5-308/1 | 5-308/1 |
13 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 29 février 2008 (doc. Sénat, nº 4-595/1 - 2007/2008).
La loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant, a introduit une palette de nouvelles possibilités pour mieux garantir les relations personnelles entre parents et enfants après divorce.
L'inscription au Code civil du principe en vertu duquel le tribunal, à défaut d'accord entre les parents, en cas d'autorité parentale conjointe, doit examiner prioritairement, à la demande d'un des parents au moins, la possibilité de fixer l'hébergement de l'enfant de manière égalitaire entre ses parents, a une valeur symbolique qu'il convient de ne pas sous-estimer.
Après l'adoption de la loi du 13 avril 1995, qui a fait de l'autorité parentale conjointe un principe ou point de départ légal, la loi sur l'hébergement égalitaire constitue une innovation supplémentaire majeure, par laquelle le législateur consacre le principe de l'égalité permanente des deux parents vis-à-vis de leurs enfants, même après divorce. L'impact psychosocial préventif des prises de position du législateur est particulièrement important.
Contrairement à ce que laisse entendre l'intitulé de la loi du 18 juillet 2006, le législateur a prévu, en plus de l'inscription de l'hébergement égalitaire comme point de départ légal, d'autres innovations que « la réglementation de l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant ».
D'une part, en plus de l'exécution forcée, il y a le fait que l'astreinte — que l'on retrouvait déjà fréquemment dans un large courant de la jurisprudence — est désormais inscrite expressis verbis dans la loi.
D'autre part, le juge est dorénavant autorisé à désigner, au regard de l'intérêt de l'enfant, les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de sa décision (en matière de régime d'hébergement/de droit de visite).
La contrainte physique sur la personne est donc possible, contrairement à ce qui était précédemment absolument exclu dans la pratique: il s'agit d'une disposition légale qui soulève, à juste titre, bien des questions. L'enfant ou les enfants en question se trouvent déjà dans une position très fragile. Une contrainte physique provoquera incontestablement des traumatismes extrêmes, totalement contraires à l'intérêt de l'enfant. Pourtant, la loi a même été votée par certains fervents opposants à cette exécution forcée, et ce pour différentes raisons.
Premièrement parce qu'en l'espèce, l'exécution forcée ne correspond pas simplement à ce qui se fait habituellement lorsqu'une des parties demande l'exécution d'un jugement. En effet, il y a d'abord le jugement fixant le droit aux relations personnelles. Si une des parties refuse — disons de manière récalcitrante — de s'y conformer, un nouveau jugement peut être prononcé qui constatera le non-respect du jugement initial. Dans la pratique, il y a gros à parier que le juge ordonnera une enquête sociale, qu'il lancera une nouvelle tentative de conciliation ou proposera une médiation.
Si le juge décide finalement d'ordonner malgré tout la mesure d'exécution forcée, il détermine par jugement selon quelles modalités cette exécution doit être accomplie, et désigne notamment les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de sa décision. Au niveau procédural, il y a donc un maximum de garanties pour que l'exécution forcée ait un caractère vraiment exceptionnel et qu'elle soit utilisée avec prudence et de façon bien encadrée.
La deuxième raison pour laquelle certains ont voté cette loi est le fait qu'il fallait absolument un signal législatif fort, mettant définitivement un terme à la culture dominante de la quasi-impunité en cas de non-respect du droit aux relations personnelles. Au fil des ans, un climat de tout-est-permis s'était développé, faute de sanctions, la devise étant: « ils ne pourront de toute façon rien me faire ».
La procédure correctionnelle liée au délit d'abandon de famille (qui est maintenue) aboutit dans de très nombreux cas à une impasse, à une procession d'Echternach, et lorsqu'elle débouche quand même sur une condamnation, l'aliénation parentale est depuis longtemps une réalité, consacrant une injustice criante. Ce nouveau texte de loi traduit incontestablement un changement d'orientation.
La troisième raison, liée au signal donné, qui est bien entendu bien plus qu'un simple signal, est le fait que la nouvelle législation a un effet préventif positif. Avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, même le justiciable potentiellement le plus récalcitrant adoptera dès le départ un profil différent.
La quatrième raison tient au fait que les nouvelles dispositions mettent le plus possible en avant « l'intérêt de l'enfant », qui est non seulement inscrit explicitement dans la loi, associé à la perspective d'une exécution forcée, mais constitue également la philosophie sous-jacente de l'ensemble de la loi, selon la lettre et l'esprit. Il convient de recourir à la mesure ultime de l'exécution forcée avec la plus grande circonspection, afin d'éviter au maximum de traumatiser l'enfant. C'est la raison pour laquelle la loi prévoit expressément que le juge a la possibilité de désigner des personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de sa décision. Le juge choisit lui-même la ou les personnes qu'il estime les plus aptes.
En dépit de toutes ces considérations, il n'y a assurément aucune certitude absolue que tout effet traumatisant soit exclu. À nos yeux, l'objectif absolu doit être de limiter à des situations tout à fait exceptionnelles cette exécution forcée et physique sur la personne de l'enfant.
Une question tout à fait cruciale se pose dans cette optique: le législateur met-il suffisamment d'instruments à disposition pour parvenir à cet objectif absolu ?
Selon nous, la réponse à cette question est sans aucun doute négative. Il y a encore trop de pistes inexplorées qui permettraient de prévenir ou de faire cesser le non-respect du droit aux relations personnelles, l'aliénation parentale progressive et, dans le pire des cas, le rejet parental.
Les autres innovations apportées par la loi du 18 juillet 2006, en plus de l'astreinte et de la possibilité d'une exécution forcée, ne donnent pas au tribunal un arsenal compact et efficace pour aborder la problématique d'une manière fondamentale et énergique. Certes, la saisine permanente prévue par cette nouvelle loi, encore récente, constitue un pas dans la bonne direction. Cela tient au fait que le juge (de la jeunesse) demeure compétent ab initio, si bien qu'il pourra dorénavant prononcer de nouvelles mesures après une ou plusieurs violations du régime d'hébergement/de relations personnelles qu'il a défini, après échange de conclusions ou sur requête écrite. Mais cette saisine permanente demeure un moyen procédural.
Au niveau pratique, aucun nouvel instrument n'est institué.
Le juge a besoin de nouvelles possibilités supplémentaires étendues, sur le plan tant préventif que « curatif ».
Le juge doit disposer de moyens « curatifs », c'est-à-dire de suffisamment d'instruments adéquats lui permettant de réagir dès que le régime d'hébergement prononcé commence à ne plus être respecté correctement ou n'est plus respecté du tout, voire lorsqu'un des parents ne parvient absolument plus à voir son ou ses enfants.
Ces nouveaux instruments doivent répondre aux critères suivants: ils doivent être ouverts à tous, motivants et stimulants au lieu d'imposer une exécution forcée, permettre aux personnes concernées de réagir plus rapidement au lieu de laisser s'écouler trop de temps.
Si l'on parcourt l'ensemble des instruments existants et qu'on en analyse les défauts, on constate le besoin criant de nouvelles possibilités permettant de répondre ou, tout au moins, de mieux répondre aux critères fixés.
La présente proposition de loi a pour objectif d'insérer une de ces nouvelles possibilités dans le Code civil, à savoir la désignation d'un accompagnateur aux relations personnelles.
Le but est de permettre la mise en œuvre rapide et minutieuse, à un stade précoce, c'est-à-dire dès les premières violations du droit aux relations personnelles après la séparation des parents, d'une méthode axée sur les résultats. Le temps est en effet un facteur essentiel dans cette problématique. Plus le temps passe, plus les risques d'aliénation parentale sont grands.
L'enquête sociale classique bien connue est et demeure un instrument important, mais elle présente une série d'inconvénients.
Premièrement, l'enquête sociale fait partie d'une procédure. Sans compter le fait qu'une enquête sociale dure généralement très longtemps, il s'écoule un délai très long entre son terme et le moment où le juge rend son verdict en fonction de celle-ci, car il faut encore entre-temps prendre des conclusions réciproques et fixer une date de plaidoirie. On perd ainsi énormément de temps précieux, ce qui ne fait qu'augmenter encore les risques d'aliénation parentale.
Deuxièmement, le rayon d'action de l'expert désigné pour une enquête sociale (généralement un assistant social) s'inscrit dans le cadre d'une mission relativement limitée. Dans l'énorme majorité des cas, il se borne à quelques entretiens avec les parents. Dans cette optique, l'expert joue un rôle de rapporteur qui, de surcroît, dispose de relativement peu d'informations.
L'accompagnateur aux relations personnelles est bien plus qu'un rapporteur. Son rôle est résolument actif et sa mission est vaste et multiple. Il est chargé d'une mission polyvalente, sans la contrainte de devoir respecter des formalités. Dès sa désignation, il remplit la fonction de médiateur, de contrôleur, de rapporteur, d'informateur et de guetteur. C'est un acteur de terrain qui est, pour ainsi dire, disponible en permanence pour les fonctions qui lui sont attribuées.
Dans une situation où le droit aux relations personnelles n'est plus respecté correctement ou risque de ne plus l'être, il est désigné comme moyen ultime pour tenter de rectifier encore le tir. C'est un assistant personnel qui est disponible aussi bien pour les enfants que pour les parents et dont la mission consiste à faire respecter intégralement un régime d'hébergement ou un droit aux relations personnelles prononcé par le juge.
En tant que médiateur, l'accompagnateur aux relations personnelles aide les parents à prendre des décisions eux-mêmes. Les divergences d'opinions sont mises côte à côte, les parents s'écoutant à nouveau et apprenant à s'écouter. Naturellement, l'accompagnateur aux relations personnelles formule les suggestions nécessaires à tout moment. Il joue également le rôle d'informateur, car il informe en permanence les parents des conséquences néfastes qu'entraîne l'aliénation parentale pour l'enfant, ainsi que des possibilités et des inconvénients des étapes ultérieures de la procédure. Dans ce sens, il a également une fonction de mise en garde. Il peut, par exemple, indiquer à un parent récalcitrant quelles mesures peuvent être prises par le juge, qui peut aller jusqu'à inverser les dispositions relatives à l'hébergement principal.
L'accompagnateur aux relations personnelles assume évidemment aussi la fonction de contrôleur, car il est autorisé, sans formalités, à être présent à tout moment, que ce soit au début ou à la fin d'une période de droit aux relations personnelles, qu'il ait ou non annoncé sa venue.
Ainsi, il est non seulement accompagnateur mais aussi contrôleur. Tout cela lui permet de présenter au juge, pour ainsi dire, un instantané très détaillé des situations précises sur le terrain, en ce qui concerne l'exercice du droit aux relations personnelles, des intentions et de l'attitude des parties.
Dans le cadre de sa fonction, l'accompagnateur aux relations personnelles dispose d'une très grande quantité d'informations, lui permettant, quand il le souhaite, de suggérer au juge de prendre certaines mesures.
L'affaire peut revenir devant le juge à la simple initiative de l'accompagnateur aux relations personnelles.
À cet égard, il convient de souligner une troisième différence importante avec l'enquête sociale classique: le rapport au juge peut se faire et par écrit et oralement. L'accompagnateur aux relations personnelles peut donc faire son rapport au juge à l'occasion d'un entretien. Dans la pratique, cet entretien avec le juge sera, de préférence, plutôt la règle que l'exception. Tout ceci contribuera donc énormément à augmenter la vitesse de traitement.
L'accompagnateur aux relations personnelles est désigné par le juge pour une période déterminée et lui fait rapport, au moins une fois par mois, sur le respect du régime d'hébergement ou de l'exercice du droit aux relations personnelles. Après un entretien avec l'accompagnateur aux relations personnelles, le juge peut décider d'office de faire revenir la cause à l'audience, en vue de prendre les mesures qui s'imposent.
Le Roi fixera les conditions auxquelles doit répondre un « accompagnateur aux relations personnelles ». Le ministre de la Justice dressera ensuite une liste destinée aux tribunaux. L'accompagnateur est évidemment tenu au secret professionnel.
Guy SWENNEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 387ter du Code civil, les modifications suivantes sont apportées:
1º au paragraphe 1er, alinéa 3, il est inséré un quatrième tiret rédigé comme suit:
« — désigner un expert, appelé accompagnateur aux relations personnelles, sur une liste établie par le ministre de la Justice, qui accompagnera les parents et les enfants dans le cadre de l'exercice du droit aux relations personnelles et surveillera cet exercice; la personne désignée fait rapport, chaque mois, de ses constatations au juge; sur les indications de l'expert, le juge peut même d'office ramener la cause devant le tribunal, conformément au présent paragraphe; l'expert est lié par le secret professionnel, conformément à l'article 458 du Code pénal; le Roi fixe les conditions à remplir pour pouvoir être désigné comme expert. »;
2º le paragraphe 3 est abrogé.
24 septembre 2010.
Guy SWENNEN. |