5-309/1

5-309/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

13 OCTOBRE 2010


Proposition de loi instituant le liquidateur de divorce en vue d'assouplir la liquidation-partage en cas de divorce

(Déposée par M. Guy Swennen)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 6 mars 2008 (doc. Sénat, nº 4-621/1 - 2007/2008).

La loi du 27 avril 2007 réformant le divorce qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2007, constitue une avancée importante vers un divorce totalement sans faute. En dépit de cette réforme, il reste encore un long chemin à parcourir dès lors que dans l'état actuel des choses, le divorce ne peut pas vraiment être considéré comme dénué de toute notion de faute en droit belge. Le divorce, au sens de rupture du lien conjugal, s'obtient pour ainsi dire totalement sans faute dans le cadre de la procédure de divorce sans faute que nous connaissions déjà, à savoir le divorce par consentement mutuel, mais aussi dans le cadre du divorce pour cause de désunion irrémédiable des époux.

La notion de faute continue à jouer un rôle au niveau des effets du divorce et, en particulier, pour ce qui est de l'octroi ou non d'une pension alimentaire entre époux.

Certains partisans d'un divorce totalement dénué de la notion de faute, ainsi que les opposants à la nouvelle loi qui dénoncent la possibilité de rupture trop souple et trop rapide du lien conjugal, estiment à tort que, dans le cadre des divorces conflictuels, la polémique ne portera plus sur l'obtention proprement dite du divorce, mais sur ses conséquences.

Ce raisonnement est manifestement inexact, et ce pour trois raisons.

Premièrement, la nouvelle loi offre la possibilité d'obtenir le divorce unilatéralement et sans faute sur la base d'une séparation de fait d'un an, ce qui aura un effet préventif considérable sur le plan psychologique. Les instances en divorce « interminables » n'ont plus aucune raison d'être. Comme les époux savent que la décision interviendra de toute façon après un an cela les incitera à s'asseoir plus rapidement autour de la table pour trouver un accord à l'amiable. Le nombre de divorces conflictuels ira donc en diminuant.

Deuxièmement, en promouvant l'idée que l'on peut obtenir le divorce sans invoquer de faute, la nouvelle loi tord en réalité le cou à l'idée que la rupture de la relation conjugale est conditionnée par un élément de faute. Ce changement de mentalité contribuera lui aussi à faire diminuer sensiblement le nombre de divorces conflictuels: la « culture du divorce consensuel » aura encore plus le vent en poupe.

Troisièmement, il subsistera effectivement des divorces tournant au conflit sur la question de l'octroi d'une pension alimentaire, ce qui s'explique par le maintien de la notion de faute en la matière. Mais la bataille juridique à propos de la faute justifiant l'obtention du divorce ne se transformera pas pour autant en bataille juridique sur les conséquences du divorce, pour une raison qui coule de source, mais que l'on a tout simplement beaucoup sous-estimée: le nombre de litiges en matière de pension alimentaire basés sur le critère de l'état de besoin (nouvelle loi) sera tout à fait marginal car nous vivons dans une société où le modèle du ménage à deux revenus s'est largement généralisé.

Le maintien de la notion de faute pour l'octroi d'une pension alimentaire n'y fait aucunement obstacle.

Il y a néanmoins une source majeure de divorces conflictuels que la nouvelle loi sur le divorce n'a pas réformée: la procédure de liquidation-partage.

Cette procédure constitue, pour diverses raisons, une source de désaccord et de mésentente interminables entre les ex-époux.

D'abord, parce que les articles qui règlent actuellement la liquidation-partage ne prévoient pas de procédure vraiment contraignante, du moins en ce qui concerne les délais et le calendrier de procédure. Il est de notoriété publique qu'une partie litigante récalcitrante ou déraisonnable a toute latitude et tous les moyens de provoquer mille atermoiements de procédure.

Ensuite, parce que la législation actuelle contient un mécanisme qui « invite » les parties à entrer dans une procédure de confrontation et qui active et stimule donc en quelque sorte la dimension conflictuelle. La réglementation actuelle distingue même plusieurs phases conflictuelles clairement identifiables.

Au départ, le notaire désigné procède à l'ouverture des opérations, après quoi les parties doivent lui exposer leurs points de vue. En second lieu, à défaut d'accord, le notaire établira un projet de partage, sur lequel les parties formuleront à nouveau des observations. Faute d'accord, le notaire dressera un procès-verbal de dires et difficultés et ce n'est qu'à ce moment que commencera la troisième étape, la procédure proprement dite devant le tribunal.

En recourant à la désignation d'un expert, la présente proposition élimine plusieurs « phases de confrontation ». Après l'ouverture des opérations de liquidation-partage, un expert — le liquidateur de divorce — prend position très rapidement et formule ses conclusions dans un rapport d'expertise.

Les conclusions que les parties peuvent formuler ne tiennent plus de l'affrontement de points de vue divergents, mais elles ne sont que de simples observations sur la proposition ou le rapport d'expertise du liquidateur de divorce. Un calendrier précis est bien sûr fixé.

Indépendamment du fait que le divorce ait été demandé par un des époux ou par les deux époux conjointement, il est prévu que, si les époux ne parviennent pas à un accord sur la liquidation et le partage de leurs biens, le tribunal désigne un expert (avocat ou notaire) qui dispose d'un délai de six mois (ou neuf, suivant la complexité des dossiers) pour élaborer une proposition complète de liquidation-partage qu'il transmet aux parties et au juge avant l'expiration de ce délai. Les parties ont alors un mois pour communiquer leurs observations sur cette proposition, par voie de conclusions. Le juge statue ensuite définitivement dans un délai d'un mois.

Cette procédure permet de limiter à environ un an la durée de la liquidation-partage consécutive à un divorce, alors qu'actuellement, une procédure de ce type peut parfois prendre des années.

Une question fondamentale qui se pose à cet égard est de savoir qui pourra exercer la fonction de liquidateur de divorce. Nous sommes d'avis qu'il doit s'agir de personnes possédant une expérience suffisante des divorces et des procédures connexes de liquidation-partage. C'est pourquoi nous proposons qu'il doive s'agir obligatoirement d'un avocat ayant au moins dix années d'expérience du barreau ou d'un notaire ayant au moins dix années d'expérience du notariat (ou d'une combinaison des deux).

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article insère, à l'article 1257 du Code judiciaire, une référence au liquidateur de divorce et à la procédure de liquidation-partage.

Article 3

Si les époux ne parviennent pas à un accord ou ne parviennent qu'à un accord partiel sur la liquidation, le juge renvoie le dossier au liquidateur de divorce qui peut être un avocat ou un notaire. Ce dernier dispose d'un délai de six mois pour formuler une proposition par écrit.

Dans les trois mois de sa désignation, le liquidateur de divorce devra disposer bien entendu d'un aperçu le plus fidèle possible de la situation de chacun des époux et il devra pouvoir effectuer les contrôles nécessaires à cet égard. Il est également prévu que sa mission pourra être prolongée (de trois mois) si le dossier qui lui est soumis présente un certain degré de complexité.

Il est assujetti au statut d'expert, sauf dispositions contraires de la présente loi. Il est également tenu de respecter les règles en matière de confidentialité, de secret et de secret professionnel.

Article 4

Compte tenu de la nature de leur mission, les liquidateurs de divorce doivent être familiarisés avec la procédure de liquidation-partage en cas de divorce, ce qui semble garanti avec des avocats ou des notaires qui ont au moins dix ans d'expérience professionnelle.

Article 5

Le rapport du liquidateur est transmis au juge et aux époux qui disposent d'un délai d'un mois pour formuler, le cas échéant, des objections sur le rapport en question, après quoi le juge se prononce, à nouveau dans un délai d'un mois.

Guy SWENNEN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 1257, alinéa 3, du Code judiciaire est complété par ce qui suit:

« conformément aux articles 1259 et suivants ».

Art. 3

L'article 1259 du même Code, abrogé par la loi du 27 avril 2007, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 1259. — § 1er. Si les époux ne sont pas parvenus à un accord ou s'ils ne sont parvenus qu'à un accord partiel sur la procédure de liquidation-partage, le juge désigne un liquidateur de divorce et fixe la date de la prochaine audience dans un délai ne pouvant pas dépasser six mois.

§ 2. Sauf dispositions contraires, la section VI de la quatrième partie, livre II, titre III, du même Code est applicable au liquidateur de divorce.

§ 3. Sauf lorsque le dossier présente un degré de complexité exceptionnel, auquel cas le liquidateur de divorce peut demander une prolongation du délai ne pouvant pas dépasser trois mois, le liquidateur de divorce rédige, pour la date fixée au paragraphe 1er, une proposition de règlement détaillée et motivée de liquidation-partage du régime matrimonial ou des indivisions. Cette proposition est transmise au juge et aux époux.

§ 4. À cet effet, le liquidateur de divorce invite chacun des conjoints ou l'un d'eux à lui faire parvenir, dans les trois mois de sa désignation:

1º un document attestant le régime matrimonial applicable et, le cas échéant, une copie du contrat de mariage, des modifications qui y ont été apportées, des conventions matrimoniales et des donations entre époux;

2º un inventaire fidèle et complet de tous les biens mobiliers et immobiliers, valeurs et droits qui concernent les époux ou l'un d'entre eux, ou dont ils sont propriétaires;

3º une proposition précise, détaillée et complète de règlement de la liquidation et du partage du régime matrimonial et des indivisions.

La proposition mentionne, le cas échéant, l'attribution ou la cession de biens et valeurs mobiliers ou immobiliers propres ou des droits y afférents.

§ 5. Sur simple demande, le liquidateur de divorce est habilité à vérifier auprès de chaque service ou organisme public ou privé la fiabilité des informations communiquées par les époux, ainsi qu'à obtenir toutes les informations supplémentaires nécessaires. »

Art. 4

L'article 1260 du même Code, abrogé par la loi du 30 juin 1994, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 1260. — Le liquidateur de divorce est choisi parmi des avocats et des notaires ayant au moins dix ans d'expérience professionnelle. »

Art. 5

L'article 1260bis du même Code, abrogé par la loi du 30 juin 1994, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 1260bis. — Dans le mois qui suit la réception de la proposition du liquidateur de divorce, chacun des époux peut transmettre ses observations sur la proposition au juge ainsi qu'à l'autre époux.

Le juge fixe la date de l'audience à laquelle il se prononcera sur la liquidation et le partage, dans le mois qui suit l'expiration du délai visé à l'alinéa 1er. »

24 septembre 2010.

Guy SWENNEN.