie, une attestation de domicile prouvant que les parties ont cohabité pendant un certain temps, ainsi qu'une copie de l'acte attestant que le ou les biens immobiliers en indivision sont la propriété des deux parties.
§ 4. Dans les sept jours suivant le dépôt de la requête, le juge de paix désigne un expert qui, dans un délai d'un mois, transmet au greffe du juge de paix une estimation de la valeur des biens immobiliers, accompagnée d'une note justificative succincte, conformément aux directives définies par arrêté royal.
§ 5. Le greffe transmet sans délai cette estimation aux parties, en leur indiquant qu'elles disposent d'un délai d'un mois à compter de la date d'envoi de l'estimation pour faire parvenir leurs observations par écrit.
§ 6. Au plus tard dans les sept jours suivant le délai visé au paragraphe 5, le juge de paix détermine par ordonnance la valeur des biens immobiliers. Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours.
§ 7. Le Roi définit les modalités auxquelles doivent satisfaire l'estimation et la note justificative qui l'accompagne, ainsi que la rétribution de l'expert.
Les frais incombent aux parties, chacune pour moitié. »
Art. 4
Dans la partie IV, article 1256, du même Code, il est inséré, entre les alinéas 1er et 2, un alinéa rédigé comme suit:
« Le cas échéant, il convient de tenir compte de la détermination de la valeur des biens immobiliers, visée au chapitre XI, section IV, du présent Code, qui est contraignante pour les parties. ».
24 septembre 2010.
Guy SWENNEN. |