5-339/1

5-339/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

13 OCTOBRE 2010


Proposition de loi modifiant l'article 346-2 du Code civil visant à simplifier la procédure lors de l'adoption d'un deuxième enfant

(Déposée par M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 5 mai 2010 (doc. Sénat, nº 4-1784/1 - 2009/2010).

La réforme législative de l'adoption, résultant de la loi du 24 avril 2003, a sensiblement modifié cette matière qui nécessitait d'être actualisée, tant en droit interne que pour la mettre en conformité avec les principes de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

La loi fédérale, inscrite dans le Code civil, fixe au demeurant les compétences des communautés: préparation des candidats adoptants, réalisation des enquêtes sociales, encadrement de toute demande individuelle d'adoption interne et internationale, en collaboration avec les autorités compétentes du pays d'origine des enfants.

Ces compétences ont d'ailleurs été précisées par le décret du 31 mars 2004 relatif à l'adoption voté par la Communauté française.

Sur le plan des principes, l'article 346-2 du Code civil prévoit notamment que:

« L'aptitude [à adopter] est appréciée par le tribunal de la jeunesse sur la base d'une enquête sociale, qu'il ordonne. La personne ou les personnes désireuses d'adopter un enfant doivent, préalablement à cette appréciation de leur aptitude, avoir suivi la préparation organisée par la communauté compétente, comprenant notamment une information sur les étapes de la procédure, les effets juridiques et les autres conséquences de l'adoption ainsi que sur la possibilité et l'utilité d'un suivi post-adoptif. »

La présente proposition tend à se pencher sur le mécanisme de la préparation des candidats adoptants dans le cadre particulier d'une deuxième adoption.

Selon les indications contenues sur le site Internet de la Communauté française de Belgique, le processus de préparation existe sous forme de trois niveaux successifs (1) :

— d'abord en grand groupe, lors de la phase d'information, à un niveau rationnel, les intervenants fournissent des informations sur les aspects juridiques, contextuels, institutionnels, médicaux, culturels, éthiques et humains de l'adoption ainsi que sur les points amenés par les participants. En « dépliant » les questions et en mettant ainsi en évidence les différents enjeux sous-jacents, cette phase permet aux candidats adoptants d'acquérir une connaissance des droits de l'enfant en état de vulnérabilité, de l'éthique en matière d'adoption, du profil des enfants en besoin d'adoption, de la parentalité adoptive et de ses spécificités;

— ensuite en petit groupe, lors de la phase de sensibilisation collective, on continue le cheminement entamé. La rencontre avec d'autres candidats adoptants et avec des professionnels de la relation enfants/adolescents-parents, la mise en situation de certaines dimensions via diverses techniques d'animation permettent aux participants d'écouter d'autres points de vue et expériences, de formuler leurs propres représentations, de faire l'expérience de certaines questions et problématiques de façon plus concrète et complète (vécu, sentiments, ...). Une partie du travail est conçue de façon collective: en grand groupe, en sous-groupes, en couple, en duo avec un autre participant, en groupe de futurs pères ou mères. Une autre partie vise à susciter chez chacun des participants une réflexion plus profonde et personnelle, sans rien devoir rendre au groupe: qu'est-ce que telle facette de l'adoption mobilise en moi, qu'est-ce que je suis capable de mettre en mots, ...;

— enfin individuellement et/ou en couple, les questions sont affinées par le biais d'entretiens psychologiques avec les professionnels spécialisés dans les questions d'adoption et intervenant au sein des équipes pluridisciplinaires des organismes agréés d'adoption (OAA). À ce stade de la sensibilisation individuelle, chacun des candidats adoptants est placé dans des conditions lui permettant de faire le point sur les éléments qu'il a pu s'approprier au niveau personnel et subjectif au cours de son parcours, de son cheminement personnel mais aussi de celui de son couple. Cette phase doit lui permettre de dresser le bilan de ses potentialités de telle manière que dans la phase d'apparentement, le candidat va pouvoir élaborer un projet d'adoption intégrant tant ses souhaits et ses attentes que ses ressources, ses limitations et les possibilités réelles d'adoption.

D'un point de vue pratique, on peut distinguer les situations différentes suivantes:

a) Première adoption

Le cycle de préparation de base, qui s'adresse aux candidats adoptants à une première adoption encadrée, comprend:

— la phase d'information collective: deux séances de quatre heures;

— la phase de sensibilisation collective: trois séances de quatre heures;

— la phase de sensibilisation individuelle: trois entretiens psychologiques.

Le coût global de ce cycle de préparation est de 500 euros.

b) Seconde adoption

Le cycle de préparation à une nouvelle adoption encadrée, qui s'adresse aux candidats adoptants ayant déjà réalisé une adoption encadrée, comprend:

— la phase de sensibilisation collective: une séance de quatre heures;

— la phase de sensibilisation individuelle: trois entretiens psychologiques.

Le coût global de ce cycle de préparation est de 400 euros.

c) Adoption intrafamiliale

Le cycle de préparation à une adoption intrafamiliale interne, qui s'adresse aux candidats adoptants souhaitant adopter un enfant résidant en Belgique et qui n'y a pas été déplacé en vue de son adoption, et est soit apparenté jusqu'au 3e degré, soit familier des adoptants, comprend:

— la phase d'information collective: une séance de quatre heures;

— la phase de sensibilisation individuelle: deux ou trois entretiens psychologiques.

Le coût global de ce cycle de préparation est de 250 euros (deux entretiens) ou 350 euros (trois entretiens).

d) Préparation à une adoption internationale intrafamiliale

Le cycle de préparation à une adoption internationale intrafamiliale, qui s'adresse aux candidats adoptants souhaitant adopter soit un enfant résidant à l'étranger apparenté jusqu'au 3e degré, soit un enfant résidant en Belgique avec l'adoptant, autorisé à s'y établir ou à y séjourner plus de trois mois, ou ayant fait l'objet d'une mise sous tutelle MENA, comprend:

— la phase d'information: un entretien individuel à l'ACC (autorité centrale communautaire);

— la phase de sensibilisation individuelle: deux ou trois entretiens psychologiques.

Le coût global de ce cycle de préparation est de 250 (deux entretiens) ou 350 euros (trois entretiens).

e) Préparation à une nouvelle adoption intrafamiliale interne ou internationale

Le cycle de préparation à une nouvelle adoption intrafamiliale interne ou internationale, qui s'adresse aux candidats adoptants ayant déjà bénéficié d'une préparation lors d'une adoption antérieure, et souhaitant adopter un enfant tel que défini pour les cycles de préparation à l'adoption intrafamiliale interne ou internationale, comprend:

— la phase de sensibilisation individuelle: deux ou trois entretiens psychologiques.

Le coût global de ce cycle de préparation est de 250 (deux entretiens) ou 350 euros (trois entretiens).

À la lecture de ces différentes modalités, eu égard au temps requis pour leur réalisation et à leur coût, on peut s'interroger sur la nécessité de reproduire un mécanisme de préparation des candidats adoptants lorsqu'on se place dans le cadre d'une deuxième adoption.

L'auteur relève en effet que l'objectif poursuivi par les articles 346-1 et 346-2 est de vérifier l'aptitude du ou des candidats adoptants à adopter.

Il lui paraît par conséquent qu'ayant été préparé une première fois, et son aptitude à adopter ayant été reconnue, il est pour le moins saugrenu de devoir contraindre le candidat adoptant à se préparer une seconde fois à une expérience d'adoption qu'il traverse quotidiennement.

L'auteur souligne par contre toute l'importance de l'étude sociale ordonnée par le tribunal de la jeunesse, qui paraît un prérequis évident, parce qu'elle permet d'évaluer positivement ou négativement l'évolution de la cellule familiale qui a déjà adopté une première fois.

Il est à noter que cette démarche importante peut cependant être facultative, comme l'indique l'article 346-2 du Code civil, qui prévoit que:

« l'enquête sociale n'est cependant pas obligatoire lorsque l'adoptant désire adopter un enfant:

1º apparenté, jusqu'au troisième degré, à lui-même, à son conjoint ou à son cohabitant, même décédés; ou

2º dont il partage déjà la vie quotidienne ou avec lequel il entretient déjà un lien social et affectif. »

À la lecture de ce texte, on comprend aisément que, face à ces situations factuelles, le législateur ait posé un principe d'exception au caractère obligatoire de l'enquête sociale.

Dans le même état d'esprit, on peut se demander pourquoi, étant exemptés d'enquête sociale, un adoptant qui procède à l'adoption du second enfant de son conjoint, par exemple, devrait suivre une nouvelle préparation pour être apte à adopter, alors même qu'il partage le quotidien et l'éducation du premier enfant, et assume son rôle de parent, parfois depuis plusieurs années.

À cet égard, il semble que le magistrat saisi du dossier tirera plus d'informations utiles pour sa décision d'une enquête sociale, que d'une préparation propre au candidat adoptant une seconde fois.

L'auteur n'entend cependant pas priver le candidat qui adopte une deuxième fois de la possibilité de bénéficier de cette préparation, s'il le souhaite, mais entend supprimer son caractère obligatoire, dès lors que la plus-value d'une seconde préparation est d'ordre purement subjectif.

C'est en ce sens que la présente proposition entend modifier l'article 346-2 du Code civil.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 346-2, alinéa 1er, du Code civil, inséré par la loi du 24 avril 2003, est complété par une troisième phrase:

« La préparation est facultative pour l'adoptant ou les adoptants qui l'ont déjà suivie lors d'une première adoption, et dont l'aptitude à adopter à été reconnue par le tribunal de la jeunesse. »

20 juillet 2010.

Philippe MAHOUX.

(1) http://www.adoptions.be/soutiendesca/la_preparation/.