5-315/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

13 OCTOBRE 2010


Proposition de loi modifiant la loi contenant organisation du notariat et le Code civil, en vue de stimuler la rédaction de testaments en général et du testament public en particulier

(Déposée par M. Guy Swennen)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 4 février 2010 (doc. Sénat, nº 4-1636/1 - 2009/2010).

Les héritages ont toujours été des sources de conflits et de disputes sans fin entre héritiers. Pourtant, notre société s'est manifestement accommodée de ce phénomène, comme s'il s'agissait d'une fatalité. Il ressort d'une enquête parue dans le supplément « Mon Argent » du journal L'Écho (9 juin 2007) que les conflits d'héritage sont légion. Sur dix personnes interrogées ayant déjà hérité au moins une fois dans leur vie, pas moins de quatre ont été ou sont encore en conflit avec un autre héritier. Autrement dit, près d'une succession sur deux débouche sur des disputes. Dans 60 % de ces cas, le conflit entraîne une rupture irrémédiable des liens familiaux. Selon un article publié le 1er avril 2005 par le quotidien néerlandais De Volkskrant, une enquête de l'organisation professionnelle des notaires néerlandais (Koninklijke Notariële Beroepsorganisatie — KNB) révèle que plus d'un quart des familles sont divisées par des disputes sur des questions d'héritage et que le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur. La KNB a tiré cette conclusion après avoir interrogé plus d'une centaine de ses membres. Selon 10 % des notaires interrogés, une succession sur deux dégénérerait en conflit. Une autre étude néerlandaise (Het Volk, 10 avril 2007) a également constaté que les partages de successions entraînaient des disputes ou des ruptures familiales dans un quart des cas. La thérapeute familiale Else-Marie van den Eerenbemt a interrogé 1 821 personnes à ce sujet. Quand on sait par ailleurs que les membres de la famille et l'entourage direct des héritiers sont impliqués dans ces disputes et compte tenu du fait que les disputes soi-disant résolues, qui ne sont pas reprises par les statistiques, laissent néanmoins des marques indélébiles, il est clair que les héritages sont une véritable pomme de discorde entre une myriade de personnes, les Pays-Bas n'échappant bien sûr pas à la règle.

La Fédération royale du Notariat belge confirme l'ampleur des conflits d'héritage. Nous ne disposons pas de statistiques sur le nombre d'actions judiciaires intentées en matière successorale, mais un tour d'horizon nous apprend que ce nombre n'est pas particulièrement élevé. Que ce soit après un laps de temps relativement court ou au terme de plusieurs années de disputes, les héritiers finissent en effet par opter pour un règlement amiable car ils préfèrent jouer la sécurité, ils n'ont pas envie de s'embarquer dans une procédure judiciaire longue et coûteuse et ils veulent en même temps mettre fin à cette douloureuse expérience marquée par une accumulation de malheurs, de soucis et d'autres misères. Ce constat n'enlève pourtant rien au fait qu'une telle épreuve, dont on ressort avec des blessures qui marquent à jamais, est une réalité sociale très répandue, celle des innombrables querelles d'héritages. La sagesse populaire les impute généralement aux frictions refoulées, qui couvent de longue date à l'intérieur de la sphère familiale et qui refont surface à l'ouverture de la succession. Cette même sagesse populaire affirme que l'argent et la cupidité provoquent toujours des disputes. Ces affirmations ont sans conteste un fond de vérité. Les études néerlandaises précitées imputent également les conflits d'héritage (de plus en plus fréquents) à des causes multiples qui s'appliquent aussi aux successions conflictuelles enregistrées dans notre pays: meilleure connaissance de leurs droits par les citoyens, relâchement des liens familiaux, avènement d'une société de plus en plus dure, nombre croissant de remariages et, plus généralement, de familles recomposées, et absence de testament.

Une étude approfondie de notre droit successoral révèle par ailleurs une autre vérité, tout à fait surprenante: notre droit successoral est lui-même la cause de très nombreux conflits d'héritage parce qu'il est devenu obsolète, puisqu'il remonte à l'époque napoléonienne, parce qu'il manque de clarté ou encore parce qu'il est carrément de nature à semer la zizanie entre les héritiers. Nul ne niera qu'il est du devoir du législateur d'abroger ou de modifier toute disposition du droit successoral de nature à favoriser ou à entraîner immanquablement des conflits d'héritage. Mais ce n'est pas tout. Le législateur se doit aussi de relever un défi encore plus considérable: celui d'insérer dans notre droit successoral des dispositions visant à prévenir délibérément les successions conflictuelles. Une réforme de la législation doit donc aller de pair avec une modernisation générale de notre droit successoral, qui réponde parfaitement à la nouvelle réalité sociale.

La présente proposition fait partie d'un train de propositions de loi déposées simultanément pour induire un réel changement d'orientation. En soi, elle illustre parfaitement la manière dont les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle préventif actif en adoptant une législation ciblée et novatrice, non seulement pour combattre les conflits d'héritage, mais aussi pour promouvoir une plus grande égalité en matière de droit successoral entre les citoyens, non pas par le biais de règles supplémentaires, mais par celui d'une politique de stimulation et de conscientisation. La problématique visée est celle des testaments. En matière de conflits d'héritage, les testaments induisent un double phénomène. D'un côté, ils peuvent constituer l'élément déclencheur de conflits d'héritage et de l'autre, leur absence peut également représenter une source intarissable de querelles successorales tumultueuses et douloureuses. L'objectif numéro un de cette proposition est de réformer notre législation en matière de testaments de manière à prévenir un maximum d'héritages conflictuels. Cela sous-entend d'intervenir à deux niveaux: celui des testaments mal rédigés, qu'il faut éviter par des mesures structurelles, et celui des testaments bien rédigés, qu'il faut stimuler le plus possible. Cette idée d'encourager la rédaction de testaments nous amène au deuxième objectif majeur de la présente proposition: promouvoir au maximum la planification successorale. Comme nous le montrerons ci-après, il s'agit d'une pratique sociale en augmentation qui, dans l'état actuel des choses, est surtout l'apanage des personnes les plus nanties et les mieux formées. Par conséquent, en encourageant la rédaction des testaments, l'on pourra faire d'une pierre deux coups.

Le testament olographe

— Conditions et exigences de forme

Comme son nom l'indique, ce testament doit être écrit en entier de la main du testateur. Pour être valable, le testament olographe doit satisfaire à trois conditions.

Premièrement, il doit donc être écrit en entier de la main du testateur. L'utilisation d'un PC n'est pas admissible et aucun mot ne peut être écrit par une personne autre que le testateur. Bien entendu, il doit donc toujours y avoir un écrit: un testament verbal, dicté et enregistré par exemple sur un support DVD ou sur un dictaphone, est sans valeur.

Deuxièmement, le testament doit être daté, et il ne peut y avoir aucun malentendu sur l'indication manuscrite de l'année, du mois et du jour.

Troisièmement, le testament doit être signé de la main du testateur. La Cour de cassation définit la signature comme « la marque manuscrite par laquelle le testateur révèle habituellement sa personnalité aux tiers ».

— Les avantages du testament olographe

Sa gratuité est considérée par beaucoup comme un avantage important étant donné que sa rédaction ne nécessite pas l'intervention d'un notaire. En dehors des conditions énumérées ci-dessus, il n'y a pas d'autres formalités à remplir et cette simplicité rend ce testament très accessible et donc populaire.

Le secret est un autre avantage lié à ce testament: en principe, seul le testateur est au courant de son existence et il a la garantie, s'il le souhaite, d'une discrétion absolue.

En outre, le testateur peut sans problème détruire le testament à tout moment et/ou le remplacer, le modifier ou le compléter. Dans les cas jugés urgents ou lorsqu'il reste très peu de temps pour encore rédiger un testament, le testament olographe constitue également la forme testamentaire indiquée. De même, lorsque le testateur change d'avis régulièrement ou lorsque sa situation patrimoniale se modifie substantiellement, le testament olographe est plus pratique que des passages successifs chez le notaire.

— Les inconvénients du testament olographe

La liste des inconvénients est longue: lors de la rédaction d'un testament olographe, le testateur ne bénéficie d'aucune assistance juridique, si bien qu'il risque de commettre une erreur, soit en ne respectant pas les exigences de forme ou de validité, ce qui provoquera la nullité du testament, soit en contrariant la succession ou dévolution normale, rendant alors le testament totalement ou partiellement inexécutable, sans parler des complications et des litiges qui en découleront. Comme tout acte sous seing privé, un testament olographe n'a qu'une force probante limitée. Il peut être contesté pour des raisons qui lui sont propres: l'on tentera de prouver que sa date est fausse, qu'il a été rédigé à un moment où le testateur n'avait plus toute sa lucidité d'esprit, les héritiers pourront désavouer l'écriture du testateur et demander à celui qui invoque le testament de prouver par une étude graphologique que l'écriture est bien celle du testateur; un testament olographe peut se perdre facilement, il peut être détruit, ne jamais être découvert et, bien que le détenteur d'un testament olographe ne puisse en dissimuler l'existence après la mort du testateur, il s'avère que dans de nombreux cas, le testament n'est jamais divulgué lorsqu'il est tombé « entre de mauvaises mains », par exemple lorsqu'un héritier le découvre et constate qu'il a été déshérité.

En plus du risque que le testament soit déclaré nul ou inexécutable, l'absence d'assistance juridique évoquée ci-dessus induit un autre inconvénient: l'occasion manquée d'être informé sur les possibilités de planification patrimoniale ou successorale et sur leurs modalités d'exécution.

En outre, l'on peut se poser la question rhétorique de savoir s'il ne s'agit pas de la forme testamentaire où l'indépendance du testateur n'est absolument pas garantie: la possibilité de subir une influence inopportune est particulièrement élevée.

Enfin, bien que cet inconvénient survienne après le décès du testateur, le testament olographe doit, pour pouvoir être exécuté, être déposé parmi les minutes d'un notaire; une copie doit en être remise au président du tribunal et l'envoi en possession doit être prononcé (voir l'article 976 du Code civil), si bien qu'il reste encore un grand nombre de formalités à remplir et de frais à couvrir.

Quelques-uns des inconvénients susmentionnés du testament olographe, notamment ceux liés à sa conservation, peuvent être résolus en remettant ce testament à un notaire, qui l'inscrira ensuite dans le Registre central des testaments. Mais il y a à nouveau un prix à payer puisque l'inscription au Registre central des testaments coûte 45 euros.

Cela ne résout évidemment pas les autres problèmes évoqués ci-dessus, notamment le fait de ne pas pouvoir bénéficier des conseils d'un expert en matière de planification successorale, qui varient en fonction de chaque situation individuelle, et les inégalités entre les citoyens en ce qui concerne cette planification successorale (ou l'accès à celle-ci).

— Le testament olographe: une source de conflits d'héritage et d'insécurité (juridique)

Il est clair que les avantages d'un testament olographe ne compensent pas ses nombreux inconvénients. Une chose est sûre: ces inconvénients constituent non seulement une source abondante de querelles d'héritage mais aussi de longues et coûteuses procédures, moins fréquentes dans les autres conflits d'héritage, pour la simple et bonne raison qu'en cas de contestation d'un testament, ce sera dans bien des cas une question de tout ou rien. Les arguments à invoquer pour éliminer au maximum ces inconvénients du testament olographe sont légion. Ses avantages ne sont pas non plus négligeables.

Le testament par acte public ou authentique

— Modalités

Le testament par acte public ou authentique, également appelé testament notarié, est un testament dicté par le testateur au notaire, en présence de deux témoins ou d'un second notaire. Après que le notaire a rédigé le testament (il ne doit entre-temps plus être écrit de la main de son auteur), le testateur est tenu de le signer avec les témoins et le notaire. C'est précisément pour cette raison qu'on le qualifie également de testament public. Le notaire est chargé de la conservation du testament et le fera inscrire dans le Registre central des testaments (RCT).

— Les avantages du testament par acte public

Le grand avantage de ce type de testament est l'assistance d'un expert juridique dont bénéficie le testateur lors de sa rédaction. Le risque de nullité pour non-respect des exigences de forme ou pour manque de clarté est de ce fait pratiquement exclu, et le notaire offre également la possibilité de fournir des conseils sur les différentes possibilités de planification successorale. Ce testament fait l'objet d'un acte authentique, si bien qu'il a une plus grande force probante qu'un acte sous seing privé (testament olographe): la seule manière de le contester est de poursuivre le notaire au pénal pour faux en écritures.

Le notaire est également chargé de conserver le testament ou de le tenir à jour: le risque est donc exclu qu'il se perde ou soit sciemment détruit s'il venait à tomber « entre de mauvaises mains ». Le notaire doit veiller à l'exécution du testament après le décès du testateur. Dès qu'il a connaissance du décès, il convoque les héritiers en son étude, leur donne lecture du testament et veille ensuite à exécuter les dernières volontés du testateur. Contrairement au testament olographe, le testament public peut donc être exécuté sans formalités. Son inscription dans le Registre central des testaments constitue également un atout.

— Les inconvénients du testament par acte public

Les inconvénients du testament par acte public sont en quelque sorte le reflet de plusieurs avantages du testament olographe. La rédaction d'un testament auprès d'un notaire coûte entre 200 et 300 euros. Le secret n'est pas absolu, car il y a l'intervention d'un notaire et de deux témoins ou de deux notaires. En dehors du problème de la discrétion, l'intervention du notaire représente pour beaucoup un sérieux seuil psychologique à surmonter. Et en tant que solution d'urgence, lorsqu'il faut agir vite, par exemple juste avant un départ en vacances, la possibilité de rédaction d'un testament dans une étude notariée n'offre pas la rapidité souhaitée. Pour les jeunes, dont la situation familiale et la carrière professionnelle sont encore incertaines, le testament par acte public n'offrirait pas non plus une solution appropriée. Et pour les personnes qui changent très souvent d'avis, un testament par acte public ne constituerait pas davantage la formule idéale, notamment en termes de coûts.

— Le testament public offre une sécurité juridique et prévient les conflits d'héritage

Il ne fait aucun doute que les avantages du testament par acte public sont légion par rapport à ceux du testament olographe. Une des pistes à emprunter pourrait être de supprimer le testament olographe. Mais le testament olographe offre malgré tout un nombre limité d'avantages que le testament notarié ne pourra jamais apporter, quelle que soit la réforme dont il ferait l'objet: la discrétion absolue, la rapidité et l'absence de formalités quelconques. Ces trois facteurs réunis font que le droit de rédiger un testament de façon manuscrite est considéré comme un élément essentiel de la liberté personnelle. La preuve en est que cette forme testamentaire jouit depuis plusieurs siècles d'une popularité mondiale.

C'est la raison pour laquelle l'auteur de la présente proposition a opté pour une autre solution consistant à emprunter deux pistes différentes, qui seront développées ci-après: d'une part, stimuler très fortement le recours au testament notarié, non seulement pour réduire ainsi le nombre de testaments olographes, mais aussi pour faire augmenter le nombre total de testaments; et d'autre part, encourager une solution intermédiaire palliant le plus possible les inconvénients du testament olographe.

Le testament international

Le testament international ou testament à forme internationale a été introduit il y a quelques décennies dans notre système juridique. Une loi du 11 janvier 1983 a en effet approuvé la Convention internationale de Washington du 26 octobre 1973. L'élaboration est quelque peu complexe et formaliste. Cette forme testamentaire est recommandée dans les cas où un ou plusieurs biens ou personnes dépassent le cadre national. Un testament international est en effet accepté par la législation interne des États qui l'ont reconnu. La présente proposition ne remettant pas en cause l'existence de ce testament ni sa forme, elle n'en examinera pas en détail les formalités.

La fonction positive d'un testament

Dans de très nombreux cas, les héritages deviennent très vite des cadeaux empoisonnés. La méthode par excellence pour prévenir les conflits d'héritage est que le testateur règle tous les détails de sa succession avant sa mort, de manière à exclure, ou du moins à éviter autant que possible, tout litige entre les héritiers. Il peut le faire de différentes manières, les donations entre vifs constituant assurément, d'un point de vue fiscal, la méthode qui offre le plus de possibilités, car elle permet d'éliminer complètement les droits de succession. Un testament ne permet pas de les éviter, bien qu'il offre également un grand nombre de possibilités d'optimisation. De nombreuses personnes choisissent délibérément de rédiger un testament parce qu'elles veulent conserver toute liberté, gardant à l'esprit l'adage selon lequel il vaut mieux garder une poire pour la soif. Pour beaucoup, la sérénité est la priorité.

Outre qu'un testament constitue un outil essentiel pour éviter que les héritiers se retrouvent confrontés à des situations pénibles, il garantit en même temps que les dernières volontés du testateur seront exécutées après son décès. Pour les proches, connaître la volonté du défunt peut avoir un effet positif salutaire. Le grand avantage du testament est qu'il clarifie les choses. Un tel testament est parfois qualifié de stabilisateur car il aide à prévenir les disputes. Préciser dans un testament le mode de partage de certains biens de la succession permet d'éviter de nombreuses querelles familiales. D'un point de vue psychologique, l'on acceptera généralement plus rapidement le partage imposé par le père ou la mère et choisi par eux que celui que les enfants devront convenir entre eux après le décès. Aujourd'hui encore, la volonté du défunt est toujours considérée avec un profond respect. On trouve une forme bien connue de ce genre de testament stabilisateur dans les entreprises, grandes ou petites. Il est plus que souhaitable que, par exemple, l'un des enfants, qui travaille depuis des années dans l'entreprise, en acquière les actions, et que les autres enfants obtiennent une compensation en échange. Si un tel partage doit faire l'objet de négociations entre les enfants, il risque de déboucher sur une situation bien plus explosive que ne le ferait un testament.

Un testament équitable pourrait consister, par exemple, à léguer davantage à un enfant handicapé qu'aux autres enfants. Bien entendu, un testament peut également énoncer des dispositions non patrimoniales, comme le mode d'inhumation (crémation ou enterrement). Un tel testament permet ainsi d'éliminer d'emblée les contestations éventuelles.

La fracture sociale en matière de planification successorale

Traditionnellement, l'on dispose de très peu de statistiques sur la culture testamentaire belge. D'après certaines données datant du début des années 90 du siècle dernier, 16 % des successions belges se transmettent par voie testamentaire. À l'époque, il s'avérait que pour un patrimoine de plus de 50 000 euros, le nombre de successions acquises par voie testamentaire était déjà de 27 %.

Il y a peu, la Fédération royale du Notariat belge a lancé un « baromètre des notaires ». Citons un extrait du communiqué de presse qui fut consacré à cette initiative: « Il est frappant de constater qu'au cours du second trimestre (de 2009), l'on a également rédigé moins de testaments: l'on a observé une diminution de l'indice de 9 % par rapport au premier trimestre et de 15 % par rapport au deuxième trimestre de 2008. Les citoyens reportent également l'écriture de leur testament en temps de crise. Ce qui semblerait paradoxal car le testament est le moyen par lequel il est possible d'élaborer des arrangements (familiaux) ».

En revanche, les deux constats suivants ne nécessitent pas de matériel d'étude scientifique.

Premièrement, les personnes qui disposent d'un patrimoine plus important contactent régulièrement, par la nature des choses, des experts en matière de gestion financière et de planification patrimoniale, si bien qu'elles se tournent aussi beaucoup plus facilement vers la planification successorale et donc notamment aussi vers les testaments. Deuxièmement, au cours des dernières années, l'intérêt pour la planification successorale a augmenté, ce qui a permis d'affiner les techniques et les méthodes, en tenant compte notamment des nouvelles réalités sociales. Il est évident que les personnes qui ont suivi une formation supérieure sont mieux informées et qu'elles recourent plus rapidement et plus souvent à ces méthodes, ce qui renforce encore la fracture sociale à cet égard.

Combien de citoyens pourraient affirmer connaître les clauses d'optimisation d'un testament telles que le legs de residuo, le testament divide et impera ou le legs en duo ?

En examinant ces considérations à la lumière des conclusions de l'enquête du journal L'Écho — supplément Mon Argent (septembre 2008), on peut imaginer à quel point les inégalités sont grandes en la matière. Pour l'enquête, le magazine a sondé 1 050 Belges de plus de 40 ans sur leur expérience de la planification et de la préparation d'une succession, et sur leurs connaissances et opinions en la matière. Il en ressort qu'à peine 35 % des Belges sont au courant des règles de base absolues du droit des successions. 85 % des Belges de plus de 40 ans n'ont encore rien entrepris pour régler leur succession, à peine un quart d'entre eux réfléchissaient déjà à ce qu'il adviendrait de leur patrimoine après leur mort et s'informaient déjà sur les possibilités de planification successorale. Et enfin, parmi les Belges qui ont déjà préparé la transmission de leur patrimoine à la génération suivante, 1 sur 3 l'a fait de sa propre initiative.

Leviers structurels pour favoriser la rédaction d'un testament par toutes les couches de la population et promouvoir pleinement le testament notarié

1. L'INSTAURATION DE LA GRATUITÉ POUR LA RÉDACTION D'UN TESTAMENT NOTARIÉ ET/OU POUR UN ENTRETIEN DE PLANIFICATION SUCCESSORALE

La gratuité est la raison principale pour laquelle de nombreuses personnes optent pour le testament olographe et non pour le testament notarié.

À y regarder de plus près, le coût ne s'avère pas si élevé, mais la perception est toute autre et renforce le seuil psychologique qui empêche encore de nombreuses personnes de pousser la porte d'une étude notariale. En Belgique, un testament notarié coûte entre 200 et 300 euros, montant comparable à ce qui est réclamé aux Pays-Bas: entre 149 et 298 euros. Le testateur espagnol est le plus chanceux: il ne paie que 31,61 euros. La France paraît relativement bien lotie avec un prix maximum de 45,92 euros, mais le revers de la médaille est qu'à l'ouverture de la succession, le notaire perçoit 0,825 % de sa valeur. Au Luxembourg, le prix oscille entre 74,37 et 396,63 euros, en Autriche, le coût est de 150 euros, les Allemands paient environ 300 euros et les Italiens 500 euros. Cette analyse comparative européenne du coût du testament notarié ne fait pas non plus apparaître des montants anormalement élevés.

Il n'en demeure pas moins que si l'on veut donner un solide coup de pouce au testament notarié au détriment du testament olographe, afin de stimuler de façon générale la culture belge du testament, le mieux à faire est de supprimer l'obstacle du coût. Si l'on choisit d'emprunter cette voie et si l'on souhaite insuffler un changement vraiment radical, il faut le faire de façon fondamentale. Il s'agit également d'une question de perception et de marketing.

Gratuité de la rédaction d'un testament authentique par le notaire, gratuité de l'entretien de planification successorale

Il est proposé que chaque citoyen disposant de la capacité juridique requise pour léguer ses biens ait droit à un entretien d'information gratuit avec un notaire sur les possibilités de planification successorale sur la base de la situation individuelle de l'intéressé, et qu'il ait également droit, s'il le souhaite, à la rédaction gratuite d'un testament notarié. Il convient évidemment de prévoir un garde-fou anti-abus, de manière à ne pas ouvrir toutes grandes les portes des études notariales à des personnes demandant une longue série de consultations gratuites pour modifier ou remplacer leur testament tous les x mois. Tout citoyen aura le droit de changer deux fois d'avis (et donc d'obtenir aussi gratuitement deux modifications successives de son testament, en combinaison avec une assistance spécialisée pour l'élaboration de ces testaments).

Lorsque ces passages gratuits auront été épuisés, le tarif normal pour la rédaction d'un testament notarié sera de nouveau applicable, sauf si la situation personnelle du testateur s'est modifiée sur le fond et que cela remet en cause la structure des dispositions testamentaires. Nous pensons notamment à une séparation, à un divorce ou au prédécès d'héritiers en ligne directe, autant de situations qui inciteront le testateur à formuler des dispositions nouvelles, modificatives ou additionnelles.

Les droits d'inscription au registre central des testaments sont supprimés pour les testaments notariés et maintenus pour les testaments olographes

Généralement, un droit de 50 euros est imputé pour l'inscription d'un testament au RCT. Ce droit est supprimé pour les testaments notariés et maintenu pour les testaments olographes, afin de promouvoir au maximum le testament authentique. Les testaments olographes non enregistrés sont ceux qui offrent généralement le moins de sécurité juridique. Les testaments olographes enregistrés sont rédigés dans de nombreux cas après un entretien avec le notaire et offrent davantage de sécurité juridique, même si celle-ci est très souvent insuffisante. L'auteur a délibérément choisi de ne pas faire de distinction entre les deux « types » de testaments olographes.

Gratuité pour le citoyen, un peu de pro deo pour le notaire, ou peut-être même pas encore dans l'immédiat

La déduction professionnelle compensatoire

Cela signifie-t-il que le notariat sera simplement obligé de collaborer gratuitement à toute cette opération ? Non, car si l'on demande effectivement une contribution perceptible au notariat, on prévoit aussi, d'autre part, de lui offrir une déduction professionnelle compensatoire, qui équivaut toutefois plus ou moins à la moitié du coût actuel.

L'effort imposé au notariat se justifie par le fait qu'il existe un système pro deo pour les avocats, qui permet de faciliter l'accès à la justice. Le règlement proposé ici en constitue une variante mutatis mutandis. L'instauration d'un système pro deo pour le notariat, dans le seul but de promouvoir le testament par acte public, serait trop complexe et entraînerait trop de formalités pour le citoyen; en réalité, elle aurait même un effet dissuasif. Dans cette proposition, le système de points compensatoires pour les avocats peut-être comparé à la déduction professionnelle compensatoire. Pour réaliser la déduction professionnelle compensatoire, il est proposé qu'à chaque enregistrement d'un testament au nom d'un habitant de ce pays, le notaire puisse imputer une déduction professionnelle de 125 euros, sauf si le seuil esquissé ci-dessus est dépassé.

Ce montant pourra être adapté par arrêté royal afin de suivre l'évolution de l'indice des prix.

Peut-être même pas du tout de pro deo

Les mesures proposées auront sans aucun doute des retombées positives sur le notariat. Elles entraîneront la rédaction de bon nombre d'actes de planification successorale, ce qui constitue également une compensation perceptible. Ou peut-être même plus ...

Aucune compensation pour un entretien gratuit de planification successorale

Dans la pratique actuelle, un grand nombre d'avis sont déjà donnés gratuitement. En inscrivant le principe dans la loi, l'on provoquera également un effet d'appel compensatoire.

2. PLUS BESOIN DE TÉMOINS POUR UN TESTAMENT NOTARIÉ

La pratique montre que de nombreuses personnes optent pour un testament olographe parce que les deux témoins leur posent un problème fondamental. Elles voient en leur présence une violation fondamentale de la discrétion souhaitée.

Jusqu'à présent, l'on s'en est toujours tenu à l'exigence que deux témoins cosignent le testament notarié. Cette exigence de forme, qui remonte à l'époque napoléonienne, a été prévue pour une société qui, depuis lors, a radicalement changé, qu'il s'agisse des personnes qui souhaitent rédiger un testament et de leur capacité d'appréciation, ou de la valeur et de l'importance des biens ou encore de l'attitude envers l'officier public, qu'est le notaire. L'heure est venue de supprimer ce règlement archaïque, qui témoigne d'une méfiance tant vis-à-vis du testateur que vis-à-vis du notaire.

Guy SWENNEN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans la loi du 16 mars 1803 (25 ventôse de l'an XI) contenant organisation du notariat un article 9/1 rédigé comme suit:

« Art. 9/1 — § 1er. La rédaction, la conservation et l'inscription des testaments par acte public dans le registre central des testaments sont effectuées gratuitement par le notaire instrumentant.

Il en va de même pour les modifications éventuelles faites par le testateur, moyennant toutefois une limitation à deux modifications.

Des modifications ultérieures ne seront gratuites que si la situation personnelle du testateur s'est modifiée de manière radicale à la suite d'une séparation ou du prédécès d'un héritier réservataire.

§ 2. À titre de compensation pour sa prestation de service gratuite, le notaire a le droit d'inscrire pour chaque prestation visée au paragraphe 1er une déduction fiscale de cent vingt-cinq euros au maximum.

Le Roi en fixe les modalités précises, ainsi que l'adaptation du montant précité à l'évolution de l'indice. »

Art. 3

Dans l'article 10 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées:

1º à l'alinéa 1er, le 1º est abrogé;

2º le dernier alinéa est abrogé.

Art. 4

Dans l'article 971 du Code civil, remplacé par la loi du 16 décembre 1922, les mots « , en présence de deux témoins » sont supprimés.

24 septembre 2010.

Guy SWENNEN.