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13 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 6 mai 2008 (doc. Sénat, nº 4-731/1 - 2007/2008).
Depuis vingt ans, le droit des victimes est en constante évolution. Certes l'affaire Dutroux a accéléré ce processus mais celui-ci avait déjà été entamé quelques années auparavant. Les services d'accueil, d'aide et d'assistance aux victimes ont ainsi été créés au niveau de la police, des parquets et des régions et communautés de notre pays. La Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence a également vu le jour. La médiation permet également d'impliquer la victime dans le processus de réparation du dommage subi; au sein de chaque prison on retrouve aujourd'hui des attachés en justice réparatrice.
Le droit des victimes s'est aussi construit progressivement à travers l'élaboration de diverses législations. Ainsi en matière d'exécution des peines, la victime a aujourd'hui la possibilité d'être informée et/ou entendue par le tribunal d'application des peines que cela soit dans le cadre d'un congé pénitentiaire accordé au condamné ou d'une libération conditionnelle. La loi d'avril 2007 réformant l'internement a, elle aussi, accordé les mêmes droits aux victimes que le condamné soit pénalement responsable ou interné.
De nouveaux droits ont également été accordés récemment aux victimes dans le cadre de la phase de l'instruction. L'article 61ter du Code d'instruction criminelle autorise ainsi la partie civile à demander au juge d'instruction l'accès au dossier et l'article 61quinquies du même Code permet à la partie civile de demander au juge d'instruction d'accomplir certains actes d'instruction complémentaires. Toutefois, force est de constater qu'il reste encore des lacunes dans notre législation relative à l'instruction. Il en est ainsi notamment du fait que la loi ne prévoit pas la possibilité d'informer les victimes de la délivrance ou de la levée d'un mandat d'arrêt.
Lors d'un procès d'assises qui s'est tenu à Arlon, les avocats des parents de la jeune fille assassinée ont relayé l'indignation et la souffrance supplémentaire inutile et parfaitement évitable infligée à leurs clients d'avoir appris ... par la presse du lendemain que la personne qui avait été inculpée et mise sous mandat d'arrêt pour le meurtre de leur fille, avait été libérée. N'ayant pas été averties à cette occasion, les victimes ont mis en évidence une lacune importante de notre loi.
L'article 3bis du Code d'instruction criminelle précise pourtant que les victimes d'infraction et leurs proches doivent être traitées de manière correcte et consciencieuse, en particulier en leur fournissant l'information nécessaire; l'article 5bis octroie à la victime qui a effectué une déclaration de personne lésée le droit d'être informée de la mise à l'instruction, ainsi que des actes de fixation devant les juridictions d'instruction et de jugement
Malgré ces différences avancées importantes en faveur des victimes, on ne peut que constater que le cas de figure évoqué ci-dessus n'est pas actuellement visé explicitement par le législateur.
Il convient donc que les victimes qui souhaitent être informées ou éventuellement être entendues le soient quelle que soit la procédure judiciaire suivie et ce, d'autant plus quand il s'agit des affaires les plus graves.
L'objectif de la présente proposition de loi est donc de combler cette lacune en modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive pour permettre une information correcte et respectueuse des victimes pendant toute la durée de l'instruction jusqu'au moment du verdict définitif. Nous avons opté pour une inscription de ces nouveaux droits accordés aux victimes dans la loi relative à la détention préventive elle-même, plutôt que des articles 3bis ou 5bis du Code d'instruction criminelle. En effet, ces dernières années, les nouveaux droits offerts en faveur des victimes ont aussi été inscrits dans les différentes législations qui en définissaient le cadre. C'est ainsi que les droits relatifs à l'information des victimes dans le cadre de l'exécution de la peine figurent dans la loi créant le statut externe des détenus et les tribunaux d'application des peines ou que les droits relatifs à l'information des victimes de personnes internées figurent dans la loi réformant la défense sociale.
La constitution de partie civile près du juge ou de la juridiction d'instruction ou la déclaration de personne lésée près le procureur du Roi ouvriront donc le droit général aux victimes. Ensuite, celles qui le souhaitent devront avertir le juge d'instruction qu'elles veulent être informées et/ou entendues.
L'article 5bis du Code d'instruction criminelle définit le statut de personne lésée. Une personne acquiert le statut de personne lésée lorsqu'elle déclare avoir subi un dommage découlant d'une infraction. Le paragraphe 3 du même article 5bis précise que la personne lésée est informée du classement sans suite et de son motif, de la mise à l'instruction ainsi que des actes de fixation devant les juridictions d'instruction et de jugement.
Ces droits liés à la déclaration de personne lésée sont importants mais ils ne suffisent plus parce qu'ils ne portent pas sur le contenu de la décision elle-même. Ils sont d'abord appliqués de manière très différente selon l'arrondissement judiciaire où la victime a déposé une plainte; des pratiques se sont ainsi développés en sens divers, certains arrondissements informant les victimes, d'autres pas du tout. Ensuite, ces droits tels qu'ils sont actuellement définis, ne permettent pas à la victime d'être informée en temps réel. La présente proposition de loi vise précisément à accélérer l'information de la victime de ce qui constitue pourtant des moments clefs de la procédure judiciaire, à savoir la mise sous mandat d'arrêt et la levée de ce mandat d'arrêt, ainsi que de l'éventuelle libération sous conditions, conditions qui peuvent avoir un lien direct ou indirect avec la victime. Le greffier devra informer la victime le plus rapidement possible des décisions importantes qui ont été prises en la matière.
Les victimes qui se sont constituées partie civile ou qui ont effectué une déclaration de personne lésée pourront donc avertir par courrier le juge d'instruction de ce qu'elles souhaitent être informées de la délivrance d'un mandat d'arrêt ou de sa levée ainsi que d'une libération sous conditions. Elles pourront également demander à être informées des conditions qui les concernent directement si le juge ou les juridictions d'instruction décident d'une libération sous conditions. Par contre, les conditions qui ne concernent que l'auteur (comme par exemple l'obligation de suivre une thérapie) ne seront pas communiquées à la victime.
À ce stade de la procédure, il n'y a encore eu aucun contrôle juridictionnel ni sur la constitution de partie civile, ni sur la déclaration de personne lésée; il est donc important de permettre au juge d'instruction, dans des cas très particuliers, d'empêcher la diffusion de toute information à l'égard d'une « victime », s'il s'avère que celle-ci a manifestement abusé de ce statut de victime pour obtenir des informations qu'elle n'aurait légitimement pas pu obtenir dans le but de nuire ou de mettre en péril la sécurité publique.
Entre le début de l'instruction et le moment du jugement définitif, les victimes qui le souhaitent pourront également, soit directement elles-mêmes, soit par l'intermédiaire de leur avocat, d'un assistant de justice ou d'une association d'aide aux victimes, faire parvenir aux juges ou aux juridictions d'instruction les remarques dans leur intérêt et dont elles voudraient qu'il soit tenu compte au moment de l'octroi d'une libération sous conditions à l'auteur.
Il est également très important pour les victimes que le suivi des personnes libérées sous conditions soit effectué avec rigueur et cohérence. Il est en effet essentiel pour la victime qu'elle puisse informer l'autorité de ce qu'elle a constaté que l'inculpé ne respectait pas une des conditions la concernant et que cette autorité puisse réagir à ce non-respect de manière adéquate. Cela ne signifie évidemment pas que l'autorité devra mettre fin à la libération sous conditions de manière automatique dès qu'il y a un constat avéré de non-respect d'une condition imposée mais que cette autorité devra réagir à l'égard du prévenu (en convoquant l'intéressé, en recadrant la mesure, etc) et informer la victime de la teneur de cette réaction. La proposition de loi vise donc à prévoir expressément ce moment également important de la procédure.
Article 2
Cet article précise le titre du nouveau chapitre qui sera inséré dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Ce chapitre contiendra les articles définissant les nouveaux droits accordés aux victimes dans le cadre de l'instruction judiciaire ainsi que la procédure y afférente.
Article 2 (article 38ter proposé)
La loi du 17 mai 2006 relative au statut externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre de l'exécution de la peine a établi trois catégories de victimes qui peuvent obtenir des informations et/ou être entendues par le tribunal de l'application des peines. Il s'agit de la personne physique dont la constitution de partie civile est déclarée recevable et fondée, des personnes qui étaient mineurs au moment des faits ou en situation d'impossibilité matérielle ou de vulnérabilité les empêchant de se constituer partie civile.
L'idée sur laquelle repose la définition du statut de victimes est assez semblable dans cette proposition de loi compte tenu évidemment des différences notables en termes de procédure judiciaire, puisque dans la loi du 17 mai 2006 on se situe au moment de l'exécution des peines alors que la présente proposition traite du moment de l'instruction judiciaire. Il s'agit dans les deux cas de conférer le statut de victimes à des personnes qui posent un acte de procédure (ici, elles se constituent partie civile ou effectuent une déclaration de personne lésée) plutôt que de réserver ce statut aux victimes des infractions les plus graves comme le faisait la précédente loi relative à la libération conditionnelle. L'avantage de notre proposition et de la loi du 17 mai 2006 est surtout de ne pas faire de distinction entre le type de victimes. Toutes les victimes qui le souhaitent, quel que soit le type d'infractions dont elles sont victimes, pourront obtenir des informations sur la délivrance ou la levée du mandat d'arrêt pour autant bien évidemment qu'elles posent l'acte de procédure voulu.
Compte tenu de la spécificité de la période de l'instruction, il est évidemment impossible d'attendre que la constitution de partie civile ait été déclarée recevable et fondée comme c'est prévu par la loi du 17 mai 2006. C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi contient également une procédure devant le juge d'instruction pour empêcher de « fausses » ou de « vraies » victimes d'abuser du droit qui leur est donné.
Par ailleurs, s'agissant d'affaires qui se situent à l'instruction, soit à un stade encore très précoce de la procédure judiciaire (au contraire évidemment de l'exécution des peines), il est apparu nécessaire aux auteurs de la présente proposition de prévoir que les personnes qui ont effectué une déclaration de personne lésée peuvent, elles également, obtenir légitimement des informations sur la délivrance ou la mainlevée d'un mandat d'arrêt. En effet, dans de nombreux dossiers, il pourrait être matériellement impossible ou en tout cas très difficile aux parties de s'être déjà constituées partie civile au moment où elles souhaitent obtenir l'information sur la délivrance d'un mandat d'arrêt. Le fait d'accorder ce droit aux personnes ayant effectué une déclaration de personne lésée sera « contrôlé » par le pouvoir donné au juge d'instruction ou au procureur du Roi (selon le stade de la procédure) d'empêcher la diffusion d'informations aux victimes qui pourraient en abuser.
Article 2 (article 38quater proposé)
Les victimes qui le souhaitent seront informées de la délivrance d'un mandat d'arrêt évidemment mais aussi de toutes les mesures qui mettent fin à la détention préventive quelle que soit l'instance judiciaire qui y met fin: juge d'instruction, juridiction d'instruction ou de jugement. L'utilisation de l'expression « mettre fin à » est utilisée volontairement pour écarter l'hypothèse où l'inculpé est libéré mais où le parquet faisant appel, cette décision de libération ne sera pas effective immédiatement puisque l'appel du parquet suspend la libération.
Si l'inculpé est maintenu en détention au moment du règlement de procédure mais qu'ensuite, il est mis en liberté provisoire par une des instances prévues à l'article 27 de la loi, il est également indispensable que la victime en soit informée.
Les victimes qui le souhaitent pourront demander aux autorités judiciaires compétentes d'être informées des décisions octroyant une liberté sous conditions, qu'il y ait eu ou pas délivrance d'un mandat d'arrêt et quel que soit le stade de la procédure judiciaire où la décision est prise. La victime a en effet le droit de savoir que la personne n'a pas été mise sous mandat d'arrêt, mais qu'elle a été laissée en liberté moyennant des conditions à respecter.
De plus, si ces conditions la concernent directement, il est important que la victime le sache également. Si par exemple, le juge d'instruction impose comme condition à la libération de l'inculpé, qu'il ne puisse plus entrer en contact, ni importuner la victime, il est évidemment essentiel que la victime le sache (ce qui n'est pas souvent le cas actuellement) et qu'elle sache aussi ce qu'elle doit faire s'il apparaît que cette condition n'est pas respectée. Par contre, si l'autorité judiciaire impose une condition à l'inculpé qui ne concerne pas directement la victime (comme le fait d'obliger l'inculpé à suivre une thérapie ou une formation), il faut alors respecter le droit à la vie privée de l'inculpé et cette condition ne sera pas communiquée à la victime. Dans cette dernière hypothèse, la victime pourra savoir que l'inculpé a été mis ou remis en liberté avec conditions mais ne pourra pas connaître le contenu de ces conditions.
Dans le même ordre d'idées, il est également logique que si des modifications sont apportées aux conditions imposées à l'inculpé en cours de mesure, la victime en soit informée pour autant bien entendu qu'il s'agisse toujours bien de conditions qui la concernent directement.
Pour pouvoir être informées des décisions survenues en cours d'instruction, les victimes devront en faire la demande par écrit au juge d'instruction ou au procureur du Roi selon le moment de la procédure. Cette démarche proactive demandée à la victime repose sur deux idées: il s'agit tout d'abord de responsabiliser les victimes. Responsabiliser doit être entendu ici dans le sens de lui donner un maximum d'autonomie de prendre sa vie en mains. La victime doit donc disposer des informations nécessaires sur les droits dont elle dispose et c'est ensuite à elle de faire la démarche de signaler par un courrier qu'elle souhaite être informée de l'évolution de l'instruction. Le deuxième argument a trait au fait qu'il est tout aussi légitime que certaines victimes ne souhaitent pas obtenir d'informations à ce sujet; il n'y a donc pas de raison d'envoyer les informations concernant la délivrance ou la levée d'un mandat d'arrêt de manière systématique à toutes les victimes alors que certaines d'entre elles ne le souhaitent pas.
S'il s'avérait qu'en cours d'instruction, la victime change d'avis dans un sens ou dans un autre, elle en informera immédiatement le juge d'instruction ou le procureur du Roi (selon le stade de la procédure).
Afin de permettre au procureur du Roi d'exercer sa mission, une copie de la demande écrite de la victime lui sera immédiatement transmise afin qu'il puisse donner son avis à ce sujet.
La victime peut adresser directement elle-même sa demande au juge d'instruction ou au procureur du Roi mais elle peut également le faire par l'intermédiaire de son avocat. Dans les deux cas, il faudra veiller à ce que l'autorité compétente dispose bien de tous les éléments d'information nécessaires de façon à accepter la demande de la victime rapidement.
Si elle le souhaite, la victime pourra trouver assistance auprès des services spécifiques de prise en charge des victimes, que cela soit au niveau du service accueil des victimes des maisons de justice présent dans chaque arrondissement judiciaire ou auprès des services d'aide aux victimes.
La victime peut évidemment pour des raisons qui lui sont propres changer d'avis en cours de procédure et ne plus souhaiter obtenir d'informations au sujet de la délivrance ou de la levée du mandat d'arrêt. Il lui appartient dans ce cas d'en avertir le juge d'instruction ou le procureur du Roi. D'autre part, si la victime souhaite modifier des éléments relatifs aux éventuelles conditions qui la concernent directement (exemple: si la victime déménage et qu'elle souhaite que l'on impose à l'inculpé le fait de ne pas pouvoir habiter dans un rayon de x kilomètres autour de son domicile, il est important que cette information soit communiquée au juge), elle peut le faire également en prenant contact avec le magistrat compétent pour l'en informer.
Article 2 (article 38quinquies proposé)
Cette proposition de loi a pour objectif de conférer un nouveau droit légitime aux victimes, celui d'être informées et/ou entendues dans le cadre d'un moment clef de la procédure judiciaire, la phase de l'instruction. Mais il ne s'agirait pas que des personnes mal intentionnées ou totalement étrangères à l'affaire profitent de cette nouvelle possibilité pour mettre en danger l'instruction, obtenir des informations qu'elles n'auraient pas pu avoir autrement ou exercer des menaces ou des représailles à l'encontre de l'inculpé.
Il paraît donc raisonnable de définir une procédure qui permette au juge d'instruction ou au parquet (selon le stade de la procédure) de refuser à la victime d'obtenir des informations au sujet du mandat d'arrêt ou de sa levée. En instaurant cette procédure de contrôle, il ne s'agit bien évidemment pas de vider de son sens le droit de la victime à obtenir les informations relatives au mandat d'arrêt, mais il s'agit d'éviter des abus qui pourraient nuire gravement à l'instruction judiciaire en cours ou à la sécurité publique.
Le juge d'instruction ou le procureur du Roi peut décider immédiatement, sur base des informations dont il dispose, de refuser le droit des victimes à une des informations prévues à l'article 4 de la présente proposition. Ils peuvent également entendre la victime ou demander des devoirs complémentaires avant de prendre une décision.
Il paraît également légitime de permettre au procureur du Roi de saisir le juge d'instruction d'une requête visant à empêcher que la victime dispose des informations prévues à l'article 4. De la même manière que le juge d'instruction, le procureur du Roi ne pourra utiliser cette requête que s'il apparaît que le fait de donner ces informations met gravement en péril l'instruction en cours, représente une menace grave pour la sécurité publique ou est manifestement abusif.
Article 2 (article 38sexies proposé)
Lorsqu'une libération sous conditions est envisagée et que la victime en a exprimé le souhait tel que prévu par le quatrième alinéa de l'article 4, l'autorité compétente, si elle l'estime nécessaire peut demander soit à la victime directement, soit à son conseil, soit via un assistant de justice qu'il mandate à cet effet, des informations complémentaires sur les conditions que cette dernière voudrait voir imposer à l'inculpé qui va être mis ou remis en liberté moyennant conditions. L'instruction pouvant s'étendre sur un laps de temps assez long, il est important que l'autorité judiciaire compétente puisse disposer de la possibilité de demander à la victime directement ou par un intermédiaire, des informations actualisées sur les conditions qui devraient être imposées à l'inculpé. Il est également important que cette procédure d'actualisation des informations concernant la victime ne retarde pas le processus de libération sous conditions de l'inculpé. C'est la raison pour laquelle, il sera possible de contacter directement la victime elle-même. S'il dispose de plus de temps ou s'il est nécessaire, compte tenu de la situation personnelle de la victime, de passer par un intermédiaire, il pourra alors le faire via le conseil de la victime ou un assistant de justice.
Article 2 (article 38septies proposé)
Une fois le droit reconnu à la victime d'obtenir des informations quant à la délivrance et/ou la levée du mandat d'arrêt, il est alors nécessaire de rendre ce droit effectif.
Afin d'être efficace et pour éviter de multiplier les intermédiaires, le greffier est, sans conteste, la personne la mieux placée pour communiquer directement et rapidement l'information demandée aux victimes. Il dispose de l'information en temps réel et peut donc la répercuter à la victime dès que cela est possible.
Dans l'hypothèse de la délivrance d'un mandat d'arrêt, il pourra informer très rapidement la victime ou son conseil, selon ce que la victime aura souhaité dans sa demande écrite.
S'il s'agit d'une levée du mandat d'arrêt, il disposera également rapidement de l'information et pourra la répercuter à la victime dès que la décision sera devenue définitive. Il faudra évidemment assurer une coordination entre le parquet et l'instruction à cette fin, lorsqu'une instance judiciaire aura décidé de libérer l'inculpé mais que le parquet aura décidé d'aller en appel. Le parquet disposant de 24 heures pour faire appel d'une libération, il serait évidemment problématique qu'une mauvaise information soit communiquée trop tôt à la victime.
Et s'il s'agit d'une libération sous conditions, le greffier de l'instruction ou de l'instance aura également connaissance de l'information et pourra en informer la victime tant sur la décision en elle-même que sur les éventuelles conditions qui concernent directement la victime.
Il faut également définir la manière dont les victimes seront informées. La proposition de loi utilise volontairement les termes « par le moyen le plus adéquat » afin d'accorder un maximum de souplesse à cette procédure compte tenu des moyens modernes de communication. L'objectif à atteindre est d'informer les victimes officiellement par le biais des autorités judiciaires avant qu'elles ne soient éventuellement informées par une tierce personne et notamment la presse. Il s'agit donc de permettre aux greffiers concernés d'utiliser le moyen le plus adéquat (téléphone, GSM, fax, courrier électronique, etc.) leur permettant d'atteindre cet objectif d'information rapide. On ne peut ici qu'encourager à ce qu'un contact préalable ait eu lieu avec la victime afin de connaître le moyen de communication qui paraît le plus adéquat dans le cas d'espèce.
En terme d'efficacité, il paraît donc évident que le greffier est le mieux placé pour donner l'information « brute » aux victimes. Il serait d'ailleurs souhaitable à ce sujet qu'une formation brève soit organisée pour aider les greffiers dans cette tâche. Toutefois, il n'appartient pas aux greffiers d'aller au-delà de la simple communication empathique de l'information. Un autre travail est nécessaire mais relève alors de la compétence des assistants de justice. Il est donc tout à fait essentiel que les victimes sachent qu'elles peuvent contacter le service accueil des victimes de la maison de justice la plus proche de leur domicile afin de pouvoir aborder les questions plus larges qui se posent à elles lors de la délivrance ou de la levée d'un mandat d'arrêt. Il est en effet essentiel que les victimes puissent être, si elles le souhaitent bien entendu, accompagnées tout au long de leur parcours judiciaire. Le fait qu'une personne considérée à tort ou à raison comme l'auteur de l'infraction dont on a été victime, est incarcérée ou libérée n'est évidemment pas anodin pour la victime et suscite chez elle un flot d'émotions qui méritent souvent d'être travaillées. Il faut donc que l'assistant de justice spécialisé dans l'accueil des victimes puisse l'informer correctement sur la procédure judiciaire à suivre, puisse contextualiser et expliquer les décisions prises par les magistrats et orienter les victimes vers des services d'aide spécialisés si cela s'avère nécessaire.
Ce n'est qu'à travers le travail complémentaire des différentes instances concernées que les victimes bénéficieront de l'information à laquelle elles ont droit et partant d'un traitement humain, correct et consciencieux tout au long de la procédure judiciaire.
Article 2 (article 38octies proposé)
Octroyer une libération sous conditions constitue souvent une bonne solution aux différents problèmes soulevés par la détention préventive. Encore faut-il que les conditions soient bien respectées et qu'il y ait une réaction adéquate en cas de difficultés à ce sujet.
La victime doit donc savoir que lorsqu'elle constate qu'un inculpé mis ou remis en liberté ne respecte pas une des conditions qui lui sont imposées et qui la concernent directement, elle peut en informer la police. Celle-ci procédera immédiatement aux vérifications d'usage et en informera l'autorité judiciaire compétente.
Il est alors essentiel que l'autorité compétente réagisse à cette information. Cela ne signifie évidemment pas que cette autorité devra réincarcérer immédiatement l'inculpé libéré mais il doit y avoir une réaction sinon c'est l'ensemble du système qui perd sa crédibilité. Cette réaction peut prendre des formes diverses: convocation de l'intéressé chez le juge d'instruction, à la police, courrier d'avertissement, recadrage, modification des conditions, etc.
Cette réaction indiquera à la victime et à l'auteur que le suivi de la mesure de libération sous conditions est rigoureux et professionnel.
La victime qui en a effectué la demande sera informée des réactions de l'autorité dans les limites et selon la procédure prévue par la présente loi.
Philippe MAHOUX Hassan BOUSETTA Ahmed LAAOUEJ. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans le titre Ier de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, il est inséré un chapitre XI intitulé « De l'information des victimes », comprenant les articles 38ter à 38octies, rédigés comme suit:
« Art. 38ter. — Pour l'application de la présente loi, on entend par « victime », la personne physique qui s'est constituée partie civile près le juge ou les juridictions d'instruction ou la personne qui a effectué une déclaration de personne lésée près l'office du procureur du Roi.
Art. 38quater. — § 1er. Dès la mise d'une affaire à l'instruction et jusqu'au prononcé du jugement ou de l'arrêt, les victimes visées à l'article 38ter peuvent adresser une demande écrite afin d'être informées de:
1º la délivrance d'un mandat d'arrêt;
2º des décisions qui mettent fin à la détention préventive ou qui octroient une mise en liberté provisoire à l'inculpé;
3º des décisions qui laissent ou remettent l'inculpé en liberté sous conditions.
La victime peut également communiquer les conditions qui pourraient être imposées dans son intérêt à l'inculpé en cas d'une éventuelle libération sous conditions.
Dans l'hypothèse du point 3º, les victimes pourront, de plus, demander à être informées des conditions qui ont été imposées à l'inculpé dans leur intérêt ainsi que des éventuelles modifications apportées à ces conditions dans leur intérêt pendant toute la durée de la mesure.
Les victimes adressent leur demande écrite:
1) au juge d'instruction, dès la mise à l'instruction de l'affaire jusqu'à la fin de l'instruction judiciaire;
2) au procureur du Roi, de la fin de l'instruction jusqu'au moment du prononcé définitif du jugement ou de l'arrêt.
Dans l'hypothèse visée à l'alinéa 4, point 1), une copie de la demande écrite est immédiatement transmise par le greffier de l'instruction au procureur du Roi pour avis.
§ 2. Les victimes peuvent adresser cette demande écrite directement elle-même mais elles peuvent également le faire par l'intermédiaire de leur conseil ou avec l'assistance d'un service d'accueil des victimes d'une maison de justice ou d'un service d'aide aux victimes.
À tout moment de la procédure tel que défini au paragraphe 1er, la victime peut faire connaître son souhait de ne plus être informée des suites de la procédure. Elle peut également communiquer aux autorités compétentes toutes modifications quant aux conditions prises dans son intérêt qui pourraient être imposées à l'inculpé en cas de libération sous conditions.
Art. 38quinquies. — § 1er. S'il apparaît que la demande d'informations effectuée par la victime peut gravement nuire à la procédure d'instruction en cours, est manifestement abusive ou pourrait constituer une menace grave pour la sécurité publique, le juge d'instruction ou le procureur du Roi peut par une décision motivée rejeter la demande introduite par la victime. Celle-ci en est informée dans les vingt-quatre heures qui suivent la prise de décision et en reçoit une copie. Le juge d'instruction entend le procureur du Roi à ce sujet. Le procureur du Roi reçoit également une copie de la décision dans le même délai que la victime.
Le juge d'instruction ou le procureur du Roi peut également décider d'entendre la victime ou lui demander des informations supplémentaires avant de prendre cette décision.
§ 2. À tout moment et pour une des raisons mentionnées au paragraphe 1er, le procureur du Roi peut saisir lui-même le juge d'instruction d'une requête visant à refuser ou à retirer l'accès d'une victime aux informations prévues à l'article 38quater.
Art. 38sexies. — Lorsqu'une libération sous condition est envisagée, l'autorité judiciaire compétente peut demander à la victime, qui a exprimé par écrit le souhait d'obtenir les informations prévues à l'article 38quater, alinéa 3, à son conseil ou à un assistant de justice de lui fournir des informations complémentaires sur les conditions qu'elle souhaiterait voir imposer à l'inculpé dans son intérêt.
Art. 38septies. — Dans l'hypothèse où la demande écrite prévue à l'article 38quater a été acceptée, le greffier de l'instruction ou le greffier de l'instance judiciaire devant laquelle l'affaire est fixée, communique à la victime dès que possible et par le moyen le plus adéquat, les informations prévues à l'article 38quater.
Le greffier précise également à la victime que si celle-ci le souhaite, elle peut obtenir des explications supplémentaires auprès du service accueil des victimes de la maison de justice.
Art. 38octies. — La victime qui a connaissance d'un non-respect d'une des conditions la concernant directement par l'inculpé peut le signaler à la police qui fera rapport à l'autorité judiciaire compétente.
Après avoir pris connaissance de ces éléments, l'autorité judiciaire communique la décision prise à ce sujet à la victime concernée. »
20 juillet 2010.
Philippe MAHOUX Hassan BOUSETTA Ahmed LAAOUEJ. |